Ils se savent condamnés et refusent de vivre leur maladie jusqu'au bout. Au nom du droit à choisir leur mort, au nom de leur liberté à disposer de leur corps, au nom de leur refus de souffrir, ils réclament l'euthanasie ou le suicide assisté. Faute de loi en France sur l'aide active à mourir, ils vont en Suisse ou en Belgique pour programmer leur mort, comme des centaines de Français chaque année. Ils s'appellent Katherine, Sylvain ou Raymonde, Sylvie ou Jean-Michel. Ils ont entre 39 et 72 ans.
Pendant près de deux ans, Céline Crespy et Pierre Yves Deheunynck ont suivi ces cinq malades et leur famille, recueillant leurs confessions, leurs convictions et leurs doutes.
Pendant près de deux ans, Céline Crespy et Pierre Yves Deheunynck ont suivi ces cinq malades et leur famille, recueillant leurs confessions, leurs convictions et leurs doutes.
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00:00 [Musique]
00:10 Bon, t'as vu les activités ce matin ?
00:12 Plein.
00:13 Ah oui ? Pas mal.
00:15 Génial.
00:16 Il y a un an et demi, j'étais avec mes enfants à la salle pétrière, chez le docteur.
00:23 Et il nous a annoncé le diagnostic. C'est une SLA, maladie de Sarko.
00:30 Évidemment, c'est un choc. On n'y croit pas.
00:36 Le diagnostic a bouleversé notre vie à tous.
00:40 Ça change de Paris, non ?
00:42 Oui.
00:43 Ça fait du bien.
00:44 Pas mal, hein ?
00:45 Oui. C'est magnifique.
00:47 On sait qu'on est dans un circuit fatal et incurable.
00:52 J'ai 67 ans. Comment ça peut m'arriver à moi ?
00:56 Et vous vous dites que cette maladie, vous ne voulez pas forcément la vivre jusqu'au bout, en fait ?
01:01 Non. Je ne veux pas la vivre jusqu'au bout.
01:04 Je ne veux pas imposer la souffrance et la dégradation de mon corps jusqu'au bout.
01:11 Je veux l'euthanasie. Je veux qu'un médecin fasse ce geste pour moi.
01:20 Là, il faut faire les valises, partir en Belgique avec mes enfants, bien sûr, parce qu'ils m'accompagnent.
01:30 Ils vont partir avec leur maman et revenir sans.
01:34 Ça s'appelle un exil.
01:36 Exil ?
01:38 C'est quoi ça ?
01:40 (Bruit de la mer)
01:42 Tenez, vous.
02:08 Encore, encore, encore.
02:10 Ah non.
02:11 Ça fait à peu près 3-4 mois que je ne marche plus.
02:21 On s'assoit, doucement.
02:24 C'est dur.
02:32 Il y a une rapidité de dégradation terrible.
02:38 On fait une petite pause. On a plus la table ?
02:40 Oui.
02:41 Voilà.
02:45 Comment ça va, l'édo ?
02:47 Ça va. Et j'ai encore un peu de force.
02:51 Mais je vois que ça diminue un peu quand même.
02:59 Hello. Ça a été la nuit ?
03:02 Non.
03:03 Je ne sais pas.
03:05 Il faut changer de position.
03:06 Oui.
03:07 Très bien.
03:08 C'est une des maladies Charcot, parce qu'il en a décrit un certain nombre.
03:11 C'est une maladie pas très sympa quand même, qui atteint les neurones moteurs de la moelle épinière,
03:19 les neurones qui commandent le muscle.
03:21 Les muscles s'affaiblissent. Et puis petit à petit, c'est tous les muscles du corps qui s'affaiblissent.
03:29 Je vois déjà par rapport à il y a 2-3 mois, j'avais plus de souffle. Je vois que ça se dégrade.
03:36 L'important dans cette maladie, c'est qu'il ne faut pas lâcher trop vite. Il faut tenir bon.
03:42 Il faut s'accrocher.
03:43 Il faut s'accrocher, il faut profiter.
03:45 C'est pour ça qu'il ne faut pas trop penser à "Ah là là, j'en ai pour 18 mois, 38 mois, 40 mois".
03:51 On n'en sait rien.
03:52 Je vous dis à tout à l'heure.
03:54 À tout à l'heure. Merci docteur.
03:57 Le muscle, la parole, il sera atteint à un moment donné. C'est sûr.
04:06 C'est le plus handicapant.
04:09 On avait parlé de l'accès au téléphone.
04:12 Oui.
04:13 Alors, le principe de ce style est là. On place la main dedans.
04:18 D'accord.
04:20 On va essayer.
04:21 Alors, je vais essayer d'écrire un mail.
04:25 Il faut voir si vous voyez toujours correctement l'écran.
04:29 C'est bien.
04:30 Et si ça vous fatigue moins que l'utilisation classique.
04:36 C'est bien.
04:37 Oui.
04:40 Alors, ici, c'est ma commande oculaire.
04:43 D'accord.
04:44 Qui va capter les mouvements de vos yeux pour pouvoir contrôler toute la tablette.
04:48 Parce que ça peut aider quand la communication orale devient difficile.
04:52 Est-ce que vous voulez essayer d'écrire quelque chose ?
04:55 On va essayer.
04:56 Allez.
04:57 Il vous manque le B, non ?
04:59 Non, le B.
05:00 Donc là, faites juste cette touche-là.
05:03 Le petit colibri fait sa part.
05:06 C'est formidable ça.
05:08 Donc c'est parfait.
05:10 Le moment où je n'aurais plus parlé, où je ne pourrais plus communiquer,
05:15 c'est stop à la maladie.
05:19 Je me suis donné cette limite.
05:21 Parce que pour moi, c'est vraiment la perte de mon envie de vivre
05:28 et de vivre encore pour aller jusqu'où.
05:33 En tout cas, les patients qui nous ont parlé de l'euthanasie,
05:37 ils ont été très originaux.
05:39 Il y en a trois qui sont vraiment passés à l'acte,
05:41 avec des raisons bien spécifiques à chaque fois.
05:43 On n'en est pas là.
05:44 Non, non, non, non, j'en suis pas là.
05:46 On n'en est pas là du tout.
05:47 Tout à fait.
05:48 Mais il faut reconnaître que quand on a appris cette possibilité,
05:53 on se sent plus légère et on n'est plus préparé au combat.
05:57 Probablement.
05:58 Oui.
05:59 Probablement que c'est bon là.
06:00 Vraiment.
06:01 On se dit, il y a une possibilité.
06:03 On a envie d'aller le plus loin possible
06:06 parce qu'on sait qu'à un moment donné, on peut éteindre la lumière.
06:10 Voilà.
06:11 Je n'ai pas peur de mourir.
06:18 J'ai peur de ne plus vivre ma vie.
06:21 [Bruit de la mer]
06:49 À Toulouse.
06:51 Je suis l'arpète, comme on disait dans notre temps.
07:04 Je ne savais pas cuisiner.
07:06 J'ai été obligé de m'y mettre quand elle est tombée malade.
07:09 Vous me direz que deux ans et demi, c'est rien,
07:13 à côté de pratiquement 50 ans de cuisine.
07:18 Qu'a effectué ma femme comme ça ?
07:21 Ce qui m'affecte, c'est que j'ai perdu le contrôle de ma vie.
07:29 C'est sûr.
07:30 Je suis complètement dépendante.
07:35 Je ne me vois pas vivre plusieurs années comme ça.
07:38 Raymond.
07:40 Oui ?
07:41 Tu viens.
07:42 Merci.
07:47 Voir ma femme comme ça, c'est quelque chose que je ne supporte pas.
07:51 Si je commence à penser, je mets la tête entre les mains,
07:54 et puis je ne fais plus rien, j'en assieds et terminé.
07:57 C'est tout ce qu'il te faut.
08:02 J'ai pas faim.
08:04 Voilà.
08:05 Je m'efforce un peu.
08:14 Je me suis aperçue de cancer parce que j'ai fait une de chute.
08:21 Il a été déclaré que c'était un sarcoma très dangereux,
08:26 avec une durée de vie courte.
08:31 On vous annonce ça d'une façon.
08:37 Moi, quand je suis sortie de là, je me suis suicidée.
08:41 Je suis allée voir dans un camp de gitan pour acheter une arme.
08:45 On m'en a pardonné, bien sûr.
08:51 C'est vrai que c'était difficile à entendre,
08:57 et il en manquait totalement de psychologie.
09:00 Si bien que quand j'y vais là-bas, j'ai l'impression d'aller aux abattoirs.
09:04 Voilà.
09:07 J'ai une patche de morphine.
09:10 Je prends des cachets dans la journée si j'ai mal.
09:14 Je souffre.
09:16 Peut-être plus moralement que physiquement.
09:21 Mais je redoute de...
09:24 Je redoute de...
09:26 Je redoute de...
09:28 Je redoute de...
09:30 Je redoute de...
09:32 Je redoute de...
09:35 Je redoute de...
09:36 De partir en urgence.
09:39 Et...
09:43 De subir des perfusions partout.
09:47 Ou même des intubations.
09:51 J'ai pas envie de ça.
09:53 Pour moi, ça, c'est pas une mordille.
09:56 C'est tout.
09:58 Notre naissance, on l'a pas choisie.
10:04 Notre vie, on y participe.
10:07 Et on influence comme on peut.
10:10 Mais laissons-nous choisir notre mort.
10:13 - Allô ? - Allô, madame Pierret ?
10:29 - Oui. - Bonjour, madame.
10:30 Vous êtes déjà allée voir le docteur Delhomme, vous ?
10:32 - Oui, oui, j'ai... - Oui, non ?
10:34 Donc, votre dossier est ouvert en Belgique, y a pas de problème.
10:36 - D'accord, très bien. - Heureusement qu'il y a
10:38 quelques médecins belges qui nous aident, quand même.
10:40 - Oui, oui. - Je m'appelle Claudette Pierret,
10:43 j'ai 76 ans, j'habite à 7 km de la Belgique et du Luxembourg.
10:47 Bon courage. Au revoir, madame.
10:49 Ça fait une douzaine d'années que j'aide les malades à traverser les frontières,
10:53 que ce soit la frontière belge ou la frontière suisse,
10:55 pour aider les malades qui sont en demande d'aide à mourir.
10:59 Là, par exemple, j'ai reçu un mail du fils d'un monsieur
11:03 qui m'écrit "Bonjour, madame, c'est pour mon père
11:06 qui a besoin d'avoir un maximum de renseignements,
11:09 voire d'aide sur la fin de vie assistée au Luxembourg et en Belgique.
11:13 Encore merci pour tout ce que vous faites."
11:15 Depuis deux ans, je ne peux plus parler, manger, respirer, me tenir droite.
11:20 Je me tiens péniblement sur une gouttière pour tenir mon articulation.
11:24 Je me tiens péniblement sur une gouttière pour tenir mon articulation,
11:28 bouger un peu ma bouche, respirer.
11:30 Merci pour votre aide.
11:32 Bonjour Claudette, je voulais vous remercier pour votre accompagnement sans faille.
11:37 Olivier est parti comme un prince, serein et digne, comme il le souhaitait intimement.
11:42 Je vous remercie infiniment pour votre action en faveur de l'euthanasie.
11:45 Je vous embrasse. Bien à vous.
11:49 Pour moi, le pouvoir de décision sur soi-même est le droit le plus élémentaire.
11:54 Si moi je ne veux pas, par exemple, être dépendante,
11:58 je ne veux pas que quelqu'un d'autre vienne me dire "ah ben si, mais tu peux accepter".
12:02 Au nom de quoi ?
12:04 En France, il n'y a pas de loi. Chacun fait ce qu'il veut en fait.
12:06 Quand un malade arrive à l'hôpital, c'est la famille qui décide pour le malade ?
12:11 Quand on pousse un peu les seringues, c'est "qui est-ce qui a demandé ça ?"
12:15 Il y a des euthanasies clandestines en France.
12:17 Sans qu'on ait certainement demandé l'avis du patient lui-même.
12:20 Alors là, je suis sur le cas de Sylvain.
12:25 Il est atteint d'une sclérose en plaques, malheureusement depuis 10 ans.
12:29 Et donc, il cherche une solution pour mourir comme il le souhaite.
12:35 Et c'est pour ça qu'il m'a contacté.
12:37 Allô ?
12:40 Oui, allô ?
12:41 Bonjour, c'est Claudette.
12:43 Bonjour, je t'écoute.
12:44 Voilà, je te téléphone pour Sylvain.
12:47 Pour te demander de bloquer quand même la date du 2 avril en attendant qu'il donne sa réponse à lui.
12:52 Pour moi, il n'y a aucun problème.
12:53 Voilà, bon, c'est bon.
12:54 À bientôt.
12:55 À bientôt.
12:56 Au revoir, il va.
13:13 Ça c'est Sylvain Léger.
13:15 Donc j'ai 39 ans.
13:17 Bonjour.
13:18 Je suis atteint de sclérose en plaques qui a été diagnostiquée en 2011.
13:28 Et depuis, mon état se dégrade.
13:33 Plus de 70.
13:34 La paralysie gagne du terrain.
13:39 Maintenant, je me vois constraint d'en usager la fin de vie pour rester digne.
13:44 Avant de ne plus maîtriser mes actions.
13:47 Et qu'en Belgique, c'est faisable.
13:49 C'est une décision qui est lourde à prendre.
13:53 Mais maintenant, les prix, c'est un vrai logo.
13:56 Vous avez atteint votre destination.
13:59 Ok, merci.
14:00 Avant, j'avais une vie normale comme tout le monde.
14:03 Un boulot, une famille, une maison, des projets, du sport.
14:09 Donc là, c'est mon premier rendez-vous.
14:12 C'est pour ouvrir le dossier.
14:14 Pour me laisser la porte, quoi, ce n'y aura plus.
14:18 Quoi, j'aurais décidé d'en finir, pour de bon.
14:21 Donc, voilà.
14:32 J'ai commencé à ouvrir votre dossier.
14:36 Il y a quelques jours.
14:38 Donc, vous souffrez d'une sclérose en placre
14:43 émittante secondaire progressive.
14:45 Oui, une sclérose en placre.
14:47 Votre état se dégrade d'année en année.
14:50 De quoi souffrez-vous le plus?
14:52 La perte d'autonomie.
14:55 La perte d'autonomie.
14:57 Je ne suis plus capable de faire tous les petits gestes de la vie.
15:00 S'habiller, se laver, aller pisser, manger, faire un bain.
15:04 Tout se déplacer.
15:06 Les chutes répétées et la perte d'autonomie.
15:09 Chutes répétées?
15:10 Ah oui.
15:11 C'est ça le plus dur à vivre.
15:13 Alors, il y a trois choses importantes que vous devez retenir.
15:17 Vous avez fait l'effort de me rencontrer.
15:19 C'est très bien.
15:20 La loi belge l'oblige.
15:22 La première condition de la loi belge qui a dépénalisé l'euthanasie,
15:27 c'est donc d'abord une demande écrite de votre part.
15:31 C'est vous qui décidez.
15:34 Personne ne peut s'y opposer.
15:36 La deuxième condition de la loi belge,
15:39 c'est donc un certificat médical précisant de quoi vous souffrez.
15:44 Parce qu'évidemment, en Belgique, on ne peut pas euthanasier des gens
15:48 qui téléphonent parce qu'ils ont des soucis.
15:52 Troisième condition, donc c'est les souffrances que vous me décrivez maintenant.
15:57 Et puis après, il faut proposer une période.
16:03 Ça se fait à l'hôpital, à un hôpital autour de Bruxelles.
16:07 D'accord.
16:08 Vous vivez tout seul dans un appartement ?
16:11 Oui.
16:12 Vous avez une fille, j'ai vu.
16:13 Oui, j'ai une fille.
16:14 Elle est au courant de votre démarche ?
16:16 Oui, un an.
16:18 Je lui en parlerai quand j'aurai fait ce rendez-vous.
16:22 Je ne voulais pas lui en parler avant d'avoir enclenché le premier rendez-vous.
16:28 Elle a 10 ans ?
16:29 Elle a 10 ans.
16:30 D'accord.
16:31 Je lui en parlerai avec des mots choisis pour éviter de lui faire peur.
16:35 10 ans, c'est jeune.
16:36 C'est très jeune.
16:37 Elle est exposée à des choses pas très bonnes.
16:40 Ah oui.
16:41 Si la médecine progresse et qu'on trouve un nouveau remède, non ?
16:46 Vous ne croyez pas ?
16:47 Vous savez très bien que c'est quelques décennies qu'on cherche.
16:51 Pour moi, c'est bon.
16:53 Au niveau de la loi, mais je ne suis pas seul à décider.
16:56 Il y aura le document du psychiatre,
16:59 il y aura le troisième médecin qui va assister et faire l'euthanasie avec moi.
17:05 Que je verrai le deuxième jour.
17:06 Que vous verrez le jour même.
17:07 Donc, vous aurez été vu par trois médecins.
17:10 C'est un service que vous m'endez.
17:13 Il ne faut pas passer à l'autre côté.
17:16 C'est un service que vous m'endez.
17:19 Un grand service.
17:21 Je vais vous laisser aller.
17:23 Ça ira mieux ce soir quand vous serez rentrés.
17:27 Vous savez qu'on est là.
17:29 En Belgique, la loi restera valable.
17:33 Dans des années, on ne reviendra plus en arrière.
17:37 J'aurais aimé pouvoir faire ces démarches en France.
17:43 Ça, c'est bien plus simple.
17:45 Mais ce n'est pas possible.
17:47 Il faut faire les démarches et l'effort de venir en Belgique.
17:50 Beaucoup de tracas, mais pas de foi.
17:54 Je ne peux pas.
17:56 Je ne peux pas.
17:58 Je n'ai pas prêt mon café.
18:23 La moindre mauvaise solution, c'est la Belgique.
18:27 J'ai pris ma décision.
18:29 Je vais y aller dans huit jours.
18:31 J'ai quatre frères.
18:35 Les quatre vont venir.
18:37 Ces deux filles vont venir avec leurs enfants.
18:40 La cousine va nous accompagner là-bas.
18:43 On a prévu de se faire un bon resto.
18:46 Des moules frites.
18:48 Bruxelles.
18:51 On va se coucher dans le lit.
18:54 On tend le bras.
18:56 Terminé.
18:58 C'est une belle mort, je trouve.
19:01 C'est une mort digne.
19:03 C'est une mort qui est libre, qui est choisie.
19:06 Je vais pouvoir choisir de partir quand je veux.
19:10 Je ne vais pas être à la merci de la décision d'un collège de génération.
19:15 Je ne vais pas être à la merci de la décision d'un collège de génération.
19:17 Je ne vais pas être à la merci de la décision d'un collège de génération.
19:21 Ils vont me dire qu'ils vont arrêter les soins.
19:25 Ils vont me dire qu'ils vont mourir de faim et de soif.
19:28 C'est la cessation profonde et continue.
19:31 Le serment d'Hippocrate, ce n'est pas de laisser les gens mourir de faim et de soif.
19:35 Le serment d'Hippocrate, c'est de les accompagner jusqu'au bout.
19:39 C'est un dernier soin, le serment d'Hippocrate.
19:42 Vous étiez médecin.
19:45 Quand on vous a annoncé votre cancer, vous saviez un peu ce que ça venait de faire ?
19:50 Je connaissais un peu la musique.
19:52 Le premier jour, j'ai dit "bon ok, c'est cuit".
19:55 J'ai commencé par la Suisse.
19:57 Quand j'ai vu les tarifs que ça représentait, c'était 12 000 euros pour la Suisse.
20:00 C'est un peu cher.
20:03 Je me suis retourné vers la Belgique.
20:05 Là, ce n'est plus que 6 000 euros.
20:07 Ça fait quand même une belle différence.
20:09 Finalement, la moindre mauvaise solution que j'ai trouvé, c'est la Belgique.
20:14 Le premier voyage
20:18 Tout a commencé en 2005.
20:21 Premier voyage à Ambrun dans les Hautes-Alpes, puis Cerf-Ponçon.
20:25 Ensemble, c'est tout.
20:27 Entre deux road movies en Toscane, il y a eu Luca, Piz, Firenze, Sienne, Véron, Bonnise,
20:33 Tchinkoué-Terrain, la Sardegne, la Corse, la mer.
20:37 Il était où le bonheur ? Il était là.
20:40 Et tout.
20:43 Ça alors ?
20:45 C'est joli, non ?
20:47 Très bien.
20:48 De sa plus belle écriture encore en plus.
20:51 Elle a fait des efforts.
20:53 Elle est émue là.
20:55 Pas du tout.
20:57 Le choix
21:00 C'est son choix, je respecte son choix.
21:08 Je suis là pour ça.
21:10 Je ne suis pas là pour lui dire non.
21:12 Je le soutiens, tout simplement.
21:15 Vous auriez préféré que ce soit un autre choix qu'il prenne ?
21:19 Non, je n'aurais pas... Non, je suis tout à fait d'accord avec son choix aussi.
21:24 Aimer quelqu'un, c'est aussi ça, c'est de le soutenir dans l'épreuve.
21:29 Dans ce qui est difficile, pas que dans les...
21:32 Je pense que pour moi, c'est une preuve aussi.
21:35 J'ai l'impression que depuis qu'il a pu donner la date à tout le monde, aux proches,
21:40 moi je le trouve plus serein.
21:42 Parce que maintenant la date est posée.
21:45 T'as pas encore des trucs à régler ?
21:50 Pas de nouvelles ?
21:52 Non, t'as aussi à faire les mots pour tes filles, comme t'as fait pour moi.
21:56 Aujourd'hui ou demain, non ?
21:58 Ouais.
22:00 Ensuite, il y a les Roberts quand même qui veulent venir te dire au revoir.
22:04 Oh, merde, ils vont pas me faire chier.
22:06 Non, non, non, non, si, si.
22:08 C'est pas possible, ça. Mais j'ai pas envie, moi, qu'ils viennent me...
22:11 Non, mais tu peux pas les empêcher de venir te dire au revoir, quand même.
22:15 Oh non, c'est pas possible, ça.
22:17 Ça, c'est au-dessus de mes capacités.
22:19 Je sais pas trop quoi leur raconter.
22:22 Non ?
22:26 J'ai une épouse quand même qui est malade.
22:29 Que la maladie a rendu assez compliqué.
22:33 Ça peut paraître un peu égoïste, mais notre vie là, telle que vous avez pu la voir,
22:37 elle est médiocre, certes.
22:39 Mais elle n'est pas encore, par rapport à la maladie, trop catastrophique.
22:44 Et je pense que c'est un peu la raison pour laquelle on a pas pu la voir.
22:48 Et je pense que c'est un peu la raison pour laquelle on a pas pu la voir.
22:51 Mais elle n'est pas encore, par rapport à la maladie, trop catastrophique.
22:56 Et vous, dans tout ça, comment vous voyez si votre femme décide de partir en Belgique ?
23:01 Justement, je ne me vois pas. Je me projette pas.
23:05 J'y arrive pas.
23:07 Donc je me dis en moi-même, bon, on continue à vivre.
23:13 On a peut-être encore un bout de chemin à faire ensemble.
23:17 Ça vaut le coup qu'on le vive.
23:19 Et puis après, ben, la merci de Dieu.
23:22 De me dire que demain, je vais être tout seul, pour moi, c'est ouf.
23:30 Je pensais qu'on aurait été beaucoup plus proches l'un de l'autre, dans ces instants-là.
23:44 Pour moi, si je peux me rendre jusqu'en Belgique sans être trop diminuée, ça sera très bien.
23:52 J'ai beaucoup confiance en ce docteur Deloc.
23:56 Tu l'as proposé au mois de juillet, tu me l'as proposé au mois de septembre.
24:02 Moi, je vais te dire, si toi, tu avais été dans mon cas, moi, je t'aurais amenée de suite.
24:08 Mais c'est bien ce que je...
24:10 C'est ça la différence entre toi et moi.
24:12 Oui, oui, mais c'est ça. Je trouve que c'est quand même...
24:15 Je me sens organisée, ça aurait été compliqué, mais je t'aurais amenée de suite.
24:20 Ça reste quand même une démarche très lourde.
24:24 Ça reste une démarche très perturbante.
24:27 Mon stress, c'est de ne pas pouvoir y aller à temps.
24:36 Je t'ai promis, de toute façon, que tu y irais, je t'y amènerai.
24:39 Je ne peux pas savoir quand j'en aurai besoin.
24:41 Mais ton corps te le dira.
24:43 Sachant que c'est une démarche qui va m'être extrêmement pénible.
24:47 Non, mais c'est pour ça que...
24:50 C'est-à-dire que pour la finalité de partir en Belgique et de revenir tout seul,
24:55 c'est quelque chose qui va m'être très, très, très pénible.
24:58 Mais ta fille sera avec toi.
25:00 Je ne sais pas si vous voyez la dimension de ce que cela peut demander.
25:10 Je ne sais pas si vous voyez la dimension de ce que cela peut demander.
25:15 Je m'appelle Nathalie Androuze.
25:34 Ayant connu des fins de vie très difficiles parmi mes proches,
25:40 je me suis engagée il y a déjà plusieurs décennies dans ce combat.
25:45 Bonjour.
25:56 Je n'ai plus ni l'énergie ni l'envie de faire quoi que ce soit.
26:03 Quand tu n'as pas de famille...
26:05 On prévoit toujours notre voyage au mois de décembre, alors ?
26:09 Oui.
26:11 L'association suisse te fera signe dès qu'ils auront le rendez-vous de fixé, j'imagine.
26:18 Tu n'as pas envie de repousser ?
26:20 Cela donnera quoi de repousser ?
26:25 Rien.
26:27 Parce qu'avec le dossier que j'ai fourni, je pense qu'en Belgique, ce serait beaucoup trop difficile.
26:33 Tu n'aurais peut-être pas eu de premier accord.
26:35 Et puis après, il y en avait deux autres à obtenir et ça risquait d'être un parcours beaucoup plus long.
26:43 Les Suisses comprennent peut-être plus facilement ou mieux que la douleur psychique
26:49 peut être aussi forte, si non plus, que la douleur physique et que malheureusement, elle ne se voit pas.
26:55 Parce que ce qu'il faut dire, c'est que vous n'avez pas de maladie incurable, c'est ça ?
26:59 Ah si, j'ai une maladie incurable. On peut considérer la dépression chronique comme maladie incurable.
27:05 Ah, tu as ton dossier.
27:15 On va regarder un peu.
27:18 J'ai la liste des psychothérapies, psychanalyses et autres traitements médicamenteux.
27:24 Tu as suivi pendant quelques années.
27:26 J'ai suivi. J'ai vu des gens qui ont suivi des psychanalyses, qui ça a beaucoup apporté.
27:33 Mais pour moi, non. Les antidépressants, moi ça ne me fait rien du tout, donc je n'en prends pas.
27:39 Mais comment on passe du mal-être à se dire "je veux mettre fin à ma vie alors que mon corps fonctionne".
27:44 Parce que même si le corps fonctionne, on ne peut plus pouvoir bouger.
27:50 C'est ignoble.
27:53 Toutes les dépressions ne se soignent pas.
27:57 Et vous avez des gens qui ont une dépression chronique depuis très longtemps,
28:04 qui sont suivis depuis très longtemps,
28:07 et qui parfois, lorsque leur demande est refusée, peuvent choisir de se suicider.
28:14 Et dans ce cas-là, c'est une mort souvent violente, solitaire, et parfois ratée.
28:22 J'ai une famille tout à fait particulière, avec une montagne de suicides.
28:29 Mon mari m'a toujours tenue à bout de bras.
28:33 On était très fusionnels.
28:35 Et puis il est décédé il y a quatre ans et demi d'un AVC hemorrhagique.
28:41 Et depuis, tu n'as pas repris de... vraiment...
28:47 Non, jamais.
28:49 Quand vous êtes totalement seule.
28:52 Donc c'est la solitude qui vous fait choisir l'euthanasie ?
28:56 C'est la solitude.
28:58 La solitude en général, oui, et l'absence de mari.
29:03 Est-ce que vous avez conscience que ce que vous vous apprêtez à faire peut être choquant pour des gens ?
29:08 C'est une question de choix.
29:10 Chacun estime ce qu'il a fait.
29:14 Moi, je ne demande à personne de faire comme moi.
29:17 On va par là, on va faire un bruit, on va profiter un peu.
29:20 Qu'il ne pleuve pas.
29:22 La maladie psychique est largement aussi invalidante que la maladie physique.
29:28 Je regrette beaucoup pour tout le monde que le choix n'existe pas.
29:33 Chacun devrait être libre de son corps et devrait pouvoir bénéficier d'une euthanasie
29:38 ou d'un suicide assisté si on est enceinte.
29:41 Vivre ou pas vivre.
29:44 Je vais te faire la tresse.
29:57 Voilà.
30:00 Voilà ma petite maman.
30:03 Ma coiffeuse préférée.
30:07 Très couquette ma petite maman.
30:11 Toujours.
30:14 Toujours se mettre en valeur, toujours s'entretenir, quelle que soit la situation.
30:21 La féminité est importante jusqu'au bout.
30:26 Exactement.
30:29 Voilà.
30:32 Voilà.
30:35 On vit au jour le jour aujourd'hui.
30:39 Sans faire de plan.
30:42 Bien que j'ai moi à l'intérieur mon plan partagé avec mes enfants.
30:47 Mais...
30:50 Voilà.
30:53 C'est pas évident.
30:56 C'est pas évident.
30:59 Je vais essayer de la faire.
31:03 Je t'aime ta maman.
31:06 47 ans passés ensemble quand même.
31:13 Bah oui voilà, presque un demi-siècle.
31:16 Attends c'est vous ta mère.
31:24 Maman.
31:27 Ça c'est déj' le maxime.
31:30 Je te trouve magnifique sur cette photo là.
31:33 Magnifique hein.
31:35 Avec Rebelle.
31:38 La petite meuf.
31:41 Et là c'est quoi Momo ?
31:43 Ça c'est maman et Wiss Mariano.
31:46 Avec Wiss Mariano.
31:48 Qui était un grand ami de mon père.
31:51 Papa avait un restaurant, animation, place des Invalides.
31:56 Et ils réunissaient le tout Paris.
31:59 Ça c'était les années après-guerre.
32:02 Tout le monde savait s'amuser.
32:05 J'ai beaucoup gardé le sens de la fête.
32:08 C'est dans notre ADN.
32:11 J'ai eu mille vies.
32:13 J'ai été une fois veuve.
32:15 Et deux fois divorcée.
32:17 Donc trois enfants.
32:20 J'ai commencé avec mon premier mari dans l'immobilier.
32:25 J'avais 18 ans.
32:28 J'ai été commerçante au Alabiaris.
32:32 J'avais un restaurant.
32:34 Je faisais des tartes sucrées-salées.
32:39 Alors là j'étais partie à New York.
32:42 Pour faire estimer les peintures dans Dior Hall.
32:47 En fait je m'étais mise dans l'événement d'art.
32:52 Ayant eu mille vies actives,
32:55 aujourd'hui, jusqu'au bout de mes forces,
32:58 je combattrai pour pouvoir choisir l'ordre de ma mort et le moyen de ma mort.
33:06 Bonsoir professeur.
33:12 Et merci d'accepter cette visioconférence.
33:16 Voilà ma fille aînée, Céline.
33:20 Bonsoir, bonsoir professeur.
33:22 Et mes deux fils, Mehdi et Steve.
33:25 Voilà, enchanté.
33:27 Enchanté.
33:28 Bien.
33:29 Nous nous étions rencontrés en avril dernier,
33:33 avant que mes enfants sachent ma démarche.
33:38 Ah oui, et ils sont bien avertis maintenant ?
33:41 Bien avertis.
33:42 Et qu'est-ce qu'ils en pensent ?
33:44 Moi j'étais complètement réfractaire.
33:46 J'étais toujours habitué à ce que ma mère se batte sur tous les fronts et ne l'abandonne jamais.
33:51 On peut bien le comprendre.
33:53 Et sur le principe, c'est vrai que je n'avais pas compris.
33:56 Mais après, on a bien discuté, c'était plus facile à accepter.
34:00 Parce que c'est vraiment face à la situation que l'acceptation se fait.
34:04 J'espère bien. On n'est pas préparés à ça.
34:07 La personne qui s'en va, s'en va avec même le sourire,
34:10 parce qu'elle se sent soulagée et la mort lui est devenue opportune.
34:14 Ce n'est plus une crainte, ce n'est plus une peur,
34:16 c'est une acceptation tout à fait sereine.
34:19 Et de voir cette acceptation sereine de la part de la personne qui s'en va pour la famille,
34:24 c'est l'occasion encore d'échanges affectifs très intenses,
34:28 et parfois et même souvent dans la joie.
34:31 Comme c'est programmé et que c'est préparé,
34:33 c'est qu'il y a des personnes qui vous entourent.
34:37 Vous ne mourrez pas seul, c'est une expérience qui est partagée,
34:41 et vous mourrez accompagné.
34:45 Pour moi, c'est quelque chose de fondamental à comprendre.
34:50 C'est vrai.
34:52 Donc une autre étape, ça, évidemment.
34:55 Merci professeur pour toutes ces paroles rassurantes.
34:59 Mon corps parlera et dira, voilà.
35:03 Et là, je vous enverrai un mail.
35:05 Le docteur, professeur, c'est maintenant.
35:09 Ok.
35:11 Merci.
35:13 Au revoir docteur.
35:16 C'est vrai qu'il est rassurant ce professeur.
35:19 D'avoir ces règles du jeu et une issue qui est un peu plus matérialisée que d'habitude,
35:24 ça nous oblige en quelque sorte à passer du temps avec elle,
35:28 à parler, à se dire tout ce qu'on avait à se dire,
35:31 à se... même à... je sais pas, des secrets de famille ou des choses comme ça,
35:35 de passer ce cap-là.
35:37 C'est vrai que ça va tout le monde.
35:39 Il y aura une fête, il y aura un rassemblement.
35:43 Donc je vais mettre ça en point.
35:47 C'est important.
35:49 Parce que de toute façon, j'observerai de là-haut.
35:53 Oui, oui.
35:55 Bonsoir.
35:57 Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, dans quelques instants,
36:12 nous allons faire le premier test d'octre terminus.
36:16 Salut Christian.
36:18 Salut.
36:20 Messieurs, dames.
36:22 Bonjour.
36:25 Je suis le docteur Deloc.
36:27 Je viens prévenir.
36:31 Je vais m'asseoir avec ça.
36:33 Ça a été pour venir jusqu'ici ?
36:36 Un peu fatiguant quand même.
36:38 Je suis désolé.
36:40 C'est pas de ta faute.
36:41 C'est pas de ma faute.
36:42 Évidemment.
36:43 Je suis parti à 9h ce matin, je crois.
36:45 Et voilà. Vous n'avez pas changé d'avis ?
36:48 Non, non, non. C'est bon comme ça, demain.
36:52 Vous êtes serein, ça va ?
36:54 Oui, oui, ça va.
36:55 À quoi on pense quand on se dit que demain on va s'en aller ?
36:59 Plus vite ça sera fait, mieux ça vaudra.
37:01 C'est décidé, c'est programmé.
37:03 C'est clair dans votre tête ?
37:05 Oui, oui, oui. Je suis pas au fur.
37:07 Ce sera une libération.
37:09 Je ne sais pas si vous avez des questions,
37:12 des choses à me demander avant demain midi.
37:16 C'est quoi ce produit miracle là ?
37:18 Miracle ? Je ne sais pas si c'est un produit miracle,
37:21 puisqu'il fait mourir, mais ce sont des barbithériques.
37:25 Et donc on l'injèque doucement et vous vous endortez.
37:29 Ok, c'est bien.
37:30 C'est partir en dormant ou comme une opération,
37:33 comme un anesthésiste, vous endort.
37:36 C'est comme ça que ça se passe.
37:38 Très bien.
37:39 Pas de souffrance.
37:41 La souffrance c'est pour tous les autres qui restent.
37:43 C'est un geste qui même pour nous médecins,
37:46 c'est pas évident.
37:48 Et donc après, mais ça ne vous concerne pas,
37:51 vous ne serez plus avec nous,
37:55 donc monsieur descendra à la morgue.
37:59 Et là il devra rester 24 heures pour des raisons légales.
38:04 Il y a un médecin légiste qui passe pour voir si on ne peut pas le suicider.
38:07 Et puis après je ne sais pas quels ont été vos contacts
38:11 et votre décision avec les ponts de fumée.
38:13 C'est fait.
38:15 C'est fait et qu'est-ce que vous avez décidé ?
38:17 Une incinération au vaisselle ?
38:19 Donc vous rentrez chez vous et eux vous envoient.
38:23 Oui, on va choisir la voie postale.
38:26 Oui, ça heurte un peu peut-être.
38:28 En espérant qu'elle ne vous arrive pas.
38:29 Non, non, en général il n'y a pas de problème.
38:31 Ça vous recevrez dans le courant de la semaine prochaine.
38:35 Voilà cher monsieur.
38:37 Très bien.
38:38 Donc ce soir vous vous faites plaisir et il n'y a aucun souci.
38:43 D'accord.
38:45 A demain midi.
38:47 Tu peux te mettre là et Amixem est là.
38:52 Ouais.
38:53 Ici là, là, et je vais te mettre là-bas.
38:55 Voilà, ok, ça marche.
38:57 Et en plus je serai à côté de mon petit gamin.
39:02 Ouf !
39:04 Dans celui-là tu as ça, à 25.
39:12 Dans celui-là tu as ça.
39:14 On va prendre ça.
39:16 Tu ne veux pas choisir l'un rouge pour moi que j'aime bien ?
39:19 C'est pas Gérésina, c'est bon ça ?
39:22 Ça va papa ?
39:28 Ouais, ouais, ouais.
39:30 Je suis peinard, c'est tout.
39:33 Je suis peinard et puis voilà.
39:35 Je ne peux pas dire autrement, ça va.
39:37 Comme quelqu'un qui va...
39:40 se promener dans les étoiles demain.
39:43 Mais bon, c'est ça que j'ai voulu.
39:48 J'ai voulu.
39:50 On ne va pas pleurer là-dessus.
39:53 Sérieusement, je n'ai aucune appréhension.
39:55 Il ne faut pas s'inquiéter pour moi.
39:59 Voilà, en réalité on ne pleure jamais que sur ses propres souffrances.
40:03 C'est forcément plus triste pour ceux qui restent.
40:06 Eh ben voilà.
40:08 Fatalement.
40:10 Donc là non, je n'ai pas l'oeil de pleurer.
40:14 Je comprends très bien la démarche de mon père.
40:21 En même temps il y a une espèce de bêtise.
40:24 Je pense qu'il l'a voyé parce qu'on est heureux d'être ensemble.
40:28 Mon père a de la chance, il est entouré, il n'est pas seul.
40:31 Et bien sûr, c'est un petit très amer de savoir que c'est notre dernier repas ensemble.
40:38 C'est très douloureux et en même temps c'est joyeux.
40:46 C'est très bizarre.
40:48 C'est difficile à décrire.
40:51 Tout le monde regarde la barre.
40:56 C'est difficile.
40:58 Je suis désolée.
41:00 Je suis désolée.
41:02 Merci.
41:06 Merci.
41:08 C'est un peu comme si on était en France.
41:10 C'est un peu comme si on était en France.
41:12 C'est un peu comme si on était en France.
41:14 C'est un peu comme si on était en France.
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41:20 C'est un peu comme si on était en France.
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41:30 C'est un peu comme si on était en France.
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41:40 C'est un peu comme si on était en France.
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42:00 C'est un peu comme si on était en France.
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43:38 C'est un peu comme si on était en France.
43:40 C'est un peu comme si on était en France.
43:42 C'est un peu comme si on était en France.
43:44 C'est un peu comme si on était en France.
43:46 C'est un peu comme si on était en France.
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43:50 C'est un peu comme si on était en France.
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43:54 C'est un peu comme si on était en France.
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44:00 C'est un peu comme si on était en France.
44:02 C'est un peu comme si on était en France.
44:04 C'est un peu comme si on était en France.
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44:40 C'est un peu comme si on était en France.
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44:46 C'est un peu comme si on était en France.
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44:56 C'est un peu comme si on était en France.
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45:00 C'est un peu comme si on était en France.
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45:20 C'est un peu comme si on était en France.
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45:32 C'est un peu comme si on était en France.
45:34 C'est un peu comme si on était en France.
45:36 C'est un peu comme si on était en France.
45:38 C'est un peu comme si on était en France.
45:40 C'est un peu comme si on était en France.
45:42 C'est un peu comme si on était en France.
45:44 C'est un peu comme si on était en France.
45:46 C'est un peu comme si on était en France.
45:48 C'était son souhait, vous l'avez respecté.
45:50 C'était son souhait, vous l'avez respecté.
45:52 Quand vous êtes triste, il faut vous dire ça.
45:54 Quand vous êtes triste, il faut vous dire ça.
45:56 Quand vous êtes triste, il faut vous dire ça.
45:58 Quand vous êtes triste, il faut vous dire ça.
46:00 Quand vous êtes triste, il faut vous dire ça.
46:02 Quand vous êtes triste, il faut vous dire ça.
46:04 Et bravo pour l'accompagnement, parce que c'est pas facile.
46:06 Et bravo pour l'accompagnement, parce que c'est pas facile.
46:08 Franchement, c'est vraiment une mort douce.
46:10 Franchement, c'est vraiment une mort douce.
46:12 C'est endormi direct.
46:14 C'est pas du tout impressionnant de passer de l'autre côté.
46:16 C'est pas du tout impressionnant de passer de l'autre côté.
46:18 Lui, il est délivré, et du coup, moi aussi.
46:20 Lui, il est délivré, et du coup, moi aussi.
46:22 Aujourd'hui, je suis bien, parce qu'on a fait ce qu'il voulait.
46:24 Aujourd'hui, je suis bien, parce qu'on a fait ce qu'il voulait.
46:26 Demain, c'est un autre jour.
46:28 Mais aujourd'hui, je suis vraiment soulagée.
46:30 Mais aujourd'hui, je suis vraiment soulagée.
46:32 Mais aujourd'hui, je suis vraiment soulagée.
46:34 Voilà, monsieur, dame, au revoir.
46:36 On a fait ce qu'on pouvait.
46:38 Au revoir, monsieur.
46:40 Au revoir, monsieur.
46:42 On a des appels presque chaque jour.
46:44 On a des appels presque chaque jour.
46:46 De français.
46:48 Et nous, on voudrait que ça s'arrête, ça.
46:50 On n'est pas le mot-roi des français.
46:52 Et je préfère faire autre chose.
46:54 Et je préfère faire autre chose.
46:56 L'euthanasie, c'est la décision du patient.
46:58 Personne n'est obligé.
47:00 Personne n'est obligé.
47:02 La liberté du choix.
47:04 Je crois que le mot "liberté", c'est fondamental dans votre pays.
47:06 Je crois que le mot "liberté", c'est fondamental dans votre pays.
47:08 Et c'est ça qu'on veut essayer de faire passer comme message.
47:10 ...
47:22 ...
47:40 Il y en a beaucoup quand on va aller se balader.
47:42 Il y en a beaucoup quand on va aller se balader.
47:44 ...
47:46 Je le trouve belle.
47:48 Quand même, ça fait des souvenirs.
47:50 ...
47:52 Sylvain, il est parti le 8 février.
47:54 Il a dit au revoir à une partie de notre famille.
47:56 Il a dit au revoir à sa fille.
47:58 C'était la fin.
48:00 Il était arrivé au bout de ce qu'il voulait.
48:02 Et donc, nous, on était là aussi pour l'accompagner.
48:04 Et donc, nous, on était là aussi pour l'accompagner.
48:06 Parce qu'on avait dit qu'on serait là jusqu'au bout avec lui.
48:08 Et moi, je me rappelle les dernières paroles qu'il a eues.
48:10 C'est pour le docteur Deloc qui les remerciait.
48:12 C'est dur pour les proches de vivre ça ?
48:14 C'est dur pour les proches de vivre ça ?
48:16 Oui.
48:18 Quand on est arrivé à l'hôpital,
48:20 on était trois.
48:22 On était trois frères.
48:24 Et le basculement,
48:26 en une minute, deux minutes,
48:28 on est reparti.
48:30 Je me rappelle très bien.
48:32 On est reparti de l'hôpital.
48:34 On était plus que deux.
48:36 On avait son fauteuil roulant.
48:38 Et c'est d'une violence, sinon.
48:40 C'est très, très violent.
48:42 ♪ Piano ♪
48:56 Raymond, il m'a dit, je prendrais date
48:58 en Belgique avec le docteur Deloc,
49:00 après la Noël.
49:02 Sauf qu'elle ne savait pas
49:04 qu'après Noël, c'était trop tard.
49:06 Fin de première quinzaine de janvier,
49:08 j'ai été voir mon médecin
49:10 parce qu'elle avait mal.
49:12 À ce moment-là, on lui a mis
49:14 une pompe anxiolytique
49:16 et une pompe amorphine.
49:18 Puis, à un moment donné,
49:20 le médecin a doublé la dose.
49:22 Et là, je lui ai dit,
49:24 est-ce que je dois l'alimenter ?
49:26 Il m'a dit, c'est plus nécessaire.
49:28 Ça s'est passé en une semaine.
49:30 Raymond est morte avec une sédation.
49:32 C'est très difficile de savoir
49:34 ce qu'elle ressentait dans ce temps-là.
49:36 Est-ce qu'elle souffrait ?
49:38 Je ne sais pas.
49:40 - Vous pensez que vous n'avez pas
49:42 respecté sa volonté ?
49:44 - Comment ?
49:46 J'ai eu de foules de questions
49:48 sans réponse.
49:50 Qu'est-ce que tu veux ?
49:52 Qu'est-ce qu'il y a ?
49:54 Quand j'ai fait intervenir
49:56 mon médecin,
49:58 elle m'a dit, je sais ce que tu veux faire.
50:00 Elle était contre la sédation.
50:02 Je lui ai dit,
50:04 je ne peux pas.
50:06 J'ai eu des tas de questions
50:08 qui sont restées sans réponse.
50:10 Pas facile.
50:20 - Allez, à maman.
50:30 - Santé.
50:32 - Malheureusement,
50:34 il y avait quelque chose
50:36 qu'on n'avait pas anticipé
50:38 sur la Belgique.
50:40 Il faut la transporter jusqu'à là-bas.
50:42 Et de faire les 400 bornes,
50:44 on s'est rendu compte
50:46 que l'option Belgique
50:48 n'était plus possible.
50:50 On a navigué parfois
50:52 en eau un peu trouble
50:54 pour trouver la solution
50:56 et faire en sorte
50:58 qu'elle puisse partir
51:00 et qu'on a dû nous prendre
51:02 nos responsabilités.
51:04 Il a fallu qu'on dose
51:06 la morphine, les anthalgiques, etc.
51:08 Je ne pense pas que ce soit
51:10 quelque chose qui doit être
51:12 laissé entre les mains des enfants
51:14 ou en tout cas des accompagnants.
51:16 - C'est compliqué d'appuyer sur un bouton
51:18 pour mettre de la morphine dans le corps de sa mère.
51:20 - Parce qu'on entend le produit partir
51:22 à chaque fois. - Elle le sait aussi.
51:24 Elle ouvrait les yeux à chaque fois.
51:26 Elle savait qu'on mettait quelque chose.
51:28 - On ne peut pas dire qu'on la fait partir
51:30 nous-mêmes. C'est compliqué.
51:32 Je ne pense pas que toutes les familles
51:34 peuvent le faire.
51:36 - C'est trop lourd psychologiquement
51:38 et en termes de gestes
51:40 pour laisser ça entre les mains
51:42 de nos initiés.
51:44 - Elle est partie avec le sourire.
51:46 Ça a été magique.
51:48 Franchement,
51:50 le temps s'est arrêté.
51:52 C'était...
51:54 J'ai ce souvenir-là.
51:56 (soupir)
51:58 - D'un autre côté,
52:00 je suis heureux finalement
52:02 parce qu'elle est partie avec nous dans les bras.
52:04 Ça, ça arrive à très peu de personnes, je pense,
52:06 de partir avec ses trois enfants dans les bras.
52:08 - Elle est partie le 14 janvier,
52:10 apaisée.
52:12 Une vraie sérénité.
52:14 Il y a beaucoup
52:16 de sujets philosophiques.
52:18 On est là, oui, la valeur de la vie,
52:20 etc., des sujets religieux.
52:22 Moi, je pense qu'à un moment donné,
52:24 avec tout ce blabla,
52:26 le plus important, c'est le malade.
52:28 Et je défie quiconque d'être le soir,
52:30 je dis pas 10 minutes,
52:32 je dis une heure,
52:34 deux heures à voir sa maman
52:36 qui agonise.
52:38 (musique douce)
52:40 (musique douce)
52:42 (musique douce)
52:44 "France Insoumise"
52:47 "France Insoumise"
52:50 "France Insoumise"
52:53 "France Insoumise"
52:56 "France Insoumise"
53:00 "France Insoumise"
53:03 "France Insoumise"
53:06 "France Insoumise"
53:09 "France Insoumise"
53:12 ♪ ♪ ♪