Le mouvement #MeToo gagne les armées françaises

  • il y a 5 mois
Avec Laëtitia Saint-Paul, députée Renaissance de Maine-et-Loire

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Transcript
00:00 C'est une lame de fond qui est partie du mouvement #MeToo il y a plusieurs années
00:05 et qui petit à petit gagne tous les pans de la société.
00:09 Cette fois-ci c'est l'armée, l'armée française qui est touchée.
00:12 Tout est parti il y a quelques semaines du témoignage poignant d'une ancienne militaire.
00:18 C'était une femme qui était dans la marine, elle a subi pendant des semaines des attouchements forcés et répétés du même marin.
00:25 Des allusions grivoises, des cadeaux pornographiques, des baisers forcés.
00:30 Elle a fini par le dénoncer et il a été sanctionné à 10 jours d'arrêt tout simplement.
00:35 Tout est parti de ce témoignage.
00:38 On a ensuite lancé un mouvement #MeToo aux armées avec des témoignages qui se multiplient
00:42 et qui sont recueillis notamment par notre invitée qu'on a le plus grand plaisir à recevoir.
00:46 Bonjour Laetitia Saint-Paul.
00:48 Bonjour.
00:49 Soyez la bienvenue sur Sud Radio.
00:51 Vous êtes députée Renaissance du Maine-et-Loire, vous êtes députée mais en plus vous êtes capitaine dans l'armée de terre.
00:57 Depuis plusieurs jours, vous recevez tout simplement près d'une vingtaine de témoignages de femmes qui sont agressées sexuellement dans l'armée française.
01:07 Est-ce que ça vous a surpris ?
01:09 Oui absolument.
01:11 Le jour où j'ai soutenu Manon Dubois dans le Courrier de l'Ouest, la presse quotidienne régionale de Maine-et-Loire,
01:18 à partir de ce jour, les témoignages ont afflué dans ma boîte mail via mes réseaux sociaux
01:26 et j'ai pris la mesure qu'il y avait un vrai problème systémique du traitement des victimes, de leur protection au sein des armées.
01:35 J'ai vraiment décidé de prendre ce sujet à bras-le-corps parce que porter l'uniforme est un honneur
01:41 et nous ne voulons pas de harceleurs protégés dans les armées.
01:44 Effectivement, et pourtant c'est bien l'impression que donnait l'histoire de Manon Dubois.
01:50 Vous venez de citer son nom justement, c'est la jeune femme dont je parlais auparavant.
01:54 Dégoûtée, elle a quitté l'armée. Il faut rappeler quand même son histoire.
01:58 J'imagine que pour la militaire que vous êtes, ce genre d'histoire vous fend le cœur.
02:02 D'abord, sans donner de nom, sans donner de détails qui permettraient d'identifier qui que ce soit,
02:08 que racontent ces témoignages que vous recevez depuis quelques jours ?
02:11 Ces témoignages rapportent un mode d'action qui est quasiment systématiquement le même.
02:17 Une jeune femme, jeune engagée, dont c'est le rêve de rejoindre l'armée, pleine de valeur et de joie de vivre.
02:24 Elle est agressée physiquement, sexuellement par un cadre de contact, bien connu de sa hiérarchie,
02:31 généralement qui a d'excellents états de service.
02:34 Spontanément, la hiérarchie porte son empathie vers l'agresseur en se disant
02:38 "Oh mais c'est quand même un bon gars, on ne va pas gâcher sa carrière pour ça."
02:42 Et au final, la victime traumatisée est mise en arrêt maladie,
02:46 parce que forcément quand on est militaire on porte de l'armement,
02:49 et comme il y a un risque de suicide, les femmes agressées sont mises en arrêt et réformées.
02:56 Donc en fait, les armées gardent l'agresseur et quelque part virent la victime.
03:02 Et ça, c'est ce que vous voulez changer, c'est ce que le ministre français des armées veut changer
03:08 en lançant une mission d'inspection sur les violences sexuelles dans ses rangs.
03:12 Alors Laetitia Saint-Paul, vous êtes militaire vous-même, vous êtes une femme.
03:16 C'est vrai que l'armée a toujours été, historiquement, un monde d'hommes.
03:21 Pourtant on a 16,5% de femmes, c'est-à-dire près de 34 000 femmes.
03:27 Est-ce qu'elles sont toutes, à des degrés diverses, victimes ?
03:30 Alors moi je suis pleine d'espoir, je ne crois pas que les armées soient sexistes.
03:35 J'ai eu un beau déroulé de carrière, j'ai commandé ma compagnie, j'ai participé à des opérations extérieures.
03:40 Vous n'avez jamais eu affaire, vous, à des agresseurs, ou alors à des propos, ne serait-ce que des propos déplacés ?
03:46 À mon niveau, si. Donc ce que je voulais dire, c'est que ce n'est pas du tout systématique,
03:52 mais c'est systémique dans le sens où, moi ce que j'ai vécu à Saint-Cyr,
03:56 c'est absolument une anomalie pour une école de la République.
04:01 Et j'ai des témoignages qui me relatent que rien n'a évolué depuis 20 ans, depuis que j'y étais.
04:07 Donc moi je crois qu'il y a des nids, des unités qui sont perverties,
04:11 et là il y aura une grosse, grosse pointe d'effort à faire à ce niveau-là.
04:15 Mais effectivement, heureusement que ce n'est pas systématique, que les femmes ont toutes leur place,
04:20 que pour les besoins opérationnels, désarmés, il est nécessaire de s'adresser à 100% d'une classe d'âge,
04:26 du fait de l'impératif de jeunesse. Heureusement que les femmes ont toutes leur place.
04:31 - Toutes sont pas toutes victimes, voilà, effectivement. Ceci dit, qu'est-ce qui vous arrive, vous ?
04:34 Vous dites "ce qui m'est arrivé à Saint-Cyr est en quelque sorte une exception". Qu'est-ce qui vous est arrivé ?
04:41 - Alors, dès le lycée militaire, moi j'ai fait mes classes préparatoires aux grandes écoles,
04:47 aux Britanniques Nationales Militaires de la Flèche, et tout a été fait pour que les femmes démissionnent,
04:53 parce que la place de Beaumont est à la maison. Et j'avais cru que cela changerait...
04:58 - C'est un test qu'on vous a dit ?
05:00 - J'avais espoir que cela changerait une fois avoir réussi le concours de Saint-Cyr, une fois élève officier,
05:06 mais en fait la pression a été encore plus forte, avec un encadrement qui cautionnait toutes les dérives quasi sectaires,
05:15 et effectivement le but était atteint, puisqu'à peu près toutes les femmes démissionnaient,
05:21 soit au cours des classes prépa, soit pendant la scolarité à Saint-Cyr.
05:25 Mais ce témoignage n'aurait aucun intérêt si les choses avaient évolué,
05:28 mais les retours que j'ai c'est que ça a plutôt empiré.
05:31 À mon époque c'était des agressions sexistes, et désormais il y a des agressions sexuelles.
05:36 Donc il y a vraiment des unités perverties, où il y a un gros travail à faire au niveau de l'inspection.
05:43 - Vous êtes en train de dire qu'à Saint-Cyr, qui est l'une des écoles les plus prestigieuses du monde militaire français,
05:49 on fait tout en fait, en brimant les femmes qui viennent y étudier, pour les décourager, les faire partir,
05:57 parce que vous l'avez dit vous-même, et c'est ce qu'on a dû vous dire, la place de Bobonne, donc la vôtre est à la maison, c'est ça ?
06:03 - Oui absolument. - Et ça continue à s'épire aujourd'hui ?
06:06 - Dans les échos que j'ai, à travers les témoignages que je reçois, visiblement il y a des cas actuellement d'agressions sexuelles.
06:14 Donc moi je suis inquiète, et je demande explicitement à ce que les inspecteurs généraux diligentés par le ministre
06:21 aient une pointe d'effort sur les écoles, où je constate des grosses dérives,
06:26 et je vois dans certaines unités que les problèmes sont systémiques.
06:31 Donc oui, moi je suis inquiète pour certaines personnes au sein de certaines unités,
06:38 et c'est pour ça que je suis fière du gouvernement qui accrédite à 100% la parole des victimes,
06:43 et qui a diligenté cette inspection.
06:45 - Et qu'est-ce qu'il faut faire de ces agresseurs, et de ceux qui les protègent manifestement dans l'armée ?
06:51 - Alors moi j'ai dit à corps et à cri depuis quelques semaines qu'il faut absolument s'en débarrasser,
06:59 et qu'ils aient des sanctions militaires suffisamment fortes pour qu'on puisse les pousser en dehors de l'institution.
07:10 Et là je suis très heureuse que le ministre ait aussi pointé la responsabilité du chef.
07:14 Il écrit noir sur blanc "ceux qui tolèrent ces agressions ou les minimisent".
07:19 Donc ça c'est évident qu'il y a une immense responsabilité de la chaîne commandement.
07:24 Dans des unités, quand il y a un problème, et heureusement j'ai des témoignages positifs où tout a été bien fait,
07:31 on arrive à protéger la victime et à écarter l'agresseur,
07:35 mais il y a quand même une fâcheuse tendance à minimiser.
07:38 Celle qui dénonce le problème devient le problème.
07:42 - Effectivement. En gros, un schéma qui se répète et qu'on a vu dans d'autres parties de la société.
07:47 Merci pour votre témoignage mon capitaine.
07:49 Je rappelle Laetitia Saint-Paul que vous êtes d'une part capitaine dans l'armée de terre,
07:53 et d'autre part députée Renaissance du Maine-et-Loire.
07:55 On reprendra de vos nouvelles parce que j'imagine que les témoignages, malheureusement, vous allez continuer à en recevoir.
08:00 On va suivre ce dossier évidemment.
08:02 Et puis pour toutes celles qui nous écoutent et qui sont peut-être sous les drapeaux et qui avaient peur d'en parler, n'oubliez pas, on vous croit.
08:08 C'est important de le dire quand même sur Sud Radio.

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