• il y a 5 mois
Ce mois-ci, Patrick Chêne et ses invités sont réunis autour du thème "Sport et Prison". Pour en parler, Stéphane Scotto, directeur régional des services pénitentiaires d'île-de-France, Arnaud Jean, président de l'UFOLEP, Jérôme Huon, CTN de la fédération française d'haltérophilie et musculation, Camille Collet responsable socio-sport et Antonin Djadel, éducateur socio-sport au sein du Cercle Paul Bert de Rennes.

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Sport
Transcription
00:00Bonjour à tous, bienvenue dans les grandes questions du sport.
00:20L'avantage sur le sport en France, c'est qu'on prend son temps, on prend son temps
00:23pour traiter des sports qu'on ne voit pas beaucoup ailleurs, pour traiter du sport féminin
00:27notamment, pour traiter du handisport, mais aussi pour poser les grandes questions sociétales
00:32du sport.
00:33Et c'est le but, c'est la raison d'être de cette émission, les grandes questions du
00:36sport.
00:37Aujourd'hui, bien puisqu'on parle de sociétal, c'est vraiment une question très importante,
00:40une question cruciale, c'est la place du sport dans les prisons.
00:43Sport et prison, est-ce que ça va ensemble ? Est-ce qu'on peut conjuguer ces deux mots
00:46ensemble ? On va le voir avec nos invités du jour, avec tout d'abord Arnaud Jean, bonjour
00:51Arnaud Jean, vous êtes président de l'UFOLEP, tout le monde connaît l'UFOLEP, tout le monde
00:55ne se souvient pas exactement peut-être de ce que ça signifie, Union française des
00:58œuvres laïques d'éducation physique, on va voir comment l'UFOLEP est appliquée dans
01:03ce sport dans les prisons.
01:05Avec nous également Stéphane Scoto, merci d'être avec nous, vous êtes directeur régional
01:09des services pénitentiaires d'Île-de-France, et puis Jérôme Huon est avec nous, Huon
01:14pardon, est avec nous également, on représente l'haltérophilie et la musculation, conseiller
01:19technique national de la fédération française d'haltérophilie et de musculation, et également
01:24référent carcéral, vous allez nous expliquer ce dont il s'agit dans quelques instants.
01:30Deuxième partie de l'émission, nous aurons d'autres invités, Antonin Tchadel, éducateur
01:34socio-sport, Camille Collet, responsable du service socio-sport de Rennes, et puis Stéphane
01:41restera avec nous, Stéphane Scoto, puisqu'il nous fera toujours un représentant des services
01:44pénitentiaires sur ce plateau pour bien comprendre.
01:47C'est d'ailleurs à vous que je vais m'adresser en premier Stéphane Scoto, d'abord un petit
01:51état des lieux, on sait qu'il est à 72 000 détenus en France pour 60 000 places,
01:56on en parle souvent de ce taux d'occupation de 118%, il y a eu plein de projets, bon c'est
02:01pas le sujet du débat aujourd'hui, mais construire des prisons visiblement c'est pas aussi simple
02:06que cela, et pour l'instant on est en surpopulation importante, une heure à trois heures par
02:12semaine pour le sport, pour les détenus, c'est l'observatoire international des prisons
02:17qui dit ça, vous êtes d'accord avec ces chiffres ?
02:19Non.
02:20Ah bah on commence bien au moins.
02:21Non je ne suis pas d'accord avec ces chiffres parce que ce sont des chiffres qui ne correspondent
02:26pas aux réalités de l'ensemble des établissements dans leur diversité, des établissements
02:31qui pour certains sont effectivement en suroccupation importante, et ça n'est pas un élément
02:36de facilitation de la pratique d'activité au sein d'un établissement lorsqu'il connaît
02:40une importante suroccupation, mais ce n'est pas l'ensemble des établissements pénitentiaires
02:45qui connaissent une suroccupation, d'abord parce que les établissements pour peine ne
02:49ne peuvent pas être suroccupés, et ensuite, alors les établissements pour peine très
02:54brièvement, les maisons d'arrêt c'est dans l'attente d'un jugement ou une fois jugé
02:59dans l'attente d'un transfert en établissement pour peine, où l'on purge sa peine, où
03:05l'on exécute sa peine, pour quelques mois, parfois quelques années, parfois davantage,
03:11et les établissements pour peine ont nécessairement une occupation inférieure à 100%, à la différence
03:18des maisons d'arrêt.
03:19Quelqu'un est mis en examen, il est en détention provisoire, il peut être en surpopulation,
03:23quelqu'un qui fait sa peine n'est pas en surpopulation carcérale.
03:26On va dire que schématiquement c'est bien cela.
03:28Alors, une heure à trois heures, vous êtes d'accord aussi ?
03:31Non, je ne suis pas d'accord.
03:32Je ne suis pas d'accord d'abord parce que cela dépend des établissements, cela dépend
03:38aussi de la volonté que peuvent avoir nos publics de se porter vers une activité sportive
03:44ou non.
03:45Cela va dépendre aussi du niveau de suroccupation d'un établissement lorsqu'il s'agit d'une
03:50maison d'arrêt.
03:51En Ile-de-France, où nous comptons 17 établissements pénitentiaires, tous ne sont pas des maisons
03:57d'arrêt, donc vous en avez déjà une partie qui sont des établissements avec une occupation
04:02inférieure à 100%, et sur ceux qui ont une occupation excédant les 100%, ce niveau de
04:08suroccupation n'est pas le même.
04:09Il va être très important sur des établissements comme Villepinte en Seine-Saint-Denis, il
04:13va être important mais moins important cependant à Fleury-Mérogis.
04:17Et dans un contexte de suroccupation moindre, l'accès aux activités de sport est facilité
04:24et la possibilité pour les personnes de se porter vers une activité sportive va être
04:28également différente.
04:29Alors avant de donner la parole aux autres invités, moi j'aimerais comprendre d'abord
04:32la philosophie, si vous pouvez me la résumer en tout cas, de la France, parce que vous
04:37avez quand même deux tendances.
04:39Vous avez la première tendance qui est très rigide et qui dit on fait une peine, on n'a
04:43pas, vous avez même des gens qui vont aller jusqu'à l'excès en disant on ne va quand
04:45même pas leur donner l'accès au sport, on ne va pas leur donner l'accès à la télévision
04:49ou autre.
04:50Puis vous avez une deuxième philosophie qui va être de dire on va favoriser la réinsertion,
04:54on ne va pas totalement exclure de la société ces gens-là et on va les aider à s'entretenir
04:59pour rester des êtres humains qui vont pouvoir aborder la vie lorsqu'ils sortiront de prison.
05:04Quelle est la tendance qui l'emporte en France ?
05:06C'est évidemment le fait que les prisons ne sont pas en dehors de la société, que
05:11les personnes qui y sont détenues ne sont pas non plus en dehors de la société.
05:15Elles ont vocation à l'issue de leur incarcération à retrouver une place différente mais à
05:21également retrouver une place dans la société et tout l'enjeu qui mobilise les services
05:27pénitentiaires en France, qu'il s'agisse des services pénitentiaires d'insertion
05:31de probation, qu'il s'agisse des établissements pénitentiaires, ça va être de veiller à
05:35ce que le temps de détention soit un temps utile.
05:37Et cette notion d'utilité, elle va s'incarner tout à la fois dans la possibilité de pratiquer
05:43des activités, sportives notamment, mais également culturelles, cultuelles, de se
05:48porter vers l'enseignement à travers la formation professionnelle, la formation dispensée
05:54par l'éducation nationale.
05:55Ça marche tout ça ?
05:56Vers le travail.
05:57Ça marche tout ça ?
05:58Évidemment.
05:59Sans langue de bois, ça marche vraiment ou on a beaucoup...
06:01Fleury-Mérogis, plus grande prison de France, plus grande prison d'Europe.
06:0450% des personnes qui y sont détenues travaillent.
06:07Elles travaillent parce qu'elles l'ont demandé, je le précise.
06:10Elles ne travaillent pas instantanément parce qu'il y a toujours des délais entre
06:15le moment où l'on demande et le moment où l'on accède à une activité.
06:19Mais 50% des personnes détenues à Fleury-Mérogis, plus grande prison de France et d'Europe,
06:24travaillent.
06:25L'image du détenu qui reste 20h sur 24 dans sa cellule, c'est faux si on accepte
06:29ce genre d'activité ?
06:31Si l'on se porte vers les activités, on peut ne pas passer 22h sur 24 dans sa cellule.
06:37Cette image qui est véhiculée correspond à une situation qui est extrêmement marginale,
06:43qui correspond aussi à peut-être des choix qui sont opérés à un moment par certains
06:49de nos publics.
06:50Les personnes qui sont détenues, notamment dans nos maisons d'arrêt, sont des personnes
06:54en attente de jugement.
06:55Ça veut dire qu'elles ont tout à la fois la possibilité de se porter vers les activités
07:00sportives, culturelles, culturelles, de formation, de travail.
07:04Mais elles ont aussi à gérer un processus judiciaire qui constitue une charge psychologique
07:10non négligeable et qui peut nécessiter à un moment qu'elles aient un temps de repli,
07:16un temps pour lequel elles sont accompagnées tout à la fois par les équipes pénitentiaires
07:20mais également les personnels de santé qui interviennent au sein de nos établissements.
07:24Alors voyons maintenant avec Arnaud Jean, président de l'UFOLEP je le rappelle,
07:29en quoi l'UFOLEP est concerné par le sport en milieu pénitentiaire.
07:34L'UFOLEP est concerné parce que c'est une fédération du sport pour tous d'abord
07:38et donc impossible pour nous d'exclure de la pratique des publics qui en sont de fait
07:43très très éloignés parce qu'ils sont incarcérés.
07:46Et donc depuis très longtemps maintenant, notre fédération est sollicitée pour intervenir
07:51régulièrement dans les maisons d'arrêt et dans d'autres établissements relevant
07:56des compétences de monsieur le directeur pour y proposer des activités physiques.
08:00Alors vous intervenez comment ?
08:02On intervient d'abord parce que sur une dimension très multisport.
08:05On y intervient auprès de publics très différents qui peuvent être des jeunes,
08:09des moins jeunes, des peines plus longues, des femmes, des hommes.
08:12Donc on a cette capacité aujourd'hui avec des équipes formées à intervenir
08:16auprès de différents publics parce que les prisonniers forcément ne se rendent pas toutes et tous.
08:21Alors vous formez des gens à l'UFOLEP spécifiquement pour ces actions ?
08:26J'ai jamais eu l'occasion de le faire mais des témoignages des animateurs,
08:30on vit différemment. C'est une expérience vraiment troublante la première fois
08:34qu'on franchit par le jeu des clés, le bruit. Il y a une atmosphère particulière
08:39donc ça nécessite un accompagnement véritablement.
08:43Nous on est très spécialistes du multisport et surtout de cette capacité à intervenir
08:47avec des publics de manière différente. On n'intervient pas en pratique sportive
08:51dans un EHPAD comme on intervient auprès de jeunes publics
08:53et comme on intervient auprès de personnes qui sont incarcérées.
08:55Donc on a aujourd'hui des profils qu'on recherche, ce qu'on appelle en activité physique adaptée,
08:59qui eux vont en capacité de s'adapter, d'adapter leur contenu, leur pratique,
09:04le niveau de pratique aux personnes qu'ils ont ou qu'elles ont en face d'elles
09:08en fonction aussi du moment de l'année, de leur état d'esprit de la journée,
09:11un moment où ça ne va pas bien, un moment où ça va mieux, où on a confiance en soi,
09:15en plus avec des publics qui sont très sédentarisés du fait de l'incarcération,
09:20qui souvent d'ailleurs ont des parcours parfois en lien avec le corps
09:24ou en lien avec la pratique physique qui sont un peu compliqués
09:27et donc véritablement leur redonner confiance en eux, sur leurs capacités,
09:32les remobiliser à travers d'autres choses que le football,
09:35parce que sortir un peu des idées préconçues et jouer sur cette dimension multisport
09:41pour aussi remettre à égalité toutes et tous face à la pratique.
09:44– Avant d'entendre Jérôme Luon sur son expérience dans ce domaine,
09:47je reviens avec vous Stéphane Scotto,
09:49je rappelle que vous êtes directeur régional des services pénitentiaires d'Île-de-France.
09:53Lorsqu'il y a des bonnes volontés à l'UFOLEP pour, j'allais dire,
09:56donner un coup de main pour s'intégrer dans cette action,
09:59quel est le process ?
10:01C'est-à-dire qu'une fédération va venir vers vous en disant
10:03nous on aimerait donner un coup de main, comment ça se passe ?
10:06– Nous les accueillons bien évidemment très favorablement et du reste,
10:09nous avons des partenariats avec des fédérations
10:12tant au niveau national qu'au niveau interrégional.
10:14Nous avons également un partenariat privilégié avec le CROSS,
10:17le comité régional olympique sportif, avec également…
10:22– Comment ça se passe concrètement ?
10:24Je suis président d'une fédé et je dis tiens, allez on va mouiller le maillot là,
10:28ces hommes, ces femmes vont ressortir de prison, il faut préparer la réinsertion,
10:32on aimerait aider, allo, monsieur le directeur, qu'est-ce qu'on fait ?
10:36– On se rencontre, on fait un projet,
10:39on travaille ensemble à la réalisation de ce projet,
10:42des projets qui peuvent concerner, je le dis également,
10:46les animateurs, les personnels pénitentiaires
10:48qui vont encadrer des personnes détenues,
10:51des projets qui vont permettre à des personnes détenues
10:53de se réaliser dans des activités sportives,
10:56de participer aussi à des projets d'éducation à la santé,
10:59c'est très important aussi en milieu pénitentiaire,
11:02des projets qui vont permettre aussi de favoriser le contact dedans-dehors,
11:06avec des permissions de sortir qui permettent aux personnes détenues
11:09d'aller participer à des rencontres,
11:12alors soit d'y assister, soit d'en être joueur en tant que tel à l'extérieur,
11:16mais qui permettent aussi à la société civile
11:18de venir à l'intérieur de nos établissements
11:20pour participer à des rencontres,
11:22pour participer à des démonstrations, à des tournois,
11:24et puis parfois des rencontres également, j'allais dire journalistiques,
11:28j'ai souvenance il y a quelques semaines encore
11:30de la présentation dans un établissement francilien
11:33du Ballon d'or, un moment de rencontre un peu original
11:37et un peu décalé pour les personnes détenues,
11:39qui sans être en contact direct là pour le coup avec une activité sportive,
11:44étaient quand même en contact direct
11:46et ont pu toucher un objet qui est sans doute
11:49l'objet de beaucoup de fantasmes et d'imaginaires importants.
11:53Donc oui, cette fluidité dedans-dehors,
11:56que le travail notamment avec les partenaires sportifs
11:59nous permet de mobiliser.
12:01Jérôme Huon, vous êtes conseiller technique national
12:03de la Fédération française d'haltérophilie,
12:05on dit, et de musculation maintenant ?
12:07Haltérophilie, musculation.
12:08Haltérophilie, musculation.
12:09Et vous êtes référent carcéral, qu'est-ce que ça signifie ?
12:12C'est un dossier parmi d'autres,
12:14en tout cas c'est une mission qui m'a conduit à collaborer
12:17avec les services de la DISP,
12:20à travers le contact privilégié que j'entretiens
12:24avec Vincent Saint-Charles,
12:26qui est le coordinateur sportif de ce service.
12:29Ils ont souhaité répondre à un appel d'offres
12:33et bénéficier d'un fonds de dotation
12:36qu'on appelle l'Impact 2024,
12:38qui a permis dans le cadre de ce projet
12:41d'équiper dans un premier temps deux établissements,
12:44Fleury et Poissy, de structures de pratiques
12:47de musculation extérieure,
12:49plus communément appelées street workout.
12:52Nous, on intervient dans le consortium de ce projet
12:58à travers trois volets.
13:01L'équipement, on a conseillé nos amis
13:06sur le choix, les dimensions, etc. de l'équipement.
13:10Ensuite, on a co-organisé une compétition
13:13qui était organisée sur deux établissements
13:16et avec des écrans interposés,
13:19où deux équipes ont pu se rencontrer en direct
13:24pour de l'haltérophilie,
13:26de la musculation extérieure,
13:29des tractions, des dips,
13:32ces mouvements sans machine, sans halter.
13:37Très intéressant, très valorisant aussi
13:41pour l'ensemble des parties.
13:44Le troisième volet, c'est la formation.
13:48On est en train d'adapter des modules de formation
13:51qu'on a créés pour nos clubs ou pour des éducateurs.
13:54Pour le personnel pénidentiel.
13:56Exactement, pour les moniteurs de sport des prisons.
13:59Et aussi, il y aura un module de formation
14:02destiné à des détenus auxiliaires,
14:05si c'est bien le terme, monsieur le directeur,
14:08qui ont certaines responsabilités d'équipement ou autres
14:12et qui pourront bénéficier de cette formation
14:15pour encadrer leurs co-détenus.
14:18Vous avez vous-même participé à des actions
14:21dans les établissements pénitentiaires ?
14:23A titre personnel, j'étais présent sur la compétition.
14:27On a apporté un conseil sur l'élaboration d'un règlement
14:32pour cette compétition.
14:34On a formé aussi avec mon collègue Jocelyne Brégère
14:38les juges, les arbitres de la compétition
14:41qui étaient des moniteurs de sport.
14:44Et puis on était présents pour veiller à ce que tout se déroule bien
14:47pour apporter un soutien technique.
14:49Arnaud Jean, on parlait tout à l'heure de ce côté tellement différent
14:52de ce qu'on est habitué à vivre dans notre monde libre.
14:54Lorsque vous rentrez dans la prison,
14:56vous avez ressenti également cette...
14:58Oui, pour ma part, c'était la première fois
15:00et c'est assez intimidant.
15:02La première fois, c'était pour la formation des juges à Poissy.
15:05Et Poissy, c'est assez particulier
15:07parce que c'est une prison ouverte.
15:09Donc les détenus circulent librement dans la prison.
15:12Et on a échangé.
15:14Et à certains moments, je ne savais même pas
15:16si je parlais à un détenu ou à un collègue moniteur.
15:19C'était assez marrant d'ailleurs.
15:21Et voilà, donc une atmosphère plutôt...
15:24Apaisée.
15:26Plutôt apaisée, oui, plutôt apaisée.
15:28Et la structure qui a été installée dans cet établissement
15:31viendra renforcer, je pense, ces aspects positifs.
15:34Stéphane Scoto, votre mission est évidemment globale.
15:37Vous êtes directeur régional des services pénitentiaires d'Île-de-France.
15:41C'est le mot apaisé qui m'a fait réagir.
15:43Est-ce que votre rôle est également
15:45d'avoir des prisons apaisées,
15:47de gérer toute cette...
15:49On peut imaginer tout ce qui peut se passer dans une prison.
15:52Le sport peut tenir une place très importante
15:54justement parce qu'elle permet d'évacuer des tensions.
15:59On le voit dans tous les domaines.
16:01Si on a un gros projet à écrire,
16:03si on fait du sport, c'est plus facile.
16:05Si on a à assumer des émotions, si on fait du sport, c'est plus facile.
16:07Vous êtes dans cet esprit-là ?
16:09Comme nous tous, le sport, c'est aussi
16:11un élément de régulation.
16:13La régulation d'une tension
16:15qui peut exister dans un lieu
16:17qui est un lieu de privation de liberté,
16:19mais qui n'est pas un lieu de privation de droits.
16:21Ça veut dire la possibilité
16:23d'accéder à l'exercice
16:25de certains droits, le droit à se former,
16:27le droit à travailler, le droit à pratiquer
16:29une activité sportive.
16:31C'est important que cet apaisement
16:33soit un élément qui vienne faciliter
16:35le cours de la détention
16:37pour les personnes détenues.
16:39Vienne aussi faciliter les conditions d'exercice
16:41pour les personnels pénitentiaires.
16:43Vienne aussi faciliter les conditions
16:45d'intervention des différents partenaires
16:47au sein de nos établissements.
16:49Il y a toujours une comparaison avec les pays nordiques,
16:51dans beaucoup de domaines.
16:53Ce n'est pas pour ça qu'on doit toujours considérer
16:55que c'est mieux là-bas.
16:57Tout de même, les activités en prison,
16:59quand on a la comparaison entre ces deux pays,
17:01on s'aperçoit qu'on est même très en retard
17:03pour l'accès au travail notamment.
17:05Vous allez peut-être me dire que les chiffres
17:07ne sont pas exacts, mais moi j'ai 47%
17:09d'accès au travail des détenus en Suède
17:11et j'ai 12% en France.
17:13Il ne s'agit pas évidemment,
17:15j'aimerais être très clair,
17:17parce que j'imagine les gens qui disent
17:19qu'ils sont détenus,
17:21qu'ils ont fait des erreurs, des crimes, des délits,
17:23mais on ne doit pas perdre l'idée
17:25que ces gens-là vont se retrouver
17:27à nouveau dans la société
17:29et que votre rôle,
17:31vous l'avez très bien dit tout à l'heure,
17:33c'est aussi de les préparer
17:35à revenir parmi nous.
17:37Est-ce qu'on a une volonté politique
17:39de, je ne dirais pas de rattraper la Suède,
17:41mais d'avoir un état d'esprit
17:43un petit peu différent et d'aller aussi loin ?
17:45Indéniablement, il y a une volonté politique
17:47et il y a une mobilisation constante
17:49de l'administration pénitentiaire
17:51devrait rendre
17:53le temps de détention utile
17:55à favoriser ce que l'on appelle
17:57les parcours de désistance,
17:59c'est-à-dire le fait pour une personne
18:01qui a été mise en cause pénalement,
18:03voire condamnée,
18:05de ne pas récidiver,
18:07de ne pas réitérer, ça c'est indéniable
18:09et c'est une volonté de tous les instants.
18:11Après, vous l'avez dit vous-même,
18:13comparaison n'est pas raison
18:15et toujours se référer
18:17à des pays qui ne sont pas
18:19nécessairement comparables aux nôtres
18:21parce que ce n'est pas le même
18:23nombre d'habitants, parce que ce n'est pas
18:25une société qui a
18:27nécessairement le même type de contrôle social,
18:29c'est-à-dire la régulation
18:31des relations entre chacun.
18:33C'est un peu facile.
18:35C'est un peu facile de la même façon
18:37que j'ai regardé vos chiffres
18:39avec évidemment intérêt,
18:41d'ailleurs ce ne sont pas vos chiffres,
18:43ce sont les chiffres d'une association
18:45qui a des postures
18:47et des positions très engagées,
18:49très orientées.
18:51Je ne les fais pas miens.
18:53Je ne les fais pas miens et j'observe
18:55qui plus est dans ces chiffres.
18:57Le conservatoire des prisons n'a pas
18:59confiance ?
19:01Non.
19:03C'est un avis, c'est un point de vue,
19:05ça n'est pas nécessairement une vérité établie
19:07et quand je constate que
19:09on compare des données
19:11en indiquant que les données ne sont pas disponibles
19:13et que parce qu'elles sont disponibles
19:15on en tient comme conclusion
19:17que le nombre de personnes concernées
19:19par l'activité sportive, par le travail
19:21est nécessairement marginal,
19:23c'est un raccourci auquel je ne me hasarde pas.
19:25C'est un raccourci qui vient aussi contredire
19:27tout le travail que réalisent
19:29les partenaires, les partenaires institutionnels,
19:31les partenaires associatifs
19:33auprès des établissements pénitentiaires.
19:35Les fédérations qui interviennent
19:37au sein des établissements pénitentiaires,
19:39le partenariat que nous avons noué
19:41en Ile-de-France avec les Hauts-de-la-Grange
19:43ou avec le Cross, c'est le nier
19:45que de considérer que les personnes n'en bénéficient pas.
19:47Il est hors de question de dire qu'il ne se passe rien, évidemment.
19:49Moi j'aimerais, juste une question de détail,
19:51est-ce que vous avez des licenciés
19:53qui sont venus après avoir découvert
19:55votre sport en prison et qui suivent ensuite ?
19:57Non, c'est des actions
19:59qui sont indépendantes,
20:01qui sont relativement déconnectées
20:03de l'activité qu'on mène au sein
20:05de notre environnement et de nos clubs.
20:07J'aimerais qu'on parle maintenant
20:09de la PJJ, Protection Judiciaire
20:11de la Jeunesse. Et là,
20:13Arnaud Jean, vous avez une convention
20:15qui vous lie à la PJJ,
20:17la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
20:19Quelle est la philosophie et quel est le but
20:21de cette convention ?
20:23En fait, les intérêts sont très convergents
20:25entre la PJJ, qui s'intéresse aux jeunes
20:27qui sont sous main de justice,
20:29qui ne sont pas incarcérés, mais qui sont confrontés
20:31à des problèmes judiciaires.
20:33Déjà, c'est des jeunes qui, on le voit,
20:35cumulent un certain nombre de problèmes
20:37autres que ceux judiciaires.
20:39En tout cas, ce que nous dit la PJJ,
20:41confrontés plus que les autres aux phénomènes de sédentarité,
20:43aux phénomènes d'obésité,
20:45à des comportements alimentaires qui ne sont pas ceux
20:47propices à une bonne santé,
20:49et qui ont, malheureusement, souvent beaucoup d'addictions.
20:51Réseaux sociaux, écrans,
20:53et bien entendu, certains produits prohibés.
20:55Donc, on a là affaire à des publics
20:57qui sont certainement
20:59beaucoup plus compliqués que le sportif
21:01ou la sportive moyen.
21:03Néanmoins, des intérêts convergents,
21:05parce qu'aujourd'hui, une fédération comme l'UFOLEP
21:07a cette capacité à accompagner les éducateurs
21:09de la PJJ et éducatrices,
21:11qui sont des spécialistes de la prise en charge de ces jeunes,
21:13mais qui ne sont pas forcément des éducateurs
21:15et d'éducatrices sportives.
21:17Donc, chaque année,
21:19un très beau challenge qui s'appelle le Challenge Michelet,
21:21et l'UFOLEP vient en soutien,
21:23en support, pour organiser ces événements
21:25qui sont propres aux jeunes
21:27qui sont concernés par la PJJ.
21:29Et cette convention nous a permis aussi
21:31d'intégrer sur des rencontres sportives,
21:33notamment l'UFOLEP organise l'UFO Street,
21:35qui est la plus grande tournée des quartiers.
21:37C'est une tournée sportive et citoyenne, multisport.
21:39Et donc, ça nous permet d'intégrer des équipes
21:41de jeunes de la PJJ,
21:43au sein, comme tous les autres jeunes,
21:45de ces tournois qui sont des tournois sportifs.
21:47Aujourd'hui, les cueils majeurs,
21:49et ça rejoint votre question sur...
21:51Et après, c'est que l'UFOLEP
21:53est une fédération d'éducation par le sport.
21:55On a très envie d'accompagner.
21:57Alors, on fait du PSCA,
21:59on les accompagne dans des projets,
22:01des cercles de parole autour de la laïcité,
22:03autour de la citoyenneté.
22:05Mais véritablement, aujourd'hui, on peut apporter
22:07des compétences très transversales,
22:09qui sont qualifiantes, mais qui ne sont pas certifiantes.
22:11Parce que malheureusement, pour la plupart des peines,
22:13ces jeunes seront interdits
22:15de promouvoir,
22:17d'être animateurs dans le champ
22:19de jeunesse et sport.
22:21On n'est pas dans la prévention, on ne peut pas éviter
22:23qu'ils basculent.
22:25C'est tout l'objet de la PJJ, de faire en sorte qu'ils ne basculent pas.
22:27Et bien entendu,
22:29c'est pour ça qu'on est partenaire.
22:31On touche plus de 1 000 jeunes chaque année.
22:33C'est un très important volume.
22:35On organise avec la PJJ
22:37un peu plus de 200 événements chaque année.
22:39Bref, depuis 2009, ce sont des dizaines de milliers
22:41de jeunes, plus de 10 000 jeunes,
22:43qui sont passés entre nos mains,
22:45et dont on espère que notre action conjointe
22:47d'éducation, de prévention,
22:49d'accompagnement, va faire en sorte de ne pas tomber
22:51de l'autre côté, qui est beaucoup plus grave.
22:53Comment se fait-il qu'il y a si peu
22:55de fédérations qui sont concernées ?
22:57Vous en parlez avec vos collègues de temps en temps ?
22:59Je sais que
23:01la boxe anglaise
23:03et la boxe française aussi, je crois, interviennent.
23:05Il y a la boxe, il y a l'UNSC,
23:07Léo Lagrange en a dit, vous l'avez dit tout à l'heure,
23:09il y a le tennis de table, le badminton,
23:11le basket, mais c'est peu.
23:13C'est assez peu, et en même temps,
23:15c'est sans doute, je parle pour la fédération
23:17d'haltéromusculation,
23:19en termes de matériel,
23:21c'est assez simple.
23:23Aujourd'hui, d'ailleurs,
23:25au sein de la fédération, on travaille sur le développement
23:27de formation autour de la pratique
23:29au poids de corps, sans aucun matériel.
23:31Sur les établissements,
23:33il y a des structures
23:35qui ont été installées, qui sont permanentes,
23:37et qui peuvent d'ailleurs
23:39être utilisées sur des temps de pratique dédiés
23:41et puis aussi, de façon, j'imagine,
23:43autonomes et libres.
23:45Donc,
23:47c'est certains avantages que
23:49certaines activités peuvent apporter.
23:51Je reviens un peu à la philosophie de tout ça.
23:53Stéphane Scotto,
23:55il y a eu une polémique il y a quelques mois
23:57sur une compétition de
23:59karting, et j'entendais les réactions,
24:01à titre personnel,
24:03j'étais assez effaré par ces réactions,
24:05ils sont en prison, on n'a pas à s'occuper d'eux,
24:07on n'a pas à leur faire faire du sport.
24:09Vous vous êtes confronté à ça, vous vous rendez compte
24:11qu'il y a cette tendance aussi de dire,
24:13ils sont en prison, on ne va pas aller leur donner
24:15des loisirs ou autre.
24:17Je pense qu'il est aussi de notre responsabilité
24:19de dépasser des représentations
24:21de la sanction, de la peine,
24:23qui peuvent être celles que vous venez de décrire,
24:25pour précisément indiquer
24:27en quoi, parce qu'il y a
24:29ce temps de détention,
24:31la peine peut être utile.
24:33Évidemment, pour favoriser,
24:35je l'indiquais, les parcours de désistance,
24:37c'est-à-dire de sortie de la délinquance,
24:39de reconstruction d'une personne,
24:41de contribution, j'entends de la personne
24:43détenue en tant que telle, de reconstruction
24:45de ses liens parfois avec ses proches,
24:47qui sont des facteurs protecteurs,
24:49qui l'aident ou peuvent
24:51l'aider aussi à retrouver
24:53toute sa place dans la société,
24:55de découvrir parfois l'école,
24:57il y a des paradoxes dans
24:59nos établissements pénitentiaires,
25:01c'est au moment où l'école, finalement,
25:03n'est pas obligatoire, que les personnes
25:05spontanément, dans un environnement
25:07de contraintes,
25:09d'enfermement, se portent
25:11librement vers l'école,
25:13et c'est parfois une première rencontre,
25:15une première rencontre également
25:17avec le travail, avec la formation professionnelle,
25:19et donc...
25:21– Et puis les valeurs du sport, la rigueur,
25:23l'esprit collectif, au service de l'autre,
25:25– Et les valeurs du sport, vous avez raison,
25:27la discipline,
25:29le respect de l'autre,
25:31cette notion d'altérité
25:33vers laquelle nous souhaiterions pouvoir
25:35hisser
25:37les publics qui nous sont confiés,
25:39le respect de l'autre, la considération de l'autre,
25:41prendre soin de l'autre, je pense à
25:43certaines actions que nous avons pu organiser
25:45sur des établissements avec
25:47des associations handisport,
25:49et là c'était très intéressant
25:51de voir les personnes détenues
25:53accompagner
25:55des personnes en situation de handicap
25:57dans la pratique du sport
25:59et là, vous avez des rencontres
26:01très intéressantes, le fait de prendre
26:03soin de quelqu'un d'autre,
26:05c'est aussi une démarche qui construit.
26:07– Puis la dernière chose, vous l'avez dit brièvement
26:09tout à l'heure, mais c'est aussi pour le personnel
26:11pénitentiaire, parce qu'un public,
26:13comme vous dites, qui va être apaisé
26:15ou qui va être en tout cas occupé
26:17à se bonifier
26:19et à préparer sa sortie,
26:21le travail des personnels pénitentiaires
26:23va s'en trouver facilité.
26:25– Les 8000 fonctionnaires pénitentiaires,
26:27agents pénitentiaires
26:29qui travaillent en Ile-de-France
26:31ont évidemment la volonté
26:33de faire un travail qui se déroule
26:35dans les meilleures conditions qu'il soit,
26:37c'est un métier qui est exigeant,
26:39c'est un métier difficile,
26:41et ce n'est pas parce qu'il est difficile
26:43qu'il doit se dérouler dans des conditions compliquées,
26:45donc nous travaillons en permanence
26:47à rendre ces conditions moins compliquées,
26:49à les rendre plus sereines,
26:51et le sport contribue pleinement de ce dessin.
26:53– Merci en tout cas,
26:55voilà cette première partie qui s'achève,
26:57je veux remercier Arnaud Jean,
26:59et puis bravo pour ce que vous faites,
27:01Jérôme Huon également,
27:03je pense que c'est vraiment important
27:05que le sport soit présent dans tous les domaines
27:07et surtout avec les personnes en difficulté,
27:09le sport c'est de la prédention,
27:11enfin je ne vais pas vous dire ici
27:13toutes les valeurs du sport,
27:15j'en aurai jusqu'à minuit.
27:17Merci, on va vous libérer donc Arnaud Jean et Jérôme Huon,
27:19je vous garde, Stéphane Scotto,
27:21et je reçois Camille Collet,
27:23Antonin Djadel,
27:25et c'est tout dans quelques instants,
27:27à tout de suite.
27:29– Sous-titrage Société Radio-Canada
27:31
27:33– Sous-titrage Société Radio-Canada
27:35
27:37– Sous-titrage Société Radio-Canada
27:39
27:41Deuxième partie des grandes questions du sport,
27:43consacrée aujourd'hui au sport en milieu pénitentiaire,
27:45alors on va rentrer encore plus
27:47dans le concret désormais
27:49avec deux nouveaux invités, Camille Collet, bonjour.
27:51– Bonjour. – Vous êtes responsable du service
27:53socio-sport dans l'association Cercle Paulbert à Rennes,
27:55et vous avez une action en milieu carcéral,
27:57on en parlera également avec Antonin Djadel
27:59qui est à vos côtés,
28:01qui est éducateur dans cette association
28:03Cercle Paulbert de Rennes,
28:05éducateur socio-sport,
28:07et puis Stéphane Scotto, directeur régional
28:09des services pénitentiaires d'Île-de-France,
28:11est toujours avec nous, vous allez peut-être apprendre des choses
28:13de ce qu'il se passe du côté de Rennes,
28:15et peut-être même vous en inspirer.
28:17Commençons d'abord juste par une courte définition,
28:19de nous dire ce qu'est l'association
28:21du Cercle Paulbert de Rennes,
28:23quelle est sa motivation, sa philosophie,
28:25sa raison d'être.
28:27– Oui, alors le Cercle Paulbert de Rennes
28:29c'est une association sportive et socio-culturelle,
28:31elle a plus de 130 ans d'existence.
28:33– Ne le faites pas.
28:35– Merci.
28:37Elle s'inscrit dans le mouvement de l'éducation populaire,
28:39en ce sens elle est affiliée
28:41à la Ligue française de l'enseignement,
28:43et du coup pour sa partie sport loisir,
28:45à l'UFOLEP, qui vient d'intervenir,
28:47donc on a des liens très étroits.
28:49Son objectif principal c'est
28:51de favoriser l'accès au sport,
28:53à la culture et au loisir à tout type de public.
28:55– Alors tout type de public, on y vient,
28:57là on parle aujourd'hui particulièrement du milieu carcéral,
28:59quelles sont vos actions
29:01et comment votre association
29:03est venue à intervenir dans ces milieux-là ?
29:05– Alors on a plusieurs créneaux
29:07qui se déroulent de manière hebdomadaire,
29:09à la fois au centre pénitentiaire
29:11pour hommes de Vezins,
29:13et là c'est le groupe Sport de la Forme
29:15qui s'occupe de ces créneaux-là,
29:17donc plutôt autour des activités fitness,
29:19musculation, crossfit,
29:21et au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes,
29:23donc nous on est sur une entrée plutôt multisport,
29:25et c'est là qu'Antonin et moi intervenons,
29:27alors moi je ne suis plus trop sur le terrain maintenant,
29:29je suis devenue responsable,
29:31j'étais à l'initiative du projet
29:33mais maintenant c'est mes collègues
29:35qui prennent la suite.
29:37– Antonin va tout nous raconter sur son expérience,
29:39on parlait tout à l'heure,
29:41il faut bien préciser que c'est un monde
29:43très particulier, qu'on connaît peu,
29:45on n'est pas préparé, en tout cas la majeure partie d'entre nous,
29:47à rentrer dans ces lieux,
29:49est-ce que vous arrivez à agir
29:51aussi sereinement que vous le faites
29:53dans d'autres milieux ?
29:55– Oui, c'est même plus facile
29:57qu'on ne peut le penser,
29:59en tout cas pour la prison des femmes de Rennes
30:01où j'interviens,
30:03au début on n'est pas forcément à l'aise,
30:05on a tout de suite l'image de prison break
30:07dans les yeux,
30:09et au final c'est vraiment pas ça,
30:11c'est des moments de convivialité,
30:13de sport,
30:15de discussion, d'échange,
30:17ça se passe très bien
30:19depuis trois ans que j'interviens maintenant.
30:21– Alors on a parlé tout à l'heure
30:23de la philosophie de tout ça,
30:25pas besoin d'enfoncer des portes ouvertes
30:27et de dire que le sport peut être un vecteur formidable
30:29pour préparer à la réinsertion,
30:31Benjamin, votre témoignage vraiment concret,
30:33quel type de relations
30:35ces personnes entretiennent avec le sport,
30:37est-ce que c'est une manière
30:39de s'évader,
30:41ou est-ce qu'en plus c'est une manière
30:43de se découvrir, de découvrir l'autre,
30:45de s'ouvrir vers les autres,
30:47est-ce que vous ressentez tout ça dans cette expérience ?
30:49– Oui, bien sûr,
30:51on sait très bien qu'on ne touche pas
30:53toute la population de la prison,
30:55comme dans toute société,
30:57il y en a qui sont intéressés, d'autres pas,
30:59par le sport, c'est sur la base du fond l'Ontario,
31:01elles ont des créneaux qui sont disponibles
31:03pour elles, donc elles en profitent
31:05ou non, c'est des moments
31:07qui sont
31:09très agréables,
31:11où on pratique
31:13toutes sortes de disciplines,
31:15moi, pour mon exemple personnel,
31:17je ne fais pas
31:19de différence entre un créneau
31:21que je peux pratiquer
31:23dans un sport plus dit
31:25classique club,
31:27en tout cas dans la façon d'animer
31:29les choses, après dans les discussions,
31:31dans la façon dont on amène le sport,
31:33bien sûr, c'est spécifique,
31:35mais l'échange que j'ai avec les personnes,
31:37pour moi, ça ne change pas.
31:39– On a quand même l'image, on ne va pas parler
31:41que d'un monde de bisounours,
31:43parce qu'on a quand même l'image d'une prison
31:45comme parfois une cocotte minute,
31:47avec une violence qui est inhérente au lieu,
31:49puisqu'on est incarcéré,
31:51et il y a quand même quelque chose
31:53qui boue inévitablement,
31:55est-ce que vous ressentez ça,
31:57ce côté libération,
31:59est-ce qu'il y a de la violence par exemple
32:01dans toutes les catégories ?
32:03– Moi je n'en ai jamais vu,
32:05il peut y avoir quelques tensions de temps en temps,
32:07après nous on n'est pas là tout le temps,
32:09ce n'est pas ce qui se passe dans les couloirs,
32:11je pense que ça aide le sport,
32:13c'est peut-être aussi la soupape
32:15qui permet que ça n'explose pas,
32:17moi Camille peut-être a vécu
32:19d'autres expériences,
32:21mais moi pour l'instant
32:23ça se passe toujours bien.
32:25– Camille ?
32:27– Non, et puis en fait depuis 2017
32:29moi je n'ai jamais vu de scène violente,
32:31elles sont plutôt contentes de se retrouver,
32:33puisque le sport c'est la seule activité,
32:35le seul moment où les différentes ailes,
32:37donc ça fonctionne par bâtiment,
32:39peuvent se retrouver,
32:41donc c'est aussi un moment privilégié,
32:43elles profitent de cet instant-là entre elles,
32:45donc non jusqu'ici pas de tensions.
32:47– Réaction ?
32:49– Formidable témoignage,
32:51et finalement témoignage également
32:53très représentatif de témoignages
32:55que nous pourrions recueillir également
32:57pour les personnes qui veulent bien
32:59se porter vers nos établissements,
33:01pour y intervenir,
33:03pour venir animer, coordonner une activité,
33:05c'est le cas évidemment
33:07en Ile-de-France,
33:09aux côtés des 60 moniteurs de sport
33:11que l'administration pénitentiaire
33:13mobilise, aux côtés des coordinateurs
33:15d'événements sportifs
33:17que nous mobilisons également
33:19pour des événements tels que ceux
33:21que nous avons pu évoquer sur le premier plateau,
33:23notamment ce challenge en multiplex
33:25entre deux établissements qui sur des ateliers
33:27et des agrées de street workout
33:29se sont challengés très sportivement
33:31et ce vécu dont vous témoignez
33:33finalement,
33:35il est aussi l'expression
33:37de ce qu'on a
33:39des bulles,
33:41des temps
33:43d'activité qui sont des temps
33:45où les personnes peuvent
33:47se porter librement, participer,
33:49se réaliser, se dépasser
33:51parfois parce que le sport c'est aussi un exercice
33:53de dépassement, un exercice de volonté
33:55et la notion de canalisation de sa volonté
33:57elle est importante aussi
33:59lorsque l'on est dans une trajectoire
34:01de désistance.
34:03Les détenus que vous rencontrez lors de ces manifestations sportives
34:05de ces entraînements et autres
34:07ne sont pas obligatoirement originaires de la région ?
34:09Il ne reste pas, vous n'avez pas d'exemple
34:11de gens qui ensuite ont continué
34:13la pratique du sport dans votre région ?
34:15Je pense que chacun repart dans sa région d'origine ?
34:17Il y a sûrement
34:19des exemples, on ne les connait pas forcément
34:21C'est spécifique, nous à la prison des femmes de Rennes
34:23vous l'avez dit, elles viennent de partout
34:25par contre on a eu
34:27un retour du moniteur de sport
34:29de Rennes qui disait que
34:31il avait croisé un détenu
34:33sur un trail
34:35qui s'était suite
34:37au suivi sportif
34:39qu'il avait eu en détention
34:41il avait pris goût au trail
34:43et du coup il l'avait croisé sur un trail
34:45juste après.
34:47Vous qui êtes prestataires,
34:49qui donnez aux prisons,
34:51vous, de votre regard, de votre point de vue,
34:53quels sont les axes d'amélioration ?
34:55Est-ce qu'il y a des lourdeurs administratives ?
34:57Est-ce qu'il y a des choses à bousculer ?
34:59Ou est-ce que ça se passe normalement ?
35:01Nous ça se passe toujours très bien
35:05Forcément on ne rentre pas
35:07en prison comme on rentre
35:09n'importe où, heureusement
35:11Nous on a cette
35:13spécificité de faire
35:15travailler sur un cycle
35:17sportif
35:19et à la fin de ce cycle
35:21on fait rentrer une équipe
35:23de joueuses de l'extérieur
35:25pour pratiquer avec les détenus
35:27donc on a cette vocation sociale
35:29d'ouverture vers l'extérieur
35:31et ça plaît beaucoup
35:35On ne fait pas rentrer toutes ces personnes-là
35:37facilement non plus
35:39donc ça prend du temps
35:41mais ça vaut le coup
35:43Comme vous voyez c'est bonne volonté
35:45Stéphane Scotto
35:47vous avez conscience
35:49de pouvoir leur donner
35:51tous les moyens de faire ce qu'ils ont envie de faire
35:53pour l'univers carcéral
35:55ou est-ce que vous vous dites attendez les bonnes volontés
35:57on se calme, on a des règles strictes
35:59ça demande plus de temps que dans un monde
36:01autre
36:03Alors il y a des règles strictes
36:05mais j'ai envie de dire comme dans beaucoup d'organisations
36:07je désire voyager je prends l'avion
36:09il y a des règles pour accéder à l'avion
36:11j'accède à un établissement bénédentiaire
36:13il y a des règles
36:15pour autant il est très rare
36:17que nous ayons des demandes
36:19qui excèdent finalement nos capacités
36:21nous avons sur nos établissements bénédentiaires
36:23très souvent des plateaux sportifs
36:25des gymnases, des salles de musculation
36:27des équipements de sport
36:29qui permettent de répondre
36:31à une très large palette de possibilités
36:33de pratiques
36:35et lorsque ça n'existe pas
36:37on travaille parfois à améliorer l'existant
36:39Vous nous avez parlé tout à l'heure
36:41de la présence du Ballon d'Or à Fleury
36:43Comment ça se passe ?
36:45C'est eux qui vous ont appelé ?
36:47Effectivement, ils nous ont proposé
36:49de pouvoir organiser cette rencontre
36:51et cette rencontre a évidemment
36:53été très favorablement accueillie
36:55comme je l'ai indiqué, lorsque l'on se porte
36:57vers l'administration pénitentiaire
36:59l'administration pénitentiaire
37:01au-delà de sa tradition d'hospitalité
37:03elle a également une hospitalité
37:05pour les partenaires, c'est-à-dire que
37:07oui, venez travailler avec nous
37:09et nous sommes évidemment
37:11très désireux de développer
37:13les partenariats parce que
37:15ces partenariats viennent aussi
37:17conforter l'arimage de la prison
37:19dans la société. Je disais tout à l'heure
37:21que la prison n'est pas en dehors de la société
37:23les personnes détenues ne sont pas
37:25en dehors de la société et ce regard
37:27de la société à l'intérieur de la prison
37:29tel que celui des fédérations
37:31des associations
37:33qui oeuvrent aux côtés des personnels pénitentiaires
37:35il en est la garantie
37:37Très bien, très bien. Est-ce que
37:39c'est trop ambitieux
37:41d'envisager, alors là on passe
37:43peut-être un cap, mais des
37:45compétitions inter-prison, des choses comme ça ?
37:47Alors nous en avons organisé une cette
37:49année sur
37:51donc cette compétition
37:53en mode multiplex
37:55donc les personnes détenues
37:57se challenger via des écrans interposés
37:59Oui mais ça c'est pas, non je pensais moi
38:01aux matchs de hand, de foot...
38:03Alors on peut aussi avoir parfois
38:05des établissements qui participent
38:07à des compétitions et là la plupart
38:09du temps les personnes détenues vont se retrouver
38:11à l'extérieur de l'établissement
38:13et vont participer
38:15à un tournoi qui pourrait être un tournoi
38:17exclusivement avec des personnes détenues
38:19ou avec des personnes détenues
38:21et puis des personnes libres
38:23et donc oui cette dynamique
38:25de participer à des compétitions
38:27inter-établissements elle existe
38:29elle existe du reste pour les activités
38:31sportives, elle existe aussi
38:33pour d'autres pratiques, je pense à des pratiques
38:35artistiques, je pense à des pratiques culturelles
38:37avec des personnes détenues
38:39qui interviennent et qui
38:41participent à des productions
38:43théâtrales
38:45notamment dans notre capitale
38:47Très beau film d'ailleurs qui a été fait
38:49Exactement, donc de très belles trajectoires
38:51qu'ils nous font conforter
38:53on le fait également avec d'autres activités
38:55qui sont un peu moins sportives mais tout à fait
38:57agréables je pense à des
38:59activités de cuisine
39:01de restauration où les personnes détenues
39:03vont aussi s'affronter toujours très
39:05sportivement pour
39:07produire le meilleur plat, le meilleur
39:09repas donc oui cette dynamique
39:11elle existe et ce qui est important
39:13c'est que se challenger
39:15ainsi c'est se conformer à des règles
39:17c'est reconnaître l'autre comme
39:19un concurrent mais pas un concurrent
39:21auquel on veut du mal
39:23mais avec lequel on va
39:27finalement vivre
39:29quelque chose de positif
39:31et qui sera l'occasion, lorsque c'est le sport
39:33je l'indiquais, de participer
39:35à ce dépassement
39:37Vous êtes dans quelle position, dans quel état d'esprit
39:39aujourd'hui ? Est-ce que vous êtes là pour dire
39:41allez-y, les fédérations
39:43mobilisez-vous, nous on a besoin de vous
39:45ou est-ce que pour l'instant, parce que
39:47il ne faut pas se raconter l'histoire, c'est compliqué
39:49tout ça, vous parliez de faire des compétitions
39:51à l'extérieur de la prison, je pense que
39:53de sécurité, vous ne devez quand même pas
39:55c'est pas une population classique
39:57tout ça est très compliqué
39:59est-ce que vous avez trop de gens qui vous proposent des choses
40:01et que vous ne pouvez pas accepter ou est-ce que
40:03vous êtes plutôt demandeur que les fédérations
40:05viennent vers vous pour organiser ?
40:07Indéniablement, nous sommes demandeurs
40:09nous avons des fédérations
40:11nous en avons 6 en Ile-de-France qui participent
40:13à l'intérieur de nos établissements
40:15nous sommes demandeurs à ce que d'autres
40:17partenariats puissent se construire
40:19toutes les personnes détenues ne pourront
40:21participer à des actions à l'extérieur
40:23ne serait-ce que parce qu'il faut une autorisation
40:25du juge, de l'application des peines
40:27pour pouvoir faire cela
40:29pour autant, à l'intérieur de nos établissements
40:31il y a des choses très intéressantes
40:33à réaliser, toutes les bonnes volontés
40:35sont bienvenues
40:37Le message est bien passé, et vous de votre côté
40:39est-ce qu'il y a d'autres associations
40:41qui se mobilisent, des fédérations
40:43ou est-ce que vous êtes un peu tout seul dans
40:45cette action ?
40:47Au niveau du sport, à notre connaissance
40:49on n'a pas forcément au centre pénitentiaire
40:51pour femmes de Rennes en tout cas
40:53il y a d'autres assos culturels ou autres
40:55qui interviennent, mais dans le champ du sport
40:57je pense qu'on est les seuls
40:59sauf erreur de ma part
41:01Après, vous parliez un peu
41:03d'événements qui vont se produire
41:05il y en a un qui va se produire dans
41:07deux semaines, à laquelle
41:09Antonin va participer
41:11Oui, un semi-marathon
41:13rameur-skier
41:15c'est en binôme
41:17un détenu, un surveillant
41:19ou un détenu, un intervenant
41:21faire le meilleur temps
41:23sur les 21 kilomètres
41:25Ambitieux, c'est bien
41:27Est-ce que vous avez un plan
41:29d'évolution ?
41:31On peut peut-être intervenir dans d'autres centres
41:33puisque maintenant vous avez l'expérience ?
41:35Oui, on aimerait
41:37Nous, un peu sur le même ordre
41:39on trouve que c'est
41:41une super expérience
41:43et pourquoi pas la démultiplier
41:45c'est super riche, à la fois pour les détenus
41:47mais aussi pour nous
41:49c'est vrai que quand on ressort de là
41:51c'est plusieurs années
41:53d'expérience et ça permet
41:55de changer les représentations
41:57les joueuses qui viennent quasiment tous les mois
41:59à chaque fois qu'elles ressortent, elles disent
42:01je ne m'attendais pas à ça, hormis ce qu'elles ont fait
42:03ça pourrait être ma mère, ma soeur
42:05donc ça permet vraiment cette utilité sociale
42:07et de casser les représentations qu'on peut avoir
42:09donc on encourage nous
42:11toutes les personnes, si possible
42:13de pouvoir intervenir
42:15et nous, s'il y a d'autres possibilités
42:17d'entrepreneurs pour en faire
42:19Le but ultime, c'est évidemment de favoriser la réinsertion
42:21et de casser cette image
42:23puisque ça existe
42:25il faut vivre avec
42:27et vivre avec non pas en disant
42:29on les garde en prison et on verra bien ce qu'ils font après
42:31C'est votre combat quotidien ?
42:33Oui, casser la représentation, le temps d'échange que nous venons de partager
42:35et votre émission aujourd'hui contribue
42:37Merci
42:39Moi je pense que ce sera le mot de la fin
42:41on ne peut pas faire mieux
42:43Merci en tout cas de nous avoir rendu visite
42:45J'espère que les fédérations
42:47qui nous regardent auront été titillées
42:49si j'ose dire par tout ça
42:51donc vous appelez
42:53Sport en France
42:55on a des contacts avec toutes les fédérations
42:57et on vous donnera les coordonnées
42:59de Stéphane Scotto, le directeur général
43:01des services pénitentiaires d'Ile-de-France
43:03qui se fera un plaisir
43:05d'organiser votre action dans le monde carcéral
43:07C'était un plaisir de présenter cette émission
43:09elle a vraiment du sens
43:11parce que c'est vrai qu'il faut casser ces représentations
43:13prison break c'est de la fiction
43:15et les établissements pénitentiaires en France
43:17sont différents
43:19En tout cas pour les détenus qui nous regardent
43:21puisque tous ceux qui ont accès
43:23à la télévision
43:25par les box peuvent nous regarder
43:27j'espère que certains d'entre eux auront eu envie
43:29de faire du sport
43:31et de partager ainsi
43:33notre passion
43:35Merci encore de nous avoir rendu visite
43:37pour votre fidélité
43:39Sport en France ça continue
43:41pour d'autres aventures avec des grandes questions du sport
43:43Merci

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