Jeff Wittenberg reçoit Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT.
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00:00 Bonjour à tous, bonjour Marie-Lise Léon, merci d'être avec nous ce matin.
00:05 On l'a répété, on l'a dit depuis le début de Télématin, c'est la journée internationale des droits des femmes.
00:09 On va parler de ce que vous en attendez, notamment pour la mobilisation en termes d'égalité salariale.
00:15 Mais tout d'abord, ce jour, ce 8 mars 2024, va rester dans l'histoire, puisque va être scellé dans la Constitution.
00:20 On l'a dit, l'entrée de l'IVG dans la Constitution, il y a eu un consensus autour de cette réforme.
00:27 Est-ce que vous en faites partie ? Est-ce que vous êtes au diapason ?
00:29 Un consensus parlementaire que je salue, oui, effectivement, le 4 mars a été un vote historique au Congrès.
00:36 La CFDT s'en félicite, parce que c'est un message extrêmement fort, adressé aux femmes en France d'une part,
00:44 d'un droit de disposer de leur corps, et puis c'est un message au monde entier, je pense que c'est extrêmement important.
00:50 Est-ce que cette réforme va à l'encontre, j'ai lu un petit peu la littérature que vous produisez,
00:55 notamment sur votre site, vous dénoncez une dérive sexiste dans la société française.
01:00 On peut dire que cette loi, cette entrée dans la Constitution va à l'encontre de cette dérive,
01:05 mais est-ce qu'elle est toujours là, est-ce qu'elle est toujours présente ?
01:08 En ce qui concerne le droit des femmes et la question de l'égalité entre les hommes et les femmes,
01:13 le féminisme, c'est tous les jours, toute sa vie.
01:16 Je pense que c'est important d'avoir conscience que c'est un combat qu'il faut mener dans les entreprises,
01:22 dans la vie de tous les jours, parce qu'on peut avoir des reculs.
01:26 On constate qu'il y a encore toujours autant de difficultés des femmes d'accéder à des postes à responsabilité,
01:34 les écarts salariaux demeurent encore importants.
01:37 Lorsqu'on regarde de façon très globale, on a toujours un écart de 24% de salaire entre les hommes et les femmes,
01:44 dans le public et dans le privé, de façon très globale.
01:48 Si on regarde en fonction à poste égal, temps de travail égal, on a encore 7% d'écart entre les hommes et les femmes.
01:54 Des écarts que rien ne justifie, si ce n'est qu'il y a une différence de genre entre deux personnes,
02:01 ce qui est intolérable.
02:02 Et quand on aborde la question du sexisme, le Haut comité à l'égalité a produit un rapport en 2024.
02:09 En France, vous avez encore un homme sur cinq, entre 25 et 34 ans,
02:15 qui considère normal qu'à poste égal, un homme gagne plus qu'une femme.
02:19 Donc c'est les mentalités qu'il faut changer.
02:21 C'est les mentalités, les stéréotypes.
02:22 Mais aussi, si je peux dire, la législation concrète, c'est la raison pour laquelle vous allez, pour la première fois,
02:27 manifester et appeler à la grève.
02:30 Récemment, on n'avait pas appelé à la grève pour cette journée du 8 mars.
02:34 Nous le faisons en 2024 parce qu'il y a des éléments à travailler avec le gouvernement, avec les employeurs,
02:43 et que cette année, c'est une année exceptionnelle.
02:46 Et vous participerez aux différentes manifestations.
02:48 On sera dans les défilés.
02:49 Il y en a une à Paris, notamment.
02:50 Il y en a 200 dans toute la France.
02:51 Ici même, à votre place, aux quatre vérités, Catherine Vautrin, la ministre du Travail,
02:56 hier défendait le bilan de ce qu'on appelle l'index égalité salariale,
03:00 qui permet depuis 2018, c'est Muriel Pénicaud, l'ancienne ministre du Travail qui avait mis cela en place,
03:05 qui demande aux entreprises de dire quel est l'état des lieux dans leur entreprise.
03:10 Trois quarts d'entre elles l'ont fait.
03:12 Le Haut comité à l'égalité dont vous parliez dit "peu mieux faire".
03:16 Qu'est-ce que vous dites-vous ?
03:18 On dit "on peut largement mieux faire".
03:21 Mais il n'y a pas de progrès là-dessus ?
03:22 Est-ce que cet index a servi à quelque chose ?
03:24 Cet index a permis de mettre en lumière la question de l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes.
03:30 C'est un thermomètre de quels sont les écarts entre les hommes et les femmes dans les entreprises.
03:34 Dans une toute petite partie des entreprises, puisqu'il n'y a que 25 % des salariés qui sont concernés par cet index.
03:39 Donc il est insuffisant.
03:42 Celles qui ont plus de 50 salariés ?
03:43 Celles qui ont plus de 50 salariés seulement sont concernées.
03:46 Donc c'est loin de couvrir l'ensemble des entreprises.
03:50 Et puis il n'y a pas eu de sanctions.
03:52 Il y a eu des mises en demeure.
03:54 C'est-à-dire que de notre point de vue, pour la CFDT, ce n'est pas assez contraignant.
03:58 Il faut que toutes les entreprises soient couvertes.
04:01 Il faut que l'index soit plus simple.
04:04 Et la complexité a été demandée par les entreprises pour limiter la possibilité d'identifier les salaires des uns et des autres.
04:14 Et surtout des uns et des unes.
04:16 Pour pouvoir comparer.
04:17 Donc il y a besoin de beaucoup plus de transparence.
04:19 Il faut des vraies sanctions.
04:21 Et il faut pouvoir avoir une transparence sur les salaires.
04:27 La transparence salariale, c'est-à-dire pouvoir comparer son propre salaire à celui des salariés qui occupent sensiblement le même poste.
04:33 Elle a été votée. Il y a une directive européenne qui existe, qui a été votée en juillet 2023,
04:38 mais qui doit être transposée en France en 2026, dans deux ans.
04:43 Au plus tard.
04:44 Au plus tard.
04:45 Et nous, pour la CFDT, on dit que 2024, c'est l'année où il faut le faire.
04:48 On va revoir l'index.
04:49 On demande plus de transparence dans cet index.
04:51 Il faut que la transposition de la directive européenne se fasse cette année.
04:55 C'est-à-dire obliger les entreprises à faire la lumière sur les salaires de tous les collaborateurs.
05:00 Et ça est valable. Et je pense que ça sera autant bénéfique aux femmes qu'aux hommes.
05:03 Alors, une question maintenant sur l'assurance chômage. Je reviens à Catherine Vautrin.
05:07 Elle disait hier qu'il y avait, je la cite, que la question n'était pas sur la table.
05:11 Or, Bruno Le Maire, lui, il a suscité la colère des syndicats, dont le vôtre,
05:16 parce qu'il veut voir l'État reprendre la main sur cette question.
05:20 Il trouve notamment que la durée d'indemnisation, qui est aujourd'hui de 18 mois maximum, elle est trop longue.
05:26 Est-ce que vous, à la CFDT, vous attendez finalement une position unique du gouvernement ?
05:32 Ou est-ce que vous vous satisfaisez, par exemple, de ce qu'a dit Catherine Vautrin hier,
05:36 sur le fait que ce n'est pas encore décidé ?
05:38 On n'est pas à l'abri d'avoir des surprises, encore une fois, avec le gouvernement sur ce sujet.
05:44 Il y a un flottement clair dans le gouvernement.
05:48 Moi, ce que je dis, c'est que ce n'est pas aux chômeurs d'en faire les frais.
05:51 Il y a une discussion actuellement sur l'emploi des seniors et dans la droite ligne d'une négociation
05:57 qui s'est faite en 2023 sur l'assurance chômage.
06:00 J'ai un message extrêmement clair au gouvernement.
06:02 Laissez-nous négocier, laissez-nous terminer de négocier, et puis arrêtez de taper sur les chômeurs,
06:08 en considérant que c'est en durcissant, encore une fois, les droits, que les personnes retourneront plus vite à l'emploi.
06:14 Ce qui n'est pas dit, c'est que ce n'est pas une réforme de l'assurance chômage pour l'emploi.
06:19 C'est une réforme de l'assurance chômage qui est envisagée par le ministre de l'Économie pour des questions budgétaires.
06:24 Moi, je veux de la clarté.
06:26 Mais elle ne compte pas les questions budgétaires.
06:27 Elle compte, mais pourquoi ça serait là aux chômeurs de...
06:29 Vous entendez aussi l'argument de Bruno Le Maire qui dit que les salariés, c'est l'affaire des partenaires sociaux,
06:34 les chômeurs, les indemnités chômage payées par de l'argent public, c'est l'affaire de l'État, dit-il.
06:39 Oui, c'est sa vision. Je suis en total désaccord.
06:42 C'est-à-dire qu'il considère que les chômeurs ne sont pas d'anciens salariés ou de futurs salariés.
06:48 Nous, on pense l'assurance chômage comme étant une étape dans la vie et le parcours professionnel d'un salarié.
06:55 Et donc, c'est tout à fait légitime que ce soit les organisations syndicales et patronales spécialistes du monde du travail
07:01 qui négocient les règles.
07:03 Et on a toujours fait preuve de responsabilité en termes de règles et budgétaires.
07:08 La prime pour le partage de la valeur, on en parlait dans le journal de 7h30, ce qu'on appelle la prime Macron.
07:13 Elle a touché 6 millions de salariés en 2023.
07:19 C'est 520 000 entreprises qui la versent.
07:22 Est-ce que c'est un progrès ? Est-ce qu'il faudra aller plus loin ?
07:24 Certains syndicats, peut-être le vôtre aussi, disent qu'elle devrait être intégrée au salaire
07:29 puisque finalement cette prime n'est pas calculée, notamment dans la future retraite des salariés concernés.
07:34 Elle n'intègre pas l'ensemble des cotisations.
07:37 Et ça rejoint la question budgétaire puisque cette prime n'a pas fait l'objet de cotisations sociales.
07:44 C'est un manque à gagner pour notre système de protection sociale.
07:52 Cet argent est bienvenu, bien entendu, pour les salariés.
07:56 On a rencontré là une période d'inflation record.
08:01 Et bien entendu, tout ce qui arrive dans le porte-monnaie des salariés, c'est bienvenu.
08:05 La question c'est, il faut que ce soit pérenne.
08:08 Il faut que ce soit pérenne, ça ne peut pas être juste une année comme ça ponctuellement.
08:11 L'inflation est durable.
08:14 Le prix de l'alimentation a augmenté, le prix de l'alimentation ne va pas diminuer.
08:17 Il faut que ça puisse être pérenne et intégré au salaire, effectivement.
08:21 Allez, Marie-Dysléone, une dernière question très importante sur les Jeux Olympiques.
08:24 Vous avez entendu votre collègue de la CGT, Sophie Binet,
08:28 appeler à d'éventuels préavis de grève, enfin promettre des préavis de grève
08:33 pour la période des Jeux Olympiques du 26 juillet au 13 août.
08:37 Est-ce que la CFDT va s'associer à ce mot d'ordre ?
08:40 Ce n'est pas à l'ordre du jour. Pour la CFDT, nous, on est dans le cadre des négociations.
08:44 Donc à ce stade, pas de préavis de grève dans les fonctions publiques pour la CFDT.
08:48 Le temps de la négociation, on avisera en fonction de l'avancée des négociations.
08:53 Mais vous ne l'excluez pas ou vous estimez qu'il y a une grève olympique
08:56 et qu'on ne doit pas faire grève pendant cette période ?
08:58 Une négociation, c'est une histoire et il faut que les deux parties fassent des efforts.
09:02 Donc à ce stade, c'est non.
09:04 Et pour la CFDT, il n'y a aucune envie de gâcher ce moment festif des Jeux Olympiques.
09:10 Donc raison de plus pour que les employeurs et les employeurs publics soient au rendez-vous
09:15 et fassent des efforts dans le cadre des négociations qui sont ouvertes.
09:18 Vous dites qu'il ne faut pas gâcher ce moment olympique, cette fête.
09:21 Ça veut dire quand même, si on vous entend bien, que c'est vraiment une arme sociale
09:26 que vous excluez pour l'instant.
09:28 C'est ce que réclame par exemple Tony Estanguet, le numéro un de l'organisation de ces Jeux,
09:31 qui réclame une trêve pendant cette période. On a les Jeux tous les 100 ans.
09:34 Il y a des sujets extrêmement importants aujourd'hui dans les fonctions publiques.
09:38 Il y a des besoins de négociation.
09:40 Si l'État employeur n'est pas au rendez-vous, rien n'est exclu.
09:44 À ce stade, je vous dis que la CFDT ne dépose pas de préavis de grève pour la période des JO.
09:49 Eh bien, vous l'avez dit, on vous a entendu. Merci beaucoup, Marie-Élise Léon, secrétaire générale de la CFDT.