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Que se passe-t-il dans le cerveau d'un champion au moment de réaliser une prouesse dont seuls quelques êtres humains sont capables ? Comment a-t-il pu se transformer, au fil des années et au fil des secondes, pour être bon à ce point, à cet instant précis ? Jean-Philippe Lachaux publie "Dans le cerveau des champions", qui parait chez Odile Jacob. Il est l'invité de Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 05 juin 2024

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Transcription
00:00 - 9h, RTL matin.
00:03 - Il est 8h24, bonjour Jean-Philippe Lachaud.
00:05 - Bonjour.
00:05 - Merci de nous rejoindre dans la matinale d'RTL.
00:07 Vous êtes directeur de recherche en neurosciences cognitives, spécialiste de la concentration
00:11 et à 50 jours des Jeux Olympiques de Paris, vous publiez aujourd'hui même
00:14 dans le cerveau des champions aux éditions d'Ile Jacob.
00:17 C'est un véritable guide pour comprendre comment les athlètes de haut niveau
00:20 transforment leur cerveau pour atteindre les sommets d'une certaine façon.
00:23 Le tennisman Guy Forget, le footballeur Sidney Gauvou,
00:26 ou encore la nageuse Mylène Lazar, vous avez interrogé de très nombreux champions
00:30 de leur discipline et même un pianiste.
00:32 Que vous ont-ils dit tous ces sportifs et qu'avez-vous découvert
00:36 sur le fonctionnement de leur cerveau face à l'épreuve ?
00:38 - Alors ce qu'ils m'ont expliqué, c'était qu'en fait, leur qualité essentielle,
00:42 c'était une qualité de maîtrise de leur attention.
00:44 Ce qu'on appelle le mental en fait, c'est une capacité à placer son attention.
00:48 Et je vais vous donner un exemple, j'ai un arbitre de haut niveau,
00:51 un arbitre international, Benoît Bastien, qui m'a décrit ce qu'était son métier.
00:54 Et j'ai été stupéfait parce que pour moi, l'arbitre, c'était celui qui courait en noir
00:57 après tout le monde avec un cétacl, etc. - Oui, c'est celui qui subissait d'une certaine façon.
01:00 - Exactement. Et en fait, ce qu'il m'a décrit, c'est qu'il faisait lui-même
01:03 des gestes extrêmement précis, techniques.
01:05 C'est-à-dire qu'au moment, par exemple, de s'approcher de la surface de réparation
01:08 avec un attaquant qui est face à un défenseur, etc.,
01:10 en fait, il anticipait la façon de placer son attention exactement seconde par seconde,
01:14 voire millisecondes, enfin millisecondes, mais fraction de seconde par fraction de seconde
01:17 pour prendre exactement la bonne information au bon moment
01:19 en tenant compte de ses arbitres assistants.
01:21 Donc c'est vraiment une gestuelle attentionnelle qu'on trouve chez le champion
01:25 pour, par exemple, gérer ses émotions, etc.
01:27 - Ça veut dire qu'il n'y a pas de grande performance sportive
01:29 sans une grande maîtrise de la concentration,
01:31 et donc un entraînement du cerveau ?
01:33 On parlerait... Enfin, vous parlez d'un entraînement du cerveau ?
01:35 - Oui, complètement. Et en fait, j'ai un petit scoop pour vous,
01:37 c'est que je me suis permis de vous regarder travailler juste avant que ce soit à moi.
01:41 Et en fait, vous êtes un champion.
01:42 C'est-à-dire que, quand je vous ai vus, vous aviez une attention hyper claire,
01:46 une attention parfaitement posée sur une cible claire pour vous,
01:49 et vous étiez dans une efficacité qui est proche de celle du champion dans ces moments-là.
01:52 En fait, c'est comme ça qu'il fonctionne.
01:54 - C'est bien parce que moi, je me trouve dissipé, donc j'ai besoin de me rassembler.
01:56 - Eh bien, vous étiez extrêmement concentré, je peux vous le dire.
01:58 - Je vous cite, "On peut apprendre des quantités de pouvoir
02:01 à condition d'y consacrer du temps, d'avoir des intentions claires,
02:04 et de faire des erreurs."
02:05 Expliquez-nous, ça veut dire finalement qu'on doit accepter l'échec
02:09 et mille fois reprendre l'ouvrage ?
02:10 - Oui, bien sûr, en fait, c'est exactement ça.
02:12 C'est-à-dire qu'il y a une sorte de...
02:13 Enfin, on est un petit peu dans une sorte de pessimisme ambiant,
02:15 on a l'impression que tout va mal, etc.
02:16 Mais non, il y a un grand message d'espoir à donner.
02:18 Dès l'instant où vous avez du temps et que vous faites des choses avec une intention claire,
02:22 vous allez... En fait, votre cerveau va apprendre.
02:23 Il va dire "Ok, c'est ça que tu veux faire, je vais me changer pour que tu le fasses mieux."
02:27 Et donc, l'erreur, en fait, est une information extrêmement précieuse.
02:30 Quand on se plante, en ayant voulu faire quelque chose de précis,
02:32 le cerveau dit "Ok, bon, il faut que je corrige ça pour la fois."
02:34 - Il s'en souvient. - Exactement.
02:36 Donc, du temps de la concentration, vous pouvez apprendre n'importe quoi.
02:38 - Alors, le mental, oui, j'ai compris, mais le coach mental, est-ce qu'il est indispensable ?
02:42 - Alors, le coach mental, en fait, le meilleur coach mental, c'est quand même l'athlète lui-même.
02:46 Avec l'introspection, pourquoi ?
02:48 Parce que c'est lui qui a accès, vraiment, à des choses qui sont cachées de l'extérieur.
02:51 Comment exactement il a placé son attention sur la balle de tennis ?
02:54 Qu'est-ce qu'il voulait faire à ce moment-là ?
02:56 Donc, finalement, c'est vraiment par la compréhension soi-même de sa propre attention
02:59 qu'on arrive à cette maîtrise.
03:00 - Est-ce qu'on est en retard en France, nous, par rapport à d'autres pays ?
03:02 Je ne sais pas, je pense aux Américains, sur ces questions et sur cette curiosité, en fait.
03:06 - Oui, moi, je pense qu'on est en retard par rapport aux Japonais, par exemple.
03:09 Parce qu'il y a toute une tradition orientale,
03:12 vous prenez le tir à l'arc japonais, où vraiment, l'attention est au centre.
03:15 Et en fait, ce qu'on va rechercher, c'est l'état d'esprit, plus que de mettre sa flèche dans la cible.
03:18 Donc, finalement, ceux qui sont les plus en avance, ce sont eux.
03:21 - Les cerveaux de ces sportifs ultra-entraînés,
03:23 sont-ils comparables à ceux de nos femmes et de nos hommes politiques ?
03:25 Je vous pose la question parce qu'on est à quelques jours d'une élection.
03:28 Débattre face à un ou plusieurs adversaires pendant des heures, ça aussi,
03:31 c'est une performance qui demande de l'entraînement, non ?
03:33 - Complètement. Et en fait, je fais pas mal de parallèles entre le langage et le sport.
03:37 Parce qu'en fait, quand on parle, on met en jeu des muscles
03:39 pour produire un effet, enfin, pour produire des sons.
03:41 Mais sinon, c'est une motricité, c'est assembler des motifs,
03:44 des motifs musculaires, enfin, des patterns signifiants, quoi.
03:47 Et c'est exactement ça. C'est-à-dire que, dans un débat,
03:50 vous êtes obligé, à partir du début de la question, d'anticiper la réponse.
03:54 Donc, d'avoir une anticipation aussi de l'intention de l'adversaire,
03:57 de préparer la prise de décision rapide,
04:00 c'est exactement, sous une contrainte temporelle,
04:02 comme un sportif de haut niveau.
04:03 - Y a-t-il des prédispositions, notamment génétiques,
04:05 "on est doué ou pas pour la performance",
04:07 qui veut pas dire qu'on peut pas la cultiver, puisque c'est le propos de votre livre ?
04:09 - Oui, alors, en fait, y a tout un débat là-dessus, c'est pas résolu.
04:13 Il semblerait quand même qu'il y ait un aspect génétique.
04:14 Alors, pour l'aspect musculaire, c'est la prise de...
04:16 efficacité musculaire, je pense que c'est assez évident.
04:18 Pour le mental, c'est beaucoup moins clair.
04:20 Y a pas une méthodologie établie, et...
04:23 L'idée, c'est quand même que, globalement,
04:25 quand vous passez du temps à faire quelque chose en voulant vous améliorer,
04:27 vous allez y arriver.
04:28 - Alors, je réfléchissais aux images qui, moi, m'ont imprégné depuis toujours
04:32 en regardant des sportifs, en vous lisant.
04:34 C'est le regard des perchistes,
04:36 juste avant le saut qui, moi, m'impressionne le plus.
04:40 Est-ce que vous comprenez pourquoi j'ai ce sentiment
04:42 de les voir comme ça, à ce point concentré ?
04:44 - Oui. Alors, le regard est particulièrement important.
04:47 Y a une technique qui s'appelle la technique de l'Eye-Kind,
04:49 "Quite Eye",
04:51 qui montre que, quand votre regard se stabilise vraiment
04:54 sur un objet juste avant,
04:55 alors, un objet pertinent, ça peut être au basket, le panier, etc.
04:58 La perche, j'imagine, un point particulier.
05:00 Cette stabilité de l'attention et du regard
05:02 va avoir un effet sur la performance.
05:04 - Le cerveau, c'est un organe qu'on a jamais fini de muscler,
05:06 quel que soit l'âge.
05:07 - Oui, alors attention aux métaphores,
05:08 parce que c'est pas vraiment un muscle, y a des différences,
05:10 mais en tout cas, il a sa plasticité.
05:12 Et quel que soit votre âge, vous pouvez l'améliorer,
05:14 vous pourrez apprendre des nouvelles choses.
05:15 Ça, c'est vraiment quelque chose qu'il faut garder en mémoire.
05:16 - Ça veut dire qu'on est loin d'avoir tout découvert sur les capacités de notre cerveau,
05:20 notamment en matière de concentration ?
05:21 - Exactement, y a des ressources vraiment très profondes
05:23 et vraiment encore à découvrir.
05:25 - Tout cela est passionnant.
05:25 Merci beaucoup Jean-Philippe Lachaud.
05:27 Votre livre, "Dans le cerveau".

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