Se protéger d'une laideur.

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00:00Le principe des gens comme toi et comme moi, on ne va pas se mentir, c'est d'avoir un
00:12espèce de refuge d'un petit monde qu'on s'est créé à nous, où on a créé par
00:17nos vêtements ce qu'on mange et ces cercles proches de la décoration d'intérieur, du
00:22jardin, des filtres de protection pour ne pas trop subir la contamination presque radioactive
00:27de la laideur du monde, on en est là en réalité si on est honnête entre nous, on se protège
00:32de toute cette merde.
00:33Et moi quand je vais faire les courses à la grande surface, parce que je vais avec
00:37mon caddie, je vis un moment qui n'est pas totalement un moment de souffrance, parce
00:43que c'est presque un moment de... tu sais comme j'étais en train de regarder une planète
00:48où tout est moche, tu vois ce que je veux dire ? Mais tout est moche, les gens sont
00:51moches, les produits sont moches, le décor est moche, les vêtements sont moches, tout
00:56est laid.
00:57Et à un moment donné je passe une demi-heure en apnée dans un océan de laideur pour remplir
01:03quand même mon caddie de produits de première nécessité, et après je rentre chez moi
01:08et qu'est-ce que je fais ? Je me remets dans mon univers où j'ai essayé de mettre du
01:12beau autour de moi pour me décontaminer, tu vois ce que je veux dire ? On pourrait faire
01:15une espèce de film comme ça de science-fiction, tu vois ? Contamination, décontamination.
01:19Et le problème aujourd'hui c'est même pas de prendre le pouvoir, c'est d'échapper
01:23à la contamination de la laideur et du mensonge permanent, tu vois ? Alors qu'avant les lieux
01:28de laideur étaient quand même plus circonscrits.
01:30Quand tu sortais de Paris, dans les années 60, tu sortais de Paris, au bout de 5 minutes
01:35t'étais déjà à Clamart, t'étais déjà dans la demi-campagne et la campagne où il
01:39y avait de la beauté, c'est-à-dire de l'herbe, des murs en pierre, des bâtiments, tu vois
01:42machin.
01:43Aujourd'hui t'as le glacis de la banlieue, tu vas de Paris jusqu'à Roissy, c'est 50
01:48kilomètres, c'est de la laideur à chaque mètre pendant 50 kilomètres.
01:52Tu vois ce que je veux dire ? C'est ça aussi, Robert Crumb a créé des albums très très
01:56beaux là-dessus sur l'Amérique, tu sais comment, d'une Amérique originelle avec beaucoup
02:00de campagnes, tu sais, belles comme les westerns de John Ford, à un moment donné t'arrives
02:03à un univers urbain et périurbain monstrueux, monstrueux, tu vois, d'une laideur totale.
02:08Et il y a toujours des gens pour dire qu'il y a la beauté de la laideur, moi je veux bien,
02:11tu vois, ça c'est en général les snobs qui ne vivent pas dedans, tu vois, mais je
02:14te garantis que dès que t'as les moyens d'échapper à cet univers-là, tu sais, le but d'un mec
02:18de banlieue comme moi au départ, c'est passer le périph', c'est passer le périph' pour
02:22aller m'installer au quartier latin, tu vois ce que je veux dire ? C'est ça la vérité,
02:24parce que le quartier latin c'est beau, tu vois, de traîner autour de Luxembourg, de
02:29la Sorbonne, j'ai fait, qu'est-ce que j'ai fait à 20 ans ? J'ai fait ça, alors que
02:32je venais de me donner la forêt, et même après de la cité des Merlettes à Hannemasse,
02:36pour ceux qui veulent savoir ce que c'est que le trou du cul du monde, vous allez voir
02:39la cité des Merlettes à Hannemasse, vous voyez, et bah à un moment donné tu te dis,
02:42parce que t'as un peu de, t'as quelque chose en toi, tu te dis si je reste là, je
02:45vais me pendre, tu vois, tellement c'est moche, tellement tout est moche et médiocre
02:49et minable, tu dis, ça vaut pas le coup de vivre si je reste là, tu vois, alors t'es
02:53peut-être orgueilleux parce que tu as une vie qui veut dire quelque chose, et tu te
02:56casses, et tu te casses, et puis t'arrives à Paris, et t'arrives au quartier latin,
03:00tu te dis, ah là, je respire, on voit la grande culture française qui est présente
03:04partout, par les monuments, les statues, les noms des rues, et c'est de ça dont on parle
03:09avec Nakamura, tu vois, c'est que ça, elle fait partie des totems de l'aideur imposée
03:13aujourd'hui, tu vois, c'est un totem de l'aideur, à tout, physiquement tout, je
03:17veux dire, la musique, les fringues, la voix, les cosmétiques, c'est, voilà, et moi j'essaye
03:21de ne pas être contaminé par ça, voilà, on a un peu dérivé, mais c'est peut-être…
03:26– Non, non, mais vous répondez à une question, d'ailleurs, je vous déconterais de ce sujet-là,
03:31c'est comment se protéger, justement, de cet effondrement culturel, parce que bon,
03:35c'est un sujet interrogatif, voilà, on n'a pas d'intérêt, on vit un effondrement culturel,
03:40voilà, si on a un certain peu de culture, on peut l'observer, là, on a traité ce soir
03:45quasiment que de la musique, on restera sur ce sujet, je pense, mais comment se protéger,
03:51c'est justement, comme vous dites, d'avoir des repères, moi, je vous avoue que j'écoute
03:56beaucoup de musique que j'écoutais lorsque j'avais 20-30 ans, et ça dépasse rarement
04:01les années 2000, ça dépasse rarement, il y a des groupes, je sais que vous les appréciez
04:05également, c'est Radiohead. – Radiohead, c'est un grand groupe des années 90-2000
04:10qui fait encore de la très bonne musique, à une période qui est un peu tardive pour moi,
04:14et je reconnais que Radiohead, ils sont au niveau.
04:16– Sous-titrage Société Radio-Canada
05:14– Et récemment, j'avais écouté un groupe anglais, que je trouvais pas mal,
05:20qui était Metronomy, tu vois, c'était il y a déjà 10 ans, je me dis, tiens,
05:23il y a quelques morceaux qui sont pas mal, tu vois, il y a un mélodiquement au niveau des sons, etc.
05:28Donc, j'essaie quand même, de temps en temps, de pas être un vieux con qui n'est que dans la nostalgie,
05:33et de temps en temps de me dire, tiens, il y a des mecs en ce moment, j'ai vu qu'il y a des mecs
05:35en Australie, en Nouvelle-Zélande, qui font des trucs musicaux plutôt pas mal.
05:38En général, c'est du vintage.