Stéphane Zumsteeg, directeur du département opinion et recherche sociale d’Ipsos était l'invité du "18h20" de franceinfo, mercredi 15 mai.
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00:00 Bonsoir Stéphane Zounsègue, directeur du département opinion d'Ipsos.
00:04 Merci d'être avec nous sur France Info pour nous révéler cette deuxième vague du sondage Ipsos pour Radio France et Le Parisien
00:10 qui parait aujourd'hui même après un mois, après la première vague.
00:14 Alors Jordan Bardella toujours loin devant.
00:16 Et l'écart qui se resserre entre la liste Ayé et la liste Glucksmann, c'est les deux enseignements peut-être qu'on peut retenir ?
00:23 Oui absolument, vous avez raison de le dire, il y a toujours un écart très important,
00:26 presque un gouffre finalement entre la liste du Rassemblement National et celle de la Macronie, 31-16, c'est presque le double.
00:32 Et ce qui est particulièrement remarquable c'est que cette différence, cet écart majeur,
00:37 il s'est installé il y a maintenant plusieurs mois et il ne bouge plus.
00:40 Ou quand il bouge c'est en faveur du Rassemblement National.
00:43 Donc le retard qu'accuse la liste de Valérie Ayé, même en restant stable par rapport à celle de Jordan Bardella, est toujours très important.
00:49 Qu'est-ce qu'on apprend de ce vote Bardella ?
00:51 Quand on regarde la sociologie du vote, on est frappé par voir comment la situation a évolué de façon vraiment spectaculaire en 10 ou en 15 ans.
00:59 Rappelez-vous autrefois quand on parlait du Rassemblement National ou du Front National,
01:02 on se disait que finalement c'est un parti qui n'arriverait jamais au pouvoir parce qu'il y avait des segments entiers de l'électorat qui lui étaient viscéralement hostiles.
01:08 Les jeunes, les personnes âgées, les cadres supérieurs vivant dans les zones urbaines,
01:13 en fait toutes ces populations qui avaient notamment pu manifester en 2002 lors de l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour.
01:18 Aujourd'hui ce n'est plus du tout le cas, le Rassemblement National est fort partout, il n'a plus ou quasiment plus de points de faiblesse.
01:25 Bien sûr que les ouvriers votent toujours un peu plus pour le Rassemblement National ou beaucoup plus que des cadres supérieurs,
01:30 mais malgré tout il y a un vote de cadres en faveur du Rassemblement National.
01:33 Et avec une mesure que vous venez de donner à l'échelle globale nationale, 31 pour le RN, 16 pour Valérie Ayé,
01:40 le Rassemblement National est aujourd'hui le seul parti, la seule liste, celle de Jordan Bardella, qui n'a pas de point de faiblesse dans la sociologie.
01:47 La gauche a des points de faiblesse, la droite a des points de faiblesse, la Macronie a des points de faiblesse,
01:51 le Rassemblement National est fort ou un peu fort partout.
01:54 L'autre point d'étonnement, toujours sur la liste Bardella, c'est que quand on regarde les motivations de vote,
01:58 c'est le pouvoir d'achat qui arrive loin devant, 53%, qui n'est pas exactement le thème numéro 1 de campagne de Jordan Bardella.
02:05 Oui mais c'est parce que Jordan Bardella ou le Rassemblement National aujourd'hui n'a plus besoin de parler d'économie ou de pouvoir d'achat,
02:13 c'est devenu le parti des Français quelque part aux yeux de leur électorat.
02:17 En tout cas, ils surfent sur le climat actuel, on voit bien la délinquance, l'insécurité, ont également progressé comme thème,
02:24 et finalement, même s'ils n'ont pas un programme totalement complet, même si leurs prises de position sont souvent plus régaliennes qu'économiques,
02:29 et bien cela ne les handicape pas.
02:32 Alors, 31 pour la liste Bardella, qui perd un point, on va le préciser, 16 pour la liste de Valérie Ayé qui stagne,
02:39 14,5 pour la liste de Raphaël Glucksmann qui gagne 1,5 point.
02:44 Cela veut dire déjà que la Macronie ne profite pas du tout de la mobilisation du Premier ministre, des différents ministres,
02:50 et ni du Président de la République, sa conférence de presse, son discours de la Sorbonne 2,
02:55 c'est toujours le problème avec la Macronie, ils annoncent les choses avant en promettant "mons et merveilles",
02:59 et finalement il ne reste rien, je prends l'exemple de la Sorbonne 2, qu'est-ce qu'on en a retenu ?
03:03 Pas grand chose, même si on en a énormément parlé avant.
03:06 Là, il y a eu l'entrée en campagne, vous venez de le dire, du Premier ministre,
03:09 on verra ce que ça donnera aussi lors du débat qui l'opposera Jordan Bardella,
03:14 mais jusqu'à présent, en tout cas, les renforts, les poids lourds qui rentrent dans la campagne pour épauler Valérie Ayé,
03:19 ne se traduisent électoralement par rien pour l'instant, en tout cas par aucun gain électoral.
03:25 - En installant comme ça Jordan Bardella comme l'adversaire principal,
03:29 notamment quand Emmanuel Macron contraint justement Gabriel Attal à débattre avec lui,
03:32 est-ce que ce n'est pas aussi ça qui en fait l'éternel favori ?
03:36 - Bien sûr, de toute façon, plus vous désignez un adversaire comme votre principal ennemi quelque part,
03:42 plus vous avez tendance à le crédibiliser.
03:44 Emmanuel Macron, depuis le début de cette pré-campagne, depuis la fin de l'année dernière,
03:48 n'a eu de cesse que de répliquer sa stratégie de 2019, c'est-à-dire essayer de réduire,
03:52 de circonstruire cette élection à un duel entre deux parties, deux forces,
03:55 les optimistes contre les pessimistes, les partisans de l'ouverture contre les partisans de la fermeture.
04:01 Ça, ça a fonctionné il y a cinq ans, parce que le RN faisait encore peur à une partie des Français.
04:08 Aujourd'hui, c'est ce qu'on vient de dire en parlant de la sociologie,
04:10 le RN est de plus en plus considéré comme un parti comme les autres,
04:13 qui ne fait plus peur, qui n'est plus un parti extrémiste comme on pouvait le penser massivement,
04:18 il y a encore cinq ou il y a dix ans.
04:20 Donc à partir du moment où vous crédibilisez votre adversaire et qu'il ne fait plus peur
04:25 à une grande partie des Français et des Françaises,
04:27 eh bien il n'y a aucune raison que votre stratégie se révèle efficace.
04:29 La progression de Raphaël Glucksmann, 14,5, un point et demi derrière la liste de Valérie Ayé,
04:35 la liste de la majorité présidentielle.
04:37 La composition du vote Glucksmann est assez intéressante, parce qu'il prend un peu partout en fait.
04:43 Il prend un peu partout, il prend d'abord à gauche...
04:45 Sur les électeurs, ce pourquoi ils avaient voté à la dernière présidentielle.
04:48 Absolument, il prend de 20 à 30% des gens qui ont voté pour les principaux candidats à l'élection présidentielle.
04:53 Quand vous regardez, les gens qui nous disent "êtes certains d'aller voter à l'élection européenne ?"
04:57 Évidemment, ils bénéficient d'une double dynamique.
04:59 Une dynamique qui vient de la gauche.
05:01 Il y a des déçus du mélenchonisme, il y a des gens qui ont été heurtés par le positionnement
05:04 ces deux dernières années des députés LFI à l'Assemblée nationale.
05:07 Il y a aussi une partie, une petite partie quand même, de l'électorat de Mélenchon
05:11 qui ne l'a pas suivi sur Gaza.
05:13 Ça, il faut aussi le souligner.
05:16 Il y a des gens qui sont déçus par le score de Yadid Jadot pour les écologistes à la présidentielle
05:19 et qui ne se retrouvent pas dans la campagne actuelle de la liste des écologistes.
05:22 Ça, c'est la première dynamique d'autant...
05:25 Et qui contribue à assécher ces listes de gauche.
05:28 Raphaël Gussman bénéficie d'un vote utile.
05:30 C'est quoi le vote utile à gauche ?
05:31 C'est quand vous vous dites "je suis de gauche" et il y a une des listes ou un des candidats,
05:35 c'était le cas de Mélenchon il y a deux ans, qui pourrait faire un score plus que de témoignages.
05:38 Un bon score, eh bien quelque part, c'est un vote de ralliement.
05:42 On se rallie.
05:42 On est peut-être écologiste, on est peut-être un peu plus insoumis que socialiste,
05:45 mais on a quand même envie de voter pour la liste de gauche qui est censée faire la bonne performance.
05:50 Ça, c'est le premier élément.
05:51 Et la seconde dynamique, et c'est la plus intéressante, la plus importante et la plus dangereuse pour la liste de renaissance,
05:57 c'est que, enfin, depuis 2017 et la première élection d'Emmanuel Macron,
06:02 il y a pour tous ces gens de gauche qui ont voté avec enthousiasme pour Macron en 2017,
06:06 un peu plus avec résignation il y a deux ans,
06:08 il y a un espace à gauche, au centre gauche, qui s'est ouvert.
06:12 Et pour ces déçus du macronisme qui viennent de la gauche,
06:15 eh bien l'alternative ou le choix, ou la sanction quelque part,
06:18 mais le choix Raphaël Gussman est quelque chose d'alléchant.
06:21 Merci Stéphane Zunzlein d'avoir été l'invité politique de France Info.