Le président du MoDem, François Bayrou, était l’invité de #LaGrandeInterview de Laurence Ferrari dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.
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00:00Et c'est votre grande interview sur CNews et Europe 1. Bonjour François Bayrou.
00:03Bonjour.
00:03Merci d'être sur nos deux antennes ce matin.
00:05Est-ce que vous êtes inquiet à l'approche du premier tour ?
00:0861% des Français interrogés par l'institut CSA pour CNews, Europe 1, le JDD, disent qu'ils redoutent des troubles à l'ordre public lors de ces législatives.
00:17Vous partagez cette inquiétude ?
00:19Je pense que c'est une inquiétude légitime. Il suffit de regarder les écrans depuis des semaines et peut-être même avant
00:28pour voir qu'un degré de violence, de brutalité, le refus d'accepter les situations institutionnelles et même les textes constitutionnels,
00:42tout cela ouvre la voie ou en tout cas permet de redouter des troubles qui mettraient en cause l'ordre public.
00:55Mais de la part de formations politiques, ce refus de respecter les textes institutionnels, François Bayrou ?
01:00Oui, je pense qu'il y a des formations politiques.
01:02Lesquelles ?
01:03On va y venir dans une seconde. Vous avez vu les manifestations, vous avez vu les oppositions.
01:08Imaginez les groupes, on parle souvent des black blocs d'un côté et on voit des groupes qui, de l'autre côté, sont aussi des groupes violents et qui cultivent une violence aveugle.
01:23Bien sûr, il y a de quoi redouter et c'est pourquoi il est très important de rechercher la stabilité de nos institutions et de nos orientations politiques.
01:33Je plaide pour ce grand bloc central, ce groupe central, uni autour des valeurs de la République et qui est un pôle d'ordre et de stabilité et de bon fonctionnement des institutions.
01:52C'est ce qui a déçu les Français, visiblement, puisqu'aujourd'hui ils sont prêts aux changements.
01:58Ils l'ont prouvé lors des heures européennes.
02:00On a deux blocs, comme vous le disiez, le bloc des droites avec le Rassemblement national, le bloc des gauches avec la France insoumise, qui sont à touche-touche aujourd'hui.
02:07Et qui sont profondément dangereux.
02:09L'un et l'autre.
02:10L'un et l'autre.
02:11Vous mettez un signe égal entre l'un et l'autre.
02:13Je n'ai pas de signe égal.
02:14J'essaie d'être précis dans ce que je dis.
02:16Mais je pense que la menace que représente l'extrême droite, le Rassemblement national et ses alliés, et la menace que représente LFI et tous ceux qui gravitent autour de cette proposition politique là,
02:33sont un danger pour la France dont j'ai la certitude que nous ne nous remettrions pas sans accident.
02:42Et sans accident durable.
02:44Parce que quand des orientations sont prises qui opposent les Français entre eux, il faut des années après pour cicatriser.
02:51Avec un tissu français qui serait fortement fracturé.
02:55Il l'est déjà, vous connaissez les fractures de ce pays, François Bayrou.
02:58Vous le signonnez à longueur d'année.
02:59Ce sont des fractures.
03:00Vous entendez les demandes des Français.
03:02Ce sont des fractures graves.
03:03Je me suis moi-même beaucoup exprimé sur ces sujets là.
03:06Fractures entre des courants, des blocs, des brutalités, avec des brutalités dans les mots et des brutalités parfois dans les gestes, qui ont été encouragées.
03:20Vous voyez combien l'Assemblée nationale depuis deux ans a été profondément déstabilisée au point de ne pas pouvoir débattre.
03:30Et donc tout cela sont en effet des menaces.
03:33On vient d'en voir une hier soir ou ce matin.
03:36Lesquelles ?
03:37Marine Le Pen a dit que le Président de la République ne sera pas le chef des armées.
03:43C'est un titre honorifique dit-elle.
03:44Oui, c'est ça.
03:45Dans une interview au Télégramme.
03:47Il faut mesurer que quand il y a des divisions, des fractures dans un pays, des affrontements, des brutalités, on a un garde-fou.
03:58Et ce garde-fou, c'est la Constitution de la Vème République.
04:01C'est le général de Gaulle qui l'a écrite précisément pour échapper à ces divisions-là.
04:06Et cette Constitution, elle est d'une clarté biblique, alors on va la lire ensemble.
04:13C'est l'article 15 de la Constitution.
04:16Le Président de la République est le chef des armées.
04:20Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale.
04:24Et un peu plus haut, à l'article 13, le Président de la République nomme, lui, aux emplois civils et militaires de l'État.
04:37Alors si vous prétendez que celui qui nomme aux emplois civils et militaires de l'État,
04:42celui qui préside les conseils de défense, celui dont la Constitution dit en toutes lettres qu'il est le chef des armées,
04:50si vous prétendez que ce n'est pas vrai, en fait, que ce seraient des titres pour faire joli,
04:56alors vous mettez en cause profondément la Constitution.
05:00Et peut-être un très grand nombre des électeurs de ce courant du Rassemblement national
05:07sont des électeurs qui expriment un besoin d'ordre.
05:12Le besoin d'ordre et de sécurité, ça commence quand on respecte les institutions du pays.
05:18Et le texte fondamental, la loi qui dépasse toutes les lois,
05:22et si vous mettez en cause le texte même de la Constitution,
05:27alors vous mettez en cause l'ordonnancement du pays, l'ordre dans le pays.
05:32La manière que nous avons, c'est ça une démocratie,
05:36de pouvoir vivre ensemble avec des opinions différentes et même divergentes et même opposées
05:44parce que nous avons une règle du jeu qui s'impose à tout le monde.
05:49Je trouve que cette déclaration est extrêmement grave.
05:53François Bayrou, Marine Le Pen dit précisément dans cette interview au Télégramme
05:57que Jordan Bardella, au cas de victoire de son camp au législatif,
06:01n'aurait pas l'intention de chercher querelle au président,
06:03mais qu'il a posé des lignes rouges, notamment sur l'Ukraine.
06:06Le président ne pourra pas envoyer de troupes françaises au sol.
06:11C'est la ligne rouge que pose Marine Le Pen.
06:13Alors vous voyez bien de quoi il s'agit.
06:15C'est une élection, on croit que c'est une élection nationale.
06:19Ce n'est pas une élection nationale.
06:21C'est une élection qui aura des conséquences sur l'Europe et sur le monde.
06:26Vladimir Poutine a deux partis qui sont ses alliés quasiment,
06:33ou qui ont été ses alliés quasiment officiels tout au long du temps.
06:37Marine Le Pen, vous vous souvenez de ses photos dans la dacha de Poutine ?
06:43On se souvient de Poutine à Paris aussi avec le président Macron.
06:48Quand vous êtes un chef d'Etat, vous recevez les honneurs dû à un chef d'Etat.
06:53Et surtout quand vous êtes un chef d'Etat d'un pays avec lequel il est important,
07:00il était à cette époque important.
07:02Vous savez à quel point le président de la République a essayé de maintenir le dialogue longtemps.
07:06On lui a reproché.
07:08Mais Poutine a deux porte-parole dans cette élection.
07:12Et les deux porte-parole ont la même intention.
07:16C'est-à-dire de désarmer, d'enlever les moyens de pression que l'Europe
07:23et les alliés de l'Ukraine peuvent avoir dans un affrontement
07:27qui est un affrontement qui a déstabilisé l'Europe et le monde,
07:32qui n'avait pas été réalisé depuis Hitler.
07:37Un pays puissant qui se jette sur son voisin pour l'annexer et en prendre le contrôle.
07:45Jamais ça ne s'était fait.
07:47Et donc Poutine, il est en train d'ouvrir le champagne à cette heure-ci.
07:51Il a fait livrer du champagne dans sa dacha et dans son bureau.
07:58Comment serait-il autrement ?
08:00Les deux forces qui, depuis le début, essaient d'empêcher l'Europe d'apporter son soutien à l'Ukraine
08:08sont sur le point d'avoir en France des scores prépondérants.
08:12Comment voulez-vous que l'image de la France ne soit pas profondément atteinte ?
08:18Personne n'a remis en cause le soutien à l'Ukraine dans les partis que vous évoquez.
08:22Le soutien militaire, le soutien en libération d'armes.
08:26Ils n'ont jamais manifesté la volonté ferme de tenir bon.
08:33Et cette histoire de troupes ?
08:35Nous avons des instructeurs en Ukraine.
08:38Tout le monde le sait, même si ça n'est pas rendu public pour des raisons de sécurité.
08:43Nous avons des instructeurs qui forment les troupes ukrainiennes,
08:46qui vont donner leur vie, les troupes ukrainiennes.
08:48Ça veut dire qu'on retire les instructeurs ?
08:50Est-ce que vous voyez le signe que ça donne vis-à-vis de la population ukrainienne ?
08:55Et vis-à-vis de tous ceux dans le monde qui s'inquiètent de ce qui est en train de se passer ?
09:00Vous avez Trump d'un côté, il y a un débat ce soir, je crois.
09:04Vous avez Trump d'un côté qui affirme haut et fort qu'avec lui, l'Ukraine, ça sera fini.
09:13Vous avez les élections en France, déstabilisation de l'Europe.
09:18La conséquence mécanique de tout ça, c'est que nous allons donner un atout extraordinaire
09:27à celui qui a décidé de menacer la paix du monde par la force militaire.
09:32Les Français ne voteront ni pour Trump ou Biden, ni pour Poutine ou ses opposants.
09:36Ils voteront parce que leurs préoccupations, ils estiment, ne sont pas entendues.
09:41Je parle du pouvoir d'achat, je parle de la sécurité et je parle aussi de l'immigration.
09:45Laurence Ferrari, vous avez commencé l'interview, à juste titre, sur cette inquiétude.
09:53Que la France abandonne le camp des libertés, le camp de ceux qui résistent aux assauts militaires.
10:01Que la France qui était, pour une très grande partie de l'Europe, un phare, en tout cas un signal.
10:10Le pays qui disait qu'il y a des choses que nous ne la saurons pas faire.
10:15Que la France abandonne ça et qu'au contraire elle se rallie à des messages
10:21qui sont des messages d'abandon progressif de l'opposition.
10:28Il y a des raisons de politique intérieure, on va y venir peut-être.
10:34Mais là, l'image, le statut de la France auquel beaucoup sont habitués.
10:40Qu'est-ce qui se serait passé pendant la guerre de 40,
10:44si des partis américains s'étaient fait élire en disant nous n'interviendrons jamais en Europe ?
10:51Je vous laisse le parallèle avec la seconde guerre mondiale.
10:54Est-ce que vous mesurez ce que l'opinion française,
10:59ce que les résistants français auraient senti ?
11:02Un profond sentiment d'abandon.
11:04Mais est-ce que quand le président Macron emploie le mot de risque de guerre civile, François Bayrou,
11:09vous qui en Berne savez parfaitement ce qu'est une guerre civile, une guerre de religion,
11:13vous en avez payé le prix du sang.
11:15Est-ce que le mot ne rajoute pas à la confusion de la situation, François Bayrou ?
11:20C'est drôle, hier j'étais sur le terrain, il y avait des journalistes qui m'interrogeaient
11:27et qui ont dit, est-ce que...
11:30Bon, il y a eu des émeutes, et il y a des émeutes probablement en menace,
11:36mais est-ce que ce n'est pas un mot trop fort ?
11:38Émeute, guerre civile, affrontement des Français les uns contre les autres,
11:42le risque est le même.
11:44Et notamment...
11:45Guerre civile, François Bayrou, ce n'est pas la même chose.
11:48Ce n'est pas la même chose, enfin, ce n'est pas loin d'être la même chose.
11:52Quand vous avez des émeutes d'un camp contre l'autre, est-ce que oui ou non,
11:56c'est un risque d'affrontement civil, d'affrontement de citoyens ?
12:00C'est ça que ça veut dire et que le Président, j'imagine, a voulu dire en employant des mots forts.
12:06Si on mesure qu'en même temps, on dit qu'on ne respectera pas les institutions,
12:13vous savez quelle est la conséquence quand on ne respecte pas les institutions ?
12:19C'est qu'en effet, il y a déchaînement brutal d'un camp contre l'autre
12:23parce que ceux qui veulent défendre les institutions et ceux qui veulent les mettre à bas,
12:28ne pas les respecter.
12:29Je vous ai lu le texte, ceux-là sont évidemment en affrontement brutal.
12:34On a beaucoup parlé du bloc des droites, parlons des blocs des gauches.
12:37Qu'est-ce que vous reprochez à Jean-Luc Mélenchon, qui lui aussi se voit à Matignon,
12:40comme François Hollande, il se verrait bien diriger ce pays ?
12:44Écoutez, il suffit d'ouvrir les yeux depuis deux ans sur ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale.
12:48Il suffit de voir les mots qui ont été utilisés.
12:52Il suffit de voir le sentiment de ceux qui se sont retrouvés dans un affrontement musulman-juif.
13:00Pas seulement sous-entendu, mais autour duquel on multiplie les insinuations et les excitations.
13:12On ne mesure pas ce que une grande partie des Français, c'est vrai pour nos compatriotes juifs,
13:24qui ont le sentiment que c'est revenu le temps de la stigmatisation et de l'antisémitisme.
13:32Et de l'autre côté, nos compatriotes musulmans, qui ont le sentiment qu'ils vont être ciblés.
13:37Et ceux qui n'ont pas la bonne couleur de peau.
13:39Je racontais hier, sur une autre chaîne, l'histoire d'une jeune femme en pleurs
13:45parce qu'elle a adopté un petit garçon venant de Haïti, à la peau noire,
13:53et que tout d'un coup, elle s'est dit que ces questions de couleur de peau reviennent,
13:57ces questions de prénom reviennent.
13:59Et ce sont des questions qui sont cruellement blessantes pour un très grand nombre,
14:09qui ressentent une menace, qui se disent, ça n'est plus le pays de paix et de concorde
14:13dans lequel nous avons voulu vivre.
14:15Eh bien, qui touche à un juif, touche à la France.
14:19Qui touche à un musulman, touche à la France.
14:21Qui touche à un chrétien, touche à la France.
14:23Qui touche à un agnostique ou à un athée, touche à la France.
14:29Nous sommes le pays qui a fait de la concorde et de la compréhension mutuelle
14:35sa charte même d'existence.
14:37Et nous serons nombreux pour empêcher qu'on remette cela en cause.
14:42Et ça commence dimanche par le choix du bulletin sur la table de vote.
14:46François Bayrou, vous avez dit que vous ne voterez ni pour l'URN,
14:50ni pour le nouveau front populaire en cas de second tour aux élections législatives.
14:54C'est votre consigne ? C'est la consigne de tout le Bloc central ?
14:57Il n'y a pas de consigne.
14:58Quelle est la consigne ?
14:59Il n'y a pas de consigne.
15:00Naturellement, avant dimanche, et tout mon effort,
15:03et toute ma présence à votre micro, et toutes les questions et les réponses
15:08n'ont qu'un seul but, faire que les Français, dans les quatre jours qui viennent.
15:14C'est très long, quatre jours, à la fin d'une campagne électorale.
15:18Que tout le monde réfléchit, remet en cause, s'interroge.
15:23Vous avez un logiciel, par exemple, qui prédit le résultat des élections ?
15:28J'ai oublié de le consulter, je vous l'ai dit.
15:32Donc c'est long, mais la colère des Français existe.
15:37Oui, la colère des Français existe, et la prise de conscience aussi.
15:41Et le sentiment qu'on va vers des risques considérables.
15:46Le sentiment de beaucoup de Français, que je ressens,
15:49qu'ils ne veulent pas être obligés de choisir entre le pire et le pire,
15:53qu'il y a du pire des deux côtés, et que ces pires-là, il faut les conjurer,
15:59il faut les écarter par un engagement qui durera jusqu'à dimanche,
16:05et que, je crois, qui peut faire bouger les choses,
16:09qui doit faire bouger les choses, autrement,
16:12probablement, nous risquons de nous trouver devant de très graves difficultés,
16:15pas probablement, certainement, et ces très graves difficultés,
16:18qui les paiera, les plus fragiles d'entre nous ?
16:20François Bayrou, merci beaucoup, c'était votre grande interview sur CNews et sur Europa.