• il y a 6 mois
Derrière le micro vous fait découvrir la face cachée des journalistes sportifs en collaboration avec les Micros D'or : leur parcours, leur métier, leur histoire, et surtout leur passion pour un métier aussi beau que difficile. Invité : Bernard Lions. Il fait partie de ces grands reporters de la rubrique football du plus grand quotidien sportif de France. Suiveur attitré des Verts de Saint-Étienne, Bernard Lions nous partage son parcours de journaliste commencé il y a 30 ans.

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Sport
Transcription
00:00Générique
00:09Bonjour à tous. Le principe de Derrière le micro est très simple.
00:13Derrière le micro, on découvre tout simplement ce qu'il se passe dans la vie privée.
00:18Parfois même, attention, on va peut-être apprendre des choses incroyables.
00:21Dans la vie privée, dans la vie en tout cas derrière le micro,
00:24des journalistes que vous suivez régulièrement dans les journaux ou sur les télévisions.
00:28Avec nous aujourd'hui pour cette huitième édition, le huitième numéro de 2023 de Derrière le micro,
00:34je reçois Bernard Lions. Bonjour.
00:36Bonjour Patrick.
00:37Bernard, journaliste à l'Équipe, grand remporteur à la rubrique football.
00:40Vous avez 53 ans, une carrière assez fournie derrière vous,
00:44qui a débuté il y a presque 30 ans dans un journal qui existe encore,
00:47mais pas tout à fait sous la même forme en tout cas, c'est But.
00:51C'était à l'époque une sorte de, je ne sais pas si j'exagère,
00:54un passage obligé pour les jeunes journalistes d'aller se mettre sur les fourses codines,
00:58pour dire un exemple extraordinaire de clicheton, les fourses codines d'Olivier Ray.
01:04On peut lui rendre hommage, qui a disparu il y a bien longtemps maintenant.
01:07Et quand on sortait de chez But, on avait été formé, non ?
01:10On était un peu formé à la dure, parce qu'Olivier Ray, c'était quand même un patron de presse,
01:14c'était un confrère, mais c'était aussi un patron de presse,
01:16ça a été mon premier patron dans la presse, qui était extrêmement dur,
01:19mais c'était un passage obligé et en même temps, c'était un formidable centre de formation
01:22pour les jeunes journalistes comme moi, même si j'ai sorti de l'armée,
01:26donc j'avais déjà 24 ans, mais c'était un petit peu des bouts de ficelle,
01:31avec très peu de moyens, on arrivait à fabriquer un journal bien hebdomadaire,
01:35parce que But sortait le mardi, le vendredi.
01:37Ça m'a permis vraiment de me mettre le pied à l'étrier, d'arpenter un monde,
01:41de découvrir un monde que je ne connaissais pas, c'était le football des bandues,
01:44parce qu'on ne pouvait pas voyager à l'autre bout du monde à l'époque,
01:47et de se constituer un carnet d'adresse, d'aller sentir un petit peu au plus près
01:51ce que c'était l'odeur du gazon, l'odeur du camphre, le bruit des crampons.
01:54– Et puis il fallait travailler vite.
01:56– Il fallait travailler vite, il fallait travailler beaucoup, beaucoup, beaucoup,
02:00parce qu'avec Olivier, on travaillait beaucoup,
02:01mais c'est pour ça que quand je parle de centre de formation,
02:03But a été un formidable centre de formation qui a pris ma lancée vers d'autres aventures.
02:07– Le rêve, j'ai connu ça dans les années 80, le rêve de tout journaliste,
02:10c'est de rentrer à l'équipe, comment êtes-vous parvenu à rentrer à l'équipe ?
02:14– Je vais vous faire une confidence au forceps, c'est-à-dire que la France,
02:18donc je suis entré à But, c'était en 95, la France a l'organisation de la Coupe du Monde,
02:22et là je me dis, je veux le vivre en première loge, et première loge c'était l'équipe.
02:27Et un soir, au Parc des Princes, j'ai guetté, guetté, guetté
02:31le directeur de la rédaction de l'équipe à l'époque, il s'appelait Jérôme Bureau,
02:35je l'ai guetté, je l'ai guetté, et au début de la seconde mi-temps,
02:38il est revenu en tribune de presse, je lui fais barrage avec mon corps,
02:41et je lui dis bonjour, je me suis…
02:43– Vous êtes costaud, hein ? – Oui, il était peut-être un peu inquiet,
02:46il m'a dit qu'est-ce qu'il me veut, je lui dis bonjour, je m'appelle Bernard Lyons,
02:48je suis journaliste, je travaille pour vous, comment on fait ?
02:50Donc il a été un petit peu surpris par ma démarche, il m'a dit mais vous êtes qui,
02:54vous faites quoi, alors je lui ai expliqué mon parcours,
02:56il m'a dit envoyez-moi un CV et quelques articles, qui visiblement ont tenu son attention,
03:00j'ai été convié à passer un entretien d'embauche avec son bras droit
03:06qui s'appelait Gérard Echnes, et puis ils m'ont pris alors,
03:09ce qui n'existe plus aujourd'hui mais qui s'appelait un vivier,
03:11c'est-à-dire c'était un pool de pigistes, où là j'étais payé à la ligne et à la pige,
03:17donc il fallait que tous les mois j'écrive suffisamment de mots et de lignes
03:20pour pouvoir payer mon loyer parisien.
03:22– Intéressant tout ça, alors vous avez traité le football,
03:24et très vite on vous a confié la rubrique de Saint-Etienne,
03:28et vous écrivez toujours sur Saint-Etienne,
03:30on ne se lasse pas à force de traiter toujours du même club ?
03:32– Un peu moins, c'est parce que quand je suis rentré à l'équipe en 97,
03:36la rubrique football n'était pas aussi grande et il n'y avait pas vraiment de spécialisation,
03:40mais vous vous rendez bien compte qu'aujourd'hui dans les médias,
03:42c'est la spécialisation à tout grain, avec aussi les risques que cela importe,
03:48et c'est vrai qu'à l'équipe maintenant, comme on est une structure assez importante,
03:51chacun a un domaine de compétence, alors soit c'est un pays, soit c'est un club,
03:55et moi j'ai navigué pendant une dizaine d'années entre Bordeaux et Saint-Etienne,
04:01et je me suis fixé une dizaine d'années durant à la S Saint-Etienne.
04:05– Alors on connaît tout le monde, c'est un avantage,
04:08mais ça ne devient pas un peu lassant à force d'être dans la cuisine d'un club comme ça,
04:13plutôt que d'aller avec un oeil un petit peu nouveau voir d'autres…
04:16– Alors déjà je dis toujours qu'un journaliste de terrain, comme je le suis,
04:20fait le même métier que les flics et les curés, sans monote ni soutane,
04:24donc on est à la fois un peu confesseur, à la fois on fait un peu la police,
04:30parce qu'on écrit des papiers qui ne font pas toujours très plaisir, etc.
04:33La lassitude non, parce qu'en fait le football c'est un éternel recommencement,
04:39c'est fini les époques où vous aviez des effectifs figés sur une dizaine d'années,
04:43aujourd'hui ça se renouvelle, et puis Saint-Etienne c'est quand même un terreau fertile,
04:47parce qu'il se passe toujours quelque chose, c'est pas sur le terrain, c'est en coulisses.
04:51– C'est pas le parrain de cette émission, mais pour la première édition de ce programme,
04:55c'est Vincent Deluc qui nous avait rendu visite,
04:57on avait parlé de l'évolution, de ce qui avait changé depuis ses débuts en bien ou en mal,
05:01vous qui avez connu quand même, ça fait quand même une trentaine d'années,
05:05cette évolution vers les directeurs de communication,
05:09quand on veut voir un joueur il faut passer deux filtres,
05:11les zones mixtes, dans ma génération quand on voit une zone mixte,
05:15on dit mais qu'est-ce qu'ils foutent derrière ces barrières,
05:17nous on allait voir les joueurs directement.
05:19Vous êtes à cheval entre ces deux écoles ?
05:21– Oui je suis à cheval, j'ai connu les derniers vestiaires,
05:24c'était celui de Garnotraure à Nice,
05:27où on pouvait encore aller dans le vestiaire après les matchs,
05:29je me souviens avant la coupe du monde,
05:31quand il y avait Laurent Blanc et Taribo West à Auxerre,
05:34on s'asseyait entre deux dans le vestiaire et on faisait des interviews d'après-match,
05:38ça ça a disparu, mais même de plus en plus les zones mixtes
05:41qui sont un passage obligé pour les joueurs,
05:43maintenant on n'en a plus qu'un ou deux.
05:45– Et ça supporte ça quand on est journaliste ?
05:47– Quand on arrive à un certain âge ou un âge certain comme le mien,
05:51au bout de 30 ans c'est la sangle,
05:53parce que tu fais ce métier pour le sport,
05:57les rencontres humaines, l'émotion et l'information,
06:00et c'est vrai que les contacts humains sont de plus en plus calibrés, sectorisés,
06:04même quand on fait des interviews,
06:05avant je faisais une interview, je parlais aux joueurs,
06:08j'avais une petite technique à moi,
06:11je lui demandais toujours de choisir le restaurant,
06:13donc on allait toujours dans un endroit où il se sentait à l'aise,
06:15avec des gens il était à l'aise,
06:16maintenant c'est dans une salle de presse, c'est chronométré il y a 20 minutes
06:19et c'est fait avec un responsable de la communication
06:22ou quelqu'un qui travaille avec la communication,
06:24qui est là, qui soit dans votre angle,
06:26donc ça vous déstabilise un peu, qui enregistre tout, qui écoute tout.
06:29– Et qui ne comprennent plus vraiment la différence
06:30entre la communication et le journalisme,
06:32parce que parfois vous pouvez lire des choses
06:33qui ne sont pas forcément agréables.
06:35– Il y a ce côté-là qui, oui, quand on a connu,
06:38alors les nouvelles générations qui arrivent
06:41sont nourries aux réseaux sociaux,
06:44aux toutes images, il y a très peu finalement de relationnels,
06:48de contacts humains.
06:49– Il faut accepter de ne pas être aimé,
06:51parce que quand on écrit, on n'écrit pas toujours ce que on souhaite.
06:54– Vous savez, c'est comme quand on parle de l'objectivité des journalistes,
06:58c'est quelque chose qui n'existe pas,
06:59vous regardez la caméra, Patrick, vous êtes dans un angle,
07:02je suis dans l'autre, l'objectif n'est pas le même,
07:04ce qui est important c'est l'honnêteté,
07:06et je dis, il faut essayer de faire son travail le plus honnêtement possible,
07:09tu n'es pas salarié d'un club, tu es salarié d'un journal,
07:12tu n'as pas déposé, prêté serment comme un médecin,
07:15tu n'as pas fait serment d'hypocrate, mais tu as une carte de presse,
07:17ça te donne des droits, mais surtout des responsabilités, des devoirs,
07:21celui d'informer, d'informer le plus correctement possible,
07:23sachant qu'entre l'information, la malinformation et la désinformation,
07:27le fil est très tenu.
07:28– Alors pour arriver à toujours avoir de la passion pour cet exercice écrit,
07:32il y a évidemment des récréations, je vais appeler ça comme ça,
07:35il y a l'équipe TV, qui est une belle aventure pour quelqu'un qui est dans l'écrit,
07:38qui se trouve finalement avoir cette possibilité qu'a créée l'équipe,
07:40de vous faire passer à l'antenne, et vous y prenez du plaisir visiblement.
07:43– Oui, je prends du plaisir,
07:44puis j'étais au tout début de l'aventure avec Olivier Menard,
07:47ça fait quand même une quinzaine d'années qu'on fait ce show journalistique,
07:52un peu ce café des sports amélioré sur la chaîne d'équipe,
07:56il y a aussi la radio, puis je fais aussi des livres, on va s'en discuter.
08:00Ce qu'il y a de bien aujourd'hui, c'est qu'on fait un métier multimédia,
08:03et un journaliste, on reste aussi multifonction.
08:06OK, la base c'est l'écriture, mais de faire la radio
08:10avec Eugène Saccomano pendant une quinzaine d'années,
08:13vous parlez de la même matière, du même sujet,
08:15mais vous l'exprimez différemment, et ça c'est extrêmement formateur,
08:18intellectuellement, ça vous titille, ça vous permet aussi d'avancer,
08:21et de ne pas vous laisser…
08:22– Formé avec Olivier Rey puis Saccomano, ça fait quand même des belles signatures.
08:26Alors, l'écriture maintenant, vous avez écrit de nombreux ouvrages,
08:29il y a eu « Mille maillots de foudre », « La légende des vers »
08:31par ceux qui l'ont écrite, et puis tout récemment,
08:34un titre qui pourrait mériter le prix du titre, un livre pardon,
08:38qui pourrait mériter le titre original, « Y'a rien qui va mal »,
08:42c'était la phrase fétiche de Gervais Martel à qui vous consacrez,
08:46le livre est sorti au mois de novembre dernier, une biographie,
08:50drôle de personnage lui aussi.
08:52– Formidable personnage, très attachant, c'est pratiquement le président
08:57d'un monde en voie de disparition, pour ne pas dire déjà disparu,
09:01c'est-à-dire des présidents propriétaires et amoureux de leur club.
09:04– À la Nicolin quoi.
09:05– À la Nicolin, à la Campora, à la Camporo, à la Bernard Tapie aussi,
09:09quelque part, à la Claude Baize, toute cette génération, Carlo Molinari,
09:13qui sont tous soif vieillissant, lui il était très jeune,
09:16ça a été le président de Versaillence, il avait une trentaine d'années,
09:20il était encore plus jeune que Jean-Michel Ouest, vous vous rendez compte ?
09:23Et en fait, l'idée c'était de témoigner, j'ai dit,
09:26il faut que tu aies un devoir de transmission, que tu expliques
09:29aux nouvelles générations qu'en fait, il y a eu le football à papa,
09:33qui est un peu dénigré aujourd'hui, mais c'était un football
09:35où on le vivait autrement, il faut que tu témoignes.
09:38Et il a toujours ce phrase, quand il descendait en Ligue 2,
09:40il n'y a rien qui va mal, quand il a été ruiné,
09:42parce que c'était son propre argent, il n'y a rien qui va mal,
09:46quand il a reperdu le club, il n'y a rien qui va mal,
09:48et je lui ai donné ce titre, bien sûr avec son acceptation,
09:51et puis je vous ai Carlo, mon éditeur d'un exergue,
09:55parce que je trouve que ça résume le personnage,
09:57même quand tout allait mal, tout allait bien.
09:59– Alors, ces hommes-là justement, si on a un regard journalistique sur eux,
10:01on peut avoir un regard de communication en disant,
10:04c'était l'ancienne école, c'était formidable, c'était plein de gouaille et d'énergie,
10:07si on a un regard journaliste,
10:09on se dit aussi qu'il y avait du mégalo au mètre carré.
10:12– Il y avait du mégalo au mètre carré, mais je trouve que le lien,
10:15parce que j'ai bien connu aussi Louis Nicolin,
10:18le lien fédérateur entre tous ces hommes-là, c'était des bâtisseurs.
10:22– Exactement.
10:23– Avec tous les excès qu'ils avaient, bien entendu,
10:25on connaît tous ces langages de Louis Nicolin,
10:27Germain Martel en a eu quelques-uns aussi,
10:29c'était vraiment des personnages fort en gueule et haut en gueule,
10:32mais c'était des bâtisseurs, quelque part des visionnaires.
10:35Ce que j'ai bien aimé dans la biographie que j'ai écrite avec Germain Martel,
10:39c'est que par exemple, ils s'étaient déjà projetés sur l'après
10:42en construisant la gaillette,
10:44ils sont sortis, Raphaël Varane et plein d'autres joueurs,
10:46pour assurer la pérennité du club.
10:48Donc ils n'étaient pas là pour faire du trading joueur,
10:50c'est je joue au Monopoly, je prends, j'achète un joueur,
10:52comme c'est le cas aujourd'hui.
10:54– Alors, comment expliquez-vous cette différence d'approche,
10:58encore que Louis Nicolin a toujours été, j'allais dire, assez raisonnable,
11:03c'est un mot qui ne va pas du tout, je vous l'accorde,
11:05mais j'allais dire qu'il n'a pas fait exploser son entreprise,
11:08il a fait exploser plutôt au sens positif,
11:10et puis avec son club, il n'a pas fait d'énormes folies,
11:13alors qu'on a vu d'autres grands chefs d'entreprise sérieux,
11:16Germain Martel, tout perdre à cause de ce football
11:21qui les fait disjoncter, j'allais dire.
11:24– Oui, ça devient une griserie, parce que d'un côté il y a la passion
11:29et de l'autre côté, si vous m'excusez l'expression, il y a le pognon.
11:32Donc le monde des affaires et la passion.
11:34Et quand les deux s'imbriquent, ça devient totalement explosif.
11:37Ce qui est arrivé pour Germain Martel, il faut quand même aussi rappeler
11:40qu'il était propriétaire du Galibo, qui était un journal d'annonce gratuite,
11:43qui n'a quand même pas la surface financière de celle du groupe Nicolin,
11:47qui est quand même quelque chose de très très important.
11:49Donc il y a un peu ça, et c'est vrai que Louis Nicolin a fait quand même des excès,
11:53parce que, allez, souvenez-vous Patrick, dans notre jeunesse,
11:56mais quand il fait venir Laurent Blanc et Eric Antonin et Stéphane Paye à Montpellier,
12:02c'était un peu la folie des grandeurs.
12:04Mais c'est vrai que ça lui a vite passé.
12:06Après, on est arrivé aussi dans un système où aujourd'hui,
12:08si tu n'as pas beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent,
12:11le club ne peut plus survivre.
12:12– Allez, dernière question.
12:14Saint-Etienne va-t-il remonter en Ligue 1 ?
12:16– Un jour.
12:17– Un jour.
12:18– Mais je vais même vous faire une autre confidence,
12:20Patrick, un jour le club sera vendu.
12:22– Oui, ah bon ? En plus ?
12:24Merci en tout cas Bernard Lille de nous avoir rendu visite derrière le micro.
12:28On en apprend toujours dans cette émission et c'est bien intéressant.
12:31On se retrouve très vite pour une nouvelle édition.
12:33Merci à tous.
12:34– Sous-titrage ST' 501

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