• il y a 6 mois
Mazen, jeune autiste de 8 ans, pratique depuis peu l’escalade au sein de l’Association Sportive et Gymnique de Bagnolet (ASGB). À l’occasion d’une activité découverte parent-enfant organisée par le club, Mazen - atteint d’une forme assez « sévère » d’autisme - et sa maman, Thouraya se présentent pour rejoindre l’activité alors qu’elle n’est elle-même ni grimpeuse ni sportive.

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Sport
Transcription
00:00Mazen est un enfant, aujourd'hui âgé de 10 ans, atteint de troubles du spectre autistique.
00:05Réservé et sensible, les difficultés qu'il a à communiquer le coupent un peu du monde.
00:10Pour qu'il ne s'enferme pas dans son handicap, Turaya, sa maman, organise sa vie familiale et professionnelle
00:16au rythme du développement de son Benjamin, quitte à forcer les portes des possibles.
00:20Parmi ces possibles, la rencontre avec l'escalade et Hervé, un éducateur bénévole de l'ASG Bagnolet,
00:27une association affiliée à la FSGT, va déclencher des changements inattendus, sinon inespérés.
00:33L'autisme chez Mazen a été déclaré vers 2 ans et 4 mois à peu près.
00:37Je me suis dirigée vers un psychomotricien et là il m'a dit que toute la partie droite ne réagit pas comme la partie gauche.
00:44Donc quelqu'un n'a pas de tonus, il ne maîtrise pas bien son corps.
00:48Après je me suis dirigée vers une kiné, c'est-à-dire qu'elle commençait à faire du mouvement, mais c'était très peu.
00:52Il lui faut un truc qui fait travailler tout son corps.
00:55C'était une casse-tête de trouver un sport, surtout pas loin, on n'a pas de choses spécialisées vraiment.
01:00Toutes les présences de charge, soit à Montreuil, soit à Paris, je suis partie jusqu'en 1991,
01:04on n'a rien à Bagnolet qui fait que les enfants handicapés en général, spécialement les enfants autistes, trouvent un sport.
01:10Arrivant vers fin août, toujours c'est « qu'est-ce que je peux faire comme sport à Mazen qui peut lui faire du bien,
01:15que je peux moi-même aussi être là avec lui ? »
01:17Je passais à côté de la mairie, je trouve plein de stands, j'ai regardé comme ça, je me suis dit « tout ça, ça ne peut pas le faire ».
01:23J'ai trouvé l'escalade et je me suis renseignée auprès de la dame.
01:25Est-ce que moi, j'ai un enfant autiste, est-ce qu'il peut y aller à l'escalade ?
01:35À Bagnolet, on a ouvert l'activité aux parents enfants.
01:37Au début, l'idée c'était juste aux parents grimpeurs qu'ils puissent venir avec leurs enfants.
01:41De temps en temps, je proposais une fois tous les deux mois ou une fois par trimestre,
01:45une séance de jeux dans l'idée que les parents reproduisent ces jeux ensuite dans les autres séances.
01:50J'ai rencontré Mazen et sa maman à l'occasion d'une séance de jeux de début d'année.
01:55Tout d'un coup, en fin de séance, arrive un enfant et une maman qui, moi je l'ai vécu comme ça,
02:01qui vient et qui un peu le force.
02:03Je me retrouve avec un enfant à côté de moi qui n'a pas fait les premières séances d'approche du mur,
02:10qui crie, qui n'a pas de communication avec moi.
02:13Je ne vois pas quel type de communication on peut avoir avec cet enfant qui est visiblement dans une situation d'handicap.
02:21Pour moi, tel que je l'ai vu la première fois, je me suis dit, c'est lourd, je ne me vois pas l'encadrer.
02:27Il ne va pas pouvoir rentrer dans l'activité. En tout cas, il ne va pas pouvoir rentrer dans l'activité que je suis en train de mener actuellement.
02:32Et à côté, il y a quand même une maman qui essaie de dire, faites rentrer mon enfant dans l'activité.
02:37Donc là, je décide, je me dis, je m'engage, allez suivre.
02:41On peut tenter de relever un défi en accompagnant cette maman, au moins sur une première période,
02:47pour rendre la maman un minimum autonome en termes d'assurage, de compréhension qu'est-ce que c'est l'escalade
02:53et pour voir si l'enfant effectivement rentre dans cette activité.
03:12Dès le départ, avec Mazen, je décide de mettre en place en fait les situations habituelles.
03:16On n'est pas vraiment dans la situation de jeu avec une consigne, puisque la communication est limitée,
03:20mais c'est de mettre en place la situation et voir si lui, il rentre dans le jeu,
03:23même si, je ne sais pas, si lui a conscience qu'il est en train de faire un jeu.
03:27Et avec l'aide de la maman, qui elle, va apporter tout ce qu'elle connaît de son fils pour le motiver.
03:31Avec une maman qui a conscience qu'elle est face à un défi,
03:34qu'elle est face à un défi, qu'elle est face à un défi, qu'elle est face à un défi,
03:38donc qu'elle va être ferme, pour ne pas qu'il abandonne dès la première difficulté.
03:41Donc comme soutien, c'était très important pour moi d'avoir quelqu'un derrière moi qui motive l'enfant.
03:53Le rôle du parent, c'est un vrai appui.
03:55Parce que c'est la première personne qui connaît l'enfant.
03:57Donc ça va être le vrai médiateur entre le moniteur et le jeune qu'on ne connaît pas,
04:01qu'on ne sait pas comment faire, qu'on ne comprend pas pour qui.
04:03médiateur entre le moniteur et le jeune qu'on ne connaît pas, qu'on ne sait pas
04:06comment faire, qu'on ne comprend pas pourquoi il pleure à ce moment-là, pourquoi il crie.
04:10Les parents sont là comme indicateurs. Ah ben non, ça c'est juste qu'il a été
04:13frustré à cause de ça. Et le rôle du parent quand ils viennent ici aussi c'est
04:17un moment pour jouer avec leur fils ou fille et je trouve que c'est des beaux
04:21moments parce que de sortir un peu du cadre de tout le temps, les visites
04:24médicales, l'institution, le scolaire, le paramédical, il y a toute une autre
04:29dimension qui se crée aussi avec les parents dans le cadre de, on va jouer ici.
05:00C'est dur pour nous de se mettre à la place d'un enfant autiste. Qu'est-ce qu'il
05:05voit au niveau sensoriel déjà ? Ses fonctions sont altérées, sa façon de
05:08voir le monde, sa façon d'entendre. Souvent on se retrouve avec une
05:11hypersensibilité ou hyposensibilité. Certains jeunes autistes, donc ils vont
05:15être très sensibles à la lumière. On arrive souvent dans une salle d'escalade
05:17comme celle-ci où il y a une lumière très forte, ça peut être perturbant pour
05:21un jeune autiste. Les sons qu'il peut y avoir, ne serait-ce que des petits sons.
05:25Imaginons les gens qui clipent sur les parois, les voix des personnes, donc il y a
05:28tout ce temps d'adaptation et d'intégration de toutes ces informations
05:32sensorielles qui peuvent être très intrusives pour une première fois.
05:35Il n'y a pas une règle à adopter ou voilà c'est comme ça qu'il faut faire, il
05:39faut vraiment prendre le temps de connaître, comprendre la personne avec
05:43qui on travaille et créer aussi une relation de confiance parce que le jeune
05:47il va se sentir si on l'investit ou pas et je crois que c'était la clé un peu avec
05:51Mazen et Hervé. Hervé il s'est dit à un moment il y a eu un déclic, mais si je vais
05:55m'engager auprès de ce jeune et c'est à ce moment-là où tout s'est joué, où Mazen
05:58il s'est senti investi par un autre.
06:06Les éléments de progression de Mazen sont sur le moyen et long terme la
06:10tonicité. Un enfant où il fallait au départ, même sur un plan incliné, il
06:14fallait que j'accompagne pour qu'il fasse ce premier mouvement d'aller sur la
06:16voie. Aujourd'hui il ne le fait plus, même sur un plan vertical. Le gainage au
06:21départ par exemple, l'assurage, c'était un assurage tactile presque, pour que son
06:25corps il reste gainé, orienté, le plus proche possible de la voie pour que son
06:29centre de gravité soit sur la prise et ne soit pas sur la chute. Et
06:32progressivement j'essaie de retirer cet aspect de poussette pour que lui-même
06:35l'intègre dans son corps.
06:40Un autre élément de visibilité c'est le regard de Mazen. Au début il avait un
06:45regard fuyant, on avait l'impression qu'il ne fixait jamais rien. Et
06:48progressivement je vais observer qu'au début il observe l'environnement, il
06:52observe les autres enfants qui sont à côté de lui. Et là ces derniers temps le
06:56regard est direct. Je l'ai vécu dans les séances de piscine avec lui où on se
06:59regardait dans les yeux et il m'a appelé. Donc par rapport au tout début où je me
07:04suis dit mais il n'y aura pas de communication possible avec cet enfant, je
07:07me retrouve aujourd'hui à jouer avec lui à la piscine où on se regarde dans les
07:10yeux, lui va me dire Hervé et on va faire un jeu sous l'eau.
07:17La motivation je pense qu'elle est liée à mon parcours d'éducateur bénévole à
07:21la FSGT mais elle est aussi le rapport à l'enfant, de voir que l'enfant
07:24progressivement rentre dans l'activité, de se rendre compte que ce qu'on met en
07:28place ça a des effets, des multiplicateurs pour Mazen dans sa vie
07:31quotidienne et qu'au bout d'un peu moins de trois mois la maman va exprimer les
07:35progrès qu'il fait à l'extérieur. D'après tous les thérapeutes psychologues,
07:38psychomotriciens, voire même l'orthophoniste qui avant a du mal à faire
07:42concentrer Mazen sur une tâche plus longtemps, elle me dit je sens qu'il est
07:46plus stable, plus posé. La psychomotricienne elle m'a dit qu'ils
07:49travaillent tous encore à l'escalade et du coup c'est plus facile à faire des
07:53exercices avec Mazen. Même sa kiné m'a dit si l'escalade au bout de trois
07:58séances ça m'a fait ça de travail de six mois que j'ai fait moi, continue
08:01l'escalade, arrêtez le kiné. Ça a travaillé beaucoup de choses chez Mazen, pas que le
08:05corps en fait. Ça a donné impact même sur ses apprentissages scolaires, sa
08:09concentration, plus que la concentration c'est l'autonomie parce qu'une fois
08:12qu'il est sur le mur il doit se débrouiller pour descendre, pour monter,
08:15pour chercher les choses. Ça lui a fait un bienfait global on va dire.
08:22Tout ce qu'on fait en escalade, tout ce que ça fait travailler au niveau du corps,
08:26au niveau psychique, au niveau relationnel, c'est tous des facultés, des capacités
08:31qu'on recherche aussi et qu'on travaille en prise en charge psychomotrice.
08:35Le jeune tout en jouant, grimpant, il va travailler toutes ces facultés de
08:40voilà comment je vais positionner mon corps dans l'espace, comment je vais
08:43réguler même mon tonus, comment je vais appuyer, tirer fort ou relâcher. C'est ce
08:48qu'on appelle la régulation tonique et l'escalade elle le fait naturellement.
08:51On peut parler aussi de la relation à l'autre, comme on a vu toute la relation
08:55qui s'est construite entre Hervé et Mazen. C'est super intéressant de voir
08:58comment Mazen petit à petit il a investi cette relation, il a investi un autre.
09:02La relation entre Hervé et Mazen c'est super, je peux pas dire autrement.
09:07Pour moi la preuve que Mazen est en confiance en lui, c'est qu'il exécute ses
09:10consignes, il accepte le contact avec lui sans qu'il y aura d'échouement ou il y
09:15aura des frustrations. C'est pas des consignes et des ordres durs à faire et
09:19puis ils sont les choses qui arrivent plus dans le jeu.
09:23Dernièrement ce qui a changé, j'en parle encore avec émotion, c'est quand Mazen
09:30il s'est reposé, nous on se met en retrait, Mazen se lève, regarde la voie, il met un
09:39premier pied sur une prise, il met une première main sur une prise et tout d'un
09:44coup il grimpe. Pour moi je me suis dit, ça y est on a réussi.
09:49Mazen est grimpeur, il s'est motivé de lui-même pour aller faire sa voie.
09:54J'ai regardé la maman, j'ai dit on a gagné.
09:56Comment que je sais que Mazen aime l'escalade ? Sur son planning visuel de la
10:00semaine, on a l'étiquette d'escalade le samedi. Des fois il me la prend pour la
10:04mettre le mercredi par exemple parce que à un moment donné c'est moi qui décide
10:08on va à l'escalade, on sait pas si vraiment il aime ou il aime pas, s'il est content de
10:12venir ou pas, c'est juste oublier maman à ce moment là. Mais là il me montre que
10:16quand il déplace la carte d'un jour à l'autre, c'est comme si allez on y va.
10:19Quand je lui dis allez c'est parti c'est l'escalade, il court, il prépare son sac,
10:23il est content, il vérifie si ses chaussons sont bien là dedans, tout ça
10:27ça montre qu'il aime bien en fait.
10:38Avec le recul, je me rends compte qu'on est parti avec Mazen d'une vision de
10:42c'est un enfant pas capable de, un enfant comme moi je l'ai vu la première fois, à
10:45une vision d'un enfant qui est capable de, il est capable de faire ces gestes là,
10:49il est capable d'avoir cette motricité. Là où à la maman on a pu présenter que
10:54la forme d'autisme de son enfant pouvait aller jusqu'à ne pas avoir conscience de
10:58la continuité de ses membres, elle le voit dans une activité en train d'aller
11:01chercher de lui-même des solutions, d'aller chercher des prises et faire des
11:05mouvements dont on lui avait un peu indiqué qu'il allait être difficile que
11:09son enfant acquière ces mouvements.
11:14On apprend par le jeu, on grandit en jouant, on développe toutes nos facultés
11:19intellectuelles, sociales, psychologiques à travers le jeu. Un enfant autiste c'est
11:23comme tout tout tout enfant, c'est juste qu'il a d'autres façons de voir le monde,
11:27d'autres façons de réagir au monde mais ça fait de lui toujours un enfant, tous
11:32les enfants aiment jouer et c'est la seule pôle d'entrée avec un nombre de
11:36quelques jeunes. Cette approche par le jeu de jouer et progresser en jouant, je me
11:39rends compte encore plus avec un enfant comme Mazen que c'est un bagage qui est
11:43impressionnant en termes de réussite, de progression de l'enfant et on se rend
11:47compte qu'avec ce type de public, évidemment on va adapter les jeux, on va
11:50pas se donner les mêmes ambitions mais avec la même logique d'adaptation, je me
11:55retrouve en réussite et l'enfant se retrouve en réussite et ça pour moi
11:59c'est essentiel de défendre cette approche pédagogique.
12:02Touraillat oriente maintenant les séances de soutien extrascolaire sur le
12:06développement cognitif et verbal de Mazen. Les premiers mots viennent au fur et à
12:11mesure de cet accompagnement. Si l'escalade est restée une de ses
12:14activités principales, l'envie d'aller vers une inclusion dans une activité
12:18sportive avec d'autres enfants est forte et se présente comme un nouveau défi.
12:22Cette rencontre a entre autres motivé Hervé à se reconvertir professionnellement
12:27en moniteur d'escalade en salle. Il poursuit aujourd'hui sa formation pour
12:31se spécialiser. Cette expérience, cette aventure est une parmi de nombreuses
12:36toutes activités confondues qui sont portées par des bénévoles dans les
12:39clubs FSGT pour que les personnes en situation de handicap puissent être
12:43accueillies et pratiquer une activité sportive adaptée.
12:46Elle est un témoignage pour encourager le développement de pratiques partagées
12:51avec des enfants, des jeunes, des adultes aux capacités différentes.

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