Chaque dimanche, #LeGrandRDV reçoit un invité politique dans le Grand Rendez-Vous, en partenariat avec Europe 1 et Les Echos.
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00:00 Bonjour à tous et bienvenue à vous au Grand Rendez-vous.
00:05 Bonjour François Bayrou.
00:06 Bonjour.
00:07 C'est votre Grand Rendez-vous ce dimanche, président du Modem, maire d'Opaux, haut
00:11 commissaire au plan.
00:12 Cette émission se passe au moment où la France est toujours groguie par la monstrueuse
00:17 attaque d'Annecy.
00:18 Groguie et en même temps, François Bayrou, la France relève aussi la tête grâce à
00:22 l'homme au sac à dos, Henri, héros français dont le courage et l'abnégation forcent
00:27 le respect.
00:28 Et plus largement, cette attaque pose de nombreuses questions sur la politique migratoire européenne,
00:33 sur l'asile et sur notre souveraineté.
00:35 Alors sur tous ces sujets et sur la suite du quinquennat, un remaniement à venir et
00:39 surtout le projet de société.
00:41 Pour vous interroger, mes camarades Stéphane Dupont-Deseco, bonjour à vous Stéphane.
00:45 Bonjour.
00:46 Et Mathieu Boccoté, bonjour Mathieu.
00:48 Bonjour.
00:49 François Bayrou, un rassemblement citoyen aura lieu d'ici une heure à Annecy, un moment
00:53 bien sûr de partage, alors que les victimes sont fort heureusement hors de danger, un
00:58 moment aussi de reconnaissance vis-à-vis de l'homme au sac à dos, Henri.
01:02 « J'ai suivi mon instinct, j'ai agi comme un Français devrait agir », a dit celui
01:07 dont on admire le courage et l'abnégation, avec un peu de recul aujourd'hui.
01:11 Selon vous, qu'a-t-il réveillé en nous cet homme ?
01:14 Ce garçon a été courageux, a été courageux non pas pour prouver quelque chose, mais
01:24 pour faire quelque chose.
01:25 La plupart des gestes que vous relayez, que les écrans reprennent, assez souvent dans
01:34 le moment qu'on vit dans la société, ils sont faits pour montrer, pour prouver quelque
01:38 chose.
01:39 Lui, il y est allé simplement parce que quand vous êtes devant des événements comme ça
01:43 et que vous êtes un homme, il a dit un français sans aucun doute, mais un homme de cour.
01:50 C'est une attitude humaine.
01:55 Il a courageusement poursuivi l'auteur de cette inimaginable agression.
02:06 Il a courageusement se poursuivi, il a couru après, on a vu ça, et ça prouve que, alors
02:16 que tout le monde dit que c'est une société d'où le courage a disparu, il dit ça pour
02:21 tout le monde, pour les responsables politiques, pour les professionnels, pour les médias,
02:27 pour la vie de tous les jours, il a montré que ce n'était pas vrai.
02:33 Et il a montré qu'on pouvait encore croire à des choses qui nous dépassent.
02:40 Justement, il n'a pas hésité à l'afficher, François Bayrou, il a d'ailleurs aussi affiché
02:45 le drapeau français qu'il porte fièrement à son bras, il a mis en avant sa foi catholique,
02:50 il fait le tour des cathédrales de France.
02:54 Est-ce que ce parcours-là, ce parcours singulier, est aussi un exemple ? Est-ce qu'il a eu
02:58 raison de le mettre en avant ?
03:00 Je vais vous dire, comme vous savez, ce n'est pas un secret, je suis croyant.
03:04 Et même, comme on dit, entre guillemets, pratiquant.
03:10 Je ne sais pas ce que ça veut dire grand-chose, mais mettons.
03:13 Et cependant, je n'ai aucune envie de tirer dans le sens de l'adhésion religieuse ce
03:22 que ce garçon a fait.
03:23 Et je suis sûr qu'il partagerait cette formulation, ce que ce garçon a fait.
03:29 N'importe quelle fille, garçon, dans les mêmes circonstances, qui aurait en lui ou
03:40 en elle la même aspiration, l'aurait fait aussi.
03:43 Ce n'est pas le geste d'un chrétien, d'un catholique français, c'est le geste de quelqu'un
03:53 qui est responsable devant les siens, devant ses frères humains.
04:00 Et on a vu...
04:03 C'est un événement, je ne sais pas si on connaîtra un jour le fin mot de cette histoire,
04:09 parce que la folie joue un rôle, la folie, le déséquilibre mental, il joue un rôle
04:14 très important.
04:15 Pour l'instant, ce n'est pas avéré.
04:17 Oui, mais alors si ce n'est pas du déséquilibre mental, c'est quoi ?
04:21 C'est l'objet de l'enquête.
04:23 Oui, bon...
04:24 C'est un théorique qui s'est passé dans Psychiatrie canadienne.
04:27 Mais vous avez vu cet homme syrien, ayant obtenu l'asile en Suède, venu en France,
04:40 tout le monde a pensé au départ que c'était une agression connotée d'islamisme.
04:48 Et puis on s'est aperçu qu'il disait, je ne sais pas si c'est vrai, qu'il disait qu'il
04:53 était chrétien d'Orient.
04:54 Vous comprenez que le parquet national antiterroriste n'ait pas été saisi dans cette affaire ?
04:58 Je ne sais pas, honnêtement.
05:01 Je n'ai aucune envie de me substituer à la justice et aux enquêteurs.
05:05 Est-ce que c'est du terrorisme ? Je ne sais pas.
05:08 Est-ce que c'est une bouffée délirante ? Je ne sais pas.
05:13 Mais vous voyez bien, tout le monde a essayé de tirer dans un sens d'obsession.
05:24 Récupération politique, politicienne, sur une attaque aussi ignoble ?
05:29 Il y a toujours de la récupération politique.
05:32 Il faut laisser ça de côté.
05:34 Permettez une dernière question peut-être sur Henri.
05:36 Alors, on le sait, vous le disiez, les catholiques, il leur revendiquent, faisaient son tour des
05:40 cathédrales.
05:41 Il y a des Français fiers, qui portent son drapeau, formés dans le scoutisme.
05:45 Ce n'est peut-être pas un détail dans son parcours.
05:46 C'est-à-dire qu'on a tous en soi probablement une aspiration au courage, mais le scoutisme
05:51 et d'autres formations nous y préparent pour le jour où on a besoin de mettre son courage
05:55 en jeu.
05:56 Est-ce qu'on ne pourrait pas dire que sa vie, ou au moins son parcours, c'est une forme
05:59 de préparation morale pour se tenir droit dans de tels événements ?
06:03 Alors, si la question est, est-ce que le scoutisme est bienvenu dans la formation d'une personnalité,
06:09 ce n'est pas moi qui vais vous dire le contraire.
06:11 Non pas que j'ai été scout, je ne savais même pas que ça existait.
06:13 Je ne savais pas que ça existait dans mon enfance.
06:19 Où j'ai grandi, il n'y avait pas ce type d'engagement, mais en ville, il y avait ce
06:25 type d'engagement et mes enfants ont été scouts.
06:27 Et je suis tout à fait acquis à l'idée, certain, de ce qu'il y a quelque chose de
06:36 l'édification d'une personnalité, de la construction d'une personnalité dans les
06:41 activités que Madame Powell a inventées autrefois.
06:47 Et donc, oui, sans aucun doute, il n'y a pas que ça.
06:52 Je vous rappelle que nous avons plaidé pour qu'il y ait un service civil obligatoire
07:01 en France ou en tout cas un service civil universel en France.
07:06 C'est difficile à construire, mais c'est à notre avis très important.
07:10 Ça fait des années qu'on en parle et il ne se passe rien.
07:14 Il ne se passe pas rien.
07:15 Non, pas du tout.
07:18 C'est repoussé, c'est obligatoire, ça ne se fera pas.
07:21 Non, vous voulez dire, son universalité est repoussée.
07:24 Mais il y a aujourd'hui, Sarah El Haïry est chargée de ça au gouvernement.
07:29 Il y a aujourd'hui du service civil par dizaines de milliers de jeunes qui acceptent de s'engager.
07:37 Je peux vous dire que dans une ville comme la mienne, service civil, d'autres formes,
07:43 unicité qui prennent plusieurs mois d'engagement de la vie des jeunes précisément pour qu'ils
07:52 découvrent autre chose de leur vie.
07:55 Parfois ce service, et d'ailleurs Sarah El Haïry a répondu sur Europe 1 lors d'une matinale,
08:00 il est parfois moqué par une certaine partie de la classe politique.
08:04 Et pour en revenir quand même au profil d'Henri, certaines réactions sur les réseaux sociaux,
08:09 certes minoritaires, ont relativisé son rôle, moqué sa foi, ringardisait ses mots.
08:14 Un article dans Libération écrit par Daniel Schneiderman, le cible aussi.
08:19 De quoi est-ce le révélateur ?
08:21 D'ailleurs, vous voyez d'ailleurs cet article.
08:24 Est-ce qu'on ne peut pas finalement autour d'une telle figure avoir un consensus ?
08:29 Non mais vous voyez bien, j'avais commencé de décrire les vagues d'absurdité qui se
08:36 sont déployées autour de cette affaire.
08:39 Première vague d'absurdité, ceux qui auraient voulu, pour correspondre à leur schéma,
08:43 qu'il fût musulman.
08:44 Immigré, syrien, musulman.
08:48 Manque de chance.
08:49 Apparemment, je ne sais pas si c'est vrai.
08:52 Il dit chrétien d'Orient.
08:56 Et deuxièmement, quand Henri d'Anselme, ce garçon courageux, est intervenu, les gens
09:04 ont dit "ah mais c'est suspect".
09:05 Il y a là quelque chose, on voudrait nous entraîner à être dans cet univers du prosélytisme
09:17 religieux.
09:19 Il n'y a rien de tout ça.
09:21 Il y a des drames, il y a des gens qui perdent la raison pour des raisons qu'on ne connaît
09:29 pas et il y a des gens courageux qui essaient d'empêcher le drame de se produire.
09:33 Et on devrait prendre cela aussi simplement en pensant qu'il y a d'un côté des éléments
09:42 à bannir et de l'autre des exemples à suivre.
09:45 De quoi est-ce le symptôme finalement quand vous avez décrit le courage, l'abnégation,
09:51 vous dites que c'est presque un élan humain qui est quand même remis en cause aujourd'hui.
09:56 Je pense que ça doit beaucoup interpeller ceux qui nous regardent et nous écoutent
10:01 le dimanche.
10:02 Excusez-moi.
10:03 Que nous soyons dans des temps de boussole égarée, je n'ai aucun doute.
10:10 Et vous non plus.
10:11 Et aucun de ceux qui sont autour de la table.
10:13 Pas seulement en France comme on pourrait croire.
10:16 Mais c'est un drame qui se produit dans de très larges parties du monde, spécialement
10:24 hélas en Occident.
10:25 Le fait que les sociétés que nous avons construites autour d'une certaine idée de
10:36 l'humanisme, on va dire comme ça.
10:37 C'est ça la décivilisation dont parle Emmanuel Macron.
10:39 Oui, mais on y vient si vous voulez.
10:40 Vous reprenez aussi ce terme ?
10:42 Cette...
10:43 Ce nord perdu.
10:50 La boussole devrait monter le nord et on ne sait plus ce qu'elle pointe comme azimuth.
10:55 Il n'y a aucun doute.
10:58 Et dans ce temps de boussole perdue, qu'est-ce qui triomphe ?
11:02 C'est le sectarisme.
11:03 Alors je dis le sectarisme au sens le plus large du terme.
11:07 Tous ceux qui veulent trouver une explication aux dérives du monde dans leur obsession.
11:16 Obsession religieuse ou anti-religieuse.
11:21 On vient de citer deux exemples qui vont dans ce sens-là.
11:25 Obsession anti-scientifique.
11:28 Pour moi, c'est le même genre de dérive.
11:32 Obsession de perte de repères et notamment de négation des origines, de l'histoire,
11:42 du patrimoine et de ce que nous sommes comme êtres humains.
11:46 Toutes ces obsessions-là, ce que vous appelez le wokisme, toutes ces obsessions-là sont
11:53 exactement du même ordre.
11:55 C'est un temps dans lequel ce qui nous permettait de nous relier les uns aux autres, ce que
12:04 nous croyions tous ensemble, de plus élémentaire, au-delà des engagements, tout cela est aujourd'hui
12:11 nié.
12:12 Et il est vrai que c'est une décivilisation.
12:14 Pour ne pas s'aggraver et laisser court à cette décivilisation, des réactions, le
12:18 sursaut est-il à venir, notamment sur des sujets aussi importants que la politique migratoire,
12:22 l'asile, etc. ? La classe politique française est en effervescence sur ce sujet.
12:26 Une courte pause et on en parle, François Bayrou.
12:31 Et avec notre invité ce dimanche, président du MoDem, maire de Pau, François Bayrou,
12:37 après le choc d'Annecy, quel sursaut ? Nous allons parler dans quelques instants de la
12:41 politique migratoire, de notre souveraineté, de la politique d'asile.
12:45 Mais pour le moment, vous êtes revenu sur le mot de décivilisation, François Bayrou.
12:49 Et quand il y a un processus de décivilisation, c'est qu'il y a des causes, une accélération.
12:54 Quelles sont justement ces causes selon vous ?
12:56 J'ai lu beaucoup de commentaires, mais rarement mot aura été aussi bien choisi que ce mot
13:04 de décivilisation.
13:05 Qu'est-ce qu'il veut dire ce mot ? Quand on dit décivilisation, ça veut dire d'abord
13:10 qu'il y a une civilisation ou qu'il y a eu une civilisation.
13:14 Et cette civilisation, elle dit des choses extrêmement précises que nous avons construites
13:20 au travers des siècles, millénaires peut-être.
13:23 Elle dit d'abord qu'il y a, au-dessus des intérêts de chacun, personnel ou de groupe
13:34 ou collectif, de communauté, au-dessus de ces intérêts-là, il y a quelque chose qui
13:41 mérite d'être défendu, il y a quelque chose qui mérite qu'on se dépasse.
13:47 Il y a quelque chose de l'ordre de la transcendance, comme on dit, même si cette transcendance
13:53 peut être interprétée différemment, même si chacun peut en avoir sa propre perception.
13:58 Mais l'idée qu'il y a quelque chose au-dessus de nous, qui nous donne des raisons de vivre,
14:04 où nous pouvons trouver des raisons de vivre, c'est encore une fois l'image qu'on évoquait
14:09 de ce garçon qui affronte l'horreur.
14:13 C'est très important pour l'éducation, c'est très important pour la transmission,
14:21 c'est très important.
14:22 La civilisation, ça se construit au travers du temps, c'est très important pour ce qui
14:27 concerne le patrimoine culturel et moral que nous...
14:32 Là, c'est un processus de décivilisation.
14:34 Qu'est-ce qui est en train de le dénouer ?
14:36 Des millénaires, des siècles, le temps de construire ça, et on a l'impression que
14:39 tout se déconstruit très rapidement.
14:41 Pourquoi ?
14:42 D'abord, on a toujours eu cette impression.
14:44 Un peu plus lentement comparé à avant, non ?
14:46 Oui, mais enfin, comme vous savez, Platon rapporte que Socrate disait des choses de
14:50 cet ordre.
14:51 C'est la première fois qu'un président de la République le dit aussi de manière
14:54 aussi claire.
14:55 Oui, mais c'est très bien.
14:56 Oui, mais quelles sont les causes ?
14:57 Je veux dire, s'il y a des raisons de marquer des événements par la parole du premier
15:03 responsable public du pays, celui-là en est un.
15:06 Alors, vous dites quelles sont les causes.
15:08 Les causes, on les a tous les jours sous les yeux.
15:11 La première, c'est qu'on avait pris l'habitude qu'il y ait des autorités pour définir
15:18 la vérité.
15:19 Je ne sais pas très bien ce que la vérité est, mais de ce point de vue-là, toutes les
15:26 autorités sont mises en cause.
15:29 Et on a assisté au travers du temps...
15:31 Quel aveu d'échec alors pour l'autorité politique ?
15:34 Attendez.
15:35 M. Bayrou, ça nous interpelle.
15:36 Voilà un président qui fait un constat de décivilisation après six années au pouvoir.
15:40 Vous allez être interpellé.
15:41 Parce que si vous ne regardez dans le rétroviseur que six années, alors vous ne pouvez rien
15:49 comprendre à l'histoire.
15:50 Pour reprendre, évidemment.
15:51 Alors, nous reprenons.
15:52 Au travers du temps, les autorités religieuses ont été profondément mises en cause.
15:58 Dans un pays comme le nôtre, en Europe et en France, pendant très longtemps, les régimes
16:07 politiques se sont construits sur l'autorité religieuse.
16:09 Là, vous nous faites la chronique d'un effondrement.
16:10 L'autorité religieuse a été mise en cause.
16:12 L'autorité politique a été mise en cause.
16:14 Est-ce que vous avez un moment de bascule à l'esprit ?
16:16 Et les autorités philosophiques ont tout fait, pas seulement pour être mises en cause.
16:22 Mais pour mettre en avant...
16:23 On continue dans 158, dans les circonstances.
16:25 Laissez-moi finir.
16:27 Et au bout du compte, avec le Covid, à quoi a-t-on assisté ?
16:33 La dernière autorité qui était reconnue et respectée par tout le monde, c'était
16:39 pas seulement scientifique, c'était médical.
16:41 Les médecins avaient une espèce de rôle à la fois scientifique et moral indiscuté.
16:52 Tous les Français les ont découverts sur vos plateaux, en train de se déchirer les
16:57 uns les autres.
16:58 Et ça a fini avec...
17:00 Le diagnostic est posé.
17:01 Effondrement des civilisations, autorités politiques, religieuses, scientifiques, etc.
17:05 Et je reviens à quelque chose de plus prosaïque, M.
17:09 Bayrou, puisque depuis l'attaque d'Annecy, quand même, là, les remises en cause et
17:12 les coups de boutoir par rapport à nos mécanismes du droit d'asile sont sérieuses.
17:16 Est-ce que cet acte, pour vous, est clairement lié à des failles de notre politique migratoire ?
17:21 Alors, qu'il y ait des failles de notre politique migratoire, je n'ai aucun doute.
17:26 Et qui pourrait le nier ? Est-ce que cet événement est lié à des failles de notre politique
17:32 migratoire ? Franchement, ça demanderait à être prouvé.
17:35 Et pour moi, c'est très...
17:37 Cet homme-là est en Europe depuis dix ans, pas en France, en Suède.
17:43 Il a obtenu l'asile en Suède.
17:45 Il a ses papiers.
17:46 Il est marié et il a un enfant dans son pays d'accueil.
17:53 Est-ce qu'on pouvait deviner, discerner ? C'est extrêmement difficile.
18:00 Alors, je veux bien qu'on en fasse une théorie.
18:02 Mais on est en train, précisément en ce moment, au Parlement européen, de mettre
18:12 en place une organisation qui permet d'éviter ce genre de failles.
18:19 Jusqu'à maintenant...
18:20 Donc c'est une faille ? Le fait qu'il était présent sur le territoire national français ?
18:25 Non, je n'ai pas dit ça.
18:26 Alors, où est la faille ?
18:28 Essayez de ne pas...
18:29 J'ai dit précisément qu'il n'y avait pas dans cette affaire d'illustration spéciale
18:36 de failles.
18:37 Mais on va aller plus loin.
18:39 On est en train, au Parlement européen, de mettre en place une organisation qui va
18:43 permettre à toutes les personnes demandant l'asile d'être repérées sur un seul fichier.
18:52 C'est-à-dire, jusqu'à maintenant, vous veniez demander l'asile en Italie, après
18:58 vous demandiez l'asile en France...
18:59 Vous répondez techniquement.
19:00 Il y a une diagnostic de fond qui se fait en ce moment.
19:01 La formule qui revient souvent, le droit d'asile dévoyé.
19:04 Diriez-vous aussi que le droit d'asile est dévoyé aujourd'hui ? Que c'est devenu
19:07 une filière migratoire à part entière ?
19:09 Le droit d'asile est utilisé par un certain nombre de gens qui ne relèvent pas de l'asile
19:17 pour avoir des papiers.
19:18 Et ils sont malheureusement en France rejetés quand ils doivent l'être beaucoup trop
19:26 longtemps après la date qui aurait été efficace et utile.
19:29 Et on est en train...
19:31 Je sais que le gouvernement y travaille, que le ministre de l'Intérieur y travaille.
19:36 Tout le monde est en train de changer ça.
19:39 Bien sûr que c'est insupportable.
19:41 Quand il faut trois ou quatre ans pour décréter ou pour décider que quelqu'un n'a pas droit
19:48 à l'asile, évidemment, là c'est une faille.
19:52 Parce que pendant ce temps-là, ils s'installent dans la société, ils vivent des vies.
19:58 Après, ça devient extrêmement difficile.
20:00 Il y a un problème, un second problème qui est très important, c'est que les pays d'origine
20:06 refusent le retour.
20:07 Mais attendez, restons sur le premier problème.
20:10 Jean-Pierre Chevannement dit dans le journal du dimanche "ce droit d'asile initialement
20:14 réservé aux combattants de la liberté est aujourd'hui clairement détourné de son but
20:18 initial".
20:19 Monsieur Bayrou, vous parlez de l'Europe.
20:21 Est-ce que nous sommes encore décisionnaires ?
20:22 Est-ce que c'est l'Union européenne qui a participé de ce...
20:27 Comment dire que ce droit d'asile soit dévoyé aujourd'hui ?
20:30 Madame, l'Union européenne, c'est nous.
20:35 La présentation qui consiste à dire "c'est eux, l'Union européenne, qui nous empêchent
20:41 de...", l'Union européenne, c'est nous.
20:43 Il n'y a pas de décision en Europe qui puisse se prendre sans notre assentiment.
20:47 Et on voit d'ailleurs qu'il y a des tensions.
20:50 Mais quand Édouard Philippe dit que le droit européen n'aide pas la France lorsqu'elle
20:53 veut reprendre en main sa politique migratoire, il reconnaît que c'est peut-être un peu
20:57 l'Union européenne.
20:58 C'est pas seulement nous, l'Union européenne.
21:00 L'Union européenne, c'est nous.
21:01 Que nous ayons par le passé au travers des gouvernements successifs ?
21:07 Cette réalité était déjà celle-là il y a trois ans, il y a quatre ans.
21:13 Il faut-il retrouver la souveraineté en matière migratoire comme le demandent la droite et
21:17 l'extrême droite en France ?
21:18 Est-ce qu'il faut restreindre le droit d'asile ?
21:20 Alors, vous voyez, vous dites "retrouver la souveraineté en matière migratoire, c'est
21:25 restreindre le droit d'asile".
21:27 Vous faites une équivalence qui n'est pas absolument évidente.
21:33 Moi, je crois qu'il faut avoir des attitudes simples.
21:38 Je crois que quelqu'un qui vient en France, qui veut travailler, qui veut apprendre la
21:46 langue, qui comprend que la France, c'est pas un territoire, c'est une histoire et une
21:55 civilisation, qui est décidée à les respecter dans l'état actuel de notre pays, avec les
22:05 immenses difficultés que nous avons pour trouver des gens qui travaillent, pour trouver des
22:09 gens qui acceptent des emplois.
22:11 Ils peuvent trouver leur place.
22:14 L'intégration fonctionne aujourd'hui ?
22:16 Pardon ?
22:17 Vous trouvez que l'intégration et la civilisation fonctionnent ?
22:19 Non, mais vous voyez bien que vous tirez au-delà de ce que je veux dire.
22:29 Je crois que l'intégration pourrait fonctionner et qu'elle ne fonctionne pas.
22:34 Et je crois qu'on n'est pas assez exigeants sur ces critères-là.
22:38 Et le "on" ? Vous avez été au pouvoir pendant des années également.
22:41 Je ne suis pas sûr d'avoir été personnellement au pouvoir pendant des années.
22:44 Vous avez été ministre, M. Bayrou.
22:46 Ne diluez pas votre rôle.
22:47 Est-ce que c'est un aveu d'échec ? Est-ce que c'est un constat d'échec que cette intégration,
22:51 cette simulation ne marche pas ?
22:53 Et donc, vous n'étiez pas né.
22:56 Et donc, peut-être aurions-nous pu faire mieux.
23:02 Mais j'étais ministre en particulier de l'éducation rationale.
23:07 Et je prétends que nous avons alors défendu cette idée de transmission,
23:13 de transmission de l'essentiel, pas seulement de connaissances,
23:19 mais de l'idée de ce qui nous porte et ce qui nous permet d'aller plus loin.
23:25 On va s'y arrêter, justement.
23:27 Marquer une courte pause sur Europe 1 et ses news.
23:30 Continuer quand même avec l'offensive de la droite.
23:32 Éric Ciotti qui dit qu'aujourd'hui, la France vit une submersion migratoire.
23:36 Est-ce que vous êtes d'accord sur ce constat ?
23:38 Que pensez-vous de ce qui se passe au Danemark avec la politique des sociodémocrates ?
23:42 Sur tous ces sujets, on se retrouve dans quelques minutes à peine.
23:45 Et la suite de notre émission après l'attaque et le choc d'Annecy,
23:53 une partie de la classe politique remet en cause la politique migratoire européenne,
23:56 s'interroge sur notre souveraineté.
23:59 Les LR, François Bayrou ont déposé une proposition de loi constitutionnelle
24:02 avec un volet important sur l'asile.
24:05 À la Une du Parisien ce matin, Éric Ciotti demande solennellement
24:08 d'être reçu à l'Élysée.
24:10 Il veut que tout parte de leur texte, du texte des LR.
24:14 Il qualifie la situation de la France avec une "submersion migratoire".
24:19 Vous êtes d'accord sur ce diagnostic ?
24:22 Parmi les symptômes qui nous font conclure que la situation du pays
24:28 n'est pas formidable, il y a celui-là.
24:30 Mais vous voyez, on va s'arrêter une seconde.
24:35 Le Brexit a été décidé, la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne,
24:42 a été décidée à partir de cet argument-là.
24:45 Vous vous souvenez du slogan de Boris Johnson qui était "reprendre le contrôle".
24:51 Il y avait à l'époque 300 000 immigrés qui rentraient par an en Angleterre.
24:56 Ils sont sortis, ils ont dit "on va nous-mêmes désormais être souverains".
25:01 Vous savez combien il y a eu d'immigrés qui sont rentrés en Angleterre cette année ?
25:04 600 000. Le double.
25:07 Non mais attendez, le double.
25:09 Ils ont dit "on veut reprendre notre souveraineté" et ils le font.
25:12 Et moi je vous dis que vous ne pouvez pas trouver une souveraineté
25:16 qui ne se place dans une entente, une union avec ses voisins.
25:21 Un écho européen de la souveraineté ?
25:23 C'est le cadre que vous proposez, le cadre européen.
25:27 Non, non, ça n'est pas le cadre que je propose.
25:30 C'est pas ce que je dis.
25:33 Je ne laisse pas dévoyer ce que je dis.
25:38 C'est pas que je propose le cadre européen.
25:41 Je dis quelque chose de beaucoup plus lourd.
25:43 Ça peut être réglé qu'au niveau européen.
25:45 Il ne peut y avoir de solution que si nous les préparons et les appliquons ensemble.
25:51 Parce que sans ça, un pays qui a des frontières de milliers de kilomètres comme la France,
25:59 sur combien de continents ?
26:03 Sur quasiment tous les continents.
26:06 Ce que propose la droite pour vous c'est un Frexit.
26:08 L'expression a été utilisée par certains responsables de la majorité.
26:11 Non, chacun a le droit, si ce n'est le devoir, de contribuer à la réflexion générale.
26:17 Ils le font et pour moi je ne m'en offusque pas.
26:20 Je ne trouve pas qu'il y ait quelque chose de grave ou de gênant de ce point de vue-là.
26:25 Le président des Républicains demande à être reçu par le président de la République pour discuter.
26:31 C'est légitime.
26:33 Mais il demande à sortir des traités européens.
26:34 C'est ce qu'il propose avec leur proposition de loi constitutionnelle.
26:36 Mais vous savez bien que ça ne se fera pas.
26:38 Donc ça ne se fera pas parce que sans ça, les autres vont sortir des traités européens.
26:43 À notre détriment.
26:45 Quand vous êtes dans une famille, dire "je veux sortir", non, ce n'est pas de la démagogie.
26:51 Ce sont de grands partis politiques, les Républicains, les socialistes,
26:58 qui essaient difficilement de trouver un chemin.
27:01 Ce sont des grands partis de la République.
27:04 Moi je suis pour le pluralisme.
27:06 Je suis pour que chacun ait sa voix et sa place reconnue.
27:10 C'est comme ça que ça devrait fonctionner.
27:12 Au lieu d'être le bazar effroyable que l'Assemblée nationale est aujourd'hui.
27:16 Donc très bien, leurs propositions sont légitimes.
27:18 Mais malgré tout, par exemple, quand l'ancien Premier ministre...
27:20 Je n'ai pas dit qu'elles sont justes.
27:21 Quand l'ancien Premier ministre, vous n'avez pas répondu tout à l'heure à Mathieu Bocote,
27:24 Edouard Philippe, fait cette sortie très remarquée sur les accords de 68.
27:28 Ce n'est pas rien dans notre pays.
27:29 Avec l'Algérie qui prévoit des règles dérogatoires depuis tant d'années pour qu'elles soient supprimées.
27:35 Est-ce qu'il a raison ou est-ce qu'il a tort, l'ancien Premier ministre ?
27:38 Il occupe quand même une place importante dans notre pays.
27:40 Pardon ?
27:41 Il occupe quand même une place importante dans notre pays.
27:43 Oui, mais vous savez combien il y a d'enfants d'Algériens ou de ressortissants algériens en France ?
27:53 Il y en a entre 2 millions et 2 millions et demi.
27:56 Ils sont des citoyens, ils travaillent, ils vivent.
27:59 Et l'idée qu'on focalise sur l'Algérie tous les problèmes que nous avons est une idée à discuter.
28:07 Il y a des responsables algériens qui pensent que ces accords ne sont pas bons.
28:13 Y compris parfois des responsables de premier plan.
28:17 Et la situation entre...
28:20 Ils ne sont pas prêts à aller des tricotés en leur défaveur quand même.
28:23 En leur défaveur, non. Mais il convient que ça ne va pas.
28:26 Vous êtes en train de nous dire qu'Édouard Philippe stigmatise les Algériens.
28:29 Pas du tout. Vous savez bien que je n'ai pas dit ça, ni de près ni de loin.
28:33 Je veux dire simplement que si vous focalisez la totalité du problème sur cette question, sur la question de l'Algérie,
28:43 à mon avis, vous vous trompez.
28:45 Que fait-on ? On ne touche pas à ça. On ne touche pas au cadre européen.
28:48 À quoi on touche pour résoudre les problèmes ?
28:50 C'est-à-dire, on a des problèmes nombreux.
28:55 Le premier, c'est l'insertion dans l'emploi.
28:58 Le deuxième, c'est la politique de santé mentale dans notre pays, parce que ce qu'on observe là.
29:06 Et troisièmement, oui, en effet, il y a à reprendre la totalité de nos relations avec l'Algérie, avec le Maroc aussi.
29:15 Moi, je ne suis pas satisfait des tensions très importantes qu'il y a entre la France et le Maroc.
29:25 C'est aussi le cas avec des pays africains.
29:28 Ce que nous n'avons pas défini aujourd'hui, c'est le cadre qui permet de savoir qui a le droit,
29:36 enfin, ou qui est admis à venir et les obligations qui doivent être remplies.
29:43 Je vous ai donné l'exemple tout à l'heure, M. Bayreau, j'aimerais que vous donniez votre avis à ce sujet, du Danemark.
29:48 Voilà un pays qui est dirigé par des sociodémocrates.
29:50 Nous sommes d'accord qu'il y a une politique ferme, certains diront lucide, sur cet aspect, sur l'asile également.
29:58 Est-ce que vous estimez que c'est un modèle ou est-ce que vous estimez qu'on ne peut pas s'en inspirer,
30:02 peut-être compte tenu de critères géographiques, démographiques et autres ?
30:06 Alors cette politique, ils l'ont définie après combien de temps et après quelle autre politique ?
30:11 Certes, mais...
30:12 Alors certes, qu'est-ce que vous voulez dire par certes ?
30:14 Est-ce que c'est un modèle pour vous ? Est-ce que pour le politique que vous êtes, vous regardez aussi du côté du Danemark ?
30:18 Je n'ai pas de modèle qui ne soit conçu et pensé dans le cadre français.
30:24 L'idée qu'on va aller chercher ailleurs, dans des circonstances totalement différentes.
30:30 Vous savez ce qui s'est passé au Danemark ?
30:32 Vous savez combien la vie politique danoise a été traumatisée sur ces sujets-là ?
30:38 Et quel changement ?
30:41 Alors c'est pas parce qu'ils sont sociodémocrates que je vais y trouver un modèle.
30:46 Je pense qu'ils ont raison sur un point.
30:49 Les peuples ne peuvent pas vivre sans donner à leurs citoyens la certitude que le modèle national et européen dans lequel ils sont sera préservé dans l'avenir.
31:01 Une très grande partie...
31:03 C'est pour ça que vous dites "le modèle national et européen". Vous parlez d'identité ici.
31:06 Oui.
31:07 Alors hier soir sur CNews, Alain Finkielkraut, le philosophe, disait qu'il s'inquiétait aujourd'hui du fait que la France ne soit plus une évidence.
31:14 La France pourrait mourir autrement dit.
31:16 Les peuples européens ont cette angoisse existentielle aujourd'hui.
31:19 Est-ce que c'est une angoisse que vous partagez ?
31:21 J'ai même écrit sur ce sujet. Je vous enverrai mon dernier livre qui traite de ce sujet.
31:29 C'est la raison profonde de la déstabilisation des esprits dans notre pays.
31:38 Sur ces sujets-là, le sujet, c'est qu'un grand nombre de Français ont le sentiment que ce à quoi ils croient, les cadres dans lesquels ils vivaient, sont profondément déstabilisés...
31:58 Mais ce n'est qu'un sentiment ou c'est un fait ?
32:00 ...et risquent dans l'avenir de ne plus être transmis à leurs enfants.
32:04 Mais ce n'est qu'un sentiment ou c'est un fait ?
32:06 C'est d'abord un sentiment mais il y a aussi des éléments de fait.
32:10 Comme le sentiment d'insécurité ?
32:12 Il y a aussi des éléments de fait.
32:15 Il ne faut pas que vous moquiez les peuples quand ils sont inquiets.
32:20 Le sentiment d'insécurité...
32:23 Vous n'avez pas l'impression de le faire ?
32:24 Ben si.
32:25 Ah bon ?
32:26 Les sentiments d'insécurité, c'est un fait social.
32:30 C'est bien le sens de la question de ma question.
32:32 C'est le sens de la question. Parce qu'on a trop longtemps réduit l'insécurité réelle au sentiment d'insécurité.
32:37 Donc vous posez la même question sur l'identité.
32:38 Pour moi, le sentiment d'insécurité, c'est un fait.
32:41 Et il importe peu de savoir s'il est créé par des centaines de faits ou par un fait, comme celui qu'on vient de vivre.
32:50 Et le sentiment de fragilité de notre pays, de notre peuple, de notre société et de notre civilisation,
33:01 c'est un fait.
33:02 Et c'est pourquoi j'ai tellement insisté tout à l'heure, lorsque l'on parlait d'immigration,
33:08 pour dire que certes, il est légitime que des gens pourchassés viennent chez nous,
33:15 à condition qu'ils acceptent que nous sommes non pas un territoire où on peut faire ce qu'on veut,
33:21 mais un pays avec son histoire et son patrimoine, avec ses coutumes, avec ses mœurs et avec sa langue.
33:30 Et si nous ne rassurons pas nos compatriotes sur ce point, alors nous aurons de très graves difficultés.
33:37 Vous évoquez de vous-même le projet de société, le même projet de civilisation, oserais-je dire.
33:43 On va consacrer cette dernière partie à cela, avec aussi le remaniement,
33:47 parce qu'il faut les hommes et les femmes pour animer un tel projet.
33:50 Une courte pause et on se retrouve.
33:56 Et la dernière partie de cette émission, bien sûr, avec notre invité François Bayrou.
34:00 On a beaucoup parlé de projet de société. Pour l'incarner, il faut des femmes, des hommes.
34:05 La piste d'un remaniement avant l'été serait privilégiée.
34:09 François Bayrou, pourquoi est-ce qu'Elisabeth Borne a démérité ? Est-elle déjà usée, selon vous ?
34:13 D'abord, la question que vous posez à juste titre si souvent, celle des personnes pour occuper les fonctions,
34:24 et notamment la fonction de Premier ministre, c'est une question qui se pose à deux personnes en même temps,
34:30 le Président de la République et le Premier ministre, ou la Première ministre.
34:34 Et c'est dans leur tête-à-tête et dans leur rapport personnel et leur franchise personnelle que la réponse se trouve.
34:43 Personne d'autre n'a cette réponse-là. Vous savez ce que je pense depuis longtemps.
34:49 J'ai toujours pensé que le Premier ministre n'était pas un collaborateur, au contraire de ce que Nicolas Sarkozy avait décrit autrefois.
34:59 Je pense que le Premier ministre est le chef du gouvernement et que c'est à lui qu'il revient,
35:05 notamment dans une période où la majorité à l'Assemblée nationale n'est pas prédéfinie.
35:11 C'est à lui qu'il revient d'impulser une politique.
35:15 Ce portrait ne correspond pas tellement à Elisabeth Borne.
35:17 Il faut qu'il dite « Moi, je ne suis pas président de la République, donc c'est pas moi qui réponds ».
35:21 Il te faut un fidèle, ont répété en privé aux chefs de l'État ces derniers jours,
35:24 ceux qui craignent de voir débarquer un nouveau transfuge de la droite à Matignon,
35:27 les noms de Julien Denormandie, ancien ministre de l'Agriculture,
35:30 Richard Ferrand, ancien président de l'Assemblée, ou encore Sébastien Lecornu, actuel ministre des Armées,
35:34 reviennent régulièrement pour contrebalancer Gérald Darmanin ou autres.
35:38 Est-ce que ce sont des profils adéquats, selon vous ?
35:41 Il faut – j'ai souvent repris cette expression – il faut à Matignon une capacité d'autonomie
35:50 et une complicité très grande avec le président de la République.
35:54 Est-ce un mouton à cinq pattes ?
35:56 Eh bien, il faut chercher les moutons à cinq pattes.
35:58 On le cherche où ? On le cherche à droite ? On le cherche dans la majorité ?
36:00 On le cherche dans la société civile ?
36:02 Pour moi, l'élection d'Emmanuel Macron, elle a été acquise sur le socle central.
36:09 Et c'est parce qu'elle était sur le socle central que nous avons uni nos forces pour qu'elle triomphe.
36:17 C'est dans ce socle central que se trouve la réponse, pour moi, et après, dans le socle central...
36:25 Selon vous, il faut un nouveau Premier ministre ? C'est nécessaire, aujourd'hui, un an après l'élu ?
36:29 Inviter le président de la République et poser lui la question.
36:32 Vous êtes un homme politique, vous êtes un responsable politique, à ce que j'en sais.
36:35 Vous avez un avis sur la question ? Est-ce que Mme Borne a été trop abîmée par la crise des retraites pour pouvoir...
36:41 Je pense que le profil qui avait été nommé à Matignon par le président de la République,
36:47 c'est lui qui l'a choisi, c'est lui qui l'a voulu, et c'est entre elle et lui que cette question doit se poser.
36:54 "Choisi" est un grand mot, quand on sait que c'était d'abord Mme Catherine Vautrin qui était vraiment jusqu'au dernier moment à cette place-là.
37:00 Mais allons sur le mot "choisi". Par contre, vous avez l'oreille du président.
37:04 Est-il vrai, François Bayrou, que vous avez menacé de quitter la majorité ?
37:07 C'est les anciens Républicains, Gérald Darmanin ou Sébastien Lecornu, qui ont été nommés premiers ministres.
37:12 Je n'ai pas fait tout ça pour me retrouver avec des copies de Nicolas Sarkozy à Matignon. Auriez-vous pût-être...
37:16 Oui, comme vous savez, la manière dont les journaux sont écrits, vous ne devriez pas attacher...
37:23 Sérieusement ?
37:24 ...tant de sérieux à leurs affirmations.
37:27 Je n'endosse que ce que j'ai moi-même dit et moi-même signé.
37:33 Dites-le-nous clairement.
37:34 Non, je viens de vous dire clairement les choses. Je pense que l'élection d'Emmanuel Macron n'est pas un accident.
37:42 Je pense que ça correspond à un moment historique de basculement. Et que ce moment historique de basculement, c'est un moment de rassemblement.
37:52 Et que c'est dans un socle central du pays, vous voyez bien avec les extrêmes de chaque côté, c'est dans ce socle central que doit se trouver l'inspiration du gouvernement.
38:03 Il faut une majorité.
38:04 Et l'inspiration du gouvernement...
38:05 Il faut la droite, il faut les LR. Vous n'allez pas la faire en disant...
38:07 Il faut une majorité suffisamment large pour dépasser le seuil.
38:12 Vous venez de me répondre. Et bien comme Gérald Darmanin pourrait déséquilibrer cette majorité...
38:17 Non, je n'ai nullement répondu ça.
38:19 Il n'appartient pas au centre.
38:20 Il n'appartient pas au socle central, selon vous ?
38:23 Je vous demande de vous reporter à ce qui s'est passé en 2017. Ce qui s'est passé en 2017.
38:35 On est sortis de l'affrontement droite contre gauche, qui était délétère pour le pays, destructeur pour le pays.
38:43 Et on est passé à une vision complètement différente, que le président de la République a appelée du dépassement,
38:50 que j'appelle pour moi central, depuis longtemps.
38:54 Cette vision-là, elle permet de proposer au pays une orientation et un projet qui dépassent les affrontements.
39:02 Elle est encore valable aujourd'hui ?
39:04 Elle est absolument valable.
39:05 Beaucoup disent que le clivage est revenu de droite-gauche et que le déplacement n'a été qu'une illusion.
39:09 Non seulement...
39:10 Oui, il y a des gens qui ont intérêt à dire ça. Mais si on les suivait, on aurait de graves accidents.
39:15 Qu'est-ce que vous voulez dire ?
39:16 Parce que je...
39:17 Quels accidents ?
39:18 On reviendrait à l'impuissance dans laquelle on s'est trouvé pendant des décennies.
39:25 Depuis, allez, 30 ans, on a vécu des choses qui ont empêché le pays de faire face à tant aux difficultés qui sont les siennes.
39:35 On a cité des exemples, mais je vais vous dire le très fond de ce que je pense.
39:40 On a parlé d'immigration, on a parlé de pression extérieure, de l'Europe.
39:47 Moi, je vais vous dire ce que je crois.
39:49 Les problèmes du pays, ils ne viennent pas de l'extérieur, ils ne viennent pas de l'immigration, ils ne viennent pas de l'Europe.
39:56 Ils ne viennent pas des déséquilibres planétaires.
39:59 Ils viennent de l'impuissance à régler ses problèmes, peut-être ?
40:01 Les problèmes du pays, ils viennent de l'intérieur.
40:04 C'est parce que depuis des décennies, nous n'avons pas été capables de redresser notre éducation nationale.
40:12 Nous n'avons pas été capables de retrouver les chemins de la production.
40:17 C'est parce que nous n'avons pas été capables de trouver un contrat social durable.
40:24 Interessant.
40:25 Parce qu'il n'est pas durable.
40:26 Pourquoi nous n'avons pas été capables ? Est-ce parce que nous n'avons pas la souveraineté et les manettes sur ce sujet ?
40:30 Non, absolument pas.
40:31 Nous n'avons pas été capables parce que alternance après alternance, les majorités...
40:37 Qu'est-ce que vous avez fait depuis 6 ans, M. Bayrou ?
40:39 Les majorités successives...
40:41 Vous êtes au pouvoir depuis 6 ans.
40:42 Les majorités successives... Je ne suis pas au pouvoir, monsieur.
40:46 Les majorités successives, depuis tout ce temps-là, passaient leur temps à détruire l'une après l'autre ce que l'on avait fait.
40:55 On vient de vivre la réforme des retraites et on n'a pas dit la vérité aux Français, qui est toute simple.
41:01 C'est que les retraites sont payées à crédit...
41:04 Vous dites "ont", c'est-à-dire qui ?
41:06 "Ont" le gouvernement, les médias...
41:09 À l'unisson derrière le gouvernement ?
41:12 Oui, bien sûr. Parce que c'était plus facile. Ça facilitait les choses.
41:17 Donc sur la réforme des retraites, je précise, réforme que vous avez en tous les cas sur la communication, vous n'êtes pas allé de main morte.
41:25 Vous avez dit que sur la forme, ça n'allait pas du tout. La manière dont vous avez mené, ça va laisser de lourdes...
41:30 C'est pas sur la forme pour reprendre la réforme des retraites. Mais c'est pas le seul sujet.
41:37 Qui n'a pas fait l'effort de pédagogie ? C'est le gouvernement.
41:41 Oui, sans doute. Et les médias ne l'ont pas aidé.
41:47 C'est notre rôle de chargé de pédagogie ?
41:49 Oui, aussi. C'est un rôle civique. On est tous co-responsables.
41:54 J'ai édité au commissariat au plan une analyse chiffrée et précise, indiquant ce que savaient un tout petit nombre de responsables.
42:06 Nous l'avons souvent cité, cette note.
42:08 Et c'est bien. Je vous remercie de vous référer aux bons auteurs.
42:12 Et donc qui fait que les pensions de retraite qui sont aujourd'hui payées aux Français,
42:19 elles ne sont pas payées comme on le croit par répartition, par les contributions, par les cotisations de ceux qui travaillent et des employeurs.
42:30 Elles sont payées par l'emprunt, par la dette. Et donc on paie les pensions en créant des dettes pour ceux qui viennent.
42:38 C'est insupportable. Et c'est un de ces problèmes. J'ai dit l'éducation. J'ai dit celui-là. J'ai dit un modèle social durable.
42:45 Vous avez dit en 2017 qu'il y a eu un moment de dépassement. On a quitté le clivage gauche-droite.
42:50 Mais un nouveau clivage apparaît. Néanmoins, en démocratie, il y a toujours des clivages.
42:53 Comment nommeriez-vous le présent clivage, si ce n'est pas gauche-droite ?
42:57 — Je pense que le clivage principal, c'est responsabilité contre irresponsabilité. — C'est un peu facile, ça. Vous aurez le monopole de la responsabilité.
43:08 — Non, non. Je vais expliquer ce que je dis. Lorsque vous présentez aux citoyens des thèses selon lesquelles ils ne sont pour rien dans
43:24 les difficultés du pays, mais c'est la faute d'eux, la faute des riches d'un côté, des plus riches, de tous ceux dont vous connaissez le nom,
43:34 des Arnaud, Bolloré, vous dites que c'est de leur faute. Ils confisquent la richesse du pays. Et lorsque d'un autre côté, vous dites que c'est la faute
43:43 des étrangers, c'est la faute de l'immigration, vous êtes dans l'irresponsabilité. Et quand vous dites « yaka » et « faux con »,
43:52 vous êtes dans l'irresponsabilité. — Donc RN et la FI pour les nommer sont dans l'irresponsabilité. — Oui, sans le moindre doute. Et donc la question, c'est...
44:02 — C'est vous le chaos, finalement. — Oui. — Gauche-droite, vous avez deux options. Là, c'est pas deux options. C'est responsabilité ou irresponsabilité.
44:10 — Oui, ben voilà. — Vous mettez LR aussi dans l'irresponsabilité. — Non. J'essaie de ne pas simplifier ni caricaturer. C'est pas parce que quelqu'un
44:21 n'est pas d'accord avec moi que je pense qu'il est illégitime. Au contraire, j'ai toujours plaidé dans ma vie pour le pluralisme, c'est-à-dire pour qu'on reconnaisse
44:31 que la politique, ça consiste pas à faire triompher ses idées sur celles des autres. Ça consiste à créer un cadre de débat dans lequel chacun puisse
44:41 faire entendre sa voix et où s'élabore peu à peu, en donnant à tous les citoyens tous les éléments de compréhension, le choix du pays.
44:50 C'est pas du tout ce qu'on fait pour l'instant. — Justement, François, on va conclure. Il nous reste très peu de temps.
44:54 Votre voix, le choix du pays pour 2027, vous êtes toujours – j'allais dire – dans les starting blocks.
45:00 — Non. Vous voyez bien qu'on n'est sûrement pas... — Vous y croyez toujours. C'est le principe, d'ailleurs.
45:04 — Tout ce que nous vivons est suffisamment éloigné de 2027 pour qu'on n'ait pas la... J'allais dire la bêtise de se situer dans cette course-là.
45:16 Et j'ajoute une chose. C'est que tous les favoris à l'avance perdent. C'est une des lois de la Ve République.
45:24 — Donc vous vous déclarez au dernier moment. — On verra tout ça. — Merci, François Bayrou. On verra tout ça, effectivement.
45:30 Merci, François Bayrou. Nous avons démarré par l'essentiel, l'émotion, l'hommage, le rassemblement, le partage.
45:36 Et justement, c'est à suivre sur nos antennes le rassemblement citoyen qui aura lieu dans quelques instants à Annecy,
45:42 un moment de partage, de reconnaissance, évidemment, après le choc et l'attaque. Je vous remercie d'avoir été notre invitée.
45:47 Je remercie mes camarades Mathieu et Stéphane. Et on vous souhaite tous un très très bon dimanche sur Europe 1 et C News. Merci encore.
45:53 [SILENCE]