• il y a 7 mois
Jusqu’à l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, les gouvernements occidentaux ont tenté en vain de contenir la menace Poutine. Récit par de nombreux acteurs clés, de David Cameron à Volodymyr Zelensky, d’une décennie d’hésitations et d’errements aux conséquences dramatiques.

La guerre en Ukraine a commencé à Vilnius le 28 novembre 2013. Ce jour-là, la capitale lituanienne accueille le Sommet du partenariat oriental de l’Union européenne. L’Ukraine doit y signer un accord majeur qui marquerait un tournant dans son rapprochement avec l’Occident. Mais son président, Viktor Ianoukovytch, y apparaît blafard : entre pressions personnelles et probable corruption, Poutine lui a interdit de le signer. À Kiev, la réaction du peuple, qui refuse que l’on “vende l’Ukraine à la Russie”, ne tarde pas, mais les manifestations sur la place Maïdan sont réprimées dans le sang. Tandis que Ianoukovytch prend la fuite, Poutine profite du chaos pour envoyer ses troupes en Crimée, puis au Donbass. Au fil de sommets houleux et confus, l’Europe se divise, s'interrogeant sur les moyens de sanctionner l’autocrate du Kremlin. Mais personne n'est prêt à sacrifier ses intérêts, notamment énergétiques...

Tractations secrètes

Comment l’Occident a-t-il pu, avec autant de constance, se laisser berner par Vladimir Poutine ? Comment réagir face aux multiples provocations d'un monstre politique, qui déclarait un jour : “Peu importe qui tente de se mettre en travers de notre chemin. Vous n’aurez jamais vu de telles conséquences” ? De l’annexion de la Crimée en 2014 à l’actuelle "opération militaire spéciale" menée en Ukraine, cette série documentaire déroule le récit tendu des errements des Américains et des Européens face à la menace russe. S’appuyant sur les témoignages d’acteurs clés – dont David Cameron, Jose Manuel Barroso, Boris Johnson, Theresa May ou Volodymyr Zelensky ainsi que de nombreux diplomates et conseillers –, la documentariste Norma Percy dévoile les coulisses des grands sommets entre dîners privés, tractations secrètes... et manipulations éhontées. Ce portrait en creux d’un Poutine aussi déroutant qu’effrayant raconte un monde qui vacille sous les coups de boutoir de l’autocrate du Kremlin. Pour François Hollande, la leçon est claire : “Quand on ne punit pas suffisamment fort avant, on est obligé de punir très fort après.”

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Transcription
00:00J'ai rencontré Poutine 25 fois. Et pour moi, c'est quelqu'un qui sait mesurer le risque.
00:18Ses prises de décision sont rationnelles.
00:22Quand je l'ai vu les jours précédant l'invasion de l'Ukraine, je pense que l'émotion était plus forte que la pensée rationnelle.
00:32Aujourd'hui, il exprime une grande frustration et une profonde rancune contre l'Occident.
00:39Mais pas seulement contre l'Occident, contre le passé, contre l'histoire.
00:46Vladimir Poutine a ébranlé l'effondrement de la sécurité internationale.
00:52C'est une décennie d'affrontements avec l'Occident qui a vu Poutine prendre le chemin de la guerre jusqu'à user de la menace nucléaire.
01:19Poutine a dit je peux mentir et les Américains ne feront rien.
01:23Les dirigeants qui lui ont fait face racontent.
01:27J'ai dit au président Poutine que c'était une situation sans issue. J'y ai vu un piège.
01:35Le mensonge fait partie de la diplomatie de Vladimir Poutine.
01:41Nous aurions dû lui tenir tête à l'époque. C'est ce qu'on aurait dû faire.
01:45Ce qui se passe en ce moment en Ukraine est un tournant majeur.
01:51Quand en 2014, Poutine a attaqué l'Ukraine pour la première fois, l'Europe a été mise à l'épreuve.
02:00Je dis que si on ne réagissait pas tout de suite, les Russes imaginaient avoir carte blanche.
02:06Le président russe comprend que l'Occident est en train de se diviser. Comment joue-t-il de cet avantage ?
02:14Lorsque je lui ai parlé des troupes russes en Crimée, il a dit « José Manuel, ce ne sont pas les troupes russes.
02:23Si c'était vraiment les forces armées russes, ils pourraient prendre Kiev en moins de deux semaines. »
02:32Hallucinant.
02:43...
03:01Je me souviens très bien de ce sommet. Curieusement, le bureau des affaires étrangères ne pensait pas que c'était très important.
03:09Mais la présidente Griboskaite de Lituanie, qui organisait la conférence, a insisté pour que je vienne, et c'est ce que j'ai fait.
03:18Les personnes qu'on vit au sommet du partenariat oriental n'étaient pas toujours présentes.
03:22Cette année-là, tout le monde est venu, y compris le premier ministre britannique, parce que nous savions que ce serait un moment historique.
03:30Le clou de ce sommet devait être la signature d'un accord commercial majeur entre l'Ukraine et l'Union européenne.
03:37Si le président Viktor Yanukovych le signait, ce serait le plus grand rapprochement de son pays avec l'Occident depuis sa sortie de l'Union soviétique en 1991.
03:47Mais après son dernier voyage à Moscou, des rumeurs ont commencé à circuler sur les pressions que Poutine lui aurait fait subir.
03:57Nous étions dans un très bel hôtel et le hall d'entrée était rempli de gens qui discutaient en buvant un café.
04:03En traversant le hall, j'ai aperçu Yanukovych. Il est très grand et très imposant.
04:11Il m'a vu, m'a fait un signe de tête et s'est approché. Nous avons échangé quelques politesses.
04:21Et après ces mondanités, il m'a dit « Vous savez que je ne peux pas signer l'accord ».
04:27Il était très embarrassé, car cet accord avait été négocié pendant plus de cinq ans.
04:35Il a tenté de se justifier, mais c'était évident qu'il ne pouvait pas signer à cause de la pression russe.
04:44Quoiqu'il ait été dit lors de son voyage à Moscou, Yanukovych est revenu apeuré en raison de la pression qu'il avait subie.
04:52Merkel et moi, nous lui avons parlé droit dans les yeux.
05:00Et parce que nous parlions en russe, il était plus sincère et nous a fait comprendre à quel point il était un homme sincère.
05:08Il nous a fait comprendre à quel point il était un homme sincère.
05:12Il nous a fait comprendre à quel point il était un homme sincère.
05:16Et parce que nous parlions en russe, il était plus sincère et nous a fait comprendre à demi-mot qu'il était sous pression.
05:23Personnellement sous pression.
05:28La chancelière Merkel a dit très ouvertement au président Yanukovych « Nous attendons de vous que vous acceptiez.
05:34Nous pensons que c'est également ce que souhaite votre peuple.
05:37C'est ce que nous nous efforçons de faire depuis ces dernières années.
05:40Et maintenant, vous faites marche arrière. C'est incompréhensible pour nous ».
05:46Il y a une expression populaire en Ukraine qui parle de « traire deux vaches ».
05:52Dans une certaine mesure, l'Ukraine a eu l'occasion de monter les deux parties l'une contre l'autre,
05:58tout en s'assurant qu'elle tirait les bénéfices des deux relations.
06:02Nous pensions qu'il s'agissait uniquement d'une compensation financière.
06:07Alors on lui a proposé différentes solutions et même des milliards d'aides financières.
06:12Malgré tout ça, il n'était toujours pas en mesure de signer.
06:15L'Union européenne offrait à l'Ukraine une énorme aide au développement du pays.
06:23Mais avec des procédures compliquées et sur de nombreuses années.
06:28Poutine a proposé de l'argent liquide dès le lendemain.
06:32Il y avait des rumeurs de camions remplis d'argent liquide envoyés d'Ukraine vers les comptes de Yanukovych en Russie.
06:40Ça me paraissait évident, après tout ce que j'ai entendu sur Yanukovych, qu'il n'avait aucune intention de nouer un partenariat avec l'Union européenne.
06:48J'ai parlé avec le président d'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, que j'ai toujours considéré comme un bon analyste.
06:55Et il m'a dit « Pour moi c'est clair, Yanukovych et les Ukrainiens veulent un meilleur accord avec Moscou,
07:00donc ils flirtent avec l'Union européenne pour l'obtenir. Mais au fond, c'est ce qu'ils veulent ».
07:05Nous avons dit à Yanukovych « Vous êtes le président de votre pays.
07:10Vous avez été élu sur un programme qui incluait la signature de cet accord comme une pièce maîtresse de votre présidence.
07:17Vous avez choisi, quelle que soit la raison, de ne pas le signer.
07:22Il vous appartient maintenant de rentrer chez vous et d'expliquer au peuple qui vous a élu pourquoi vous agissiez ainsi.
07:27Ukraine c'est l'Europe ! Ukraine c'est l'Europe ! Ukraine c'est l'Europe ! Ukraine c'est l'Europe !
07:37À Kiev, des milliers de personnes s'étaient rassemblées sur la place Maïdan.
07:42Nous sommes ici pour vous montrer que l'Ukraine c'est l'Europe.
07:46Nous sommes ici pour vous montrer que l'Ukraine c'est l'Europe.
08:04Qui a gagné aujourd'hui ?
08:07Qui a gagné aujourd'hui ?
08:12Qui a perdu aujourd'hui ?
08:26J'ai été très clair.
08:28L'Union Européenne est la seule voie pour l'Ukraine.
08:30L'Union Européenne est le seul avenir pour le peuple ukrainien.
08:33et nous ne retournerons jamais en URSS.
08:40Il n'aura fallu que deux semaines alors que la place Maïdan ne désemplissait pas
08:44pour que Yanukovych retourne à Moscou afin de signer un accord avec Poutine.
09:04A l'époque, nous avions vraiment de bonnes relations avec nos homologues ukrainiens.
09:09Nous avons soutenu l'Ukraine dès le début, lorsque l'Union soviétique a disparu.
09:15C'est pour ça que le gouvernement russe a alloué une somme d'argent très importante.
09:20Notre objectif était d'apporter de la stabilité en Ukraine.
09:24La Russie baisserait drastiquement le prix du gaz pour l'Ukraine
09:28et prêterait au gouvernement de Yanukovych 15 milliards de dollars.
09:33Dans son combat pour l'Ukraine, Poutine semblait sortir gagnant.
09:40Nous avons toujours été très clairs.
09:42Si l'Ukraine signait l'accord d'association avec l'UE,
09:46elle signerait un grand nombre de choses que Poutine n'aimerait pas,
09:50comme un État de droit ou un système judiciaire indépendant
09:53qui renforcerait les institutions démocratiques.
09:56La conséquence, c'est que les Russes risqueraient de dire
10:00« Nous aussi, c'est ce qu'on voudrait ».
10:02Et c'est justement ça que Poutine cherchait à éviter.
10:10Poutine doit désormais faire face à un soulèvement populaire aux portes de la Russie.
10:15Les manifestants ont repoussé la police anti-émeute de Yanukovych
10:19et ont pris la place Maïdan.
10:31Malgré l'hiver rigoureux,
10:33nombreux sont les politiciens et diplomates occidentaux
10:36à avoir fait le déplacement pour afficher leur soutien.
10:46En arrivant là-bas, ce qui m'a le plus marquée,
10:49c'est l'air froid qui me frappait au visage en sortant de la voiture.
10:52J'avais le souffle coupé, c'était glacial.
10:55Il y avait toutes sortes de personnes,
10:57des jeunes, des moins jeunes, des familles,
10:59avec un seul message pour moi, nous voulons signer cet accord.
11:04J'étais sur place pour participer à la réunion ministérielle,
11:07ça se passait à Kiev.
11:09Et l'hôtel n'était pas loin de la place Maïdan.
11:12J'ai vu beaucoup de diplomates.
11:16Je n'arrivais pas à croire qu'ils puissent intervenir aussi ouvertement
11:19dans le processus de déplacement.
11:21Je n'arrivais pas à croire qu'ils puissent intervenir aussi ouvertement
11:24dans le processus politique.
11:37Deux mois après le début des manifestations,
11:39Poutine a eu une occasion unique de rencontrer les dirigeants
11:42de l'Union Européenne lors du sommet Union Européenne-Russie.
11:47Poutine a adopté une position très ferme.
11:50C'était donc une réunion très compliquée.
11:54Quand on traite avec Poutine, on est bien conscient
11:56que c'est quelqu'un qui a du pouvoir.
11:58Il n'est pas brusque, mais il n'est pas amical pour autant.
12:05Poutine a clairement indiqué que cette situation le mettait en colère.
12:11Il m'a dit que je ne devais pas prendre part aux manifestations.
12:16Je lui ai fait remarquer que ma responsabilité
12:19était de représenter l'Union Européenne.
12:21Et qu'il fallait que j'aille parler à ces personnes
12:23qui soit arboraient un drapeau européen,
12:26soit étaient réellement intéressées par les relations avec l'Union Européenne.
12:32De quel droit Poutine décide qui devrait ou ne devrait pas aller en Ukraine ?
12:37L'Ukraine ne fait pas partie de la Russie.
12:39Nous sommes des pays libres.
12:42Mais c'était sa position.
12:44Je peux m'imaginer comment nos partenaires européens
12:48auraient réagi si, dans un moment de crise,
12:51par exemple en Grèce ou en Cyprie,
12:53lors d'un des manifestations anti-européennes,
12:56notre ministre des Affaires étrangères
12:58avait appris à s'adresser à des demandes.
13:04Peu après, les manifestants à Kiev ont quitté la place Maïdan
13:07pour rejoindre les bâtiments gouvernementaux.
13:15C'était l'un des jours les plus importants de la place Maïdan.
13:25Toutes les forces de sécurité présentes à Kiev
13:28ont été conduites dans le centre de la ville,
13:30puis ils ont commencé à tirer.
13:38Alexander Turchinov, l'un des principaux députés de l'opposition,
13:42s'est empressé d'aller voir le président.
13:46Yanukovych courait autour du bureau.
13:48Il menaçait, il criait.
13:52Il disait qu'il allait tous nous pendre l'empadère
13:55et qu'il allait noyer la place Maïdan dans le sang.
14:00J'ai attendu qu'il se calme.
14:03Et puis j'ai dit, considérez que j'ai peur,
14:06mais parlons maintenant de l'objet de ma visite.
14:09Nous devons mettre un terme à cette effusion de sang
14:11et à cette confrontation.
14:13Nous avons convenu que nous regagnerions la place Maïdan
14:15et qu'il cesserait d'utiliser des armes à feu.
14:18Mais malheureusement, le président a menti.
14:28Avant même qu'ils ne puissent se disperser,
14:30les manifestants ont essuyé les tirs des forces de sécurité.
14:34J'étais dans les Dolomites en vacances au ski avec ma famille.
14:40J'ai regardé mon téléphone
14:42et j'ai vu une vidéo postée par Hromadske TV,
14:45une sorte de chaîne de télévision citoyenne à l'époque.
14:50On distinguait très bien le son des coups de feu,
14:53et pas en l'air, mais sur les gens.
14:58Ce qui m'a amené à venir ici,
15:00c'est de voir les gens.
15:03Ce matin-là, on était sur le point de s'habiller pour aller skier,
15:06et j'ai dû dire à ma famille,
15:08désolé, je dois y aller, je dois me rendre sur place.
15:15Cette nuit-là, les manifestants ont mis le feu à des pneus
15:18pour faire reculer la police.
15:26C'était la journée la plus meurtrière
15:28du début des manifestations,
15:30avec plus d'une vingtaine de morts et des centaines de blessés.
15:37Arrivé à Kiev, Radek Sikorski,
15:39accompagné des ministres des affaires étrangères français et allemands,
15:42allait rencontrer Yanukovitch.
15:49Nous lui avons dit, écoutez, vous devez être réaliste.
15:52Cette situation ne peut pas être résolue
15:54si vous n'acceptez pas de partir avant la fin de votre mandat.
15:59Il est devenu blanc,
16:01et il est allé dans la pièce d'à côté pour prendre un appel de l'étranger.
16:07Yanukovitch ne nous a pas dit d'où provenait l'appel,
16:10ni qui il avait en ligne,
16:12mais ses collaborateurs nous ont dit qu'il s'agissait de Moscou.
16:17Et à notre grand étonnement,
16:19quand il est revenu, il a accepté.
16:23Finalement, le lendemain,
16:25le Parlement ukrainien décide de voter l'accord de transition politique
16:28et d'organiser de nouvelles élections à la fin de l'année.
16:53En pleine nuit,
16:55Yanukovitch est parti en hélicoptère vers l'est de l'Ukraine,
16:59près de la frontière russe.
17:06Et dans les rues de Kiev,
17:08les milliers de forces de sécurité qui combattaient les manifestants
17:11ont disparu.
17:14Il n'y avait pas que Yanukovitch qui fuyait.
17:16En fait, tout le cabinet des ministres l'avait suivi.
17:44Ce vide nous a beaucoup inquiétés.
17:46Je pensais qu'il était vraiment important d'aller à Kiev
17:48pour parler à tout le monde et voir ce qu'on pouvait faire.
17:53L'ambiance était lourde,
17:55on voyait des gens armés dans les rues.
17:59C'était un moment difficile.
18:01C'était un moment difficile.
18:03C'était un moment difficile.
18:05C'était un moment difficile.
18:07C'était un moment difficile.
18:09C'était un moment difficile.
18:12Tout le monde prenait la mesure de ce qui se passait.
18:18Quelqu'un m'a chuchoté à l'oreille
18:20« Vous pensez que c'était comme ça en 1917,
18:22pendant la révolution russe ? »
18:27Et même si c'était complètement différent,
18:29je pense que ce à quoi il faisait référence
18:31était ce sentiment que tout était sur le point de basculer
18:34et que personne ne savait quelle direction ça prendrait.
18:42Le soir où Yanukovych a fui Kiev,
18:45Poutine accueillait le plus grand événement international
18:48organisé par la Russie depuis des années,
18:51les Jeux Olympiques d'hiver de Sochi.
18:58D'abord, il m'a appelé le 21 juillet
19:01et m'a dit qu'il allait aller à Kharkov
19:05pour participer à l'événement.
19:08Je n'allais pas me moquer,
19:10j'ai dit ce que je pensais,
19:12que dans cette situation,
19:14il vaut mieux ne pas sortir de la capitale.
19:16Il m'a dit qu'il avait tout de même décidé d'y aller.
19:18Le seul que j'ai dit, c'est de ne pas
19:20envoyer les forces de droit supplémentaires.
19:22Il m'a dit « Oui, oui, je comprends ça. »
19:24Je suis allé et j'ai envoyé toutes les forces de droit.
19:27J'ai invité le Kremlin,
19:29les dirigeants de nos services spéciaux,
19:31le ministère de l'Enseignement,
19:33le ministère de la Défense,
19:36et j'ai posé devant eux la question,
19:39dire la vérité,
19:41de sauver la vie du Président de l'Ukraine.
19:45Entre temps, Yanukovych avait rejoint la Crimée,
19:48la péninsule au sud de l'Ukraine,
19:50qui a des liens historiques avec la Russie
19:52et abrite sa flotte navale de la mer Noire.
19:57Poutine a ordonné à ses forces spéciales
19:59d'escorter Yanukovych vers la Russie.
20:02Mais ce n'est pas tout.
20:04Il était sur le point de prendre sa décision
20:06la plus marquante depuis son arrivée au pouvoir.
20:33On a commencé à entendre
20:36que quelque chose se préparait en Crimée.
20:39À cette époque,
20:41dans un certain nombre de grandes villes ukrainiennes,
20:44on avait constaté que des groupes pro-russes
20:47prenaient d'assaut des bâtiments officiels
20:50pour attaquer les russes.
20:52C'est ce qu'on a vu.
20:54C'est ce qu'on a vu.
20:56C'est ce qu'on a vu.
20:58C'est ce qu'on a vu.
21:00Des groupes pro-russes
21:02prenaient d'assaut des bâtiments officiels
21:04et s'emparaient des mairies.
21:06Pour être honnête,
21:08nos premiers rapports d'informations à Londres
21:10nous ont permis de comprendre
21:12que quelque chose de similaire
21:14se passait en Crimée.
21:18Des forces armées surgissaient dans toute la péninsule.
21:22Ces petits hommes verts,
21:24comme ils étaient surnommés,
21:26portaient des uniformes sans insigne
21:28et portaient un uniforme russe de dernière génération.
21:32Nous ne savions pas à l'époque
21:34que la Fédération de Russie
21:36avait secrètement commencé une opération
21:38d'occupation de la Crimée.
21:40Alors que la tension du monde
21:42était braquée sur la place Maïdan,
21:44ils ont commencé à occuper la Crimée.
21:58Le président de la Fédération de Russie
22:00a été informé de la situation à Washington.
22:04Jusque-là,
22:06il était resté à distance
22:08de la crise ukrainienne.
22:10Mais Poutine avait dépassé les limites.
22:28Obama a réuni ses principaux conseillers.
22:30Le président souhaitait une action
22:32non pas militaire mais économique
22:34qui peut être très puissante
22:36si les États-Unis l'entreprennent.
22:38Il était naturel
22:40d'envisager des sanctions.
22:42Le président de la Fédération de Russie
22:44a été informé de la situation
22:46à Washington.
22:48Le président de la Fédération de Russie
22:50a été informé de la situation
22:52à Washington.
22:54Le président de la Fédération de Russie
22:56a été naturel
22:58d'envisager des sanctions.
23:00Mais nous voulions également
23:02nous associer à nos alliés européens.
23:04Et nous savions en tant qu'Américains
23:06que le coût économique
23:08des sanctions contre la Russie
23:10et des contre-sanctions de la Russie
23:12seraient ressentis beaucoup plus fortement
23:14en Europe qu'aux États-Unis.
23:18Obama laisserait les Européens
23:20diriger les opérations.
23:22Le premier ministre britannique
23:24a été l'un des premiers
23:26à s'adresser directement à Poutine.
23:30Le problème bien connu de Poutine
23:32c'est qu'il pleure la perte
23:34de l'Union soviétique.
23:36Il veut récupérer des territoires
23:38où il peut.
23:40Et je lui ai dit, c'est une action illégitime.
23:42L'Ukraine est un pays légitime.
23:44Elle a ses propres frontières.
23:46Et la réponse de Poutine a été
23:48qu'historiquement la Crimée avait toujours
23:50pris de la Russie que c'était leur territoire.
23:52C'est mon arrière-cours, ne vous emmêlez pas.
24:02Un sommet d'urgence des dirigeants européens
24:04est organisé.
24:08Cameroun y a proposé toute une série
24:10de sanctions contre la Russie.
24:14J'ai été clair sur le fait que nous n'allions pas
24:16envoyer de troupes en Ukraine.
24:20On veut en faire davantage.
24:22Mais dans nos têtes, on savait
24:24qu'on ne devait pas en faire un conflit
24:26Russie-OTAN.
24:28Mais je pensais qu'on pouvait faire
24:30tout notre possible pour essayer
24:32de nuire à la Russie en imposant des sanctions,
24:34des interdictions de voyager,
24:36des gels d'actifs.
24:46Il y avait deux sujets délicats.
24:48Le premier étant la question de l'énergie.
24:50Un grand nombre de pays européens,
24:52notamment l'Europe centrale,
24:54mais aussi l'Allemagne,
24:56étaient très dépendants du pétrole et du gaz russe.
25:00Et deuxièmement,
25:02certains pays européens,
25:04à nouveau l'Allemagne, mais aussi l'Italie,
25:06exportaient beaucoup vers la Russie.
25:10La théorie Renzi,
25:12peut-être pour des raisons
25:14historiques, parce que l'Italie
25:16et la Russie ont toujours eu
25:18des rapports étroits,
25:20et parce que dans la classe politique italienne,
25:22il y avait une certaine
25:24indulgence à l'égard
25:26de Poutine,
25:28évoquer le lien
25:30que l'Italie avait avec la Russie,
25:32mais aussi le risque que les sanctions
25:34touchent le peuple
25:36et pas les dirigeants.
25:38Il avait même laissé entendre,
25:40ce qui n'était pas faux,
25:42qu'à Londres, il y avait un certain nombre
25:44d'oligarques russes qui étaient accueillis.
25:48Le premier ministre hongrois,
25:50Viktor Orban, a déclaré
25:52qu'il acceptait difficilement l'idée
25:54de sanctions, parce que si elles étaient
25:56appliquées, il y aurait des contre-sanctions
25:58de la part de la Russie.
26:02Angela Merkel
26:04s'est montrée plutôt favorable,
26:06mais a souligné que le sujet de l'énergie
26:08était compliqué.
26:10Sur le moment,
26:12la réaction de l'Europe a été
26:14très contrariante. L'énergie bon marché
26:16était si confortable et si addictive
26:18qu'ils n'ont pas été capables d'outrepasser
26:20leurs politiques pragmatiques.
26:24J'ai dit haut et fort qu'on ne pouvait plus
26:26fermer les yeux. On ne pouvait pas quitter ce Conseil
26:28sans une déclaration claire condamnant
26:30ce qui s'était passé.
26:32Si l'Europe restait inerte,
26:34à ce moment-là, c'était un sauf-conduit,
26:36une liberté
26:38donnée à Poutine pour aller le plus loin
26:40possible. Mais au sein du Conseil
26:42européen, ce n'était pas
26:44facile de faire passer
26:46ce message que les sanctions étaient
26:48nécessaires.
26:50C'est toujours problématique
26:52quand des sanctions sont prises par un groupe
26:54de pays.
26:56Les pays veulent adopter des sanctions,
26:58mais ils ne veulent pas que leur secteur
27:00ou les secteurs où ils ont des intérêts économiques
27:02en subissent les conséquences.
27:05Le Conseil européen
27:07a menacé Poutine de sanctions
27:09s'il ne retirait pas ses troupes.
27:11Ces sanctions
27:13viseraient uniquement quelques personnalités,
27:15mais aucun secteur économique
27:17clé de la Russie. Et surtout,
27:19elles ne seraient pas appliquées immédiatement.
27:26J'ai été très déçu, oui.
27:28Mais je n'ai jamais accusé
27:30publiquement nos amis occidentaux.
27:32Je suis bien conscient
27:34que la stratégie de Poutine
27:36est de diviser l'Union européenne
27:38et de jouer sur ses différences.
27:40Je n'ai jamais fait de déclaration publique,
27:42mais j'ai été très ferme en privé.
27:52Dix jours plus tard,
27:54un référendum organisé en Crimée
27:56sous la coupe de Poutine
27:58est favorable à 93%
28:00à l'adhésion à la Confédération russe.
28:06Un chiffre largement contesté
28:08par la communauté internationale.
28:14Pour Poutine,
28:16cela n'avait aucune importance.
28:30La justice était inévitable.
28:32Elle s'est trahie de génération en génération.
28:34Mais tout a ses limites.
28:36Et dans le cas d'Ukraine,
28:38nos partenaires occidentaux
28:40ont dépassé la limite.
28:42Si l'on s'appuie sur la pompe,
28:44elle va s'effondrer.
28:46Il faut toujours le rappeler.
29:00Pour Poutine, Obama était en Europe
29:02avec un message pour Poutine.
29:24Selon lui,
29:26la Russie n'est qu'une puissance régionale.
29:28Cela n'est pas utile de le dire.
29:30Cela nourrit une certaine rancœur.
29:32Et pour moi,
29:34Poutine est essentiellement un produit de la rancœur
29:36à cause du déclin
29:38et aussi de l'humiliation de la Russie
29:40après l'effondrement de l'Union soviétique.
29:44Quel est l'intérêt d'humilier
29:46ou de créer plus de rancœur
29:48chez quelqu'un comme Poutine ?
29:50Quand Poutine a rencontré
29:52le nouveau président de la Commission européenne
29:54quelques mois plus tard,
29:56il avait l'air plus honnête encore.
30:00Nous discutions de la Crimée.
30:04Poutine a répété sa litanie sur la Crimée
30:08en disant qu'elle faisait partie de la Russie
30:10et de l'ancienne Union soviétique.
30:14Pour la toute première fois,
30:16j'ai remarqué que quelque chose avait changé.
30:20Lorsqu'il a été question de l'Ukraine,
30:22il s'est soudainement exprimé
30:24de manière beaucoup plus brutale que d'habitude.
30:30Il a durci sa position.
30:32Il est très agressif.
30:34Il est très révisionniste
30:36dans son approche de l'histoire.
30:38Il a dit à plusieurs reprises
30:40l'Ukraine est russe
30:42et la phrase qu'il a toujours remise sur le tapis
30:44est celle du président Obama
30:46qui disait que la Russie
30:48ne serait qu'une puissance régionale.
30:50Il s'est vraiment senti blessé et insulté.
30:54Il était au point de subir une nouvelle humiliation.
31:08La Russie est expulsée du club
31:10des plus grandes puissances mondiales.
31:12Le G8 est devenu le G7.
31:16Ce sont des pays industrialisés.
31:18Il était évident
31:20qu'ils traitaient la Russie
31:22comme un extérieur.
31:26Leur désir était de faire de la Russie
31:28un pays agraire
31:30avec beaucoup de ressources minérales
31:32comme la Bulgarie par exemple.
31:34On a toujours été considéré au second plan
31:36comme si ce n'était pas un endroit pour nous.
31:44En Ukraine,
31:46la situation menaçait d'exploser.
31:52La Crimée avait été prise
31:54avec peu de résistance.
31:56Mais dans la région orientale du Donbass,
31:58les forces ukrainiennes
32:00étaient désormais attaquées
32:02par des séparatistes soutenus par la Russie.
32:10À présent,
32:12il était évident que la Crimée
32:14n'était plus le problème principal.
32:16L'armée nous a informé
32:18que des troupes russes
32:20étaient en train d'arriver.
32:22Ils préparaient une invasion.
32:24Il était nécessaire
32:26de protéger l'Ukraine tout entière.
32:34Cet été-là,
32:36la France devait accueillir
32:38les célébrations du 70e anniversaire
32:40du débarquement.
32:42L'invitation de Poutine
32:44était controversée.
32:46Mais le président français,
32:48Emmanuel Macron,
32:50avait organisé un dîner à l'Elysée.
32:54Poutine avait apporté,
32:56au signe de convivialité,
32:58une bouteille de vodka
33:00qu'il avait transportée
33:02avec un sac isotherme.
33:04Je trouvais que l'intention était louable,
33:06même si je ne prenais pas de vodka.
33:08Mais ça témoignait
33:10de l'envie de Poutine
33:12de se réintroduire.
33:14Hollande a insisté auprès de Poutine
33:16que les célébrations du lendemain
33:18en Normandie seraient l'occasion
33:20idéale d'un tête-à-tête
33:22avec le nouveau président ukrainien,
33:24Petro Poroshenko.
33:26Le président Poutine
33:28n'a pas reconnu cette élection.
33:30On avait donc d'un côté
33:32une tension croissante
33:34et de l'autre aucun contact.
33:36On s'est dit,
33:38pourquoi ne pas essayer
33:40de les réunir ?
33:42Poutine voulait venir absolument
33:44et il tient aussi à l'histoire
33:46en considérant que
33:48l'Union soviétique
33:50avec Stalingrad
33:52et avec cette farouche
33:54opposition à l'Allemagne nazie
33:56contribuait à la victoire.
33:58La deuxième raison, c'est que comme il avait été exclu
34:00du G8, il était aussi fondamental
34:02pour lui de se réinstaller
34:04dans la communauté internationale.
34:06Et le prix à payer, c'était
34:08de rencontrer Poroshenko.
34:10Il semblait être d'accord,
34:12mais il n'y avait aucune garantie.
34:14Donc on a dû organiser cette rencontre
34:16dans un climat d'incertitude.
34:32Le lendemain, Poutine a rejoint
34:3419 autres chefs d'Etat en Normandie.
34:36Pour Poroshenko, un milliardaire
34:38ayant fait fortune dans le chocolat,
34:40président de l'Ukraine depuis juin 2014,
34:42la pression était forte.
34:48Bien sûr,
34:50tous les dirigeants du monde
34:52étaient en Normandie pour le jour J.
34:54Et j'ai été surpris
34:56de voir que la file d'attente
34:58des dirigeants qui voulaient serrer
35:00la main d'Obama
35:02était nettement plus courte
35:04que celle des dirigeants
35:06qui voulaient serrer
35:08la main de Poutine.
35:12C'est à partir de ce moment-là
35:14que j'ai mesuré à quel point
35:16il serait difficile pour moi
35:18et pour les Ukrainiens
35:20d'arrêter Poutine.
35:24Poutine ne voulait pas serrer la main
35:26devant tout le monde à Poroshenko.
35:28Il a préféré aller dans une pièce
35:30où il serait certes face à face,
35:32mais pas devant l'ensemble
35:34de l'opinion internationale.
35:38On avait 20 minutes
35:40avant le grand déjeuner
35:42avec tous les chefs d'Etat,
35:44y compris Sa Majesté la Reine.
35:46On ne pouvait pas se permettre
35:48d'être en retard.
35:50On ne dit pas à la Reine d'Angleterre
35:52« Désolé pour le retard,
35:54vous avez dû attendre 15 minutes ».
35:56Ce n'est pas comme ça que ça marche.
35:58Poutine ne voulait pas de cette rencontre.
36:00Il a fait tout ce qu'il a pu
36:02pour l'éviter.
36:04Mais c'est arrivé.
36:06François Hollande et moi
36:08l'avons pris par la main
36:10et accompagné dans une salle.
36:12Hollande s'était assuré
36:14du soutien de la chancelière allemande.
36:18Nous nous sommes tous retrouvés
36:20dans ce château français typique.
36:22Ils étaient assis là,
36:24c'était glacial.
36:26Quand Poutine est entré,
36:28il a dit « D'accord, 10-15 minutes,
36:30pas plus ».
36:32Pourquoi ?
36:34Parce que j'ai un programme
36:36très chargé.
36:38Très bien.
36:40J'ai commencé par la demande
36:42de libération immédiate
36:44de la Crimée.
36:46Poutine a dit en russe
36:48« Il n'y a pas
36:50de troupes russes là-bas ».
36:52Et Angela a ajouté
36:54également en russe
36:56« Ne soyez pas stupides,
36:58voyons ».
37:00Moins de 20 minutes plus tard,
37:02les dirigeants se sont rendus
37:04au déjeuner.
37:06Rien de fondamental
37:08n'avait été conclu.
37:10J'avais un temps contraint
37:12et ce qui pour moi
37:14était décisif, c'était
37:16d'obliger Poutine
37:18d'être dans une posture
37:20de dialogue
37:22avec les nouvelles autorités
37:24de l'Ukraine et faire que nous
37:26puissions engager
37:28un processus qui permettrait
37:30d'éviter la guerre.
37:34Un mois plus tard,
37:36le président des États-Unis
37:38avait un rendez-vous téléphonique
37:40avec Poutine.
37:42L'Ukraine était le sujet prioritaire.
37:44Poutine a dit
37:46« Nous avons tous les deux des intérêts
37:48de l'Ukraine » et Obama l'a repris
37:50en disant
37:52« Vladimir, je n'ai pas
37:54d'intérêt de sécurité nationale
37:56en Ukraine. En revanche,
37:58nous avons un intérêt de sécurité nationale
38:00dans la souveraineté de l'Ukraine ».
38:02Plus tard dans la conversation,
38:04Poutine a mentionné
38:06un événement qui venait d'avoir lieu.
38:08Le président de la Russie
38:10a signalé au président Obama
38:12qu'un accident d'avion venait
38:14de se produire dans la région
38:16de Donbass.
38:18Aucun de nous ne savait
38:20de quoi il parlait.
38:22Je suis parti
38:24après cet appel téléphonique
38:26pour diriger une réunion.
38:28Et en chemin, l'un des membres de mon équipe
38:30m'a remis une note qui disait
38:32« Vous feriez mieux de retourner
38:34à votre bureau. Il y a des valises
38:36et des morceaux de corps qui tombent du ciel
38:38au Donbass ».
38:46Un Boeing 777,
38:48le vol MH17
38:50de Malaysia Airlines,
38:52s'est écrasé dans l'est de l'Ukraine,
38:54à 50 km de la frontière russe.
39:00Selon les premiers rapports,
39:02il aurait été abattu en plein vol.
39:08En à peine quelques heures,
39:10les agences de renseignement
39:12nous ont dit que les Américains
39:14étaient pratiquement sûrs
39:16que le missile avait été tiré
39:18par des séparatistes
39:20qui tenaient des régions
39:22du Donbass
39:24et qu'il avait été fourni
39:26par les Russes.
39:28J'ai eu une conversation
39:30avec Poutine
39:32où il a menti ouvertement.
39:34Il a dû avoir les mêmes preuves que moi.
39:36Il en savait sûrement plus que moi.
39:38C'est ce que nous appelions
39:40au bureau des affaires étrangères
39:42l'approche russe du déni
39:44et du mensonge.
39:46Il était clair
39:48qu'il s'agissait d'une erreur.
39:50Mais la prétendue communauté internationale,
39:52autrement dit la politique
39:54des Etats-Unis et de l'Union Européenne,
39:56a, dès le lendemain,
39:58rejeté la faute sur nous.
40:00C'est encore une façon de creuser,
40:02toujours un peu plus,
40:04ce fossé entre l'Occident et la Russie.
40:12Les séparatistes contrôlant
40:14le site de l'accident,
40:16les enquêteurs n'ont pu ni recueillir de preuves
40:18ni récupérer les corps des victimes.
40:26La plupart des 298 passagers
40:28à bord étaient des ressortissants néerlandais.
40:32Quatre jours après la catastrophe,
40:34le ministre néerlandais des affaires étrangères
40:36participait à une réunion
40:38spéciale aux Nations Unies.
40:42Juste pour une minute,
40:44je ne vais pas vous adresser
40:46comme des représentants de vos pays,
40:48mais comme des maris et des soeurs,
40:50des pères et des mères.
40:52Juste imaginez
40:54que vous receviez d'abord
40:56la nouvelle que votre mari
40:58a été tué.
41:00Et puis, dans deux ou trois jours,
41:02vous voyez des images
41:04d'un fougue
41:06enlevé
41:08une bande de mariage
41:10Je me suis dit que
41:12si je pouvais créer la bonne dynamique
41:14au sein du conseil de sécurité
41:16avec tous les autres pays
41:18qui font pression sur la Russie,
41:20il serait très difficile pour eux
41:22de nous refuser l'accès
41:24pour que nous puissions
41:26rapatrier les corps.
41:40Le discours de Tim Hermans
41:42a fait mouche.
41:44Malgré la résistance russe,
41:46l'ONU a adopté une résolution
41:48exigeant que les services
41:50d'urgence aient accès
41:52au site du crash.
41:54Il veut maintenant s'assurer
41:56que Poutine paiera.
42:02C'est impossible pour moi
42:04de mettre des mots sur la douleur
42:06de la nation néerlandaise,
42:08sur la colère et la tristesse
42:10des gens.
42:12Et il fallait trouver un débouché politique.
42:14Nous devions faire quelque chose.
42:2024 heures après s'être adressé à l'ONU,
42:22Tim Hermans a convoqué
42:24les autres ministres des affaires étrangères
42:26de l'Union européenne.
42:28Il voulait que les sanctions frappent
42:30les secteurs clés de la Russie,
42:32comme l'énergie et les banques,
42:34même si les économies européennes
42:36ne sont pas en bonne position.
42:38Je dis que si on ne réagissait pas
42:40tout de suite,
42:42les Russes imagineraient
42:44avoir carte blanche.
42:46Il était clair
42:48qu'il y avait deux visions
42:50radicalement opposées dans la pièce.
42:52D'un côté, il y avait
42:54les Polonais et les Pays-Baltes,
42:56qui, comme d'habitude,
42:58adoptent une ligne très très ferme
43:00envers la Russie.
43:02Et de l'autre,
43:04il y a les Européens du Sud,
43:06qui sont beaucoup plus réticents
43:08à prendre des initiatives.
43:10J'ai dit, vous ne voulez sûrement pas
43:12être celui qui vient de remettre en question
43:14l'unité de l'Union européenne.
43:16Comment allez-vous expliquer à vos médias
43:18que vous ne voulez pas
43:20que nous imposions de sanctions ?
43:22La plupart des pays ne se sentaient pas
43:24et ne se sentent sûrement toujours pas
43:26menacés par la Russie.
43:28Quand un Lituanien
43:30ou même un Polonais
43:32parle de la Russie,
43:34les Européens de l'Ouest sont sceptiques.
43:36Mais quand c'est un Érlandais
43:38vraiment cool et rationnel qui le dit,
43:40cela a plus d'effet sur eux.
43:44Je pense qu'à l'époque,
43:46certains États membres
43:48avaient le sentiment
43:50qu'on en avait fait assez
43:52ou qu'il était peut-être temps
43:54d'assouplir notre position.
43:56Personne n'a suggéré cela
43:58après avoir écouté France.
44:02Je pense qu'il serait satisfaisant
44:04pour l'Hollande, pour le public dutch,
44:06une chose qui devrait
44:08faire réaliser
44:10le président Poutine
44:12que cette fois-ci,
44:14c'est sérieux.
44:22L'Union européenne,
44:24conjointement avec les États-Unis,
44:26ont imposé à la Russie
44:28les sanctions les plus sévères
44:30en ciblant les secteurs
44:32de l'énergie, de l'armement et des finances.
44:36Mais certains pensaient
44:38qu'ils devraient aller encore plus loin.
44:40Au Pentagone,
44:42des discussions ont été entamées
44:44pour savoir si les États-Unis
44:46devaient envoyer à l'Ukraine
44:48leur fameux missile antichar Javelin.
44:50Le plus important pour nous,
44:52c'était de dissuader les Russes.
44:54On estimait que le système Javelin
44:56était parfait parce qu'il est à la fois
44:58efficace et capable.
45:02Il tue les gens dans les chars.
45:06Donc les sacs mortuaires retournent en Russie
45:08et la Russie a un problème politique.
45:12Evelyn Farkas a présenté son projet
45:14à la Maison Blanche,
45:16aux principaux conseillers d'Obama
45:18sur la Russie.
45:20On ne voulait surtout pas
45:22jeter de l'huile sur le feu.
45:24J'ai dit, ne jouons pas à la surenchère
45:26de la Russie.
45:28La Russie a une frontière de 1600 km
45:30avec l'Ukraine
45:32et elle a une supériorité militaire incontestée.
45:36Pourquoi avoir un rapport de force
45:38avec la Russie alors que nous pourrions
45:40leur imposer des sanctions ?
45:42Nous avions déjà le sentiment
45:44que les sanctions n'allaient pas suffire
45:46à court terme.
45:48J'ai estimé que la situation
45:50était suffisamment urgente
45:52pour mériter d'exiger un prix
45:54désolé de le dire,
45:56de virus.
45:58Ce prix serait la seule chose
46:00qui amènerait Poutine à s'arrêter
46:02et à réfléchir.
46:04Je ne pense pas que Poutine
46:06soit le genre de dirigeant qui va dire
46:08je viens de perdre son soldat,
46:10je vais m'arrêter.
46:12Les Etats-Unis ne voulaient pas
46:14entrer en guerre avec la Russie.
46:16On voulait à tout prix éviter
46:18de les provoquer.
46:20Nous savions que les Européens
46:22prenaient l'initiative
46:24des pourparlers avec Poutine
46:26et donc le fait que les Etats-Unis
46:28interviennent soudainement avec des armes
46:30aurait eu de lourdes conséquences
46:32et semblait problématique.
46:44La violence en Ukraine s'aggravait.
46:48Des rapports faisaient état
46:50qu'il y avait des soldats russes
46:52traversant la frontière
46:54pour combattre aux côtés des séparatistes.
47:00Le président ukrainien
47:02rencontrait Poutine en face-à-face
47:04pour la première fois depuis la Normandie.
47:16Les combats s'étaient intensifiés.
47:18Il y avait d'énormes implications
47:20sur la façon dont cela
47:22pourrait se passer à l'avenir.
47:48On a des ordres de mission
47:50qui prouvent que ce sont des soldats
47:52de l'armée régulière.
47:54J'ai vérifié deux fois.
47:56Non, ils sont en vacances.
48:00On a appelé leurs parents,
48:02leurs épouses.
48:04Tous ont dit qu'ils étaient dans l'armée régulière.
48:08Non, ils étaient dans l'armée régulière,
48:10mais ils se sont perdus
48:12quand ils conduisaient
48:14sur le territoire russe.
48:16Les dirigeants de l'Union européenne
48:18ont dit, Poutine, c'est bon,
48:20arrêtez, arrêtez.
48:22Poroshenko avait l'air
48:24assez abattu et il était visiblement affecté.
48:26Il était clair que les questions
48:28les plus importantes étaient loin d'être résolues.
48:38Sans soutien militaire
48:40de la part de l'Occident,
48:42les forces ukrainiennes sont dépassées
48:44par les soldats armés par la Russie.
48:48En février, la situation est désespérée.
48:54Une bataille cruciale
48:56fait rage autour de la ville de Debaltseve,
48:58un bastion dont la chute
49:00aurait des conséquences désastreuses pour l'Ukraine.
49:04Les dirigeants français et allemands
49:06organisent un sommet d'urgence.
49:10À leur arrivée,
49:12Poroshenko s'entretient en privé
49:14avec la chancelière allemande.
49:18Poroshenko lui a dit très clairement
49:20les forces de défense sont vaincues,
49:22elles peuvent à peine tenir leur position.
49:26Si les Russes parviennent
49:28à franchir cette ligne,
49:30ils pourront aller jusqu'à Kiev,
49:32donc ils avaient besoin d'un accord.
49:34Dans la vie d'un diplomate,
49:36rares sont les occasions
49:38où la vie de milliers de personnes
49:40peut être détruite.
49:42Si on échoue,
49:44si on ne fait pas de compromis,
49:46des gens peuvent être tués.
49:48Mais d'un autre côté,
49:50on ne peut accepter aucun compromis,
49:52car ce serait céder à la pression
49:54qu'ils cherchent justement à exercer.
49:58Les séparatistes avançaient,
50:00gagnaient des territoires.
50:02Et Koutine,
50:04il fallait à la fois que
50:06la date du cessez-le-feu
50:08soit la plus moyenne possible
50:10pour laisser le temps aux séparatistes
50:12de conquérir le maximum de territoires.
50:16Un dîner était prévu
50:18et Mme Merkel,
50:20donc sans raison,
50:22dit
50:24on annule le dîner
50:26pour gagner du temps
50:28et pour aller tout de suite vers la négociation.
50:34C'est dans une petite salle
50:36de ce palais
50:38que les négociations ont eu lieu.
50:40Beaucoup de monde était présent.
50:42Il y avait une grande table au milieu
50:44et toute la nuit,
50:46on nous a apporté de la nourriture
50:48servie sur un buffet.
50:50Nous avons donc été privés
50:52du repas que les piélorusses
50:54avaient préparé et nous avons eu,
50:56en guise d'alimentation,
50:58des sandwiches qui n'étaient pas
51:00de première fraîcheur, mais qu'importe,
51:02l'essentiel était d'avancer.
51:04On a passé toute la nuit là.
51:08Face à Poutine, Poroshenko
51:10n'allait pas révéler la vulnérabilité
51:12de ses forces.
51:16J'ai dit,
51:18que voulez-vous,
51:20tuer plus d'Ukrainiens ?
51:22Vos informations sont erronées.
51:24Nos soldats sont parmi les meilleurs
51:26et nous ne vous laisserons
51:28aucune chance.
51:30Selon moi,
51:32vous pouvez être celui
51:34d'un cessez-le-feu immédiat
51:36et inconditionnel.
51:38Qui peut être contre un cessez-le-feu ?
51:42Poutine a semblé céder.
51:44Il a accepté un cessez-le-feu immédiat
51:46à condition que les forces
51:48ukrainiennes se retirent également.
51:52Tout à coup,
51:54les Russes ont fait marche arrière
51:56sur un point très important,
51:58à savoir le calendrier du cessez-le-feu.
52:02J'ai dit qu'il doit demander
52:04aux séparatistes
52:06ce qu'ils pensent
52:08de cet accord.
52:10Je dis donc à Vladimir Poutine
52:12qu'il doit les appeler
52:14lui-même.
52:16Il me dit mais je ne les connais pas.
52:18Parce que Poutine a aussi
52:20cette manière de faire
52:22qui est celle du mensonge.
52:24De prétendre, contre toute évidence,
52:26une vérité
52:28qui est donc en réalité
52:30un mensonge.
52:32Donc il envoie un émissaire
52:34voir des séparatistes.
52:36On ne savait pas où ils étaient.
52:38À mon avis, ils n'étaient pas loin.
52:40Ils étaient sans doute dans le palais
52:42de Loukachenko.
52:44Et il revient
52:46deux heures après en nous disant,
52:48il est neuf heures du matin,
52:50que les séparatistes refusent
52:52l'accord.
52:54Alors que les pourparlers
52:56étaient sur le point d'échouer,
52:58on prit Poutine en aparté.
53:00Nous allons revoir Vladimir Poutine.
53:02Je dis donc qu'il va être obligé de quitter
53:04et de renforcer encore le niveau des sanctions
53:06et de rentrer
53:08dans un contentieux qui sera
53:10très lourd à l'égard de la Russie.
53:12Alors à ce moment-là, Vladimir Poutine,
53:14qui avait monté en scène
53:16cette situation,
53:18revient à la table de la négociation
53:20et je trouve un compromis
53:22en espérant qu'il ne sera pas
53:24contraire aux intérêts des Ukrainiens.
53:26Le compromis
53:28imposerait que le cessez-le-feu soit retardé
53:30de 48 heures.
53:32Ils étaient inquiets
53:34au sujet de ces 48 heures.
53:36On avait des garanties orales,
53:38mais on n'était pas sûr à 100%
53:40que ce laps de temps ne serait pas utilisé
53:42pour attaquer.
53:44À ce moment-là,
53:46il accepte
53:48le compromis
53:50et passe un coup de téléphone
53:52et revient en nous disant
53:54qu'il peut donner son accord.
53:56Je lui disais, mais à qui vous passez
53:58le coup de téléphone ? Sans doute aux séparatistes
54:00que vous prétendiez ne pas connaître.
54:02Et au terme
54:04de cette nuit très longue,
54:06nous avons sur une table basse
54:08écrit l'accord de Minsk.
54:10Un glissement d'espoir
54:12pour terminer la mort.
54:14Les partis de guerre dans le conflit ukrainien
54:16ont enfin reçu un accord
54:18qui leur a permis de payer le paiement
54:20après 10 mois de lutte.
54:24Même après l'expiration
54:26du délai de 48 heures,
54:28les forces séparatistes ont poursuivi
54:30leur assaut sur Debaltseve.
54:34Cinq jours plus tard,
54:36elles ont pris la ville.
54:40Les forces russes
54:42n'ont pas avancé plus loin en Ukraine.
54:44Mais les combats dans l'Est
54:46n'ont jamais cessé.
54:48Et la Crimée est restée
54:50sous contrôle russe.
54:54Savez-vous ce qu'on a réussi
54:56malgré le fait que la Russie
54:58n'ait pas respecté un seul point
55:00du protocole de Minsk ?
55:02Ces accords
55:04ont donné
55:06huit ans à l'Ukraine.
55:08Huit ans pour monter une armée,
55:10pour bâtir une économie,
55:14et former une coalition mondiale
55:16pro-ukrainienne et anti-Poutine.
55:24Trois ans plus tard,
55:26Poutine a inauguré avec fierté
55:28un pont reliant la Crimée
55:30à la Russie.
55:54Le pont a été qualifié
55:56de violation du droit international.
55:58Les Etats-Unis et l'Union Européenne
56:00ont imposé des sanctions
56:02aux entreprises qui l'ont construit.
56:04Mais cela n'a pas découragé Poutine.
56:24J'ai rétorqué
56:26si la Commission Européenne avait créé l'Ukraine,
56:28je serais probablement au courant.
56:32Il est donc étonnant que
56:34dans l'esprit de Poutine,
56:36l'Ukraine ait été créée de toutes pièces par certains.
56:40Et je pense que ça fait partie du problème.
56:54Merci beaucoup.
57:00J'en veux à l'Occident.
57:02Je nous en veux à nous.
57:04On est coupables de lui avoir permis
57:06un tel niveau d'intimidation.
57:08Les Européens
57:10sont toujours confrontés
57:12à cette épreuve
57:14qui est de leur unité.
57:16Sauf que
57:18quand on ne punit pas suffisamment fort avant,
57:20on est obligé de punir
57:22très fort après.
57:24C'est ce qui se passe aujourd'hui.
57:52Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
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