Carine Fouteau prend la suite d’Edwy Plenel à la tête du quotidien numérique Mediapart et promet de poursuivre le travail d’information. "C'est par nos révélations qu'on fait la différence", dit-elle.
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00:00 - Céline Baidercourt, votre invitée média est la nouvelle présidente de Mediapart.
00:04 Elle succède à Edwi Plenel, le fondateur du journal en ligne qui a quitté hier la rédaction.
00:08 - La direction en même, Jean-Rémi.
00:11 - Je vais lui trouver, pardonnez-moi.
00:12 - Bonjour Karine Fouto.
00:13 - Bonjour.
00:14 - Vous qui avez été choisie, et c'est quand même une surprise en tout cas pour nous,
00:17 parce que beaucoup s'attendaient à voir un Fabrice Arfi, par exemple,
00:21 historique de Mediapart et qu'on voit régulièrement dans les médias.
00:23 Vous-même, vous attendiez-vous à devenir présidente et directrice de la publication ?
00:27 - Alors oui, je m'y attendais, parce qu'on prépare ça depuis très longtemps.
00:31 On prépare ça depuis deux ans à peu près avec Edwi.
00:34 Il m'a proposé de lui succéder au moment où j'étais co-directrice éditoriale de Mediapart.
00:43 J'ai réfléchi d'abord, j'ai pris le temps de me poser.
00:47 - Pas sûr d'avoir envie ?
00:48 - D'essayer d'habiter cette fonction.
00:51 Et puis en fait, c'est en discutant avec les uns et les autres, avec les fondateurs,
00:55 mais surtout avec l'équipe, que j'ai compris que c'était le moment pour Mediapart d'ouvrir une nouvelle page.
01:01 Et là, je me suis dit, bien sûr, on y va, on est prêt, donc allons-y à fond.
01:05 - Ouvrir une nouvelle page avec une femme, ça c'était un critère essentiel ou pas ?
01:09 - C'était, en tout cas moi je m'en félicite.
01:11 Ce qui m'intéresse dans cette question, c'est la manière dont on arrive à produire ce résultat,
01:17 c'est-à-dire avoir une femme présidente, mais aussi en vérité quatre femmes au plus haut poste de Mediapart.
01:22 Puisque à mes côtés, je peux compter sur Cécile Sourc, qui est la directrice générale,
01:28 et Valentino Berti et Lenaïc Bredoux, qui sont les co-directrices éditoriales.
01:33 Et on en arrive là, comment ?
01:34 Parce qu'on a organisé tout ça, c'est-à-dire qu'à Mediapart,
01:37 on a les questions d'égalité entre les femmes et les hommes chevillées au corps.
01:43 Et donc en interne, on s'organise pour assurer des vraies conditions d'égalité sur les salaires,
01:48 sur la progression dans la carrière, sur le recrutement évidemment.
01:52 Et puis vous connaissez aussi notre intérêt sur ces questions de genre éditorialement.
01:58 Justement, donc là c'est pour être plus cohérent peut-être avec vos sujets ?
02:02 En tout cas éditorialement, c'est vrai qu'on a été les premiers à ouvrir ce champ d'investigation
02:07 avec notre enquête sur Denis Bopin, qui remonte à 2016,
02:11 soit un an et demi avant le début du mouvement #MeToo.
02:16 Et donc cette enquête, elle a ouvert vraiment un champ d'investigation
02:19 et toute la presse ensuite s'en est emparée.
02:23 Et puis la Gender Editor, ce poste de responsable aux questions de genre qu'on a créé
02:30 et qui était occupé, et qui d'ailleurs l'est toujours, par les naïfs de Bredouf.
02:35 Vous étiez la première rédaction à mettre ce poste en France.
02:39 Exactement.
02:39 Il y avait aussi peut-être une volonté que votre média ne soit plus incarné
02:42 par une personnalité aussi forte qu'Edouide Plenel ?
02:45 Tout à fait. Je pense que pendant 10-12 ans, ça a été important d'avoir Edouide
02:51 comme figure tutélaire qui représente le journal, qui l'impose dans le paysage médiatique.
02:58 Et puis je crois que c'est bon, la légitimité de Mediapart est acquise
03:02 et maintenant l'étape est venue de donner à voir l'équipe dans sa richesse.
03:05 Est-ce qu'il va continuer à écrire Edouide Plenel ?
03:07 Alors Edouide, bien sûr, il va continuer d'écrire.
03:11 On s'est posé la question de l'intérêt du journal.
03:16 Est-ce que sa voix compte pour nous comme équipe ?
03:18 Et est-ce que sa voix compte surtout pour nos lecteurs et nos lectrices ?
03:21 Et on s'est dit oui, bien sûr.
03:23 Sa voix, son écriture, sa manière de réfléchir, sa manière de composer des articles
03:27 avec une grande profondeur historique, politique, ça nous intéresse.
03:31 Donc bien sûr, on lui a proposé de continuer d'écrire.
03:36 Et donc il passera au journal quand il le souhaitera pour écrire ses articles.
03:41 Mediapart fait ses 16 ans, c'est un pionnier puisqu'il a un modèle économique
03:45 qui était très novateur à l'époque, sans publicité et sur abonnement.
03:47 Vous, vous y avez cru dès le départ à ce modèle-là ?
03:49 Alors franchement, oui.
03:52 C'est facile à dire aujourd'hui, mais...
03:53 Je suis partie des échos en 2008.
03:56 Je travaillais aux échos et je suis partie au moment du rachat par LVMH.
04:01 C'est vraiment à ce moment-là.
04:02 Et donc c'était sur une question, un enjeu d'indépendance déjà
04:05 que j'ai quitté ce quotidien économique.
04:08 Et quand j'ai rencontré Edoui, il m'a tout de suite évidemment parlé de ce projet.
04:12 Parce que comme vous le disiez, c'était assez à contre-courant en ce moment-là
04:15 de faire le pari de la valeur de l'information et donc de l'abonnement.
04:20 Et j'y ai cru parce qu'en fait, le projet était si simple.
04:25 L'indépendance totale, indépendance économique qui garantit notre indépendance éditoriale
04:30 et faire le choix des révélations, de l'investigation.
04:34 Je me suis dit que bien sûr, ça avait toutes ces chances pour que ça fonctionne.
04:37 - Et aujourd'hui, évidemment, Paris-Gagné, c'est une juteuse affaire Mediapart.
04:40 220 000 abonnés, 22 millions d'euros de chiffre d'affaires.
04:43 - Rentable depuis 13 ans.
04:45 C'est vrai que dans l'espace médiatique français, notamment dans la presse, c'est une exception.
04:50 - Est-ce que la ligne éditoriale va changer avec vous, Carine Fouto ?
04:53 - La ligne éditoriale de Mediapart, elle est vraiment centrée sur des valeurs d'égalité,
04:58 de probité, de justice sociale, de transparence dans la vie publique.
05:03 C'est un peu la même chose que probité.
05:04 Évidemment, de nous assurer que nous vivons tous dans un monde habitable pour tous et toutes.
05:10 C'est ça. Et puis peut-être en temps de guerre, c'est important de le dire,
05:14 on est un journal anti-impérialiste, anti-autoritaire et anti-colonialiste.
05:19 Voilà, c'est notre ligne éditoriale, c'est les valeurs qu'on défend.
05:22 - C'est un journal militant, Mediapart ?
05:24 - Non, Mediapart n'est pas un journal militant.
05:26 Mediapart est un journal engagé, c'est-à-dire...
05:29 - Quelle est la différence ?
05:30 - Alors, la différence, c'est que nous sommes du côté du droit de savoir.
05:34 Notre camp, notre parti, c'est uniquement celui du droit de savoir.
05:39 Nos engagements sont ceux que je vous ai cités, les valeurs sur lesquelles on s'appuie,
05:44 et donc qui fondent notre ligne éditoriale.
05:46 N'importe quel journal a une ligne éditoriale, évidemment,
05:51 et donc s'appuie sur des valeurs.
05:53 Notre engagement, il est celui-ci.
05:55 On n'est pas militant parce qu'on n'est d'aucun camp, ni d'aucun parti,
05:59 ni d'aucune organisation d'aucune sorte.
06:02 On peut enquêter sur n'importe qui, d'ailleurs on l'a démontré dans notre histoire.
06:06 On a enquêté aussi bien sur des personnalités de droite que de gauche.
06:10 - On a vu, c'est vous qui avez révélé par exemple l'affaire Cahuzac,
06:12 - Cahuzac, bien sûr.
06:13 - sur Stéphane Platza, Patrick Poivre d'Harvard, le chantage à la sextape du maire de Saint-Étienne,
06:19 et j'en passe.
06:20 Une affaire qui sort dans Mediapart, c'est un afflux d'abonnés systématique ?
06:25 - Pas systématiquement, parfois sur des histoires qu'on n'imagine pas.
06:31 Mais par exemple, notre série d'enquêtes sur l'affaire Oudéac, etc.
06:37 nous a valu un afflux d'abonnés.
06:40 - Donc ça c'est vraiment l'ADN de Mediapart, sortir des scoops ?
06:44 - Évidemment, c'est sortir des informations exclusives que les autres n'ont pas,
06:48 faire contre-programmation par rapport à l'agenda tel qu'il est fixé dans l'espace public.
06:54 Et oui, c'est par nos révélations qu'on fait la différence, bien sûr.
06:57 - On vous souhaite bonne chance, à vous et à toute votre équipe,
06:59 et notamment à ce quatuor de femmes qui s'installe à la tête de Mediapart.
07:02 Merci beaucoup, Karine Couteau.
07:03 - Et merci Céline Baidercourt,
07:05 vous receviez la nouvelle présidente et directrice de la publication de Mediapart.