Les planches originales de BD, dessinées par la main de l’artiste, vont avoir une certaine valeur. Un secteur d’investissement qui oscille entre passion, nostalgie et art qui rencontre un franc succès depuis la fin des années 80. Florian Bourguet, expert en bandes dessinées et planches originales, explique pour SMART PATRIMOINE ce marché atypique.
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00:04 Et c'est parti pour Patrimoine Passion, le rendez-vous dédié à l'investissement plaisir, passion ou alternatif de Smart Patrimoine.
00:09 Et en l'occurrence, nous allons nous demander ensemble comment investir ou collectionner des planches originales de bandes dessinées.
00:16 Pour en parler, nous avons le plaisir de recevoir sur le plateau de Smart Patrimoine Florian Bourguet.
00:20 Bonjour Florian Bourguet.
00:21 Oui bonjour.
00:22 Bienvenue sur le plateau de Smart Patrimoine.
00:23 Vous êtes expert en bandes dessinées et en planches originales.
00:26 Ça tombe bien, c'est le sujet de notre discussion aujourd'hui.
00:29 C'est vrai que Patrimoine Passion, c'est un rendez-vous où on explore un petit peu effectivement tous les investissements passion.
00:34 La dernière fois, vous étiez venu nous parler de cartes Pokémon.
00:36 Aujourd'hui, on s'intéresse non pas aux bandes dessinées mais aux planches originales de bandes dessinées,
00:41 c'est-à-dire celles qui ont été dessinées par la main de l'artiste.
00:44 C'est ça qui a de la valeur ou qui a le plus de valeur dans le marché aujourd'hui ?
00:47 Exactement. Dans le marché de l'art, dans les ventes aux enchères de bandes dessinées,
00:51 on a les albums qui sont ce qu'on peut trouver dans les librairies,
00:55 alors qu'ils sont plus ou moins anciens, qui ont moins de valeur.
00:57 Bien sûr.
00:58 Les produits dérivés qui sont tout ce qui est statuette, sérigraphie, lithographie,
01:02 et le monde des originaux.
01:03 Les originaux, c'est le dessin de la main de l'auteur qui permet, une fois qu'il est reproduit,
01:09 de faire un album qui est mis en couleur et c'est l'album que vous avez dans les mains.
01:13 C'est un original.
01:14 D'accord.
01:15 C'est un vrai dessin.
01:16 Quand on dit dessin Astérix, c'est une planche où il a travaillé laborieusement ou pas,
01:21 parce que c'est plus facile pour lui, et vous achetez cet original.
01:25 Donc on achète finalement un dessin, pas une planche de bande dessinée,
01:28 un dessin, une scène, une vignette.
01:31 On achète une toute petite partie de l'histoire de la bande dessinée.
01:34 D'accord.
01:35 On peut acheter, si on a beaucoup de moyens, une couverture d'album,
01:38 ou on peut acheter une planche extraordinaire où il y a Tintin, Milou, le capitaine Haddock.
01:42 Si on a un petit peu de moyens, on achète une case ou on achète une dédicace.
01:46 D'accord.
01:47 Et ça, on les trouve où alors ces planches originales ?
01:49 Elles sont conservées par les artistes eux-mêmes, par les éditeurs ?
01:52 Alors en France, on va parler de la France, c'est conservé par les artistes la plupart du temps.
01:57 Mais il faut comprendre que c'est un marché qui, avant le milieu des années 80,
02:01 les planches n'avaient aucune valeur.
02:04 D'accord.
02:05 Ça valait zéro.
02:06 C'était un outil de travail.
02:07 Un outil de travail.
02:08 À la fin, c'était ou conservé par l'éditeur ou jeté.
02:11 Et il y a eu des galeristes qui ont eu le nez fin, qui ont commencé à se lancer dans ce milieu-là.
02:15 Les premières ventes aux enchères au début des années 90,
02:18 et ce qui fait qu'après 40 ans, on a un marché qui est mature,
02:22 où il y a environ entre 30 et 40 millions d'euros en vente aux enchères chaque année concernant les originaux.
02:29 D'accord.
02:30 Oui, parce qu'on imagine forcément qu'un original de Hergé ou de Uderzo,
02:33 pour ne citer que ceux-là, sont forcément des dessins ou des planches,
02:37 en tout cas, qui ont une certaine valeur.
02:39 Aujourd'hui, on peut dire que le marché est mature ?
02:41 Oui.
02:42 Le marché, il a 40 ans.
02:43 Le gros des collectionneurs sont apparus avec ce marché.
02:46 Ce sont des gens qui ont entre 50 et 70 ans.
02:48 Ils sont là depuis l'origine du marché parce qu'un achat plaisir.
02:51 On ne vient pas pour investir dans la bande dessinée.
02:53 On vient parce qu'on aime ça, on aime cette hauteur, on aime la voir au mur,
02:56 on aime le regarder tous les jours.
02:58 Et c'est ça qui est important.
02:59 Ce qui fait que les modes changent.
03:01 Ce qui était collectionné il y a 40 ans, ce n'est plus forcément la même chose qui est collectionné actuellement.
03:05 Mais ça reste un monde de passionnés.
03:07 Aujourd'hui, comment évolue le marché sur un horizon de temps plus court ?
03:11 Sur un horizon de temps plus court, sur depuis un an par exemple ou deux ans,
03:14 est-ce qu'on a vu une progression de ce type d'investissement en lien notamment avec une décorrélation
03:20 de ce qu'on pouvait voir sur les marchés financiers ou au contraire ?
03:23 Nous, on est complètement décorrélés de l'actualité politique ou financière de la planète.
03:29 C'est-à-dire que c'est un vrai monde de passionnés où tout le monde se connaît,
03:32 où les personnes qui continuent à acheter actuellement, ils achetaient déjà il y a 20 ou 30 ans.
03:37 On est moins susceptibles d'avoir des baisses liées à l'actualité.
03:43 Par contre, on a un désintérêt pour les dessins les plus anciens.
03:47 C'est-à-dire que maintenant tout ce qui est...
03:48 En lien avec l'âge des collectionneurs.
03:49 Voilà exactement.
03:50 C'est-à-dire qu'avant la deuxième guerre mondiale, c'est devenu très compliqué parce qu'on n'a plus de collectionneurs.
03:55 Le marché de la BD, c'est un marché nostalgique.
03:57 C'est-à-dire qu'on rachète principalement ce qu'on a lu quand on avait 15, 20 ans.
04:00 Et une fois qu'on a les moyens et qu'on est adulte, on se fait plaisir.
04:03 C'est-à-dire que ça marche par génération.
04:05 Les gens qui collectionnaient l'avant-guerre, ça veut dire qu'ils ont connu l'avant-guerre.
04:08 D'accord.
04:09 Donc, ils ont 90 ans.
04:10 Il y en a de moins en moins.
04:11 Et ceux qui restent, ils n'ont pas forcément envie de collectionner.
04:13 On collectionne.
04:14 Alors, Karim, peut-être que certains vont effectivement s'émouvoir du fait que j'associe la BD à l'enfance par exemple.
04:19 Ce qui n'est pas le cas, je le sais.
04:21 Mais on collectionne ce qu'on a lu quand on était jeune, c'est ça ?
04:24 Oui, voilà.
04:25 Principalement.
04:26 Après, les goûts évoluent.
04:27 On rencontre d'autres auteurs, d'autres environnements graphiques qui peuvent nous plaire.
04:31 Et dans ce cas, on va acheter des originaux une fois qu'on rentre, qu'on met le pied dans cet univers-là.
04:35 Généralement, on y reste très longtemps.
04:37 Mais globalement, ce qu'on aime le plus, c'est ce qui a marqué son adolescence.
04:42 C'est-à-dire, c'est la nostalgie.
04:43 Et c'est la même chose en musique.
04:45 Généralement, ce qu'on écoute à 40, 45 ans, c'est ce qu'on écoutait quand on avait 15 ans.
04:49 Si on compare, je prends deux franchises françaises ou européennes en tout cas, Tintin et Astérix.
04:56 Astérix, c'est une franchise qui continue d'exister aujourd'hui.
04:59 Tintin, ce n'est pas forcément le cas.
05:01 Est-ce que du coup, on voit qu'il y en a une qui fonctionne mieux que l'autre en matière de planches originales ou pas forcément ?
05:06 En termes d'originaux, le haut du panier, c'est Hergé.
05:10 Tintin et Milou, parce que c'est l'origine de la bande dessinée.
05:14 C'est la Belgique, c'est 30 ans d'avance sur tous les autres.
05:17 C'est la création de la ligne claire, des mécanismes qui organisent les bandes dessinées.
05:22 Tintin et Milou, ça a été très important de 1930 à 1980.
05:29 Astérix, c'est plus franco-français.
05:31 C'est-à-dire qu'on aime l'humour gaulois, les années 60, les jeux de mots, les plusieurs niveaux de lecture dans une bande dessinée.
05:40 Ce qui fait qu'une planche d'Astérix, ça a une très grosse cote.
05:43 Ça vaut entre 80 et 300 000 euros.
05:46 Mais est-ce que le fait que d'autres artistes reprennent ces franchises pour continuer à les faire vivre, crée de nouveaux potentiels collectionneurs à venir ?
05:56 On pourrait le penser, mais en fait non.
05:59 D'accord, ok. On voit que c'est clair.
06:01 Ce que veulent les collectionneurs chez Astérix, par exemple, c'est du Derzo, du Derzo des années 60-70.
06:08 Et ce qui est plus tardif, ça a moins d'intérêt.
06:11 Dernière question, si on veut aujourd'hui investir dans une planche de bande dessinée, donc on va à une planche originale de planche de bande dessinée, on va chez un galeriste ?
06:19 On va chez un galeriste. On achète ça en vente aux enchères.
06:21 Donc comme une œuvre d'art en fait.
06:22 Comme une œuvre d'art. Comme ça, on est moins sûr d'avoir une facture, ce qui est important.
06:25 Une facture, on sait ce qu'on achète. Un certificat d'authenticité.
06:30 Quand vous achetez en vente aux enchères, vous avez une garantie d'authenticité pendant 5 ans.
06:35 Ce qui est largement suffisant pour le collectionneur. Et on sait ce qu'on achète.
06:41 D'accord. On peut faire expertiser une planche originale de bande dessinée ?
06:46 Ça, c'est des choses qui arrivent ?
06:47 On fait ça tous les jours.
06:48 D'accord.
06:49 C'est-à-dire que vous avez plusieurs experts sur la place publique de Paris qui sont importants et qui expertisent tous les jours des planches originales, des collections.
06:58 Et parfois, on a des belles surprises dans les collections qu'on peut voir.
07:02 Encore une question, même si j'avais dit que c'était la dernière.
07:05 Si j'ai 100 euros, 1000 euros, 10 000 euros, je trouve forcément une planche originale où il y a quand même un budget minimum à y consacrer pour avoir quelque chose de qualité ?
07:13 En fait, tout dépend de la renommée de l'auteur. Si vous aimez un auteur qui est moins connu, à 100, 150 euros, vous pouvez vous faire plaisir.
07:20 D'accord.
07:21 Par contre, sur un auteur, sur les 50 grands noms de la bande dessinée Franck Combel, ça va être plus compliqué. Le ticket d'entrée va être autour de 6, 8 000 euros.
07:29 Et est-ce que le cours de ces planches originales peut fortement varier à la hausse ou à la baisse ?
07:35 Oui. Comme on a pu le voir, quand la génération de collectionneurs est passée, c'est plutôt à la baisse.
07:42 Et à la hausse, actuellement, c'est un phénomène qu'on voit, c'est-à-dire qu'on se rapproche du marché américain.
07:46 Un auteur lambda qui vaut 1000 euros la planche, entre la très belle planche qui va être recherchée par tous les collectionneurs et une planche plus anecdotique de l'album, on peut avoir une différence de prix de x10.
07:58 D'accord. Donc le nom ne fait pas tout, finalement. Il faut que ce soit une planche particulière.
08:02 La scène clé, le héros, la présence d'un décor particulier, voilà. Ça intervient sur le prix de la planche.
08:10 Et un auteur, par exemple, comme Giraud, le créateur de Blueberry, avec Charlie, sur la bonne période, c'est-à-dire dans les années 70, une planche peut s'échanger autour de 8, 10 000 euros ou faire 60, 80 000 euros si elle est somptueuse.
08:23 D'accord.
08:24 Merci beaucoup, Florian Bourguet, de nous avoir accompagné dans ce Parts de Patrimoine.
08:27 Je rappelle que vous êtes expert en bande dessinée et en planche originale. Merci beaucoup.
08:30 Merci à vous.
08:31 Et quant à nous, on se retrouve tout de suite dans Enjeu patrimoine.