• il y a 3 mois
Jean-Baptiste Marteau reçoit Bruno Cautrès, politologue et chercheur au CNRS et au CEVIPOF, sur le plateau des 4 vérités.

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Transcription
00:00Bonjour à tous, bonjour Bruno Cotteres, alors demain se dérouleront des élections législatives, le premier tour, que personne n'imaginait il y a encore un mois.
00:11Dans quel état d'esprit sont aujourd'hui les Français ?
00:13Il y a toujours beaucoup d'incompréhension, d'abord sur cette dissolution, c'est les premiers mots que les Françaises, les Français qu'on interroge disent.
00:21Au fond, ils ne comprennent toujours pas bien quelle a été la principale motivation du chef de l'État.
00:26En revanche, si les Françaises, les Français n'ont toujours pas exactement compris pour quelle raison le chef de l'État a fait cette dissolution,
00:33ils sont conscients, même extrêmement conscients qu'il y a là un choix très important pour le pays,
00:37il y a un niveau d'engagement, de motivation, d'intérêt pour ces élections législatives qui est très important.
00:43Dans une enquête récente auxquelles Sciences Po participe, on a demandé aux personnes interrogées s'ils avaient de l'intérêt pour la campagne des élections sur une échelle de 0 à 10.
00:53On a 81% qui disent qu'ils ont de l'intérêt, dont 42% sur les notes 9 et 10, c'est-à-dire le niveau le plus élevé daté.
01:00À comparer par rapport au précédent scrutin ?
01:02Oui, on voit qu'à comparer du précédent scrutin législatif, il y a une très nette différence.
01:07Il y a deux ans, dans la foulée de l'élection présidentielle, on a un niveau de participation qui va tomber en dessous de 50%.
01:14Aujourd'hui, les estimations sur la participation la situent autour de 63-64%,
01:20donc un gain de participation qui est d'une certaine manière aussi une très bonne nouvelle pour notre système démocratique.
01:24C'est ce qui explique aussi ce niveau très élevé de procuration, plus de 2 millions selon le ministère de l'Intérieur ?
01:29Oui, beaucoup plus de procuration qu'en 2022.
01:32Alors en 2022, sur l'ensemble des quatre tours, les deux tours de la présidentielle, les deux tours des législatives,
01:37on a eu plus de 3 millions de procuration, mais 1 million et quelques sur les législatives.
01:41Donc là, on a 1 million en plus de procuration.
01:45Ça tombe aussi au début des vacances, des vacances de juillet,
01:48mais effectivement, c'est un signal supplémentaire de la motivation et de l'intérêt pour ces élections législatives.
01:53Alors, quels sont les inconnus qui demeurent ? Qu'est-ce qu'il va falloir regarder de très près demain ?
01:57Évidemment, ce qui demeure comme inconnu, ça va être d'abord, est-ce que les sondages se confirment ?
02:03Et puis aussi, il y a cet inconnu qui est, que va-t-il se passer entre les deux tours ?
02:07On sait que les élections législatives, c'est du scrutin majoritaire à deux tours.
02:11Pour gagner au premier tour, il faut faire au moins 50% des voix, mais il faut faire aussi au moins 25% des inscrits.
02:18En 2022, figurez-vous que Marine Le Pen avait réalisé un score lui permettant d'être élue dès le premier tour,
02:24mais elle n'avait pas les 25% d'inscrits, elle a dû aller au deuxième tour.
02:27Donc, il va y avoir des seconds tours.
02:29Et dans ces seconds tours, il y a une grande inconnue qui est, que vont faire les différents mouvements politiques ?
02:34Est-ce que certains vont dire, on se désiste, on va faire barrage à telle formation politique ou à telle formation politique ?
02:40Et puis, ce qu'on ne sait pas très bien, c'est quelle va être au fond la réaction de l'électorat
02:45lorsqu'il va découvrir les résultats du premier tour ?
02:48Qu'est-ce que dit néanmoins la dynamique qu'on a vue dans ces plus de trois semaines de campagne,
02:53avec ces trois grands blocs qui se dessinent, et en particulier ce bloc autour du Nouveau Front Populaire
02:57et ce bloc autour du Rassemblement National ?
03:00En quoi c'est particulièrement singulier et ça marquera notre histoire politique ?
03:03Alors, ces trois blocs, cette structuration de la vie politique française dans trois blocs ne datent pas de ces élections législatives.
03:09On l'avait déjà dans la présidentielle de 2022.
03:12Les dynamiques sont différentes.
03:14Mais voilà, il se passe quelque chose à l'intérieur de ces blocs, et en particulier, il se passe des choses à gauche,
03:20et puis aussi il va se passer des choses, bien évidemment, dans le bloc qui était jusqu'à présent,
03:24qui tient la majorité jusqu'à présent, à gauche notamment.
03:27On a vu qu'en 2022, Jean-Luc Mélenchon avait largement dominé.
03:31Et puis là, on voit que depuis les européennes, il y a des recompositions à l'intérieur de ce bloc.
03:35La question, ça va être surtout le poids de ces différents blocs.
03:38Il y aura toujours trois blocs à l'issue de ces élections législatives.
03:41Mais vont-ils peser du même poids en voix et en sièges ? On se doute que non.
03:45Qu'est-ce que cette campagne a changé, vous le trouvez, pour le Rassemblement national ?
03:49Le Rassemblement national est toujours dans sa trajectoire, ce qu'on appelle, vous savez, la normalisation, la dédiabolisation du Rassemblement national.
03:57On a vu dans la foulée des élections législatives un Rassemblement national qui voulait incarner une image de sérieux,
04:03une image de jouer le jeu des institutions.
04:06Donc pour le moment, le Rassemblement national est dans cette trajectoire.
04:09Et puis depuis les européennes, il s'est passé quelque chose dans l'opinion.
04:13Beaucoup ont découvert Jordan Bardella, ce très jeune politicien.
04:17Les Français ne le connaissaient pas ou pas assez ?
04:18Il était beaucoup moins connu que Marine Le Pen, évidemment.
04:21Il avait néanmoins porté le Rassemblement national à la victoire lors des élections européennes, 5 ans avant, en 2019.
04:27Il a confirmé en 2024.
04:29Et puis là, il a effectivement pris une dimension dans ces élections législatives beaucoup plus importante qu'avant.
04:35L'un des points marquants, c'est aussi l'alliance souhaitée par Éric Ciotti, président des Républicains,
04:40contre l'avis d'à peu près tous les cadres de son parti, avec le Rassemblement national,
04:44sur des listes qui sont aussi soutenues par Marion Maréchal.
04:47Est-ce que les Républicains ont encore un avenir après ces élections législatives ?
04:51Grande question. C'est vrai qu'on voit ce mouvement politique qui est dans une crise d'identité fondamentale
04:56depuis de nombreuses années maintenant, partagée, tiraillée sur différentes logiques stratégiques.
05:03S'agit-il pour eux de se projeter déjà vers 2027 ?
05:07En disant, en 2027, on fera peut-être alliance avec un républicain ou un ancien républicain
05:13qui, par exemple, avait fait le choix d'Emmanuel Macron ?
05:16Est-ce qu'au contraire, il faut aller se fusionner dans la nouvelle dynamique du Rassemblement national ?
05:20Et puis, vous savez, derrière ces questions stratégiques, il y a toujours des questions de fond, évidemment,
05:25qui sont les questions d'agenda politique.
05:27Est-ce que les Républicains, aujourd'hui, c'est toujours une dimension assez libérale sur le plan économique,
05:33moins de taxes, moins d'impôts, moins de fonctionnaires, combiné à une dimension régalienne forte ?
05:39Ou est-ce que c'est le régalien, immigration, sécurité, qui passe devant aujourd'hui ?
05:44C'est une grande inconnue pour ce mouvement politique qui est à la croisée des chemins,
05:48peut-être comme il ne l'a jamais été.
05:49Vous disiez, demain soir, il faudra regarder, évidemment, les personnalités qui ont été battues ou non.
05:55Il faudra regarder aussi les élus au premier tour parce que ça peut donner une dynamique ?
05:59Oui, clairement. On avait eu très peu d'élus de premier tour en 2022, je crois cinq de mémoire.
06:05On en avait eu très peu aussi en 2017.
06:07Par contre, en 2007, au moment de l'élection de Nicolas Sarkozy, dans la foulée de l'élection de Nicolas Sarkozy,
06:13110 députés avaient été élus dès le premier tour.
06:15Qu'est-ce que ça change ?
06:16Dont des UMP. Ça change symboliquement beaucoup de choses.
06:19Celui qui engrange beaucoup de résultats de premier tour donne le sentiment à l'ensemble de l'électorat
06:24d'être dans une dynamique un peu irrépressible, que quelque chose est en train de se passer.
06:29Et puis, il faudra voir aussi quelles sont les personnalités politiques de la majorité
06:33qui pourraient être en difficulté parce qu'évidemment, symboliquement aussi,
06:37ça pourrait envoyer un message qui serait un message potentiellement un peu négatif pour la majorité.
06:42L'un des enjeux, ce sera aussi de savoir si les Français imposent ou non
06:45une cohabitation au président de la République.
06:47En cas de cohabitation, est-ce que la répartition des rôles est claire
06:50entre le président de la République et le Premier ministre ?
06:52On a vu cette semaine, par exemple, que Marine Le Pen avait qualifié le titre de chef des armées
06:58de titre honorifique pour le président de la République. Est-ce que c'est clair ?
07:01Vous savez, on va retrouver tous les débats habituels des cohabitations.
07:04Si le scénario d'une cohabitation s'avérait, on va retrouver ça.
07:08On l'avait déjà eu dès 1986, lors de la première cohabitation.
07:12Vous savez que le grand juriste et constitutionnaliste de l'époque, Maurice Duverger,
07:16il avait même écrit un livre, une sorte de brévière de la cohabitation,
07:19pour nous dire ça va fonctionner, ça peut marcher.
07:21La constitution dit assez clairement les choses.
07:24Eh bien, le chef de l'État reste le chef de l'État avec toutes ses prérogatives.
07:29Le chef de la majorité, le chef du gouvernement, il conduit la politique de la nation.
07:34C'est ce que dit la constitution.
07:36Et puis, on va voir que le diable se niche dans les détails.
07:39Parce qu'il y a des nominations. On voit, par exemple, les nominations européennes.
07:41À l'époque de Lionel Jospin, Jacques Chirac, il y en avait deux.
07:43Donc, il s'était réparti les rôles. Là, il n'y en a qu'une.
07:45Emmanuel Macron a déjà dit ce sera Thierry Breton.
07:47De toute façon de dire, c'est encore moi qui décide.
07:49Ça va être une bataille permanente si cohabitation il y a.
07:51On peut se douter qu'au début d'une éventuelle cohabitation entre Emmanuel Macron
07:55et une majorité qui ne serait pas de son choix,
07:58qu'elle soit la majorité de la gauche ou qu'elle soit celle du Rassemblement national,
08:01on se doute qu'il y aura pas mal de frictions, pas mal de tensions.
08:04Au début, moi, j'ai confiance dans les institutions.
08:06Elles obligent, au fond, les détenteurs des rôles dans les institutions
08:10à jouer le jeu démocratique et républicain.
08:12Mais on aura évidemment des frictions.
08:14On se rappelle que pendant la cohabitation Chirac-Jospin,
08:18ils venaient siéger tous les deux ensemble parfois des sommets internationaux.
08:22Merci beaucoup, Bruno Cotteres, pour votre analyse.
08:24C'est à vous, Maïa, demain.
08:25Merci à tous les deux.
08:27À demain, Guillaume, pour la soirée spéciale.

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