• il y a 6 mois
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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Thomas Isle reçoit chaque jour un invité.
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00:00 Ecoutez Culture Média sur Europe 1 9h30, 11h avec Thomas Hill et votre invité ce matin, Thomas,
00:05 vous recevez un collègue, un ami d'Europe 1, Philippe Valle, pour son livre "Rire", paru aux éditions de l'Observatoire.
00:11 Et alors dans ce livre, "Rire", Philippe Valle a la question éternelle, peut-on rire de tout ?
00:15 Vous avez une réponse, vous, qui est limpide.
00:17 Aujourd'hui, on ne peut rire de rien et vous faites la longue liste des choses ou des personnes dont on ne peut pas rire.
00:23 Alors ça va des pauvres au trisomique en passant par les juifs, les musulmans, Jésus, les bretons, le cancer, Annie Ernaud,
00:28 ou encore les gens qui ont des doigts comme des petites saucisses.
00:32 Là, j'ai ri, mais j'aurais pas dû.
00:34 En fait, on prend toujours le risque d'offenser avec l'humour, c'est ce que vous nous dites.
00:40 On est dans une société qui cultive l'idée d'identité.
00:45 Or, si on pense beaucoup à son identité, on se rend compte que son identité est victime des autres identités.
00:51 Donc, avoir une identité forte, c'est être victime.
00:54 Et quand on est victime, on n'aime pas qu'on rie du bobo qu'on a.
00:58 D'être ceci ou cela.
00:59 Donc, plus il y a d'identité, moins il y a de rire.
01:03 C'est ça, l'identité est devenue l'ennemi juré du rire, c'est ce que vous dites.
01:06 L'identité est l'ennemi juré du rire.
01:08 Le mot identité est un mot dément.
01:11 Parce que c'est un mot de fou. Il porte en lui son contraire.
01:15 Votre carte d'identité, votre empreinte digitale, elle dit que vous êtes unique.
01:20 D'accord ? C'est mon identité, je ne suis pas comme les autres.
01:24 Et en même temps, identité, ça veut dire identique.
01:26 Donc, c'est à la fois différent et pareil.
01:29 Donc, c'est un truc qui rend les gens fous.
01:31 Plus ils ont d'identité, plus ils deviennent dingues.
01:33 Donc, l'identité, c'est quelque chose qu'on a inconsciemment.
01:36 C'est comme le style en littérature. Il ne faut pas y penser.
01:39 Moins on y pense, plus c'est joli, plus c'est beau et plus on est libre.
01:43 Le style, c'est inconscient.
01:45 Le style d'un pianiste, c'est inconscient.
01:47 Notre identité, on l'a bien sûr.
01:49 On parle français, vous aimez des auteurs, vous venez de telle région.
01:52 On a tout ça, on est déjà chargé. Ce n'est pas la peine d'y penser trop.
01:56 Plus on y pense, plus on est triste.
01:58 Oui, et puis le problème, c'est quand on nous empêche de rire de telle ou telle chose,
02:01 c'est là que ça peut mener à de la violence.
02:03 Et puis surtout, si vous avez par exemple une identité religieuse
02:07 qui dit "vous n'avez pas le droit de manger le vendredi".
02:11 Je dis manger, mais ça peut être aussi baiser, si vous voulez.
02:15 Vous n'avez pas le droit, vous avez un tabou.
02:18 Et puis, il y a une autre religion qui dit "c'est le samedi".
02:21 Et puis une autre, dimanche, lundi, mardi, mercredi, jeudi, etc.
02:24 Donc il y a forcément au moins sept religions qui vont empêcher de bouffer.
02:27 Si toutes les religions veulent qu'on les respecte,
02:29 plus personne n'a le droit de bouffer.
02:31 Et au bout de quelques semaines,
02:33 il n'y a plus d'humains sur la planète qui sont tous morts de faim.
02:35 Donc on doit quand même, quand on respecte un tabou,
02:39 faire le travail sur soi en disant "ça me plaît à moi,
02:43 mais je ne vais pas emmerder les autres pour qu'ils le respectent".
02:45 Si il y a un problème avec le rire, c'est peut-être parce qu'il y a un problème avec la définition du rire.
02:48 Est-ce qu'aujourd'hui, les gens ne croient pas trop que le rire est associé à la moquerie ?
02:52 Est-ce qu'aujourd'hui, rire de quelque chose,
02:54 les gens pensent que c'est se moquer de quelque chose ?
02:57 - Le rire, oui, c'est-à-dire, ça pose...
02:59 Oui, cette question est intéressante parce que
03:02 "je vais me moquer", ça veut dire "je suis supérieur à toi,
03:05 tu es bête, moi je suis plus intelligent,
03:09 je vais dire une chose qui montre que t'es con".
03:12 Donc, voilà.
03:13 Et je pense que les grands, on parlait de Ricky Gervais tout à l'heure,
03:17 les grands humoristes, ou comme Lou Beach en cinéma,
03:21 ou comme des gens admirables comme ça,
03:24 ils ne se mettent jamais en dehors de ce dont ils se moquent.
03:31 Ils sont toujours dedans, ils sont toujours à hauteur de celui dont ils se moquent.
03:35 - Il n'y a pas de supériorité.
03:36 - Il n'y a pas de...
03:37 Au contraire, même, souvent, ils font des retours sur eux qui les rendent...
03:40 Voilà.
03:41 Et c'est toute l'ambiguïté du comique.
03:46 Par exemple, si vous n'aimez pas un homme politique ou une femme politique,
03:51 que vous êtes devant un public dont vous savez qu'il n'aime pas non plus,
03:55 Macron, par exemple, et vous dites des blagues sur Macron,
03:59 vous êtes sûr de faire un tabac parce que vous êtes tous plus intelligents que Macron.
04:04 Mais pour moi, ce n'est pas du rire.
04:08 - Vous appelez ça des "clappers",
04:12 c'est les anglo-saxons qui utilisent ce terme-là pour les différencier des humoristes.
04:16 - Exactement.
04:17 - C'est ceux qui se font applaudir.
04:18 - Qui se font applaudir parce qu'ils disent au public les idées qu'ils veulent entendre.
04:21 - Et pour vous, la plupart des humoristes qu'on entend à la radio font partie de cette catégorie d'humoristes.
04:25 - C'est des clappers.
04:26 - Qui entrent chez leur petite clientèle.
04:27 - J'entends très très peu de...
04:29 Si, il y en a qui ne sont pas des clappers,
04:32 mais il y a Proust qui n'est pas un clapper chez nous,
04:35 Cave-Rivière n'est pas un clapper,
04:38 Tanguy Pastoureau sur Inter n'est pas un clapper,
04:41 la majorité des autres sont des clappers.
04:44 - On va continuer à parler de ce livre,
04:46 "Rire" de Philippe Valls est aux éditions de l'Observatoire,
04:48 et puis dans un instant on retrouve Sacha Nocovitch,
04:50 et le premier indispensable du jour,
04:51 on parle de quoi ce matin Sacha ?
04:52 - De géopolitique qui devient sexy grâce au football.
04:56 - Attention, on se fait dire sérieux là.

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