Mardi 21 mai 2024, SMART IMPACT reçoit Marianne d'Azémar (chargée de projet, Institut de l'Élevage) et Olivier Dupire (coordinateur du pôle Approche globale, Chambres d'agriculture France)
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00:00Smart Impact, le débat RSE, comment se portent nos prairies françaises ?
00:10Et bien c'est pour répondre à cette question que l'Institut de l'élevage et les champs d'agriculture France ont créé l'Observatoire national de la pousse de l'herbe.
00:17Objectif principal, augmenter la fiabilité des indices de croissance de l'herbe dans nos prairies.
00:21Ils sont principalement utilisés par les compagnies d'assurance, on en reparlera.
00:25Nos invités aujourd'hui sont Marianne Dazémar, chargée de projet à l'Institut de l'élevage. Bonjour.
00:30Bonjour.
00:31Bienvenue dans Smart Impact. Olivier Dupierre nous accompagne également, coordinateur Pôle approche globale et référence système agricole à la chambre d'agriculture France. Bonjour.
00:40Bonjour.
00:40Bienvenue à tous les deux, merci d'être là. Olivier Dupierre, ma première question sera peut-être pour vous.
00:45J'ai envie de vous la poser cette question, comment vont nos prairies en France ? C'était comme ça que je commençais en préambule de cette émission.
00:50À l'heure des aléas climatiques de ces dernières années, elles vont plutôt bien ou pas ? On va commencer là-dessus.
00:56C'est compliqué de répondre sur une campagne donnée. Nos prairies restent extrêmement importantes en France.
01:02C'est un peu plus de 11 millions d'hectares de prairies, à peu près 41% de la surface agricole.
01:08Ce sont des prairies qui souffrent quand même dans le temps et qui ont un gros enjeu d'adaptation demain dans le contexte du changement climatique.
01:15On a connu ces dernières années des très bonnes campagnes fourragères avec une bonne productivité de nos prairies, sur la campagne 2021 par exemple,
01:21et tout de suite une année suivante, 2022, où on a connu une très forte sécheresse sur l'ensemble des bassins de production.
01:27Ils mettent à mal un certain nombre de prairies sur différents territoires, dans des contextes évidemment pédoclimatiques très variés en France.
01:34Pour continuer de faire de la pédagogie, elles servent à quoi nos prairies en France ?
01:39Très majoritairement, nos prairies, qu'elles soient permanentes ou temporaires, servent d'abord à alimenter des animaux, à alimenter des herbivores,
01:46majoritairement des ruminants et notamment des ruminants qui soient laitiers ou allaitants, donc les bovins, les ovins, les caperins, pour ne citer qu'eux.
01:54Très bien. Marianne, d'Azemar, de quel constat est né cet observatoire de la pousse de l'herbe ? Un peu ce que disait Olivier Dupierre ?
02:02Oui, il est parti du constat que dans le cadre de l'assurance récolte...
02:12Oui, allez-y, continue.
02:16En fait, ça fait plusieurs années qu'on a des aléas climatiques sur les prairies.
02:20Actuellement, et même depuis plusieurs années, on a des systèmes d'assurance récolte qui, à la base, étaient basés sur différents systèmes,
02:28avec, du coup, une assurance récolte basée sur des indices satellitaires.
02:33Ce qui s'est passé, en fait, en 2022, il y a eu une réforme de l'assurance récolte qui a donné plus de poids aux indices satellitaires utilisés dans le cadre de l'assurance récolte.
02:42Il faut savoir, du coup, que sur les prairies, c'est très compliqué d'estimer les pertes en rendement,
02:47vu que les prairies, du coup, sont consommées directement en champ et que, donc, c'est pour ça qu'on a besoin de cet indice satellitaire.
02:53Et que, du coup, dans le cadre de l'assurance récolte, il va y avoir, du coup, une plus grande utilisation de ces indices.
02:59Et c'est également partie d'un constat, en 2022, qu'il y a eu, en fait, parfois des écarts entre les observations de terrain et, du coup, les indices utilisés et habilités par le ministère de l'Agriculture.
03:10Mais là, si je comprends bien, on parle de fiabilité de cet indice.
03:13Ça veut dire qu'il n'était pas fiable, Olivier Dupire ?
03:16Alors, ça ne veut pas forcément dire qu'il n'était pas fiable.
03:19C'est un indice, évidemment. C'est un modèle construit qui a été testé entre 2016 et 2019 par l'Institut de l'élevage, notamment, la CNE, dans nos stations expérimentales, dans différents contextes pédoclimatiques.
03:31Évidemment, le contexte français et la diversité des contextes prairiaux et la difficulté, Marianne l'évoquait, de mesure de cette prairie qui est pâturée.
03:40Donc, ce n'est pas comme un champ de blé où on va récolter X quantités de grains.
03:44Il est extrêmement difficile à apprécier.
03:46Donc, je pense qu'on se doit aussi de doter de références dans une grande diversité de contextes et sous différentes campagnes climatiques.
03:54Cet indice, pour le fiabiliser au maximum, est poussé, évidemment, à assurer les prairies dans un contexte de changement climatique.
04:01Parce que, pour qu'on comprenne bien, aujourd'hui, je ne sais pas à quelle fréquence les mesures sont réalisées exactement dans les prairies.
04:08Alors, on peut peut-être un peu parler, du coup, plus partie protocole.
04:12En fait, les mesures sont réalisées à l'herbomètre.
04:15Donc, on parlera après de ce qu'est un herbomètre.
04:17Elles sont réalisées du 1er février au 31 octobre, puisque c'est la période de production des indices satellitaires, et tous les 10 jours maximum.
04:24Donc, du 1er février au 31 octobre, tous les 10 jours, nous avons des remontées de terrain grâce à l'herbomètre connecté et aux opérateurs habilités dans le cadre de l'observatoire de la pousse de l'air.
04:35Et l'herbomètre, alors ?
04:38L'herbomètre, c'est un outil qui permet de mesurer la quantité d'herbe disponible dans les parcelles.
04:44Je pense que vous afficherez à l'écran une image.
04:49C'est un système sur pied avec un plateau qui va coulisser.
04:54L'objectif, c'est de prendre un échantillon de points de mesure dans la parcelle afin d'en mesurer la hauteur moyenne.
05:01En appliquant une densité d'herbe, on va pouvoir estimer la quantité d'herbe disponible dans la parcelle.
05:08C'est à la fois un outil de gestion de l'herbe et d'anticipation de la campagne.
05:12C'est intéressant, Olivier Dupierre. Derrière ça, il y a un protocole scientifique très chiadé.
05:19Oui, on insiste beaucoup là-dessus.
05:22On a besoin d'avoir de la donnée en quantité, fiable, dans le temps aussi.
05:26On le précise, cet observatoire est déployé minimum pour une durée de cinq années.
05:30L'intérêt, c'est de comparer les campagnes l'une à l'autre.
05:33On a des parcelles de prairies mesurées en France, d'une diversité de régions fourragères,
05:38qui vont être suivies sur l'ensemble des cinq années et de maintenir dans le temps cette mesure-là avec des opérateurs qui sont formés, habilités.
05:46Marianne l'a reprécisé, sur des protocoles qui sont lourds, du 1er février au 31 octobre,
05:52avec cet herbomètre pour minimiser le biais mesureur et vraiment avoir le même matériel partout en France avec un même protocole.
05:59Parce que là, l'enjeu, il est pour qui ? Les éleveurs ? Les assureurs ? On en parlait tout à l'heure.
06:05L'État ? Même la société civile ? C'est un enjeu pour tout le monde, cette fiabilisation de ces données-là de nos prairies ?
06:10Je pense que c'est vraiment un enjeu pour tout le monde. Dans un premier temps, je dirais que c'est un enjeu pour les éleveurs.
06:15Évidemment, il y a des problématiques. Il y a des questions de revenus, de renouvellement des générations, de maintien de l'élevage dans les territoires.
06:21L'adaptation des systèmes d'élevage au changement climatique, elle est clé. La question de l'assurance est évidemment clé.
06:26Je pense que tous les maillons, que ce soit l'État, les assureurs, les éleveurs ou nous en tant que structure accompagnatrice,
06:32on a évidemment tout intérêt à ce que ce système fonctionne et fonctionne au mieux dans la diversité des territoires.
06:37On donne des solutions aussi en observatoire. On observe, on recense. Est-ce qu'on donne des solutions notamment à ces éleveurs ?
06:43Dans le cadre de l'observatoire, on a évidemment un objectif de restituer cette donnée aux éleveurs à chaque passage qui va être réalisé.
06:52Il y a l'objectif en lien avec la demande du ministère et de l'agriculture par rapport à la fiabilisation des indices.
06:59Mais nous, en tant qu'institut de recherche et également avec les chambres, on a aussi un objectif de création de références autour du pilotage de la prairie.
07:06On en parle depuis tout à l'heure. Vous parlez selon les différents territoires. Et c'est vrai, tous les territoires ne sont pas les mêmes, ne se ressemblent pas.
07:12Est-ce que cet observatoire va se concentrer sur des régions un peu plus en particulier ? Lesquelles sont un peu critiques en ce moment ?
07:22Je crois qu'elles sont toutes critiques. Les régions, évidemment, ne vivent pas les mêmes aléas climatiques.
07:28Néanmoins, on avait quand même un objectif de couvrir la majeure partie du territoire.
07:33Toutes les régions administratives sont couvertes aujourd'hui par cet observatoire, en dehors des territoires où on n'a pas pu, soit faute d'élevage disponible à l'image de l'Île-de-France,
07:43mais aussi des territoires de l'arc méditerranéen et de la Corse, puisque le protocole scientifique strict qui nous impose d'avoir des mesures sur des prairies pâturées,
07:51sur des dimensions, des conformations de parcelles spécifiques. Dans ces régions-là, qui misent plutôt sur le pastoralisme notamment, on n'a pas pu aller positionner des mesures dans ce contexte-là.
08:01On aura sûrement l'occasion de faire d'autres types de protocoles pour ces zones-là, mais notre objectif était vraiment de couvrir l'ensemble des régions.
08:08Donc, on a positionné des suivis de fermes sur l'ensemble des zones fourragères de différentes régions administratives.
08:14Les objectifs de cet observatoire, si on devait les résumer, Marianne ?
08:18Fiabiliser l'indice satellitaire utilisé dans le cadre de l'assurance récolte et produire des références sur les systèmes prairies, le pilotage des prairies, la croissance à l'échelle.
08:33Le gros atout, c'est qu'il y a un protocole homogène qui va permettre de lisser toutes les références qui vont remonter de cet observatoire.
08:41Ce qui n'était pas le cas avant, c'est ça ?
08:43Ce qui était plus ou moins le cas, mais là on a vraiment la garantie. On met en place un process qualité que nous, les coordinateurs, vérifions.
08:50Donc voilà, il y a un peu ce côté process, protocole homogène et en plus vérifier qui va permettre de fiabiliser l'indice et en même temps de récupérer de la donnée homogène pour créer des références.
09:02Combien de personnes travaillent dans cet observatoire actuellement ?
09:04Beaucoup.
09:05Beaucoup ? Oui.
09:06C'est à peu près 350 exploitations, donc on a à peu près 5 à 6 personnes qui travaillent à l'échelle nationale sur la coordination.
09:12Et après c'est très variable en fonction des territoires, mais on a plus de 60 organismes aujourd'hui impliqués.
09:17Donc pour nos organisations, notamment Chambre d'agriculture, on a beaucoup d'acteurs mobilisés sur le terrain.
09:23Donc on n'a pas le droit à l'erreur, il faut que ça marche.
09:26Et donc on aura aussi, via le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, la mise en place d'une certification externe
09:32qui certifiera l'application de ce protocole et le respect de l'ensemble des règles qu'on s'est fixées collectives.
09:37C'est ce que j'allais dire, vous vous sentez soutenu aujourd'hui par les politiques publiques ?
09:40Plutôt, c'est la difficulté de notre travail.
09:43Il y a une exigence de la part du ministère de l'Agriculture dans l'application de ce protocole et dans le déploiement de cet observatoire.
09:48Et je pense qu'on est aussi conscients, nous, dans notre gouvernance professionnelle, des enjeux nécessaires.
09:53Et donc encore une fois, ça doit servir tout le monde et donc on se doit d'appliquer cette rigueur collectivement aux différents échelons.
10:00Merci beaucoup à tous les deux d'être venus nous parler de cet observatoire, d'avoir fait un point sur l'état de nos prairies.
10:05Olivier Dupier, je rappelle, vous êtes coordinateur Pôle Approche Globale et référent Système Agricole à la Chambre d'Agriculture France.
10:10Et Marianne Dazémar, chargée de projet à l'Institut de l'Élevage.
10:13Merci à tous les deux.
10:15On termine, comme d'habitude, cette émission par la bonne idée du jour.