Rentrée littéraire 2024 - Rue Fromentin

  • il y a 3 mois
Transcript
00:00 Bonjour à tous, Grégoire Chevollier, je suis éditeur chez Ruf Romantin.
00:07 On a deux romans à vous présenter qui sortent à la rentrée littéraire.
00:10 Le premier roman, c'est celui-ci, le Diplôme d'Octobre, écrit par Ludovic,
00:15 qui va vous présenter son intention.
00:17 C'est le roman qu'Orwell aurait écrit s'il avait pris comme cadre une dystopie
00:22 sur l'empire austro-hongrois à la fin du 19e.
00:25 C'est un peu particulier.
00:27 Je vais vous faire un résumé rapide. Efias de Hortig est un intellectuel de génie,
00:31 mais incapable de tout lien avec le réel.
00:34 Il cherche à poser les bases d'une civilisation de progrès, d'unité,
00:40 dans un empire qui se construit sur les décombes d'une guerre civile assez terrible.
00:46 Mais le sens de son œuvre lui échappe quand Onygin Tsitsilis,
00:49 homme de main très réaliste de l'empereur,
00:53 comprend comment il peut faire du travail d'Efias un nouveau roman national.
00:58 Vous l'avez compris, c'est une uchronie dans laquelle deux personnages très
01:02 fins et très complexes sont confrontés à la question assez intéressante
01:06 de la réalité en politique.
01:08 Ce qui nous a plu, c'est déjà une certaine similitude avec Le match du Kremlin,
01:13 un roman que vous avez probablement vu passer, dans la question politique
01:17 et sa relation avec la réalité.
01:19 Ensuite, je voulais mettre l'accent sur trois choses avant de passer la parole
01:22 à Ludovic.
01:23 Premièrement, c'est un roman d'une grande actualité.
01:26 Un livre sur la montée des totalitarismes, ce qui est tristement d'actualité.
01:33 Un livre sur une critique de la technocratie européenne,
01:36 avec un autre niveau de lecture, un roman sur le pragmatisme en
01:41 politique, par lequel on voit que nos libertés peuvent parfois être
01:46 brimées pour notre bien.
01:48 Ce sont des thèmes qui sont très présents dans le livre,
01:50 mais qui sont toujours traités de manière fine, sans parti pris.
01:54 Ça, c'est le premier sujet, c'est vraiment que c'est un roman d'actualité.
01:56 Deuxièmement, c'est un roman qui est maîtrisé, dans sa construction,
02:00 dans son style, qui est limpide et précis.
02:02 Le livre est facile à lire, même s'il est assez érudit.
02:07 Troisièmement, c'est un hommage à la littérature d'Europe centrale
02:10 du siècle dernier.
02:11 Ça fait penser aux "Jeux des perles de verre" de Hesse, au "Palais des
02:15 rêves" de Cadare, en passant par "Hoffmannsthal et Kafka".
02:19 Nous, on a été très sensibles à cet hommage.
02:21 Peut-être le serez-vous aussi.
02:23 Donc voilà, c'est ce qui nous a plu dans le roman et dans son intention.
02:28 Ce qui nous a plu aussi, c'est Ludovic, l'auteur qui est un auteur expérimenté.
02:32 C'est son neuvième roman qui s'est fait connaître, Ludovic s'est fait
02:36 connaître par des romans très vivants, par des personnages haut en couleur
02:40 et assez forts.
02:41 Vous avez peut-être vu passer, il y a quelques années, "Les baltringues"
02:44 sur l'univers du cirque.
02:45 Un roman, ce qui s'appelait "Le 18 sur les pompiers".
02:49 Tu présenteras aussi peut-être ton oeuvre, mais des romans toujours
02:54 assez tendus, assez fins.
02:57 Donc "Le diplôme d'octobre", c'est un livre d'une autre ampleur,
03:00 mais on y retrouve vraiment la finesse d'analyse, la finesse des
03:03 personnages et le rythme tendu et intéressant de Ludovic.
03:08 C'est ça qu'on voulait vous présenter et Ludovic vous expliquera aussi
03:11 son intention.
03:12 - Bonsoir.
03:16 Moi, mon intention au départ, c'était d'interroger un peu les gens
03:20 sur la réalité.
03:21 Est-ce que la réalité existe de manière objective ou est-ce que la
03:23 réalité est pensée ?
03:24 Moi, je pense que la réalité, elle est uniquement pensée.
03:27 Si on ne pense pas à la réalité, il n'y en a pas.
03:29 Alors pour le démontrer, il y a un truc très simple, c'est que pendant
03:32 15 siècles, on a vécu dans un univers qui était absolument faux.
03:35 C'est l'univers d'Optolémée, c'est-à-dire un univers géocentrique,
03:38 la Terre au centre de l'univers qui ne bouge pas et 22 sphères célestes
03:41 qui tournent autour.
03:43 Avec les progrès de l'optique, on arrivera à la fin à 55 sphères
03:47 célestes et ça arrange tout le monde, cette vision pensée de l'univers.
03:50 Dieu a créé l'homme et la Terre, donc il l'a mis au centre de l'univers
03:53 immobile pour avoir un oeil précis sur ses activités.
03:56 Pour le pouvoir, c'est très pratique parce que le roi, il est au centre
04:00 de tout et toute orbite autour de lui et il est inamovible.
04:04 Et enfin, les scientifiques ont même été capables de calculer ce qu'on
04:08 a appelé les mouvements rétrogrades des planètes dans un univers où la
04:11 Terre est au centre et qu'elle ne bouge pas.
04:13 On a l'impression que les planètes avancent, s'arrêtent, reculent et
04:17 puis reprennent leur course en avant alors que dans l'univers que nous,
04:20 nous connaissons, c'est juste un problème de parallaxe.
04:22 Mais on était capable scientifiquement de le démontrer.
04:24 Donc pendant 15 siècles, on a vécu dans une vision, une pensée
04:28 d'un univers mais qui est totalement faux et ça ne nous a pas empêché
04:32 de vivre et d'être très heureux.
04:33 La question, c'est un peu aujourd'hui, est-ce qu'on continue nous aussi ?
04:37 Est-ce qu'on ne vivrait pas dans un univers qui est pensé et qui nous
04:42 donne une façon de voir le monde mais qui n'est pas forcément la réalité
04:47 objective ?
04:48 Alors si je pousse plus loin, c'est qu'aujourd'hui, on est dans un monde
04:51 infini, l'univers est infini et derrière, économiquement, on vous dit
04:55 qu'il faut être en permanente croissance, c'est infini, il faut toujours
04:58 faire de la croissance, il faut toujours plus, 10 % de plus chaque année,
05:00 sans ça, on meurt.
05:01 Ah bon ?
05:02 Pendant 20 siècles, on a vécu sans croissance, ça ne nous a pas posé
05:04 de problème.
05:05 On peut prendre toutes les richesses de la Terre parce que c'est infini
05:08 et on peut être absolument tout ce qu'on veut puisque l'on vit dans
05:12 un espace totalement infini.
05:14 Donc voilà un peu l'idée que je voulais développer à travers ce roman
05:19 et donc cet homme, ce philosophe qui va penser un empire, mettre en place
05:24 la pensée pour que les gens n'arrivent à se dire qu'il n'y a pas d'autre
05:28 système de gouvernement possible que cet empire.
05:30 Voilà.
05:31 - Alors bonjour à tous.
05:48 Moi, je suis Mathieu Lecomte, éditeur chez Rue Fremantin aussi et je vais
05:52 vous parler d'un titre qui est un premier roman écrit par Benjamin
05:56 Stock et qui s'appelle "Marc".
05:59 Pour introduire, je vais d'abord vous poser une question.
06:01 Ne vous êtes-vous jamais demandé si les romans de Marc Lévy comportaient
06:06 une vérité cachée, une sorte de sens profond, une révélation sur le
06:11 sens de la vie ?
06:12 Et bien en fait, c'est exactement la question que se pose David
06:16 Baumer, le personnage principal de Marc.
06:19 David Baumer, c'est un entrepreneur parisien qui traverse une crise
06:23 existentielle.
06:24 Sa compagne le néglige.
06:27 Il ne comprend plus du tout les gens qui l'entourent, tous absorbés par
06:31 les idéologies du moment, entre développement personnel,
06:34 pseudo-science, pseudo-philosophie, etc.
06:38 Alors, il est très, très dépassé dans sa vie et il découvre par hasard
06:43 une communauté clandestine de lecteurs de Marc Lévy.
06:47 Alors au démarrage, il est plutôt moqueur.
06:51 On l'a compris, il est en quête de réponse et donc il plonge
06:55 finalement dans l'œuvre de Marc Lévy.
06:57 Il approfondit ses connaissances et il finit par percevoir dans
07:03 l'œuvre de Marc Lévy une conspiration qui l'amène à se radicaliser
07:08 assez fortement.
07:09 Alors, je ne vous en dis pas plus.
07:12 Je vais vous expliquer pourquoi on a eu envie de publier ce texte à
07:16 la rentrée littéraire.
07:17 Alors pour nous, c'est à la fois un texte ambitieux et satirique dans
07:22 l'alignée de ce que Ruff Romantin aime publier avec Patrice Jean,
07:25 par exemple.
07:26 Alors, c'est un roman ambitieux parce qu'il aborde le thème très
07:29 contemporain de la post-vérité.
07:31 Cette idée selon laquelle on peut interpréter à peu près n'importe
07:35 quoi, n'importe comment, sans souci des faits et du réel.
07:40 Et c'est surtout un roman qui parle des conséquences politiques
07:43 de la post-vérité.
07:44 Vous verrez le tour radical et politique que prend le roman sur
07:48 la fin, qui peut rappeler des épisodes de l'actualité récente.
07:52 Vous l'aurez compris, c'est aussi un roman satirique et drôle,
07:55 notamment par ses personnages et ses dialogues qui incarnent
07:59 l'absurde de l'époque.
08:01 Il y a quelques pages très drôles sur la vie en start-up, par exemple,
08:04 ou les pseudo-coachs.
08:05 Et évidemment, les interprétations loufoques des romans de Marc
08:08 Lévy.
08:09 Vous apprendrez pourquoi Marc Lévy est en fait un auteur marxiste,
08:13 si vous allez jusqu'au bout.
08:14 C'est enfin et surtout un roman surprenant, très original, précis
08:20 dans l'écriture.
08:21 On pense qu'il peut plaire autant au lecteur de Marc Lévy qu'à
08:26 ses pourfendeurs et qui sait, peut-être à Marc Lévy lui-même.
08:30 Le mieux, c'est encore que je laisse la parole à Benjamin Stock,
08:33 son auteur, afin qu'il nous parle de son projet.
08:36 - Bonjour, je suis Benjamin.
08:40 Je n'ai pas l'habitude de parler en public, donc voilà, j'espère
08:44 que ça va bien se passer.
08:45 Je suis originaire de Blois, j'ai 35 ans.
08:49 J'espère que je ne parle pas trop près du micro.
08:51 Non, tout va bien, tout va bien.
08:52 Et donc Marc est le premier roman que je fais publier.
08:57 Je suis très content et très intimidé d'être là devant vous.
09:00 Je vais repitcher le roman, mais à ma manière, comme moi,
09:04 j'aimais le raconter.
09:05 C'est un peu différent.
09:06 Donc David Baumer, un jeune homme de mon âge, travaille à Paris
09:11 et son existence est noyée dans l'absurde.
09:14 Son travail est absurde, son entreprise est absurde,
09:17 son couple part à Volo.
09:19 Alors, il décide de chercher un sens à sa vie et comme il est
09:22 intelligent, mais prétentieux, il va reprendre des études de
09:25 l'être et se lancer dans une thèse sur Jean-Paul Sartre,
09:28 "L'être et le néant".
09:29 Sauf que dans son travail, au même moment, il y a une fille
09:32 très jolie, une nouvelle qui lui plaît.
09:35 Donc, il a un peu envie de la draguer, il a envie de lui parler
09:38 et elle lit du Marc Lévy.
09:39 Alors, pour engager la discussion, il va commencer à lire Marc Lévy,
09:42 sauf qu'au fil du roman, il va être de plus en plus convaincu,
09:46 il va tomber dedans.
09:48 Il va être convaincu que Marc Lévy est le grand auteur de notre
09:50 époque, voire un prophète, et que Sartre est un escroc ou à
09:55 minima, un mauvais philosophe.
09:57 Donc, moi, cette idée, elle m'est venue...
10:00 Bon, là, le pitch ressemble à une plaisanterie, mais moi,
10:04 l'idée m'est venue très sérieusement pendant le Covid,
10:06 où on a assisté à une explosion du complotisme sur les réseaux.
10:11 En tout cas, il est apparu plus visible à ce moment-là et je me
10:13 suis notamment intéressé au phénomène QAnon.
10:15 Je ne sais pas si vous connaissez.
10:18 Donc, je vois que Madame ne connaît pas.
10:19 Vous vous renseignerez sur QAnon, qui a dépassé certaines religions
10:25 traditionnelles aux États-Unis.
10:26 C'est un mouvement complotiste qui est tombé dans des délires de
10:29 surinterprétation.
10:30 On a interprété l'actualité et notamment des messages complètement
10:33 anodins sur des forums Internet.
10:35 Et je me suis dit que je les comprenais, parce qu'on a besoin
10:40 de grands récits, on a besoin de mythologie.
10:42 C'est très agréable.
10:44 Donc, QAnon est une conspiration d'extrême droite.
10:48 Je me suis dit, tiens, pourquoi je ne créerais pas la mienne ?
10:49 Une conspiration qui me plairait, une mythologie qui me plairait,
10:52 qui me correspondrait, mais en partant du réel, comme je ne triche pas.
10:57 Donc, j'ai choisi le corpus de textes qui me paraissait le plus
11:01 innocent et le plus insoupçonnable, c'est-à-dire les romans de
11:03 Marc Lévy que je n'avais jamais lus à l'époque.
11:06 Donc, ce roman, là-bas, c'est un défi que je me lance, un jeu,
11:11 mais il me permet aussi de développer un discours un petit
11:14 peu plus sérieux, la critique d'une philosophie à la mode.
11:17 Donc là, je vois qu'il y a débat.
11:18 Une philosophie que j'appelle le relativisme et selon moi,
11:23 la philosophie que je critique, c'est l'idée que la rationalité,
11:27 l'objectivité et la vérité sont des notions suspectes et doivent
11:31 être dépassées.
11:32 Je pense que le relativisme, c'est aussi l'idée selon laquelle
11:35 les lumières dans leur ensemble doivent être vues comme quelque
11:38 chose de réactionnaire.
11:39 Avec Marc, j'ai voulu montrer qu'on pouvait tout interpréter
11:42 n'importe comment, mais ce n'est pas parce que c'est possible
11:45 qu'on a raison de le faire.
11:46 Et c'est fini.
11:48 [Applaudissements]
11:49 [Applaudissements]

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