• il y a 7 mois
Stéphanie Thomas
Réalisatrice de documentaires
Alors que la France s’apprête à commémorer le 80e anniversaire du droit de vote accordé aux femmes, ce documentaire signé Stéphanie Thomas et Jean-Frédéric Thibault retrace deux siècles de lutte des Européennes

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Transcription
00:00 Le 21 avril 1944, les femmes obtenaient le droit de vote en France.
00:05 Dans deux jours, c'est donc le 80e anniversaire de cette décision.
00:09 Et la chaîne parlementaire LCP propose sur sa plateforme un documentaire citoyenne
00:15 qui retrace ce combat des Françaises mais aussi des Européennes pour pouvoir aller aux urnes.
00:20 Votre invitée média, Céline, est la réalisatrice de ce film.
00:23 Bonjour Stéphanie Thomas.
00:24 Bonjour.
00:25 Vous en êtes également l'auteur avec Jean-Frédéric Thibault.
00:27 Vous vous êtes demandé pourquoi la France avait mis autant de temps avant d'accorder
00:31 le droit de vote aux femmes alors que 58 pays dans le monde l'avaient déjà fait,
00:34 et certains depuis bien longtemps.
00:36 Commençons par le commencement.
00:37 C'est la Nouvelle-Zélande qui ouvre la voie, 1893.
00:41 C'est ça.
00:41 Voilà.
00:42 Et finalement, au fil du temps, on va se rendre compte que les États pionniers en la matière
00:46 sont souvent très jeunes.
00:47 Ils n'ont pas des siècles d'existence derrière eux.
00:50 Est-ce que ceci explique cela ?
00:51 Oui, parce que par exemple, si on prend la France,
00:54 elle était installée très confortablement dans sa troisième république depuis 1870,
01:00 et ils n'avaient pas du tout envie de changer ou de voir les femmes prendre un petit peu de pouvoir.
01:06 Le confort leur allait très bien.
01:07 Il ne fallait surtout pas bouger.
01:09 Et la Nouvelle-Zélande était un jeune État.
01:12 Ça a été pareil, je crois, après pour la Finlande.
01:14 La Finlande, 1906, parce qu'ils venaient de se séparer de la Russie.
01:17 Et donc, ils ont saisi l'opportunité.
01:19 Les hommes et les femmes, c'est ça qui est intéressant, c'est qu'ils se sont dit que
01:21 plutôt que de rester l'un contre l'autre, ils ont mis la main dans la main.
01:26 Ils se sont pris les...
01:27 Et hop, ils se sont...
01:28 Un combat mixte.
01:29 Voilà, un combat mixte.
01:30 En France, quand est apparue juste l'idée d'accorder le droit de vote aux femmes ?
01:35 Les femmes en avaient envie depuis très longtemps, en réalité.
01:38 Et il y a plusieurs femmes qui se sont illustrées et qui ont demandé ce droit de vote.
01:43 Dès la Révolution, je crois.
01:44 Dès la Révolution.
01:45 Il y a eu beaucoup de déconvenus, beaucoup de rendez-vous manqués.
01:49 Mais certaines femmes ont porté la voix un peu plus que d'autres.
01:54 On va y revenir, parce que je voudrais parler d'abord des États-Unis et du Royaume-Uni
01:59 surtout.
02:00 Parce que les femmes, là-bas, ont mené un combat très violent, très radical.
02:03 Il y a même une suffragette qui s'est suicidée d'une manière horrible.
02:07 Oui, elle s'est jetée sous les chevaux d'un cheval lors d'un derby à Londres.
02:13 Devant le roi.
02:14 Devant le roi.
02:15 Georges V.
02:16 Mais pourquoi elle a fait ça ? Pourquoi cette méthode-là ?
02:17 Parce qu'au départ, quand elles ont commencé à militer et à demander le droit de vote,
02:21 elles étaient toutes gentillettes et toutes polies.
02:23 Puis au bout d'un moment, ça ne marchait pas.
02:24 Donc elles sont montées au combat.
02:27 Elles ont commencé à faire sauter des ponts, sauter des bâtiments publics, faire sauter
02:34 des boîtes aux lettres aussi.
02:35 Ça ne marchait pas mal.
02:36 Répression assez violente.
02:39 Elles se sont faits castagner, violenter, gaver de force.
02:44 C'était vraiment immonde.
02:45 Parce qu'elles faisaient des grèves de la faim ?
02:46 Elles faisaient des grèves de la faim.
02:48 Il fallait les nourrir de force.
02:49 C'était vraiment moche.
02:50 Oui, on le décrit dans votre documentaire.
02:53 On ne va pas le raconter là maintenant.
02:56 Les Françaises, elles ont mené un combat plus intello.
02:59 Pourquoi cette option-là ?
03:01 Parce que ce n'était pas forcément les mêmes suffragettes.
03:06 En France, c'était les femmes de bourgeois qui se sont dit "Tiens, on va combattre pour
03:11 nos sœurs".
03:12 Et elles étaient un petit peu plus policées.
03:14 Les Suisses, c'est encore autre chose.
03:18 Les Suissesses, elles ont été encore plus calmes.
03:20 Elles faisaient des manifestations avec des escargots géants.
03:23 Très Suisses, finalement.
03:24 Le droit de vote commence à être accordé aux femmes en Europe après la Première Guerre
03:29 mondiale.
03:30 Toujours pas en France, où plusieurs textes en ce sens sont présentés au Parlement.
03:33 Mais les dirigeants politiques, y compris à gauche, les rejettent.
03:37 Ça veut dire, Stéphanie Thomas, que finalement, ce n'est pas une question de clivage politique.
03:40 Ce sont les hommes en général qui ne voulaient pas que les Françaises aillent aux urnes.
03:44 Essentiellement, oui.
03:45 Parce que, par exemple, il y a des hommes qui disaient, un sénateur qui disait "Mais
03:50 les mains des femmes sont faites pour être baisées dévotement, amoureusement".
03:53 Mais enfin, certainement pas pour aller mettre un droit de vote dans une urne.
03:59 Donc voilà, quand on part de là, c'est difficile de la racheter.
04:03 Il y a des femmes qui pensaient ça aussi ?
04:04 Georges Sand, elle n'était pas pour le droit de vote accordé aux femmes.
04:07 Elle n'était pas d'accord pour le droit de vote des femmes.
04:11 Elle voulait absolument avant tout qu'elles soient éduquées.
04:13 Ce qui n'était pas trop le cas à l'époque.
04:16 Non, et puis les hommes aussi, au passage, militaient pour qu'ils soient un peu plus
04:20 éduqués.
04:21 En revanche, il y a des hommes, comme Victor Hugo, qui ont accompagné le droit de vote
04:26 des femmes.
04:27 Parmi les grandes figures du mouvement en France, il y a Louise Weiss, grande féministe.
04:30 Elle s'est présentée au municipal à Paris en 1935.
04:33 Et même pour ça, elle a dû se battre.
04:35 On l'écoute.
04:36 Pour le jour du scrutin, nous avions organisé 36 sections de vote officieuses à l'aide
04:44 de 100 volontaires.
04:45 La police, ayant dispersé nos installations, nos sections de vote se sont réfugiées sous
04:54 les portes cochères et dans les cafés, grâce à l'obligence de commerçants et de concierges
05:00 féministes.
05:01 Cependant, j'ai cru devoir tenir jusqu'au bout une urne symbolique de notre droit.
05:07 Et pour la défendre, j'ai manié la poudre.
05:11 La poudre de riz, s'entend.
05:12 En plus, beaucoup d'humour.
05:14 Louise Weiss, ça date de 1935, donc archi vraiment très ancienne.
05:17 Elle avait des modes d'action hyper modernes.
05:19 Les Françaises ont surtout utilisé ce mode de communication.
05:23 Ce qui est formidable aussi, dans votre documentaire, il y a des passages très touchants.
05:36 Vous avez retrouvé trois femmes qui ont voté pour la première fois au municipal de 1945.
05:42 Elles sont centenaires aujourd'hui.
05:44 Quel genre de souvenir pour elles ?
05:46 C'était une évidence.
05:50 C'était insensé qu'on ne leur ait pas donné ce droit de vote plus tôt.
05:54 J'ai interviewé une résistante, Marie-Josée Chambard de Lau, qui avait été déportée,
06:02 qui a vraiment milité pour avoir ce droit de vote.
06:05 J'ai interviewé deux autres femmes.
06:07 Une qui ne s'est pas mariée en disant "mais c'était compliqué un mari parce qu'on
06:11 n'avait le droit de rien faire".
06:12 Donc au moins, elle, elle pouvait gérer son argent.
06:14 Et pas d'ennui.
06:15 Ce qui était déjà pas mal à l'époque.
06:16 Ce qui était quand même pas mal.
06:17 Et Simone, qui est géniale, elle pense que les droits des femmes ne sont pas encore aboutis.
06:25 Il faut continuer la lutte.
06:26 Elle propose la révolution du haut de ses 101 ans.
06:29 Le combat n'est pas terminé.
06:30 Merci infiniment d'être venue sur France Info.
06:32 C'était Véritablement.
06:33 Votre documentaire citoyenne est disponible déjà sur lcp.fr.
06:37 Merci beaucoup.

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