• il y a 6 mois
Transcription
00:00 Bonjour à tous, je suis Cédric Bouton, je suis le directeur commercial des éditions
00:06 Segers accompagné par Anne Diozart, notre directrice littéraire.
00:09 Segers, nous ne sommes pas habitués d'avoir un rendez-vous dans ces rencontres de la rentrée
00:15 littéraire.
00:16 Néanmoins, il y a quelques semaines, nous avons reçu un manuscrit qui a séduit l'ensemble
00:19 de l'équipe, Le Juif Rouge, un premier roman qu'Anne va vous présenter.
00:24 Nous n'aurons qu'un titre sur la fin d'année, qu'un roman sur la fin d'année, donc ce
00:31 serait dommage de passer à côté.
00:33 C'est Le Juif Rouge, et je laisse Anne en parler.
00:37 Bonjour, Le Juif Rouge qui est là, vous n'avez pas exactement la même présentation, vous
00:46 recevrez celui-ci, mais c'est celui-là qui est la couverture définitive.
00:52 Je suis très heureuse de lancer le coup d'envoi de cette journée de présentation de rentrée
00:57 littéraire avec ce premier roman de Stéphane Justy.
01:01 C'est un premier roman extrêmement maîtrisé, particulièrement puissant et je crois qu'on
01:09 peut voir et on peut ressentir les résonances qui sont très actuelles et que vous devinez
01:14 avec le titre.
01:15 Alors avant d'en dire quelques mots, je vais vous lire l'inquipite qui figure justement
01:20 sur la bande du livre que vous voyez s'afficher.
01:23 J'ai toujours rêvé d'être un antisémite, moi le juif, moi la patride, le cupide, le
01:30 voleur d'enfants, le youpin, le violeur de jeunes filles, la vermine, le serpent.
01:34 Comme tout aurait été plus facile, comme tout serait plus simple aujourd'hui, j'aurais
01:39 fait mien tout ce vocabulaire afin de me reprocher la mort, la faim, la guerre, les
01:44 épidémies, même la pluie, l'orage et parfois le beau temps.
01:47 Seulement voilà, je ne le peux pas car je suis moi-même le juif oni.
01:51 Je suis mon propre amour, mon propre mépris, ma haine et ma gloire, mon éternité.
01:56 Je suis Aaron Tamerlane Monteanu, né le 28 mai 1884 à Galatie en Roumanie.
02:03 Me voici devant vous, le seul et dernier sémite qui restera au monde, sans doute aussi le
02:09 seul et dernier homme condamné à tous vous survivre, car je suis un juif rouge.
02:14 Le juif rouge est un héros inouï qui contemple du haut de son éternité la triste histoire
02:23 de notre temps.
02:24 Stéphane Justille a imaginé à partir d'une légende, Ashkénaz, qui est méconnue et
02:29 qui vient du Moyen-Âge.
02:31 On croyait à l'époque qu'une des tribus perdues d'Israël s'était égarée jusque
02:36 dans le Caucase et aurait engendré une lignée de guerriers à la stature de géant et à
02:42 la crinière de feu, des guerriers immortels, vengeurs qui représentaient l'antéchrist
02:50 redouté par les chrétiens et qui déferleraient sur l'Europe pour libérer leur peuple de
02:57 une oppression millénaire.
02:58 Ce qui est très drôle, c'est qu'évidemment, dès les premières pages, on comprend que
03:03 Aaron Monteanu n'est absolument pas vengeur.
03:06 Il est effectivement roux, c'est effectivement un géant.
03:10 Il est dans sa tranchée putride dans les Carpathes, dans une guerre en 1916 qui est
03:17 absolument absurde et absolument sale.
03:20 On a un tableau terrible de la grande guerre et il attend à la frontière de l'envahisseur
03:29 allemand ou austro-hongrois.
03:30 Et Juif Rouge, il ne le serait jamais devenu s'il n'avait pas eu la malédiction d'un
03:35 dybbuk, un dybbuk c'est un esprit malin chez les juifs, et qui va le condamner à survivre
03:42 à l'absolue humanité et surtout à endurer le destin des siens et garder la mémoire
03:51 de son peuple par-delà les siècles.
03:53 À partir de ce moment-là, donc on est à la fin de la guerre, Monteanu va scionner
03:58 la Middle-Europa qui emploie un antisémitisme sauvage qui se déploie et tue comme une
04:06 peste noire.
04:07 C'est absolument bien décrit puisqu'on voit à quel point c'est quelque chose d'endémique,
04:14 qu'il est très difficile d'arrêter.
04:16 Et sur son chemin, il va rencontrer des grands hommes, des grands écrivains.
04:20 Alors pour n'en citer que quelques-uns, il croise Schneidler, il croise Oscar Babel,
04:26 il croise Mikhaïl Sébastien, mais il va croiser des hommes de paix aussi et son espèce
04:33 d'errance va le conduire à scionner les paysages mais aussi les villes, Bucharest,
04:41 Vienne, Berlin.
04:43 Il va aller jusqu'en Lettonie, à Liepaja, il va évidemment aller jusqu'en Pologne,
04:50 ça se terminera pendant la Shoah, à Auschwitz et Treblinka, et ça le conduira jusqu'en
04:55 Terre promise.
04:56 Mais la question que pose ce livre, et c'est pour ça que quand on a reçu le texte, on
05:01 a été aussi interloqué par son propos, c'est qu'il pose la question d'un refuge
05:07 pour ce peuple, pour ce personnage qui est plus grand que la fiction et qui interroge
05:14 est-ce qu'il y a une place pour ce peuple, un refuge, un havre de paix à l'ombre de
05:19 l'histoire.
05:20 Et c'est un texte qui est extrêmement fort, qui est nourri de toute une littérature que
05:24 l'on connaît mais qui est très assimilée donc on ne sent pas des citations ou quoi
05:29 que ce soit, on voit que c'est un auteur qui est complètement pétri par ce qu'il
05:34 a lu sur le sujet.
05:35 Évidemment la littérature concentrationnaire et la littérature des ravins, on ne peut
05:40 pas en faire abstraction.
05:42 Et c'est un texte qui nous pousse à réviser un peu toute cette histoire, à renouveler
05:51 notre regard, à l'envisager loin des analyses distanciées de dates et de faits mais à
05:59 prendre ce chemin et à suivre ce personnage pour essayer de comprendre puisqu'il y a
06:05 beaucoup de questions qui sont posées dans ce livre.
06:07 C'est un roman total qui est aussi bien épique, philosophique, poétique parce qu'il y a
06:12 des très très très belles pages, c'est très bien écrit et voilà, il y a malgré
06:18 tout une immense beauté et quand même de l'espoir qui vient couronner cette lecture.
06:24 C'est un livre dont on est très fiers, on est très fiers de le porter en cette rentrée
06:28 littéraire.
06:29 Voilà, je vous remercie.
06:31 [Applaudissements]

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