• il y a 9 mois
L'ancien ambassadeur de France en Russie et en Chine était l'invité du "8h30 franceinfo", dimanche 3 mars 2024.

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00:00 - Bonjour Jean-Maurice Ripert. - Bonjour.
00:03 - La Russie a intercepté des enregistrements d'une conversation entre des officiers allemands
00:08 où on apprend beaucoup de choses sur la stratégie, notamment sur l'Ukraine,
00:12 sur les questions de livraison d'armes.
00:13 Est-ce que c'est inquiétant d'imaginer que la Russie puisse avoir accès à de tels documents ?
00:18 - C'est inquiétant mais ça n'est pas surprenant.
00:21 C'est la surprise générale qui me surprend pour être honnête.
00:24 Et je suis d'ailleurs plus surpris par le fait que l'armée allemande
00:28 et les services de renseignement allemands se soient fait prendre au piège
00:31 que par le fait que les Russes aient essayé et manifestement réussi.
00:35 Bien sûr que les services à secret et les services de renseignement russes
00:39 essayent d'intercepter les communications.
00:42 Ça marche dans les deux sens.
00:43 Souvenez-vous au tout début de la guerre quand les troupes mécanisées russes
00:47 étaient à quelques kilomètres de Kiev
00:49 où on entendait à la radio les chefs de chars qui se parlaient entre eux.
00:54 - Mais c'est un manque de prudence de la part de l'Allemagne ?
00:56 - De prudence, je ne sais pas. Il faudra j'imagine qu'il y aura une enquête.
00:59 Mais en tout cas, ça en rajoute sur la gravité de la situation
01:05 et sur le fait qu'il est temps de prendre conscience du fait
01:08 que nous avons affaire en Europe et les démocraties
01:12 à un pouvoir qui ne recule devant rien.
01:15 - Oui, parce que vous qui avez été ambassadeur de France en Russie
01:19 de 2013 à 2017, donc cette méthode des écoutes ne vous surprend pas.
01:23 Elle a un but précis.
01:25 En l'occurrence, il s'agissait d'une conversation sur l'envoi de missiles
01:29 que Berlin refuse d'envoyer.
01:31 Pour Poutine, dévoiler ce genre d'extrait, c'est aussi une façon d'influer
01:34 sur le cours de la guerre, de dissuader les Allemands.
01:37 - Oui, ou d'essayer de décourager les Ukrainiens, bien sûr.
01:41 D'essayer de jeter un coin entre Zelensky, sa population et ses alliés.
01:47 - Et quand vous dites qu'il faut prendre conscience de la gravité de cette guerre,
01:52 Emmanuel Macron a semé le trouble récemment en n'excluant pas
01:55 l'envoi de troupes occidentales en Ukraine.
01:58 Est-ce que le président a eu tort ou est-ce que justement,
02:01 ça s'inscrit dans cette démarche de dissuasion de rapports de force avec Moscou ?
02:06 - Ça s'inscrit bien sûr dans cette démarche, mais juste une micro-correction.
02:09 Il n'a pas dit cela exactement.
02:12 En répondant à une question sur l'envoi de troupes,
02:15 il a dit "en dynamique, rien n'est exclu".
02:17 - Il n'a pas prononcé lui-même le mot "exclu".
02:19 - Ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
02:21 Mais oui, je pense que ça fait partie...
02:23 D'abord, il est dans son rôle de chef des armées,
02:25 d'informer la population française de ce qu'il estime être un risque grave.
02:30 Et je pense qu'il a raison.
02:31 Je pense que si vous voulez, ce qui s'est passé depuis deux ans,
02:35 c'est un peu ce que les psychologues appellent un effet de sidération,
02:41 qui conduit dans un premier temps, après un traumatisme, au déni.
02:45 Et nous avons beaucoup, en tout cas, pas moi je le dis, mais beaucoup,
02:49 on y est la réalité de la gravité de la situation.
02:52 D'une armée russe qui envahit un pays voisin,
02:56 tout en ayant protesté pendant des jours qu'il ne le ferait pas,
03:00 et qui s'en prend directement, non seulement à ce pays voisin,
03:04 avec un objectif d'annihilation du pays,
03:08 voire de la population, de la langue, de la culture ukrainienne,
03:11 il suffit d'écouter les propos de monsieur Medvedev,
03:13 de monsieur Lavrov et d'autres, ou de monsieur Poutine,
03:16 et qui s'en prend aussi à la démocratie.
03:19 Et donc à nous, et à l'Europe.
03:22 Il y a une guerre en Europe, la guerre est en Europe.
03:26 Quand nous expliquons à un certain nombre de gens qu'il faut à tout prix
03:30 renforcer l'aide militaire à l'Ukraine,
03:35 répondre aux demandes des Ukrainiens, parce qu'après tout,
03:38 c'est eux qui se battent et qui meurent tous les jours au combat,
03:40 donc ils savent ce dont ils ont besoin,
03:42 et qu'il faut accélérer la délivrance.
03:45 Peut-être pas passer en économie de guerre,
03:46 moi je ne sais pas très bien ce que ça veut dire,
03:47 mais en tout cas renforcer les capacités d'armement de l'Europe.
03:50 Il est temps que les gens se rendent compte,
03:53 que l'opinion publique, que les partis,
03:55 se rendent compte que nous sommes face à un danger réel.
03:57 Pardon, je finis en disant, il y a trois jours encore,
04:02 un nouvel événement s'est produit,
04:04 auquel personne n'a prêté attention.
04:06 Les Russes de Transnistrie,
04:08 qui est une province "indépendantiste" de la Moldavie,
04:13 pays voisin de la Roumanie,
04:14 candidats à l'adhésion à l'Union européenne,
04:17 ont appelé au secours les Russes,
04:19 en disant "nous sommes victimes d'une agression",
04:22 ce qui est évidemment faux,
04:24 et nous demandons à la Russie d'intervenir.
04:26 La Transnistrie, c'est de l'autre côté de l'Ukraine,
04:28 c'est à l'autre frontière, au sud-ouest,
04:31 et les Russes n'ont pas exclu d'intervenir.
04:33 Alors ça va s'arrêter où ?
04:34 - Exactement, ça va s'arrêter en Ukraine,
04:36 pour que ça ne s'étende pas encore plus.
04:38 - Ça fait 15 ans que les Russes occupent
04:40 deux républiques de Géorgie, militairement.
04:43 Deux invasions de l'Ukraine, 2014-2022,
04:46 et aujourd'hui la Transnistrie, où il y a des troupes militaires russes.
04:49 - Jean-Maurice Ripert, vous parlez de déni,
04:51 mais Emmanuel Macron, aujourd'hui, a eu ces propos-là.
04:55 Il y a quelques années, ce n'était pas les propos qu'il avait.
04:58 Il parlait de bâtir une architecture de sécurité avec la Russie.
05:00 Au début de la guerre, il a tout fait pour dialoguer
05:02 avec Vladimir Poutine jusqu'au bout.
05:03 Il a été d'ailleurs critiqué pour cela.
05:05 Est-ce que vous diriez qu'il y a un revirement
05:06 de la part du chef de l'État, et pourquoi ?
05:08 - Je dirais qu'il n'a pas été critiqué pour cela.
05:10 Il a été critiqué pour certains des mots qu'il a employés.
05:13 Moi, qui étais ambassadeur en Russie, pendant les efforts remarquables
05:16 qu'a fait le président Hollande pour essayer d'obtenir
05:20 que la paix s'installe dans le Donbass.
05:22 Souvenez-vous du format de Normandie avec Angela Merkel,
05:25 Poroshenko, Poutine, pour essayer que la guerre s'arrête dans le Donbass.
05:29 Je suis diplomate, je ne vais pas désavouer des tentatives de négociations.
05:34 - Mais Emmanuel Macron a dit qu'il ne fallait pas humilier la Russie.
05:36 - Voilà, c'est ça qui était tout à fait incompréhensible.
05:39 Mais qu'on essaye de négocier autant que faire se peut
05:41 jusqu'au moment où on s'aperçoit que ça n'est pas possible.
05:44 Ça n'est pas en soi, pour moi, un problème.
05:46 Mais il faut maintenant accélérer.
05:48 Maintenant que la prise de conscience est là,
05:50 il faut sérieusement accélérer les choses.
05:52 C'est l'Europe qui est en danger.
05:55 - Est-ce que parler dans le langage diplomatique que vous maîtrisez parfaitement,
05:58 parler d'ambiguïté stratégique dans la défense vis-à-vis de Vladimir Poutine,
06:03 est-ce que c'est une forme de dissuasion qui fonctionne d'une manière ou d'une autre ?
06:07 C'était les mots d'Emmanuel Macron.
06:09 - Oui, écoutez, moi, je pense que l'important dans cette situation
06:12 n'est pas éventuellement de...
06:15 Comment dire ? Je ne suis pas un homme politique,
06:16 donc mon propos n'est pas de commentaire.
06:18 - Non mais est-ce que les Russes ont reçu le signal des mots d'Emmanuel Macron ?
06:22 - Les Russes connaissent parfaitement l'Europe et les Européens.
06:24 Ils reçoivent absolument tous les signals.
06:26 Le problème, c'est de savoir s'ils les entendent et ce qu'ils en font.
06:29 Et là, pardon, je vais faire de nouveaux références à la psychologie, à la psychiatrie.
06:36 C'est Boris Cyrulnik, le grand psychanalyste épicard
06:40 qui a employé une formule que je trouve remarquable, qui a dit
06:42 "Vladimir Poutine n'est pas fou, il a la rationalité de son délire".
06:47 C'est-à-dire que dans la rationalité délirante de l'expansionnisme russe,
06:52 de la théorie de la Nouvelle-Russie, ils n'entendent pas ce message.
06:56 Ça, c'est la première chose.
06:57 Ensuite, ils jouent sur le fait, sur lequel jouent toutes les dictatures,
07:02 de capitaliser sur ce qu'ils pensent être la faiblesse des démocraties.
07:06 Donc, plus on parle fort, plus, pensent-ils, on va plonger les populations,
07:13 les opinions publiques et les hommes politiques dans la peur
07:16 et donc dans le déni, avec ce sentiment que rien ne peut être fait face à la puissance russe
07:22 et que donc les Russes ont déjà gagné.
07:24 C'est contre cela qu'il faut lutter aujourd'hui.
07:26 - Jean-Maurice Répaix, ambassadeur de France Ancienne, ambassadeur en Russie et en Chine,
07:29 notamment, on se retrouve dans quelques instants, juste après le Fil Info de Diane Ferchita, 8h40.
07:34 - Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, demande un renforcement des mesures de protection
07:38 de la communauté juive, écoles et synagogues, après les événements récents à Gaza.
07:43 Une annonce qui rassure, estime sur France Info, le grand rabat de France.
07:46 Il faut, selon lui, une mobilisation collective face aux agressions.
07:50 Chaque personne agressée doit porter plainte, dit-il, alors que vendredi soir à Paris,
07:54 un homme portant une kippa a été agressé et insulté dans le 20e arrondissement de Paris.
07:58 Gérald Darmanin dénonce une nouvelle agression antisémite, un acte inqualifiable.
08:03 Le Rassemblement National en meeting à Marseille, ce dimanche, Marine Le Pen doit prendre la parole.
08:07 Elle la prendra avant Jordane Bardella, le président du parti et tête de liste aux Européennes,
08:12 qui lui s'exprimera en conclusion de l'événement, 6 000 personnes attendues.
08:16 La vache Orellette, mascotte du Salon de l'Agriculture, va pouvoir retrouver le calme de son étable.
08:22 Le Salon de l'Agriculture qui se termine ce soir, porte de Versailles à Paris,
08:25 une édition 2024 largement dominée par la crise agricole.
08:29 D'importantes chutes de neige en vue sur la vallée du Rhône,
08:32 six départements sont en vigilance orange.
08:35 La Loire de la Haute-Loire, ainsi que la Lausère et l'Ardèche pour la neige.
08:38 La Savoie et les Hautes-Alpes sont en alerte orange aux avalanches.
08:51 - Toujours avec Jean-Maurice Ripert, ambassadeur de France, ancien ambassadeur en Russie notamment,
08:57 vous avez publié "Diplomatie de combat" aux éditions Perrin, les presses de la cité.
09:02 On parlait d'Emmanuel Macron dont les propos ont été critiqués particulièrement en France,
09:07 Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon notamment.
09:11 "Il est plus que temps de négocier la paix en Ukraine avec des clauses de sécurité mutuelles",
09:15 dit le leader des Insoumis.
09:16 Est-ce que c'est réaliste à court terme ? Est-ce que c'est la bonne stratégie face à Vladimir Poutine ?
09:20 - Alors il y a deux aspects dans la réponse.
09:22 La première, et ça permet de répondre aussi à ce que vous avez dit tout à l'heure,
09:24 bien sûr qu'à long terme, il n'y aura pas de sécurité en Europe
09:29 sans qu'il soit inclus d'une manière ou d'une autre, et les États-Unis et la Russie, bien entendu.
09:36 C'est le besoin de paix dans notre maison commune qu'est l'Europe fait que nous devrons en arriver là.
09:42 Mais nous ne le ferons pas avec Vladimir Poutine, c'est clair.
09:45 Il n'en veut pas. Il veut simplement rétablir les frontières de l'Empire russe.
09:50 C'est-à-dire de l'URSS. On y reviendra si on parle de Navalny et de politique intérieure.
09:57 Donc ensuite, l'attitude des uns et des autres en France, elle est liée soit à l'idéologie,
10:02 c'est probablement le cas pour les gens que vous avez cités,
10:07 mais aussi par, précisément ce que je disais tout à l'heure, cette fascination pour la force,
10:13 pour la soi-disant grandeur qu'on ne pourrait acquérir que par la force.
10:18 C'est là-dessus que joue Vladimir Poutine, bien sûr.
10:21 Alors, il y a des gens, en effet, il y en a beaucoup en France, mais il y en a ailleurs,
10:27 qui, par idéologie, par calcul, parfois par intérêt,
10:31 défendent les intérêts de puissances étrangères et notamment de dictatures en disant "la France est faible".
10:36 Vous savez, il y a ce vieux fonds en France anti-américain, eurosceptique,
10:41 "Ah, si la France était enfin redevenue une grande puissance".
10:44 Tout ce discours-là, ce fonds de discours...
10:46 - On est clément avec la Russie par anti-impérialisme ?
10:48 - On est clément avec la Russie d'abord parce que c'est un pays magnifique,
10:51 que c'est un vieil ami de la France,
10:53 que culturellement c'est probablement un des pays avec lesquels on est le plus proche au monde,
10:57 mais aussi parce qu'on a peur.
10:59 Certains ont peur, il faut dire les choses.
11:01 Si vous dites qu'on est au bord de la guerre, alors il faut se mobiliser.
11:05 Moi, je comprends qu'un certain nombre de gens n'aient pas envie de dire ça,
11:08 mais je pense qu'ils ne se rendent pas compte des dégâts qu'ils provoquent,
11:12 dans l'opinion publique, cette cassure de l'unité nationale.
11:15 Pardon, et tout ça au nom, finissons-en là-dessus,
11:18 d'un pseudo-gaullisme totalement fabriqué.
11:21 Car pendant toutes les crises qui se sont déroulées
11:25 pendant que le général de Gaulle était au pouvoir,
11:27 jamais il n'a hésité quand il fallait choisir son camp
11:30 entre le monde libre, pardon de cette vieille expression, et l'URSS.
11:34 Que je sache.
11:35 - Vous parliez de la peur.
11:37 Certains n'ont pas eu peur.
11:38 Il y a des centaines, des milliers en Russie à défiler
11:41 sur la tombe d'Alexei Navalny au lendemain d'obstacles à Moscou,
11:44 des milliers de Russes se sont rendus vendredi bravant les menaces du Kremlin.
11:47 Vous vous attendiez à une telle mobilisation d'une partie ?
11:50 Alors, encore une fois, c'est plusieurs milliers de personnes
11:52 dans un pays qui est gigantesque, mais ça dit quand même quelque chose ?
11:55 - Ah non, 16 000 personnes dans la rue pour braver la police,
11:58 pour enterrer Navalny, c'est colossal.
12:00 Il faut voir ce que c'est que la Russie d'aujourd'hui.
12:03 Pardon, excusez-moi.
12:05 La Russie d'aujourd'hui, c'est une dictature.
12:09 Il n'y a pas de presse, il n'y a pas de parti, il n'y a pas de syndicat,
12:11 il n'y a pas de débat, il n'y a même pas de candidat aux élections présidentielles
12:14 en dehors de Poutine.
12:16 Et c'est le pouvoir absolu, Osilloviki, les forces de sécurité
12:19 dans toutes leurs déclinaisons.
12:21 Il faut un courage inouï pour aller manifester.
12:23 Outre le fait qu'il fait un froid de canard, un blizzard,
12:26 moi je l'ai vécu, évidemment, il fait très très froid l'hiver,
12:29 c'est extraordinaire.
12:30 - Alors qu'est-ce que cela dit qu'il se soit mobilisé ?
12:32 - Et ça rappelle, moi je l'ai vécu, l'assassinat de Boris Nemtsov.
12:35 Parce que ce n'est pas la première fois que Poutine assassine
12:38 d'une manière ou d'une autre ses opposants.
12:41 Souvenez-vous d'Anna Politovskaya, cette journaliste,
12:44 souvenez-vous de Boris Nemtsov.
12:46 Et pendant plusieurs jours, pareil, les Russes venaient,
12:48 les Moscovites venaient déposer des fleurs
12:50 que la police enlevait pendant la nuit et ils revenaient le lendemain.
12:53 - Mais le pouvoir Poutine reste puissant, il reste en place, il nusèle tout.
12:56 - Bien sûr qu'il est puissant et il reste en place, oui.
12:59 Sauf que avoir peur d'un homme mort
13:03 montre aussi combien il a peur, ce régime.
13:06 Être obligé de s'en prendre à l'enterrement d'un homme
13:10 montre la peur de ce régime.
13:12 Et vous avez vu, coïncidence épouvantable,
13:15 que deux jours avant, le régime russe a condamné à deux ans et demi de prison
13:19 Oleg Orlov, qui est un homme extraordinaire,
13:21 qui préside toujours d'ailleurs depuis des années le centre mémorial,
13:26 c'est-à-dire un centre créé par, souvenez-vous, Andrei Sakharov et Elena Bonner,
13:30 prix Nobel de la paix, pour commémorer la mémoire des victimes du goulag.
13:34 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, Poutine interdit concomémant les victimes du goulag.
13:38 Les masques tombent.
13:40 Vladimir Poutine, c'est Staline.
13:42 - Et est-ce que cette mobilisation, ça peut vouloir dire que la contestation peut reprendre en Russie ?
13:48 - La contestation n'a jamais cessé.
13:50 La question est de savoir comment elle peut s'exprimer.
13:52 Elle s'exprime beaucoup sur Internet,
13:54 puisque malgré tous leurs efforts de construction à la chinoise d'un grand mur informatique,
14:00 les Russes n'y arrivent pas, donc il y a beaucoup de communication.
14:02 N'oubliez pas aussi que plus de 2 millions de Russes ont quitté la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine.
14:08 Et ce ne sont évidemment pas des ouvriers tchétoliathiques ou des ouvriers agricoles,
14:12 ce sont des intellectuels, des médecins, des profs, des étudiants.
14:15 Donc beaucoup se sont exilés, la contestation ne s'arrêtera pas.
14:18 La difficulté, c'est qu'elle puisse s'exprimer à l'intérieur,
14:21 dans un pays où vous allez avoir un plébiscite, évidemment, dans quelques semaines,
14:25 pour l'élection, la réélection du dictateur, pendant encore je ne sais combien d'années.
14:29 - Il n'y a pas de candidat ?
14:31 Il y a malgré tout une partie de la population russe qui peut-être soutient...
14:36 - Bien sûr, mais il faut...
14:39 - Par adhésion au chef ? Enfin comment est-ce que vous, qui connaissez bien la société russe...
14:42 - Il y a dans la société russe, comme sous l'Empire, une personnalisation du pouvoir.
14:48 L'occupant du Kremlin, qu'il soit un empereur, un secrétaire général du Parti communiste,
14:53 ou Vladimir Poutine, l'occupant du Kremlin est la Russie.
14:57 Il personnifie la Russie. Il y a cette révérence vis-à-vis du chef.
15:02 Et puis il y a tout simplement le fait que sur les 140 et quelques-uns millions de Russes,
15:07 vous en avez une énorme majorité qui vivent dans des villages où il n'y a aucun accès aux médias.
15:13 Aucun accès à la télévision autre que d'État.
15:17 Il faut vous promener dans les provinces russes pour voir la façon dont ce pays s'est déglingué.
15:22 Donc les gens n'ont pas accès à l'information.
15:24 Ils n'entendent que les propos de Vladimir Poutine qui explique que la Russie, comme toujours,
15:29 c'est un vieux récit russe, est menacée par tous les pays qui l'entourent.
15:33 Et puis cet appel à la renaissance de la puissance russe, bien sûr il y a des Russes qui sont sensibles,
15:37 mais les autres, les opposants et l'Inse, surtout, n'ont aucune forme, aucune façon de pouvoir s'exprimer.
15:43 - Monsieur l'ambassadeur, les discussions reprennent au coeur aujourd'hui sur une trêve à Gaza.
15:46 Jeudi, une distribution d'aide alimentaire dans l'enclave palestinienne a viré au drame avec de nombreux morts et blessés.
15:52 Gaza accuse Sahal d'avoir tiré sur les civils.
15:55 L'armée israélienne reconnaît des tirs mais assure que les décès sont liés à des bousculades.
15:59 La situation est de plus en plus tragique.
16:01 Que peut faire, que doit faire la communauté internationale ?
16:04 - La situation est épouvantable et moi qui ai passé quelques années de ma vie avec Bernard Kouchner
16:08 à essayer de promouvoir l'aide humanitaire et l'action humanitaire,
16:11 on ne peut qu'être effondré du spectacle qu'on voit.
16:13 D'abord par ce qui s'est passé le 7 octobre, il faut toujours le rappeler, en Israël.
16:17 Le massacre, la boucherie contre des femmes, des enfants, des vieillards en Israël provoquée par le Hamas,
16:23 mais aussi depuis par la conduite de la guerre par les forces israéliennes qui sont parfaitement contraires aux droits, c'est très clair.
16:30 L'aide humanitaire, à quoi pouvait-on s'attendre les Israéliens ?
16:34 Quand vous forcez 2 millions de personnes à s'entasser dans un coin de Gaza,
16:39 que vous les bombardez tous les jours,
16:41 quand vous lâchez 3 camions de nourriture, les gens se battent pour y arriver et ça provoque le chaos.
16:46 Donc tout cela malheureusement, pour s'arrêter, c'est clair, il y a des éléments qui sont connus.
16:51 J'espère que la trêve qui est en train d'être négociée...
16:53 - Alors à l'instant justement le Hamas dit qu'une trêve pourrait être signée d'ici 24-48 heures.
16:58 - Les Israéliens ont dit la même chose il y a 2 jours,
17:00 donc ça voudrait dire que les efforts américains, qataris et égyptiens portent leurs fruits, je le souhaite,
17:04 mais la trêve ça ne suffit pas.
17:05 Il faut un cessez-le-feu immédiat, il faut la libération immédiate des otages,
17:09 il faut les échanges de prisonniers sinon ça va durer,
17:12 et il faut, c'est une proposition, il faut évidemment que la Cour pénale internationale
17:17 ouvre d'urgence une enquête contre tous les responsables de ces massacres,
17:21 qu'ils soient israéliens ou palestiniens, qu'ils soient civils ou militaires,
17:24 elle en a le droit, je demande au procureur général de la CPI de le faire,
17:29 il l'a fait dans le cas de Vladimir Poutine en Ukraine,
17:31 il faut le faire d'urgence pour que la notion de justice, pour que la notion de droit revienne un petit peu.
17:37 Et les manifestations aujourd'hui ou hier à Tel Aviv montrent que le camp de la paix en Israël n'est pas totalement mort,
17:43 alors il faut lui donner de l'espoir.
17:45 Et puis dernier élément, moi je propose, comme on l'avait fait en 1999 au Kosovo,
17:50 que les Nations Unies décident d'un mandat qui permette aux Nations Unies d'exercer pendant 5 ans
17:57 un mandat civil et militaire sur Gaza.
18:01 La paix s'est installée au Kosovo, même si c'est toujours compliqué,
18:05 grâce à cette administration civile et militaire des Nations Unies à Gaza.
18:09 Le Conseil de sécurité en a les moyens, il faut obliger les Américains à l'accepter,
18:14 comme en 1999 on avait obligé les Russes à accepter le mandat des Nations Unies au Kosovo.
18:19 Jean-Maurice Ripper, ambassadeur de France, ancien ambassadeur en Russie et en Chine notamment,
18:23 merci beaucoup, je rappelle votre dernier livre "Diplomatie de combat" aux éditions Perrin, Presse de la Cité.
18:28 Merci beaucoup d'avoir été l'invité du 830 France Info.