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00:00Chers amis, allez, on commence cette matinale, il est lundi matin, j'espère que vous allez bien, merci d'être sur Tocsin.
00:05Ce matin, je vais encore vous embêter, on va encore parler d'éducation, on va encore parler d'enfants, on va parler d'enseignement, on va parler de compétences aussi, vous allez voir.
00:13Et pour ça, j'ai fait appel à Romain Vigneste. Bonjour Romain Vigneste, comment allez-vous ?
00:17Bonjour Nicolas, très bien, et vous-même ?
00:19Je suis en pleine forme, enfin, je suis en pleine forme, quand je vous vois le classement de PISA, j'ai envie de vous dire que je ne suis pas en pleine forme, non.
00:24Alors vous, vous êtes professeur de lettres classiques à Paris, et surtout président de l'association des professeurs de lettres.
00:30C'est un internaute, c'est un fan qui m'a donné, qui m'a incité à vous inviter, donc merci, n'hésitez pas vous aussi à nous solliciter pour nous proposer des gens.
00:39Donc, on m'a envoyé un mail, je regardais ce que vous faisiez, et c'est fort intéressant, et je voulais vous recevoir ce matin Romain, pour parler effectivement de l'effondrement de l'éducation.
00:47Et j'ai lu une citation dans Le Monde, en septembre 2018, « Renoncer à maîtriser la langue, c'est renoncer à penser. » Finalement, voilà.
00:56C'était une tribune sur l'accord du parti Le Croix.
01:01Oui, je crois qu'on est au centre de la question, c'est-à-dire que le cœur de l'enseignement, le cœur de la formation d'une personne, d'une personne qui pense, c'est la formation au discours.
01:13On a pensé pendant des siècles, la formation au discours, c'est non seulement la maîtrise de la langue, de la grammaire, du vocabulaire, mais aussi la structuration de la pensée,
01:23l'articulation des différentes parties d'un propos, et aussi la nourriture nécessaire à ce propos, c'est-à-dire la culture, c'est-à-dire l'appréciation des grands auteurs.
01:35Et aujourd'hui, on a plus que l'impression que notre jeunesse est totalement déracinée, qu'elle a un champ sémantique ou un champ lexical de plus en plus pauvre.
01:46Et moi, je suis effrayé parce que si on s'en remet à ça et je partage votre analyse « Renoncer à maîtriser la langue, c'est renoncer à penser »,
01:52ça veut dire que dans quelle société nous allons vivre et quel est l'état aujourd'hui, Romain, de notre jeunesse qui est censée être amenée vers le libre-arbitre, la réflexion, la pensée ?
02:02Je pense que c'est effrayant. Est-ce que vous allez nous apporter de l'espoir en ce lundi matin, Romain Vigneste, ou pas ?
02:09Peut-être ennuyeux, on sent quand même le tableau, en disant que ce n'est pas forcément le cas de tous.
02:17Je tiens surtout à mettre un peu d'espoir en disant que le problème, ce n'est pas la jeunesse elle-même.
02:24Ce n'est pas la jeunesse elle-même, c'est la manière dont on l'enseigne ou plutôt dont on ne l'enseigne pas.
02:31Et l'expérience que nous avons, nous, à l'association, c'est que dès qu'on propose aux élèves des cours substantiels, roboratifs, ils sont là, ils sont preneurs.
02:46Le problème, c'est précisément un système qui a préféré ne plus mettre le savoir en son centre.
02:54Donc, nous sommes dans un... Ceux de plusieurs manières, on peut, si vous voulez, brosser le tableau du désastre en quelques entrées.
03:12D'abord, il y a un déport des apprentissages. Je veux dire, on reporte un déport ou un report des apprentissages.
03:20Ce que, naguère encore, on apprenait très tôt à l'école primaire, et pour parler de ma discipline, disons, par exemple, les grands fondements de la grammaire française, un vocabulaire important,
03:32et déjà un contact intime avec le patrimoine littéraire, on l'a reporté du primaire vers le collège.
03:41Plus vous reportez les apprentissages, alors que l'enfance, c'est un âge, vous le savez bien, où le cerveau est particulièrement duxile,
03:48où en plus on n'est pas encore, comme à l'adolescence, et c'est pas contre les adolescents, c'est nécessaire, mais on n'est pas encore dans le rejet, dans la rébellion,
03:56ce déport des apprentissages, il est tout à fait désastreux. Ce qui ne sera pas appris à l'école primaire, eh bien, il s'apprendra moins bien,
04:04et moins intimement, moins substantiellement, moins organiquement au collège, voire plus tard, s'il tentait d'ailleurs qu'on l'apprenne.
04:14Un autre problème fondamental, et dont on parle peu, c'est la substitution de l'approche par compétence à la transcription des connaissances.
04:28C'est quelque chose qui peut paraître un peu technique, et qui n'est pas connue du grand public, et qui est pourtant fondamentale,
04:34qui a été mis en place notamment, qui a été consacrée par la loi Fillon en 2005, avec le socle de compétence et de connaissance,
04:40mais en fait, c'est essentiellement de compétence qu'il s'agit. Une approche qui a été promue notamment par l'OCDE, par l'European Roundtable,
04:50qui est un lobby très important pour la politique européenne en général, et en l'occurrence pour la politique d'enseignement,
04:58en quoi est-ce qu'elle consiste ? Eh bien, en tout cas dans sa forme la plus pure, qui n'est pas forcément celle qui est mise en place,
05:05encore qu'au cours primaire ce soit bien le cas, il s'agit d'amener l'enfant, j'ose pas dire l'élève en l'occurrence,
05:14à travers des activités au lieu de cours, de l'amener à pratiquer sans forcément avoir maîtrisé les concepts qui expliquent cette pratique.
05:29Pour être très concret, si je prends ma discipline, il s'agit d'apprendre à pratiquer…
05:34Je vous rappelle que vous êtes professeur de lettres Romain Vignesse, c'est pour ça.
05:38Il s'agirait de savoir appliquer une règle, d'apprendre à l'appliquer, mais sans apprendre la règle elle-même,
05:47et sans même se rendre compte. Il ne s'agit même pas d'être amené, ça c'est l'approche constructiviste,
05:55à énoncer soi-même la règle, il s'agit de la pratiquer sans s'en rendre compte.
06:01C'est notamment pratiqué dans l'enseignement primaire, mais aussi dans l'enseignement des langues étrangères.
06:08Alors, où est le problème ? Le problème c'est que c'est une sorte de taylorisme éducatif.
06:15Vous n'êtes pas possesseur, vous n'êtes pas maître des connaissances, des concepts,
06:26vous ne pouvez pas prendre le recul, vous n'avez pas la réflexion, le recul,
06:31et donc la maîtrise nécessaire de ces savoirs qui vous permet ensuite d'être libre,
06:35de les articuler, de les pratiquer, de les agencer dans une pensée souple.
06:45Donc voilà, moi j'appelle ça un taylorisme éducatif.
06:49C'est ainsi que finalement les programmes sont un peu en trompe-l'œil quand vous regardez celui du primaire.
06:57Ils sont en trompe-l'œil parce que l'élève est censé avoir déjà acquis certains fondements
07:06et certaines règles importantes du français, mais en vérité il les a acquis sans les savoir,
07:12et ne les sachant pas, il ne les sait pas.
07:16Parce que j'ai reçu Haute Denisot, qui est professeur et notamment docteur en droit,
07:22et qui enseigne à la faculté, à des masters, je parle bien de masters,
07:27et qui nous dit, Haute quand je la reçois sur Tocsin, elle me dit,
07:31nous avons des élèves qui veulent être magistrats, qui veulent être procureurs,
07:35et qui ne savent pas, ils ne comprennent même pas ce qu'ils écrivent,
07:39ils ne comprennent même pas ce qu'ils écrivent,
07:41donc ils sont dans l'incapacité de travailler sur un arrêt de la cour de cassation
07:45ou sur une loi, ou même pire, ils ont même des lacunes en graphie,
07:51c'est-à-dire qu'ils ont du mal à écrire, à tenir le stylo.
07:54Là on se dit, comme une professeure qui vous dit, on est sur des bacs,
07:57bac plus 5, master à peu près, c'est effrayant, c'est effrayant,
08:02c'est-à-dire que ça rejoint ce que vous dites, finalement ils n'ont pas les acquis,
08:05très jeunes, et puis finalement ça les suit.
08:07Et Haute Denisot, je termine par là et je vous donne la parole,
08:10finalement elles disent qu'on est obligé de faire des cours de soutien,
08:13de base et d'orthographe.
08:17Là on est véritablement vers un effondrement,
08:19quand on ne maîtrise pas encore moins la langue,
08:21mais surtout l'écriture et l'apprentissage.
08:24Absolument, avec tout ce que ça met en jeu chez un citoyen,
08:28et a fortiori chez quelqu'un qui en l'occurrence prend la justice,
08:31ou qui défend un accusé, etc.
08:35On est loin de pouvoir proposer une pléboirie,
08:39voire un réquisitoire,
08:46Le problème fondamental aussi,
08:48qui rejoint celui que je viens d'exposer,
08:50c'est celui de la séquence didactique.
08:54Là encore ça peut paraître technique, mais c'est très simple,
08:56c'est qu'en français, je vous parle en français en l'occurrence,
09:00au lieu de faire des leçons d'orthographe,
09:02et des leçons de grammaire,
09:04et des leçons de vocabulaire par exemple,
09:06vous allez aborder les questions,
09:09tel point de grammaire ou tel point d'orthographe,
09:11à propos d'autre chose.
09:13Vous étudiez l'œuvre, et à propos de cette œuvre,
09:16et on pourrait aussi critiquer la manière dont on les approche,
09:19c'est un autre point,
09:22mais à propos du texte que vous êtes en train de voir,
09:24vous allez voir en passant, un point d'orthographe,
09:27en passant, un point de grammaire.
09:28Ça c'est absolument fondamental,
09:30parce que, et ça s'inscrit toujours dans cette question de compétence,
09:34ça en est un succès d'année en quelque sorte,
09:37c'est qu'au lieu d'aborder une notion de manière approfondie,
09:41systématique, par exemple, telle heure de grammaire,
09:45tel jour dans le temps de l'élève au collège,
09:49vous ne faites que passer, c'est du saupoudrage.
09:53Vous ne pouvez pas aboutir à une véritable maîtrise
09:58de ce point de grammaire,
10:00et la grammaire c'est la pensée, la grammaire c'est la logique.
10:03Le vocabulaire c'est les concepts, la grammaire c'est la logique,
10:06c'est ce qui articule les idées.
10:08Donc, il n'y a pas d'apprentissage systématique,
10:15c'est de l'à-propos.
10:17Si on comprend ça, on comprend déjà fondamentalement
10:23le problème, le désastre que ça peut entraîner
10:27et les carences de ses élèves, étudiants et citoyens par la suite.
10:33Et vous le voyez bien avec l'exemple que vous prenez,
10:36on ne peut pas avoir l'impudence de considérer
10:41que si quelqu'un qui sort du système éducatif,
10:45qui a son baccalauréat,
10:47qui a donc fait 5 plus 4 plus 3 ans,
10:50année de primaire, 4 années de collège, 3 années de lycée,
10:53on ne peut pas considérer que c'est sa faute
10:57s'il ne maîtrise pas le français.
10:59On ne peut pas ne pas reconnaître
11:04que si le français n'est pas maîtrisé,
11:06même après les 5 ans de primaire, 5 ans c'est déjà beaucoup,
11:09ça pourrait être l'apprentissage principal.
11:13On ne peut pas penser que si au bout de 5 ans,
11:15il y a fortiori à la fin du cursus complet,
11:20on ne peut pas penser que si la langue n'est pas maîtrisée,
11:22ça n'est pas parce qu'elle est mal enseignée ou pas enseignée.
11:25La faute, elle revient à l'école.
11:28Oui.
11:29C'est la manière dont on n'enseigne pas,
11:32on préfère le dire comme ça,
11:34la grammaire, l'orthographe,
11:37et dont on met mal en contact les élèves
11:40avec les textes littéraires.
11:44Parce que j'ai une question bête d'ancien élève,
11:49j'ai eu souvenir qu'on devait lire
11:53de façon un peu embêtante Mme Bovary de Flaubert,
11:58très jeune au collège.
11:59Aujourd'hui, quand je vois certains programmes
12:02ou certains textes qui sont étudiés,
12:06je me dis tout de même que le niveau d'exigence
12:08a considérablement baissé en plusieurs années aussi.
12:11Donc là aussi, est-ce qu'il y a un problème d'exigence,
12:14Romain Vigneste, demandé aux élèves depuis quelques années ?
12:18Je ne sais pas, c'est une question que je pose aux spécialistes
12:20et aux professionnels que vous êtes.
12:23C'est quelque chose qui est quand même un peu fluctué.
12:25Il faut le reconnaître, il y a eu notamment
12:29dans les années 90 et jusqu'à la fin des années 2000,
12:33la littérature patrimoniale,
12:35qu'on appelle en jargon l'éducation nationale,
12:38avait laissé au collège la place à la littérature jeunesse
12:42pour le grand profit de ceux qui l'éditent.
12:46Les programmes, en tout cas, exigent depuis 2009,
12:54et même ceux qui ont suivi ces programmes,
12:57les programmes d'Arcos et même les programmes d'Ajacope,
13:00exigent quand même que fondamentalement,
13:02tout au long du cursus, ce soit des textes littéraires
13:05qui soient étudiés de manière plutôt structurée.
13:10Ce n'est pas forcément après ce qui se fait.
13:14Surtout, ça n'est pas le cas à l'école primaire.
13:18Moi, je pense qu'il est nécessaire qu'un contact précoce se fasse.
13:23Il s'est toujours fait qu'un contact précoce
13:26se fasse avec ces textes.
13:28Évidemment, il y a des textes qui conviennent.
13:31On ne va pas faire lire des passages de Proust
13:33à un élève de CO2.
13:34Oui, d'accord.
13:38Évidemment, les fables de La Fontaine,
13:40évidemment, des contes de Perrault, etc.
13:43On va vous dire qu'ils n'ont pas le vocabulaire.
13:45Oui, mais justement, ils sont là pour l'apprendre.
13:47Et plus tôt vous fréquenterez ces textes,
13:49plus tôt vous les maîtriserez.
13:51Ensuite, le problème n'est pas tant que ce soit…
13:56Le problème n'est pas tant les textes eux-mêmes
13:59qu'on ne fait pas lire.
14:02Je parle du collège et du lycée ici.
14:04On ne fait pas lire les grands textes.
14:06Le problème, c'est qu'on ne les inscrit pas
14:09dans une progression qui permet
14:14de prendre une véritable connaissance globale
14:19de la littérature française.
14:21Si vous prenez un manuel de littérature,
14:24et si vous cherchez un auteur,
14:27vous allez par exemple chercher Victor Hugo,
14:29vous allez le trouver à la page 48,
14:31à la page 207, à la page 39.
14:33Il est éclaté.
14:35Il est éparpillé.
14:37C'est-à-dire qu'on est en partie revenu là-dessus au lycée,
14:43mais c'est-à-dire que globalement,
14:45l'approche de la littérature,
14:47les textes littéraires ne sont pas replacés
14:49dans leur contexte historique,
14:51ne sont pas étudiés,
14:54ne sont, disons, perdus dans un groupement de textes.
15:02Chacun peut mêler des textes de différentes époques,
15:06qui eux-mêmes, ces groupements de textes,
15:10doivent subordonner l'approche des textes
15:12à des problématiques.
15:14C'est-à-dire qu'on fait servir le texte.
15:16Le texte, fondamentalement, vous le savez bien,
15:18Nicolas, il vous interroge.
15:20Il vous interroge sur la gratitude,
15:21il vous interroge sur vos expériences.
15:22Bien sûr.
15:23Ici, là, on va vouloir mettre le texte au service
15:28des crédos du jour.
15:34Vous devez faire servir Molière
15:36ou faire servir Balzac
15:39à l'éloge du développement durable
15:42ou de la diversité.
15:44Il ne s'agit pas ici d'émettre des jugements
15:47sur ces différents crédos,
15:50mais il s'agit de dire que le texte n'est pas là pour ça.
15:53Il est là, au contraire,
15:54pour interroger les certitudes.
15:56Voilà.
15:57D'une part,
15:58l'abord de la littérature ne se fait pas de manière méthodique,
16:02c'est-à-dire de manière historique.
16:05D'autre part,
16:07les textes sont instrumentalisés
16:11au service d'interrogations
16:15qui ne leur sont qu'extérieures.
16:18Oui.
16:19On est d'accord.
16:20Là, je partage votre avis.
16:21Je pense que ce n'est pas le lieu
16:23et l'enjeu de l'école,
16:24effectivement, par rapport à ça,
16:25d'aller nous bassiner avec la propagande du jour.
16:28Je suis désolé d'être dur,
16:29mais c'est comme ça que je le vois.
16:30C'est ça.
16:31Effectivement, je le vois avec des amis qui ont des enfants.
16:34Quand je vois ce qu'ils étudient,
16:36je me dis là,
16:37on n'est pas dans le champ de l'école,
16:38on n'est pas dans le champ de l'éducation.
16:40On est autre part.
16:41On est véritablement autre part.
16:42Et ça, ça me pose un problème de formation du citoyen.
16:45Je dis souvent que nous sommes là
16:46pour apprendre à penser,
16:47pas apprendre pour penser.
16:49Exactement.
16:50Et là, on est d'accord.
16:51Là-dessus, il nous reste encore quatre minutes.
16:53Merci beaucoup, Romain Vignette.
16:54Vous êtes la professeure de lettres classique à Paris
16:56et présidente de l'Association des professeurs de lettres.
16:58Et on en parle ce matin.
16:59Merci à vous d'être là dans cette matinale de ce lundi matin.
17:03Il y a aussi finalement cette cassure
17:08ou cet affrontement entre compétences,
17:10contre connaissances aussi.
17:12Ça, ça me scie les jambes
17:14quand je vois certains bulletins d'enfants, d'amis.
17:18Je me dis là, on est quand même dans quelque chose.
17:20Quelque chose qui n'est pas remis en.
17:23Effectivement, on peut revenir sur ce point
17:25parce qu'il est effectivement fondamental.
17:31Et que souvent, le mot savoir est trompeur
17:33quand il est en pluriel dans l'éthique de l'éducation nationale.
17:36Il faut faire attention à ça.
17:39Faire faire, apprendre à exécuter un process
17:44au lieu d'acquérir des connaissances
17:47qui vont nourrir votre propre pensée,
17:49l'interroger et la mourir.
17:52Et que vous structurerez ces connaissances
17:54par vous-même, librement.
17:56Voilà, fondamentalement, c'est ça.
18:00Je reprends encore cette formule,
18:01terrorisme éducatif, mais donc aussi terrorisme mental.
18:05Vous êtes dans l'apprentissage d'un process
18:08et non pas dans l'apprentissage d'une culture,
18:12dans la maîtrise d'un savoir.
18:15Et par conséquent, on vous déracine.
18:17Ce n'est pas un citoyen que l'on forme,
18:20c'est un exécutant que l'on formate.
18:24Oui, ça me semble intéressant
18:27parce que finalement, j'ai quand même l'impression,
18:29Romain, vous allez me le dire,
18:30mais qu'il y a cette espèce...
18:32Alors, une nouvelle fois, on ne va pas généraliser,
18:34mais il y a cette idée finalement de dire
18:36l'élève, l'individu,
18:38puisque ce n'est plus un élève, c'est un individu,
18:40il faut qu'il soit maître de compétences
18:42pour en faire quelqu'un qui servira à quelque chose
18:44à un moment donné.
18:46Et j'ai quand même l'impression que finalement,
18:48quand on met des acquis, des non-acquis
18:49ou un cours d'acquisition,
18:50je suis désolé,
18:51moi, chez moi, ça ne passe pas.
18:53Je n'arrive pas à comprendre
18:55l'acquis, le non-acquis ou un cours d'acquisition.
18:58Là, on est sur la compétence
18:59pour faire finalement quelqu'un
19:01qui pourra servir quelque chose
19:02dans une case ou dans une boîte,
19:04dans une société prédonnée
19:05qui en plus s'effondre pour le coup.
19:07Oui, mais vous le voyez bien,
19:09j'ai commencé par là à propos des compétences,
19:10quand vous voyez d'où vient cette approche,
19:12qui l'a produit,
19:15l'Europe Unwantable,
19:17l'Union Européenne,
19:20le but n'est pas de former des personnes libres.
19:23C'est ce que dit Brigheli,
19:25Brigheli le dit finalement.
19:26Il y avait sur le protocole de Lisbonne,
19:28je crois que c'est ça notamment,
19:29où ces gens ont déclaré la bouche en cœur,
19:31formidable,
19:32pendant qu'eux-mêmes mettent leurs gamins
19:34dans des écoles ultra privées
19:35où on apprend le grec et le latin,
19:37c'est des domaines qui me parlent, j'imagine.
19:40Par contre, eux, ils estiment
19:41qu'il faut 10% de gens qui réfléchissent un peu
19:43et 90% de gens qui seront finalement
19:46des esclaves économiques.
19:47Je précise esclaves économiques
19:48qui auront des compétences propres
19:50pour être un esclave économique.
19:52C'est peut-être un peu exagéré,
19:53mais on prend quand même ce chemin un peu.
19:58Oui, Michel le décrivait déjà très bien
20:01dans les scénarios d'Apprendre à Immurer,
20:04je crois.
20:05Oui, absolument,
20:07c'est la société liquide
20:08avec des individus interchangeables.
20:12C'est absolument ça.
20:13Mais là où je voudrais insister,
20:15c'est que dès qu'on fait autre chose
20:17et qu'on transmet,
20:19les élèves sont présents.
20:22J'insiste sur le fait que le problème,
20:24ça n'est pas eux,
20:25parce qu'on est quand même dans une époque,
20:27notamment depuis 2020,
20:28vous le savez bien,
20:29surtout que ça,
20:30où la jeunesse n'est pas gâtée.
20:32Oui, ça, on est d'accord.
20:35Et quand vous étudiez,
20:38pour elle-même,
20:39une pièce de racine
20:40avec des élèves,
20:41quel que soit leur milieu,
20:43ils sont là.
20:44Oui, oui.
20:45Vous la lisez pas à pas
20:47et sans, a priori,
20:48sans la faire servir à autre chose.
20:50Oui, c'est ça.
20:51Et vous, vous avez ensuite
20:52des messages à vos élèves
20:53qui vous disent merci
20:54parce que je ne l'aurais pas lu par moi-même.
20:56Oui.
20:57C'est le but de l'école républicaine,
20:59il me semble-t-il.
21:01Absolument.
21:02Mais oui.
21:03Donc, voilà,
21:05ça, c'est le message d'espoir.
21:07Et j'ajouterais même,
21:08puisqu'on parle beaucoup d'autorité,
21:10quand vous donnez à manger
21:13à l'esprit l'élève,
21:15il est rarement très agité.
21:17Ce ne sont pas les cours
21:18les plus substantiels,
21:19ce ne sont pas les professeurs
21:20les plus savants
21:21qui sont jamutés.
21:22Oui.
21:23Donc, pour que la discipline
21:26règne dans un établissement,
21:28il faut, puisqu'on parle d'autorité,
21:30il faut que le cours fasse autorité.
21:33Il faut que le professeur
21:34fasse autorité.
21:35Et ce qu'ils font de son autorité,
21:37c'est le savoir,
21:38ce sont les connaissances.
21:39À cet égard,
21:40les élèves sont souvent
21:41beaucoup plus sains,
21:43même quand ils chahutent, justement,
21:45le cours qui ne leur apporte rien,
21:47que ceux qui ont dénaturé.
21:55Oui.
21:56On a quand même l'impression,
21:58ça c'est une toute dernière question,
21:59dernier élément,
22:00on a quand même l'impression
22:02que cette espèce d'autorité,
22:03du savoir,
22:04l'autorité du professeur,
22:05tant qu'il s'incarne finalement
22:07dans ce savoir et ces connaissances,
22:09aujourd'hui est remis en cause
22:10cette espèce d'égalitarisme,
22:12l'élève roi qui devrait apprendre des choses,
22:15qui respire dans l'air,
22:16dans l'air dans la cour.
22:17Enfin, il y a des choses aussi,
22:19j'ai l'impression que ça,
22:20ça a été beaucoup malmené,
22:21j'ai l'impression,
22:22vous allez me le dire Romain Vignesse.
22:24Oui, bien sûr.
22:25Enfin, c'est même la notion de savoir
22:29qui a été mise de côté.
22:33Oui, bien sûr.
22:34Mais le problème,
22:35il est aussi dans la formation même,
22:37ou dans le recrutement même des professeurs,
22:39c'est-à-dire que,
22:40et d'ailleurs même dans la substitution
22:42du mot enseignant au mot professeur.
22:44Moi, je trouve qu'il faut se méfier
22:46de cette substitution,
22:47c'est valable aussi pour les soignants,
22:48pour les aidants,
22:49les participants présents
22:50à des noms de métier.
22:51Parce que finalement,
22:52vous substituez des exécutants
22:56à des maîtres,
22:58au sens de maître,
23:00le maître de votre métier,
23:03de maître et apprenti.
23:06Donc, les concours recrutent des gens
23:11qui doivent appliquer des recettes pédagogiques.
23:15Ils ne recrutent plus,
23:16enfin l'agrégation si,
23:17mais pas le CAPES,
23:18ils ne recrutent plus les meilleurs élèves,
23:20les meilleurs étudiants dans une discipline,
23:22c'est-à-dire ceux qui la maîtrisent le mieux.
23:24Donc, à partir de là,
23:26vous avez déjà là un problème
23:28dans le recrutement même
23:29et dans ne présenter pas quelqu'un
23:33qui fait autorité
23:35par son excellence disciplinaire.
23:37Le problème fondamental, il est là.
23:40En tout cas,
23:41c'est un sujet extrêmement passionnant,
23:43inquiétant bien des égards,
23:44mais passionnant.
23:45Vous avez donné quand même
23:46quelques notes d'espoir.
23:47Merci beaucoup d'être venu ce matin,
23:48Romain Vigneste,
23:49sur Tocsin,
23:50professeur de lettres classique à Paris
23:52et surtout président de l'association
23:55des professeurs de lettres.
23:56On vous souhaite une excellente semaine.
23:58Romain Vigneste,
23:59merci d'être passé par les locaux de Tocsin,
24:01en tout cas.
24:02Merci beaucoup.