Près de 5 %. C’est la proportion de vétérinaires en France qui auraient tenté de mettre fin à leurs jours. Du rêve d’enfant à la dure réalité du terrain, il y a un fossé qui doit pousser la profession à se réinventer. On en parle avec Émeric Lemarignier du SYNGEV, le syndicat des groupes d’établissements vétérinaires.
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00:00 [Générique]
00:12 Bien dans son job pour parler d'un métier alors que ceux qui ont des animaux de compagnie
00:16 ou même vous qui êtes agriculteur, c'est le métier incontournable, les vétérinaires.
00:20 Un métier où il est difficile aujourd'hui de recruter et un métier où il faut redonner envie
00:25 peut-être à vous, jeune génération, de vous engager dans la profession.
00:29 On en parle avec Emeric Lemarigny. Bonjour Emeric.
00:31 - Bonjour.
00:32 - Ravi de vous accueillir. Vous étiez venu il y a un an pour nous parler des difficultés de recrutement.
00:36 Mais là on va affiner un tout petit peu. Vous êtes le président du syndicat des groupes d'établissement vétérinaires, le SINGEV.
00:42 - SINGEV. Ça marche.
00:44 - D'abord un mot très fort que j'ai découvert en préparant cette émission,
00:50 le rapport Didier Truchot 2022 qui pointe du doigt des risques forts de suicide chez les vétérinaires.
00:57 Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui fait qu'un vétérinaire se retrouve dans une situation un peu comme le monde agricole,
01:03 à avoir des tentations de suicide ?
01:05 - Alors c'est vrai, le rapport Truchot a été un peu un choc mais il a mis en lumière une réalité.
01:11 Les vétérinaires sont plus prédisposés au suicide que la moyenne de la population française, beaucoup plus.
01:16 Et beaucoup, beaucoup de vétérinaires, quasiment 25%, ont des idées à science suicidaire au cours de leur carrière.
01:21 C'est impressionnant. On ne croirait pas, on a toute cette image du vétérinaire, ce métier idyllique, épinal.
01:27 - Oui, qu'il a rêvé quand il était petit, il est devenu vétérinaire.
01:29 - Tous les petits enfants rêvent encore d'être vétérinaire au moins une fois dans leur enfance en France.
01:34 - Mais c'est quoi ? C'est l'isolement ? C'est la pression ?
01:36 - Alors, ce n'est pas forcément l'isolement puisque aujourd'hui, les équipes tendent à grossir.
01:40 C'est ce dont on parlait la dernière fois. Le métier change.
01:44 - Ça se concentre.
01:44 - En revanche, on en parlait justement, il y a des difficultés de recrutement.
01:48 Donc il y a une grande tension. Ceux qui sont là ont beaucoup de travail.
01:51 Ça, c'est un premier point. Et ils font beaucoup d'heures sur un métier qui est face au public,
01:56 qui n'est pas facile puisqu'il faut avoir à gérer un client qui est souvent stressé
02:00 parce que l'animal est quelque chose de très important pour lui, quasiment un membre de sa famille.
02:04 Et puis, ce sont des situations pour lesquelles on n'est pas formé à agir, pas forcément formé pour réagir.
02:12 - Mais là, vous nous éclairez sur finalement un mot que vivent les chauffeurs de bus,
02:16 que vivent tous ceux qui ont des relations avec le public, c'est-à-dire de plus en plus de tensions,
02:21 pour ne pas dire de violences, qui fait que le vétérinaire était venu soigner avec son cœur
02:25 et il se retrouve à gérer des situations de conflit parce que c'est aussi de ça dont on parle.
02:29 - Oui, je pense que le changement se fait vraiment du statut de l'animal qui, du coup,
02:33 met un supplément de pression sur le vétérinaire qui, lui, n'est pas formé pour réagir dans ces situations.
02:38 Et ça met une situation de stress.
02:40 - Mal-être au sein de la profession, ça c'est un sujet que vous adressez
02:43 parce que j'imagine que c'est une vraie réflexion que vous menez au sein du CINGEV.
02:47 Là, j'ai bien dit ? - CINGEV.
02:48 - CINGEV. Et puis, il y a aussi un autre volet qui est à le pendant, ce sont les départs prématurés,
02:54 c'est-à-dire des gens qui disent « je ne vais pas aller au bout de cette carrière dont j'avais rêvé,
02:57 je vais passer à autre chose ». Ça aussi, c'est un signal d'un malaise.
03:02 - C'est un cercle vicieux parce que les personnes qui sont là ne sont pas assez nombreuses.
03:05 Comme elles ne sont pas assez nombreuses, elles prennent plus de pression et elles s'en vont plus tôt.
03:09 Aujourd'hui, l'âge des moyens de départ, à la retraite entre guillemets en tout cas,
03:14 des départs de la profession pour une femme est en dessous de 42 ans dans notre profession.
03:19 - Usée, c'est-à-dire qu'elle s'en va.
03:21 - Changement de carrière, réorientation.
03:24 Dans mon entreprise, une de mes vétérinaires est devenue architecte d'intérieur.
03:28 Mais c'est louable, c'est un très beau métier aussi.
03:31 Ce qui est dommage, c'est qu'on n'arrive pas à garder ces professionnels qu'on a formés pendant des années en plus.
03:35 - Votre syndicat travaille évidemment sur l'attractivité de ce métier, sur les formations,
03:39 parce qu'il faut aussi former des étudiants, on en manque.
03:44 Quelles sont vos recommandations ?
03:45 Qu'est-ce que vous mettez en place pour tenter d'endiguer la fuite des vétérinaires
03:50 et aussi limiter les risques de suicide ?
03:52 Il y a eu des cas de suicide où on n'est que sur la tentation du suicide ?
03:56 - Il y a des cas de suicide, clairement.
03:59 Je n'en ai pas personnellement dans mon entreprise,
04:00 mais il est vrai que dans nos promotions, nous avons connaissance de personnes
04:05 qui vont jusqu'à cette extrémité et c'est désolant.
04:09 Dans le cadre du syndicat, notre première action est d'engager les pouvoirs publics à former plus de vétérinaires,
04:16 parce que c'est un peu la racine du mal.
04:19 On n'est pas assez nombreux, on prend trop de pression.
04:21 Le ministère a fait beaucoup d'efforts, une cinquième école a été créée.
04:25 Ce sont de très bons signaux, mais il faut continuer, il faut aller plus loin.
04:29 D'autre part, la profession prend conscience du problème,
04:32 le Saint-Gève et les autres acteurs de la profession, pour mesurer le problème.
04:36 On ne résout que ce qu'on mesure.
04:38 Donc déjà, mettre en lumière, c'est scientifique.
04:42 - C'est la base.
04:44 - Je pense que maintenant qu'on a vraiment le problème en tête,
04:46 différentes initiatives sont prises pour aller voir, mesurer et pointer les situations à risque pour intervenir.
04:54 - Un dernier mot sur l'évolution de ce métier,
04:59 parce qu'il faut quand même distinguer le vétérinaire de centre-ville très urbain avec une population de chats, de chiens et de bois,
05:05 du vétérinaire qui fait des centaines de bornes pour aller faire veller un veau, pour aller soigner une vache.
05:10 Ce n'est pas le même métier, j'ai envie de dire presque.
05:12 - Effectivement, ce sont deux métiers qui deviennent assez différents.
05:14 Mais ça reste une profession unie avec les mêmes enjeux,
05:17 que ce soit un éleveur que l'on connaît qui soit très stressé de perdre son outil de travail ou un propriétaire d'animal.
05:23 - Ils sont revenus d'ailleurs, lui.
05:24 - Oui, c'est ça.
05:25 Et un propriétaire d'animal de compagnie qui, lui, perd un membre de sa famille.
05:29 On est dans les deux cas sur une gestion d'une situation humaine compliquée pour laquelle il faut être préparé.
05:35 - Merci. Merci, Emeric Lemarinier.
05:37 - Merci à vous.
05:38 - Ce n'est pas un coup de gueule, mais en tout cas, presque une seule lettre d'alarme,
05:41 parce que c'est un vrai sujet quand on parle de suicide dans une profession.
05:44 On se souvient des suicides à France Télécom qui avaient été très médiatisés.
05:47 Tout ça passe un tout petit peu sous les écrans radars, la situation des vétérinaires.
05:52 - C'est vrai que notre profession a un gros capital sympathie et une tendance à masquer les réalités qui sont parfois un peu plus...
05:58 - Exactement. Un peu tabou, pour ne pas le dire comme ça.
06:01 Merci. Merci, Emeric, président du syndicat des groupes d'établissements vétérinaires,
06:04 le SINGEV ou le SINGEV, en fonction de la région où on habite.
06:08 - Merci beaucoup.
06:09 - On tourne une page, c'est le Cercle RH.
06:11 Et c'est un grand entretien.
06:12 D'ailleurs, qui va peut-être faire écho à l'attitude des vétérinaires et de leurs clients, le leadership spirituel.
06:19 Qu'est-ce que c'est ?
06:20 C'est le titre d'un livre écrit par Didier Pitelet.
06:22 Et c'est notre invité.
06:23 Et c'est un grand entretien, évidemment.