l'Afrique face au grand bouleversement mondial.

  • il y a 2 mois
Transcript
00:00Bernard Lugand, bonjour.
00:02Bonjour.
00:03Ravi de vous revoir dans votre deuxième pays, le Maroc.
00:06Vous êtes là pour la présentation de votre dernier ouvrage, dont vous nous avez gratifié,
00:13intitulé « Le Sahara occidental en 10 questions » et sorti aux éditions Ellipse.
00:19Alors on va en parler dans la deuxième partie de notre échange,
00:22mais tout d'abord revenons au Sahel, qui est votre sujet de prédilection,
00:27et que vous maîtrisez mieux que beaucoup.
00:29C'est un de mes sujets.
00:30Tout à fait un de vos sujets, effectivement.
00:32Et j'aimerais revenir sur les trois pays du Sahel qui ont connu un coup d'État ces dernières années.
00:39Alors le Burkina Faso, le Mali, le Niger.
00:42Alors ces trois pays, par-delà la question du coup d'État,
00:46ils ont adopté un discours que l'on peut qualifier aisément de souverainiste.
00:49On le voit dans les éléments de langage utilisés par Hassimi Goïta.
00:53Après dix ans de présence des forces étrangères sur notre sol,
00:56nous avons compris que la logique était plutôt d'entretenir l'insécurité
01:01et de nous maintenir dans la dépendance.
01:05C'est la raison fondamentale pour laquelle le peuple malien a décidé de prendre en main sa sécurité.
01:11Avec la nouvelle dynamique consécutive au retrait de l'administrement
01:15et les opérations militaires en cours,
01:17le Mali recouvrera sa souveraineté sur l'ensemble de son territoire.
01:22Et un discours d'émancipation vis-à-vis de toute forme de tutelle.
01:26Ce qui les a amenés à entrer en confrontation
01:28autant avec la France et la présence militaire française
01:30qu'avec l'Union africaine, la CDAO et l'Algérie, pour le cas du Mali.
01:36Alors peut-on dire que nous assistons au début de quelque chose
01:39qui pourrait prendre la forme d'une vraie émancipation,
01:42du moins régionale et peut-être demain continentale,
01:45et d'intégration continentale de cette région ?
01:48Ce qui est intéressant, c'est de voir que les trois pays ont les mêmes lois politiques naturelles.
01:53Ce sont des pays du Sahel qui, tous les trois,
01:57ont une réalité géographique climatique qui est très claire
02:03et qui, tous les trois, ont la même problématique ethnique.
02:07Alors Nord-Sud dans le cas du Niger, dans le cas du Mali,
02:14mais également Nord-Sud, mais également Est-Ouest dans le cas du Burkina Faso.
02:19Donc deux pays qui ont des fortes structures ethniques,
02:24c'est-à-dire communautaires, et dans lesquelles, depuis les indépendances,
02:31les pays occidentaux, dont la France,
02:36s'obstinent à vouloir définir des solutions politiques individualistes.
02:42C'est le premier problème.
02:44La première conséquence de la situation, à l'heure actuelle, selon moi,
02:48c'est en fait l'éclatement au grand jour
02:52de l'impossibilité de la transposition, de la démocratisation
02:57du type « one man, one vote » dans ces pays.
03:00Ça, c'est le premier point.
03:01Je dois dire que, moi, ça me satisfait beaucoup,
03:04parce que ça fait quand même plus d'un demi-siècle
03:07que j'explique que ce type de démocratie est incompatible
03:12avec l'ordre naturel et avec les sociétés traditionnelles.
03:17Ça, c'est le premier point.
03:18Le deuxième point, c'est que nous assistons également à la fin
03:23de l'ingérence qui a été une ingérence, selon les périodes,
03:30politique, économique, et maintenant en plus culturelle et existentielle,
03:36avec les nouvelles mœurs que les pays du Nord prétendent imposer en Afrique.
03:42Et c'est la fin de ça.
03:44C'est l'éclatement.
03:45Il a donc fallu attendre plus de 20 ans après l'éclatement du bloc de l'Est
03:54et près de 70 ans après les indépendances
03:58pour voir un début de tentative de réalité indépendante.
04:02Jusqu'à présent, ces pays-là n'étaient pas indépendants.
04:06Alors vont-ils avoir les moyens de jouer cette carte ?
04:10Ça, je ne sais pas. L'avenir le dira.
04:12Mais pour l'historien, c'est fascinant de voir que nous sortons d'un paradigme complètement.
04:19Deuxième fait qui m'intéresse beaucoup,
04:22c'est de voir que ces trois pays vont avoir exactement la même réaction.
04:27Et autre conséquence, autre constatation,
04:31tout ce qui, à l'heure actuelle, relève encore de l'internationalisme
04:38et de l'idéologie internationale
04:41ou des conceptions économico-politiques internationales
04:44se sont dressées contre ces trois pays.
04:46Qu'il s'agisse de la CEDEAO ou tout le reste,
04:49ce sont des transpositions de la Weltanschung européenne.
04:54Et là, c'est un rejet.
04:57Alors évidemment, la classe politique française n'a rien compris comme d'habitude.
05:02Les faire-valoir des Occidentaux en Afrique de l'Ouest n'ont rien compris non plus.
05:11C'est un mouvement qui est tout à fait intéressant.
05:14Aura-t-il un avenir ? Je ne sais pas.
05:19Mais c'est intéressant parce qu'il y a pour la première fois
05:22une volonté de se définir soi-même.
05:27Et ce qui est également intéressant, c'est de voir que les trois pays
05:32sont bien conscients des dangers qui les menacent.
05:35Ils savent très bien qu'en ayant suivi cette politique,
05:38ils se sont privés d'aides qui seraient très utiles
05:44à la fois au point de vue survie économique et au point de vue survie politique
05:48dans le contexte des guérillas, du terrorisme, etc.
05:53Vont-ils être capables, avec l'aide de la Russie,
05:57vont-ils être capables d'arriver à survivre ?
06:03Là où les groupes terroristes n'ont pas été éradiqués
06:10par les opérations françaises et internationales pendant des années,
06:15vont-ils, eux, avec leurs petits moyens locaux,
06:19réussir à venir à bout de ces tigres terroristo-islamistes ?
06:26On verra, je ne sais pas du tout.
06:28Mais c'est une ouverture qui est tout à fait intéressante
06:33et je dirais même, à certains côtés, qui est sympathique.
06:39Moi qui suis un ethno-différentialiste, qui suis un anti-impérialiste
06:44et qui suis pour, comment dirais-je,
06:47le refus de l'imposition de modèles extérieurs à des sociétés
06:52qui ont leur propre définition,
06:55moi je trouve que c'est sympathique.
06:57Nous sortons, si vous le voulez, du diktat démocratique
07:02prononcé à la boule par le président Mitterrand.
07:05Nous sortons du diktat économique du FMI
07:09et de ces messieurs de l'ordre économique international.
07:13On va voir. Ce qu'ils font, c'est sport.
07:17Bonne chance.
07:19Toujours concernant le Sahel,
07:22vous établissez toujours une différence entre des États
07:26qui ont une tradition étatique à une profondeur historique
07:29et d'autres États totalement nouveaux
07:31et dont la configuration ethnique ne correspond à rien d'historique
07:35et qui est l'une des causes de l'entretien des conflits.
07:38Mais parmi ces trois pays, il y a quand même un pays
07:41qui a une certaine tradition étatique, à savoir le Mali.
07:44Notamment le sud du Mali, le royaume Sanghaï, l'Empire du Mali.
07:47Est-ce que cet atout, qui d'après vous peut-être existe encore
07:51dans l'imaginaire collectif chez les Sanghaïs,
07:54pourrait faire du Mali l'épicentre,
07:57si jamais c'est aventuré ici,
07:59d'une forme de confédération sahélienne indépendante
08:02avec pour centre de gravité politique le Mali ?
08:05Alors historiquement, il y a eu des États dans cette région.
08:08Il y a eu le royaume Bambara, les royaumes Bambara, Sanghaï, etc.
08:14Disons que dans ces régions,
08:17chaque fois qu'il y a eu constitution d'un État,
08:20d'abord, les États n'ont pas survécu, généralement, à leur fondateur.
08:25Mais chaque fois qu'il y a eu constitution d'États,
08:28les États se sont fait autour d'une ethnie.
08:31Ce ne furent jamais des États pluriethniques.
08:35Il y avait bien sûr plusieurs ethnies,
08:38mais elles avaient été soumises par l'une des ethnies.
08:41C'est d'ailleurs une réalité qui est fondamentale.
08:45Il y a un noyau dur qui constitue un ensemble.
08:49Alors tant que le pouvoir central est fort,
08:52il n'y a pas d'émiettement,
08:54mais chaque fois que le pouvoir central connaît des difficultés,
08:58soit des successions ou autres,
09:00il y a le mouvement qui éclate.
09:03C'est un mouvement en Nancy.
09:05Il est faux de dire qu'il n'y a pas eu d'États dans ces régions,
09:09mais en revanche, il est inexact de dire
09:12que les États actuels sont des représentations
09:15de ces États qui ont existé à l'époque précoloniale.
09:18Alors, les Mambaras au Mali,
09:22les Songhai, ces grands ensembles,
09:25vont-ils être capables, autour d'eux-mêmes,
09:28ou les Mossis ? Bien sûr, les Mossis.
09:31Cinq cas à part, parce que le Mossi est un État qui a survécu.
09:35D'ailleurs, si vous prenez l'exemple du Burkina Faso,
09:38vous constatez qu'en fait, les événements se situent
09:41sur le cercle, sur les périphéries du bloc Mossi.
09:44Le bloc Mossi n'est pas touché.
09:47On se bat à l'intérieur de ce cercle périphérique au monde Mossi
09:53avec des ethnies qui sont minoritaires
09:56et qui, elles, sont travaillées par les islamistes.
09:59Donc, le bloc Mossi, pour le moment, résiste.
10:02Sa forte tradition est à dire.
10:05Alors, il commence à être menacé, mais il résiste encore.
10:08Donc, je ne sais pas. Moi, je ne fais pas de prospectif.
10:11Je définis des grandes réalités historiques.
10:14Mais le problème de ces pays, c'est pas tellement cela.
10:17C'est qu'il va toujours y avoir l'opposition avec le Nord.
10:22Parce que, autant les ethnies du fleuve
10:27et les ethnies au sud du fleuve ont le même mode de vie.
10:31Ce sont à peu près les mêmes modes de vie.
10:34Autant, ce mode de vie est très différent avec celle du nord du fleuve.
10:37À la fois, à l'ouest, les Mauves.
10:40Et au parti central, les Touaregs.
10:43Alors, comment ces populations vont-elles réagir ?
10:48Regardez au Niger, à l'heure actuelle,
10:51les Touaregs sont dans l'opposition.
10:55On parle même de redébut d'un certain mouvement Touareg.
11:00Quant au Mali, on va en reparler tout à l'heure avec l'Algérie.
11:05Quant au Mali, le phénomène n'est pas réglé.
11:09Le problème n'est toujours là.
11:12L'on parlait, il y a quelques temps, de l'indépendance de la Zawada.
11:17Quelle est une vue de l'esprit ?
11:19Je crois que si le Mali veut se projeter dans l'avenir,
11:25il faudrait qu'il se débarrasse du nord.
11:28Vous voyez ce que je veux dire ?
11:30C'est compliqué.
11:31C'est compliqué.
11:32C'est compliqué.
11:33Parce que, d'un côté comme de l'autre,
11:36il y a une incompatibilité.
11:38Et il y aura toujours un problème.
11:40Même si, en superficie, on peut croire qu'on s'arrange, etc.
11:47Il y aura toujours ce problème.
11:50Mais les Touaregs sont-ils toujours autant enracinés qu'ils le furent avant ?
11:54Parce qu'il y a quand même des exodes.
11:56Non.
11:57Le monde saharien a beaucoup bougé.
12:00Autre phénomène.
12:02Les agglomérations sahariennes Touareg sont maintenant en majorité non-Touareg.
12:07Il y a eu un exode rural.
12:09Il y a eu une colonisation des sudistes vers le nord.
12:13Et inversement, on n'est pas des Touaregs.
12:15Mais il n'empêche que, dans l'esprit et dans les réflexions politiques,
12:22ceci est encore très important.
12:24Et ça, on ne l'effacera pas.
12:26On ne l'effacera pas.
12:27C'est une réalité.
12:28Alors, comment vont-ils s'arranger ?
12:31Fédération, confédération ?
12:33En fait, ce qui a provoqué la grande rupture entre le Mali et la France,
12:40c'est que la France a voulu jouer les équilibres.
12:44La France a sauvé les sudistes au début de l'opération Serval
12:49quand les nordistes sont descendus sur Bamako.
12:52Et dans un deuxième temps, la France a empêché la reconquête du nord par le sud.
12:59J'ai fait un communiqué, moi, dès 2012, sur mon blog,
13:02en disant « Désormais, la France va être au Mali,
13:05prise entre le marteau Touareg et l'enclume sudiste ».
13:10Il fallait partir.
13:12Ou il fallait, surtout, ce que j'avais également préconisé à l'époque,
13:17dire aux sudistes « Nous avons sauvé Bamako,
13:21nous allons reconquérir pour vous, car c'est la France qui a reconquis les villes du nord,
13:26mais chaque reconquête doit s'associer chez vous
13:31à une ouverture politique avec les nordistes.
13:34Sortez de votre esprit… »
13:36En fait, ils avaient une constitution plus ou moins fédérale,
13:38mais c'était du jacobinisme appliqué.
13:41Et il aurait fallu conditionner cela à un accord politique.
13:45Ou alors partir, en disant « L'indépendance a eu lieu,
13:49nous ne sommes plus chez nous, nous n'avons pas la volonté,
13:52nous n'avons pas les moyens et nous n'avons pas le droit
13:55de gérer le pays à votre place.
13:57Donc, là, on vous a aidé en bloquant cette offensive,
14:00maintenant, débrouillez-vous, au revoir. »
14:02– Encore fallait-il peut-être même ne pas intervenir en Libye,
14:06ce qui aurait permis de faire l'économie de tous seuls.
14:10– Là, c'est la période de Sarkozy qui a été une période catastrophique.
14:14Nous payons aujourd'hui les conséquences de la politique de Sarkozy,
14:17d'un tout point de vue.
14:18Sarkozy est aligné sur la politique américaine.
14:20Le deal qui était passé, c'est la France évacue l'Afrique,
14:22laisse la place aux États-Unis.
14:24Voilà, donc, bien sûr, là, c'est ce deal,
14:27les bases françaises étaient en train de tout démanteler, etc.
14:30Moi, j'ai publié un article, l'autre jour,
14:35expliquant qu'en fait, l'Europe va en revenir au XVIIIe siècle en Afrique.
14:42C'est-à-dire, l'abandon de l'intérieur du continent mystérieux et le littoral.
14:49En fait, la politique des comptoirs.
14:51Parce que, finalement, l'Europe n'a pas d'intérêt en Afrique,
14:54sauf dans certaines zones particulières.
14:57Alors, il suffit d'être installé dans des bons rapports avec les États côtiers.
15:02De toute façon, s'il y a des richesses à exporter, elles s'exporteront par la mer.
15:05Donc, autant être au point d'aboutissement.
15:07En plus, la colonisation a créé des autoroutes, des voies ferrées.
15:09Tout aboutit dans ces grands ports.
15:11Donc, inutile d'user ces ergots,
15:13que le coq gaulois cesse d'user ces ergots dans les sables du désert
15:17et qu'une protection des zones maritimes se fasse avec un retour.
15:22C'est pas que les anglo-saxons, qui eux sont des marins, ont compris cela.
15:25Alors que nous, Français, qui sommes des terriens,
15:28enfin des marins, mais surtout des terriens,
15:31nous sommes enquistés dans ces terres de soleil et de sommeil,
15:36comme des psycharis,
15:38et nous avons perdu des hommes,
15:41et puis nous avons perdu notre temps.
15:44En même temps, France, par ce biais-là,
15:47a privé tant de membres d'États de leur pleine souveraineté,
15:50alors qu'elle aurait pu continuer à commercer avec eux,
15:53dans un schéma de souveraineté mutuelle, comme vous l'expliquez.
15:56La France n'a pas d'intérêts commerciaux.
15:58– Et quand même l'uranium ? – Non, c'est rien.
16:01L'uranium du Niger, c'était 6% de la production française.
16:04Non, la France n'a pas d'intérêts.
16:06Il faut bien voir que l'Afrique au sud du Sahara,
16:11je ne parle pas de l'Afrique du Nord,
16:13l'Afrique du Nord, je veux dire de l'Égypte au Maroc,
16:15je ne parle pas du Maroc.
16:16L'Afrique au sud du Sahara représente 1,5% du commerce extérieur français,
16:26et la zone sahélienne représente 0,05%.
16:34Ça n'existe pas.
16:35Donc, ce ne sont pas des intérêts économiques.
16:37Le Niger a représenté un intérêt pour l'uranium il y a 20 ans,
16:42maintenant c'est terminé, d'autant plus que la France
16:47a des mines d'uranium sur son propre territoire.
16:49Les écologistes interdisent qu'on l'exploite,
16:52mais demain, la France est privée d'uranium,
16:55elle est autonome.
16:57Il y a simplement dans le Tarn,
16:59simplement dans le département du Tarn,
17:01il y a une mine d'uranium qui n'a pas été mise en activité,
17:04qui a 15 ans d'activité,
17:06qui à elle seule fournit la totalité des besoins français,
17:09dans le département du Tarn, une seule mine.
17:11Il y a à peu près 30 à 40 gisements d'uranium en France
17:15qu'on n'exploite pas.
17:17Par exemple, on a découvert du pétrole dans la région parisienne,
17:20les écologistes interdisent les forages.
17:23Il y aura un jour où ces charlatans de l'écologie
17:28seront renvoyés à leurs chères études
17:30et où le réalisme l'emportera.
17:32Le discours qui est souvent le discours
17:37d'une présence française pour des intérêts économiques au Sahel,
17:41c'est de l'idéologie et du baratin.
17:44Le froid diplomatique avec la France, ça on le comprend bien,
17:49mais qu'en est-il de l'Algérie ?
17:51Qu'est-ce qui se passe entre le Mali et l'Algérie ?
17:53Le Mali accuse l'Algérie d'ingérence.
17:55Certains parlent même d'une exploitation illégale
17:58de certaines richesses du Mali par l'Algérie,
18:02mais pour l'instant il n'y a rien d'officiel.
18:04Qu'est-ce qui se passe ?
18:05Il se passe.
18:06Ce que j'ai dit depuis toujours,
18:08c'est que pour les Algériens,
18:11le Mali est une sorte d'arrière-cours.
18:14Pourquoi ?
18:15Parce que le nord du Mali est peuplé par des Touaregs,
18:18et ces Touaregs sont apparentés aux Touaregs qui sont en Algérie,
18:22ce qui fait que l'Algérie a toujours eu un œil
18:25sur ces mouvements Touaregs.
18:28Si vous reprenez l'histoire,
18:30il y a eu sept guerres Touaregs,
18:32tous les accords de paix ont été organisés par les Algériens,
18:36ou ont été signés en Algérie.
18:39L'Algérie considère le nord du Mali comme semi-protectorat,
18:44et l'Algérie intervient dans le nord du Mali
18:48à travers ses affidés, que nous connaissons très bien.
18:52Or, l'Algérie a toujours eu une double politique,
18:58une, soutien aux Touaregs,
19:01mais interdire aux Touaregs d'être indépendants,
19:05parce que l'indépendance des Touaregs
19:07aurait pu avoir des conséquences sur les Touaregs algériens.
19:10Donc une politique d'équilibre.
19:12En quelque sorte, l'Algérie, qui est l'héritière de la France,
19:16à tout point de vue, dans ses frontières,
19:18dans ses mentalités jacobines, dans sa faction de fonctionnés,
19:21dans son idéologie, dans son refus du réel,
19:24l'Algérie, vraiment, est l'héritière de la France.
19:27L'Algérie se retrouve aujourd'hui au Mali
19:29dans la situation qui fut celle de la France
19:31avec l'opération Serval,
19:33c'est-à-dire entre l'enclume et le marteau.
19:35Et là, elle a pris un coup de marteau,
19:37parce qu'il est bien évident que le nouveau régime
19:40qui est au pouvoir à Bamako
19:43est un régime qui ne peut pas accepter
19:46l'irrédentisme touareg.
19:49Et il est évident que si ce régime
19:52reprend complètement le contrôle du nord du Mali,
19:55il va y avoir des conséquences avec les Touaregs.
19:58Donc l'Algérie est obligée d'intervenir.
20:01Et elle est intervenue, comme souvent en ce moment,
20:04très maladroitement.
20:06On se demande vraiment
20:08s'il y a encore une politique étrangère
20:10et un corps diplomatique algérien.
20:13L'Algérie a eu une forte diplomatie
20:15dans les années 70-80.
20:17Là, véritablement, ils subissent
20:20et tout leur pète à la figure.
20:23L'arbitrage entre le Mali et l'Algérie
20:26sera-t-il russe, à votre avis ?
20:28Parce que d'un côté, la Russie et le Mali
20:30indirectement et indirectement
20:32ont restauré sa pleine souveraineté,
20:34notamment sur le nord, à travers Wagner,
20:36qui a changé de nom depuis,
20:38mais également à travers l'armée russe régulière
20:40qui fournit des armes, qui forme techniquement.
20:42Et de l'autre côté, la Russie livre l'Algérie en armes.
20:45Donc elle a un levier de pression sur les deux.
20:48Peut-elle arbitrer entre les deux, à terme ?
20:51On peut voir le problème de deux manières.
20:54La Russie a-t-elle un levier de pression
20:58où l'Algérie peut-elle être prise
21:00entre l'enclume et le marteau ?
21:02Parce qu'il y a un moment où la Russie,
21:05je parle de la Russie,
21:07il faudra que la Russie choisisse.
21:09La Russie ne peut pas à la fois soutenir
21:12un régime malien qui combat les Touaregs,
21:17qui eux-mêmes sont soutenus par l'Algérie,
21:21qui est le client militaire de la Russie.
21:24Il y a un moment, il faudra...
21:26Trancher ou arbitrer ?
21:28Trancher ou trouver un compromis ?
21:30Obliger les deux à se mettre autour de la table
21:32et négocier ?
21:33Mais sur quel thème ?
21:35Sur le thème de l'autonomie plus grande
21:37donnée aux Touaregs,
21:38les Sudis n'en veulent pas.
21:40Et les Touaregs savent que c'est une escroquerie pour eux.
21:43Donc, je crois que...
21:46Pour le moment, pour les Russes,
21:48tout est beau car tout est nouveau.
21:53Cela marche parce qu'ils sont
21:55dans une optique entièrement militaire.
21:57Par exemple, ce qu'ils ont réussi en Centrafrique,
22:00c'est excellent.
22:01Ils ont fait ce que les Français n'ont pas osé faire
22:03en raison des journalistes et des droits de l'homme.
22:06Parce que les militaires français étaient
22:08tout à fait capables de le faire.
22:10On savait qui il fallait liquider pour éviter le problème.
22:12Les Russes l'ont fait.
22:14Les Russes ne se sont pas tenus par les ligues,
22:17par Amnesty International
22:19et par tous les collabos qui luttent
22:21contre leur propre pays, toutes ces ONG.
22:24On aurait dit à l'armée française,
22:27à la fois au Mali et en Centrafrique,
22:30les gars, c'est comme la guerre d'Algérie.
22:32On va gagner.
22:34Peu importe, on y va, on gagne.
22:36Le but de gagner et le but n'est pas de perdre.
22:38Très bien réussi.
22:40On avait les pieds et les poings liés
22:42par les groupes de pression.
22:46Amnesty International, Droits de l'Homme,
22:49Presse de Gauche, Journal Libération,
22:51tous ces gens qui n'ont qu'une vue politique
22:57tirés contre leur propre pays.
22:59Pour le moment, les Russes n'ont pas ce problème.
23:02Il va se poser un problème politique.
23:05Il y a un moment où il va falloir sortir du militaire pur,
23:09il va falloir passer aux politiques.
23:11Ils ne pourront pas se contenter éternellement
23:13d'être une milice armée.
23:15Il va falloir passer aux politiques.
23:17C'est là où les Russes vont découvrir
23:20ce que sont les complexités africaines.
23:23Ils ont des gens qui sont de très bons africanistes.
23:27Je l'ai vu il y a quelques années
23:29quand j'ai donné quelques conférences
23:31homme guimaud à Moscou.
23:33J'ai vu des grands africanistes,
23:35des gens qui connaissent bien l'Afrique.
23:37Mais de là à entrer dans le détail,
23:41j'allais dire, entre guillemets,
23:43ce qu'on appelait affaires indigènes
23:45du temps de la colonisation française...
23:47Ils connaissent mais ils n'ont jamais pratiqué.
23:49Ils n'ont pas pratiqué.
23:51Vous me direz, ils connaissent avec le Caucase.
23:53Ils le pratiquent au Caucase.
23:55Les centrales, le Caucase...
23:57Alors, vont-ils être capables
23:59de transposer une expérience
24:01de ces zones en Afrique ?
24:03Je ne sais pas.
24:05Je reste dans les grandes interrogations.
24:07Pour le moment, je constate, on verra.
24:09C'est tout récent, c'est tout jeune.
24:11Pour le Niger, c'est il y a quelques mois.
24:13Le Tchad, ça commence à peine.
24:17Donc, voyons, laissons le temps venir.
24:21Puis le Soudan, ça continue encore.
24:23Le Soudan, il n'y a pas que le Soudan.
24:27Le Soudan, ça a d'autres problèmes.
24:29Parce qu'il y a beaucoup de gens
24:31qui ont intérêt
24:33à déstabiliser le Soudan.
24:37Comme il y a beaucoup de gens
24:39qui ont intérêt à déstabiliser l'Éthiopie.
24:41Alors, ceux qui ont intérêt
24:43à déstabiliser l'Éthiopie
24:45sont ceux qui voudraient
24:47que l'Éthiopie freine
24:49ses politiques de mise en eau
24:51du grand barrage.
24:53Et de l'autre côté,
24:55l'Éthiopie a tout intérêt
24:57à déstabiliser le Soudan
24:59de façon à ce que le Soudan
25:01ne soit pas l'allié de l'Égypte.
25:03Donc, c'est un système.
25:05Or, la Russie et la Chine
25:07sont impliqués.
25:09Ils ne peuvent pas jouer
25:11sur deux tableaux à la fois.
25:13Il va falloir être clair.
25:15Pour le moment, la mer avance.
25:17La mer monte.
25:19Il y a un moment où il va falloir
25:21établir une digue.
25:23Alors, ça va arriver quand ? Je ne sais pas.
25:25Moi, je regarde avec beaucoup de curiosité
25:27ce qu'il se passe.
25:29Pour le deuxième volet qui concerne
25:31votre dernier livre, on ne va pas l'aborder là
25:33parce que j'invite tous nos spectateurs
25:35à visionner la conférence
25:37intégrale de votre intervention
25:39que l'on a réalisée aujourd'hui, juste avant l'entretien,
25:41qui sera publiée dans quelques jours
25:43sur ODCtv. Vous avez tout le loisir
25:45et le plaisir de découvrir tout l'argumentaire
25:47développé dans ce livre. Mais j'aurais une question
25:49quand même par rapport à ce livre.
25:51Quel intérêt auraient les Français
25:53à lire de Sarah Occidental en 10 questions ?
25:55Votre dernier ouvrage.
25:57Les Français ? Pas que les Français.
25:59Mais en tout cas les Occidentaux. Les Marocains, les Norvégiens.
26:01Tout simplement pour voir
26:03que d'un côté, il y a une approche
26:05totalement idéologique,
26:07totalement artificielle, qui est l'approche
26:09de l'Algérie et du Polisario.
26:11Et de l'autre côté, une réalité
26:13qui est une réalité inscrite dans l'histoire,
26:15dans le droit,
26:17dans la culture, dans la religion,
26:19parce que
26:21ces régions se référaient
26:23à l'autorité
26:25religieuse, donc politique
26:27des sultans du Maroc.
26:29C'est une histoire
26:31qui est une histoire complètement
26:33occultée en Europe.
26:35Tout simplement parce que la gauche
26:37française et européenne,
26:39depuis
26:41les années 70,
26:43a pris fait et cause
26:45pour la version algérienne.
26:47Et comme la droite
26:49ne combat jamais
26:51au point de vue intellectuel,
26:53la droite perd tous ses combats,
26:55quand la droite arrive au pouvoir
26:57en France, elle est là pour
26:59gérer
27:01les décisions qui ont été prises par la gauche avant.
27:03On n'a vu nulle part la droite
27:05revenir sur des décisions politiques prises par la gauche.
27:07La droite, c'est le suivisme
27:09de la gauche.
27:11C'est la prise en forme d'une manière cohérente
27:13des décisions politiques de la gauche.
27:15C'est pour ça que
27:17les républicains n'existent plus,
27:19parce que les gens commencent à s'en rendre compte.
27:21C'est très intéressant ce qui se passe.
27:23Très intéressant ce qui se passe à la fois, on en parlait tout à l'heure,
27:25pour l'Afrique,
27:27avec la fin d'un paradigme,
27:29pour l'Europe aussi. C'est la fin du paradigme
27:31européocentriste.
27:33C'est la fin d'un paradigme
27:35droite-gauche.
27:37Partout, l'on sent que les peuples
27:39reviennent à
27:41des réalités
27:43qui ont été occultées par
27:45l'universalisme idéologique
27:47pendant des années. Aussi bien les Africains
27:49qui ont subi le néocolonialisme
27:51occidental, celui
27:53culturel, économique,
27:55philosophique.
27:57Même chose pour nous.
27:59Chez nous, en Europe, c'est extraordinaire
28:01parce que les délires
28:03LGBT et
28:05les folies
28:07des nouvelles philosophies
28:09de l'existence,
28:11ça va aller contre un mur.
28:13Ça va aller contre un mur parce que
28:15l'ordre naturel va reprendre dessus.
28:17Ça sera peut-être la grande occasion
28:19d'un grand nettoyage.
28:21Et le non-dit que nous subissons
28:23nous depuis les révolutions du XVIIIe siècle,
28:25parce que la France subit
28:27le résultat
28:29des révolutions du XVIIIe,
28:31nous sommes encore dans
28:33l'héritage de la révolution de 1989,
28:35qui est une révolution
28:37qui a pris ce vieux pays
28:39de France complètement
28:41à l'envers, qui a tout renversé.
28:43On peut parler également du coup d'État républicain.
28:45Le coup d'État républicain, on voit bien
28:47en France à l'heure actuelle les libertés
28:49qui n'existent plus.
28:51Les libertés n'existent plus.
28:55Ces gens parlent sans arrêt de démocratie
28:57et de peuple et refusent
28:59le référendum parce qu'ils savent
29:01que le peuple va
29:03les renvoyer à leurs chères études.
29:05Il y a une révolution mondiale
29:07et je pense que
29:09cette révolution également
29:11se fait à la faveur
29:13de ce qui se passe dans l'Est de l'Europe,
29:15à la faveur de
29:17la guerre entre la Russie et l'OTAN.
29:19Je ne dis pas la guerre entre la Russie et l'Ukraine,
29:21c'est une guerre entre la Russie et l'OTAN.
29:23Les malheureux ukrainiens n'étant
29:25là-dedans que, comment dirais-je,
29:27la chair à canon
29:29de l'Europe.
29:31Oui, c'est la chair à canon,
29:33c'est triste,
29:35c'est lamentable.
29:37On se rend compte tout de même
29:39qu'il y a presque
29:41un combat civilisationnel
29:43qui est en train de se dérouler.
29:45Aujourd'hui,
29:47l'Asie,
29:49l'Afrique,
29:51l'Amérique du Sud
29:53comprennent
29:55que
29:57si
29:59l'OTAN
30:01l'emporte,
30:03ce sont des valeurs
30:05qui sont refusées par ces pays
30:07qui vont l'emporter.
30:09J'allais dire la civilisation Coca-Cola
30:11contre la civilisation des icônes.
30:13Ce n'est pas exactement
30:15la même chose.
30:17C'est un grand bouleversement qui se prépare
30:19en Afrique, partout.
30:21Je crois que nous arrivons
30:23à la fin du cycle
30:25et à des paradigmes qui meurent
30:27et à des nouveaux qui se produisent.
30:29Alors, ça va prendre du temps.
30:31Sous quelle forme ?
30:33Mais le vieil ordre
30:35né en 1945 est mort.
30:37Bernard Lugo, merci infiniment
30:39pour vos éclairages
30:41et j'espère vous revoir très prochainement.
30:43Merci.