L’investisseur Warren Buffett, dans sa lettre annuelle aux actionnaires, explique notamment la manière dont il a profité et anticipé le rebond du marché japonais. Décryptage avec Pierre-Yves Dugua, notre correspondant américain.
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00:00 [Générique]
00:04 Notre rendez-vous hebdomadaire avec l'actualité américaine, c'est notre
00:07 cardeur américain et notre correspondant américain Pierre-Yves Dugas qui est en
00:11 visioconférence avec nous. Bonjour et bienvenue Pierre-Yves, on a déjà
00:14 commencé à ouvrir le sujet avec mon invité précédent, le rendez-vous annuel
00:19 de Warren Buffett avec ses actionnaires, ses plus de 3 millions d'actionnaires et
00:25 cette fameuse lettre d'une grosse dizaine de pages qui a été dévoilée, distribuée
00:30 à l'occasion de ce rendez-vous le week-end dernier. Pierre-Yves, qu'est-ce
00:35 qu'on trouve d'intéressant dans les messages et l'analyse de la situation
00:41 que fait Warren Buffett aujourd'hui ? Alors je suis surpris sur deux points
00:46 que je vais essayer de développer, il y en a un sur lequel je n'attendais pas
00:49 Warren Buffett, c'est celui du Japon dont on vient de parler. En août 2020, vous
00:56 étiez certainement à la plage dans une belle île de la Méditerranée dont nous
01:00 allons taire le nom, mais c'est en août 2020 que Warren Buffett annonce avec une
01:07 espèce de stupeur en termes de réaction de ses actionnaires qu'il a pris 5% dans
01:14 les cinq grandes sociétés qu'on appelle de trading mais qui font bien plus que du
01:18 trading, qui sont des sociétés industrielles, qui sont des sociétés
01:21 d'investissement japonaises. Je ne veux pas essayer de trop écorcher
01:26 leur nom, Itoshu, Marubeni, Mitsubishi, Mitsui et Sumitomo. On apprend ce week-end
01:33 que maintenant il est passé à un peu plus de 9%, pratiquement 10%.
01:40 En termes de plus-value en yens, c'est une plus-value qui l'attente entre
01:47 185 et 406%. C'est un investissement qui représente
01:53 aujourd'hui en termes de valeur dans le portefeuille de Berkshire Hathaway, la
01:57 holding de Warren Buffett, 23 milliards de dollars avec une plus-value
02:01 l'attente de 8 milliards de dollars. Je l'écoute, monsieur Buffett, qui nous
02:06 apprend qu'il s'est rendu au Japon l'an dernier avec son futur, avec le
02:14 futur patron de celui qui est pressenti pour lui succéder, Greg Abel, qu'il a
02:20 rencontré les patrons de ces 5 géants japonais et qu'ils sont tombés
02:25 d'accord pour les laisser monter de 5 à presque 10%, sachant qu'au-delà de 10%,
02:29 il faudrait un avis favorable du conseil d'administration. On sait à quel point
02:34 les japonais sont prudents en matière d'investissement étranger et de montée
02:40 de capitaux étrangers dans leur société cotée traditionnelle.
02:46 George Ghosn en sait quelque chose. C'est quand même un joli coup pour
02:51 quelqu'un qui a 93 ans et qui, on le sent très bien dans les termes de sa lettre
02:55 aux actionnaires, a été émotionnellement affecté par le décès en novembre dernier
03:01 de son éternel partenaire Charlie Munger. Il revient sur l'apport de Charlie Munger.
03:09 Je trouve que c'est très intéressant. On en avait parlé au moment du décès de
03:12 Charlie Munger, qui était non seulement un personnage génial en termes d'investissement,
03:17 mais quelqu'un de très drôle. Il revient sur cette formule qui, à mon avis,
03:24 n'est pas intuitive. C'est pour ça qu'elle est géniale et c'est pour ça qu'elle est
03:27 intéressante et c'est pour ça aussi que j'ai du mal à la traduire en français.
03:30 J'ai essayé de vous la traduire en français. Il faudrait que tous les gens
03:33 qui écoutent Be Smart et Smart Bourse l'aient bien imprimé dans leur tête, à mon avis.
03:37 Il s'agit de dire qu'il vaut mieux acheter une affaire formidable à un prix correct
03:43 plutôt que d'acheter une affaire correcte à un prix formidablement bas.
03:48 C'est en 1965 que Charlie Munger nous rappelle Warren Buffett et venait le voir en lui disant
03:57 "écoute, tu as fait un très joli coup en appliquant les théories de Benjamin Graham
04:01 pour la recherche de valeurs sous-évaluées". - Oublie tout ! Il faut tout oublier !
04:06 - Il faut tout oublier parce que pratiquer le value investing à grande échelle est extrêmement difficile.
04:13 En revanche, si tu identifies une société qui n'est pas trop endettée, qui va produire des liquidités,
04:19 qui est dans un bon business et qui a un prix correct, on va rentrer dedans et on va la garder pendant 40 ans
04:24 et on va gagner beaucoup d'argent. Warren Buffett, avec peut-être une fausse modestie quelque part,
04:30 a dit "j'ai avec réticence suivi les conseils de Charlie Munger qui lui-même était un vrai modeste
04:39 et m'a laissé toujours sur le devant de la scène, mais en fait je n'étais que l'exécutant de cette géniale architecture
04:45 conçue par Charlie Munger". Et je trouve que cette réflexion de ce monsieur de 93 ans qui n'a plus rien à prouver
04:52 est particulièrement intéressante parce qu'elle rebondit en fait sur un commentaire qui a été fait par quelqu'un de plus jeune
04:59 que je trouve souvent intéressant dans la mesure où j'arrive à comprendre une partie de ce qu'il dit,
05:05 c'est M. David Einhorn, le patron de Greenlight Capital, qui il y a quelques jours nous a dit,
05:12 on a le droit de le dire comme ça sur Smart Bills, le "value investing".
05:16 Oui, bien sûr, l'investissement value.
05:19 Et il est moribond. Il est moribond pour plein de raisons, mais en particulier parce que tout le monde
05:25 est en train de basculer dans la gestion indicielle, tout le monde cherche à corriger l'indice et ceux qui ne le font pas,
05:31 ce sont des machines, ce sont des algorithmes qui ne s'intéressent pas à la valeur de l'entreprise,
05:36 mais qui s'intéressent au prix de l'action et qui essaient d'anticiper la variation de ce prix dans 3 ou 4 minutes.
05:43 Dans ce contexte-là, faire du value investing, c'est extrêmement difficile, mais c'est un discours qui rejoint finalement
05:52 dans l'esprit ce que disait Charlie Munger dès 1965. Mais Einhorn trouve un moyen d'adapter sa stratégie d'investissement
06:04 à cette situation compliquée en disant, écoutez, au lieu de chercher des valeurs qui ont des ratios prix-bénéfices de 10
06:12 en espérant qu'en 2-3 ans, elles vont passer de 10 à 15, je cherche maintenant des valeurs qui ont des ratios prix-bénéfices
06:21 de 5, mais qui ne sont pas trop endettés, qui produisent des liquidités et qui sont en mesure de racheter sur le marché
06:30 10-20% de leurs actions tous les ans. Tôt ou tard, le marché obsédé par les indices va finir par s'en apercevoir
06:37 parce qu'au bout de 3 ans, quand vous rachetez autant d'actions de votre propre société sur le marché, ça fait une différence.
06:44 Je trouvais que cette adaptation à la nouvelle configuration des marchés était intéressante.
06:51 - Très intéressant, toujours à lire la lettre de Warren Buffett, ça se retrouve facilement, une dizaine de pages en anglais
06:57 et cet hommage à Charlie Munger, le véritable architecte de Berkshire Hathaway quand Warren Buffett se présente,
07:04 lui, comme le general contractor, l'exécutant de l'architecture et du design apporté par Charlie Munger.
07:10 Sur la question politique du moment, Pierre-Yves, qu'est-ce qui fait encore courir Nikki Haley après une énième et lourde défaite
07:19 dans l'État de Caroline du Sud dont elle fut gouverneure ?
07:22 - J'ai envie de paraphraser le grand philosophe français Hervé Villard et de vous dire que Nikki, c'est fini.
07:31 C'est probablement fini pour l'investiture républicaine, mais elle a deux options.
07:38 D'abord, American for Prosperity Action, le fonds de M. Koch et de ses amis, les conservateurs républicains traditionnels
07:46 qui ont beaucoup investi pour aider Nikki Haley depuis novembre, a annoncé tout à l'heure, enfin hier soir,
07:54 qu'ils ne finançaient plus la campagne de Nikki Haley. Ils ont jeté l'éponge. Donc je pense que c'est fini pour Nikki,
08:00 même si elle veut tenir pour l'honneur jusqu'à Super Tuesday, jusqu'au 5 mars.
08:05 En revanche, il y a un scénario un peu difficile à entrevoir aujourd'hui, dans lequel pour une raison soit judiciaire,
08:12 soit une maladie, soit une catastrophe, un nouveau scandale, si Donald Trump tout d'un coup ne pouvait plus soit légalement,
08:20 soit décemment, incarner le candidat républicain pour les élections du 5 novembre, Nikki Haley, qui considère
08:30 qu'elle a sauvé l'honneur des républicains, pourrait essayer de se placer, à condition bien sûr que les délégués
08:36 qui ont été désignés par ces primaires lors de la convention en juillet choisissent de voter pour elle.
08:45 Probabilité de ce scénario extrêmement faible. Enfin, c'est toujours possible que ça ne soit pas tout à fait fini pour Nikki.
08:52 En revanche, elle pense que dans 4 ans, elle sera bien placée parce qu'elle aura non seulement sauvé l'honneur,
08:59 mais qu'elle sera suffisamment montée au créneau pour défendre un idéal républicain qui n'est pas un idéal nationaliste
09:08 et un idéal populiste.
09:10 – Bon, prochaine étape, c'est le Super Tuesday, mais finalement, qui n'a plus grand intérêt dans ce contexte, c'est ça Pierre-Yves Sivou ?
09:17 – On ne voit pas comment Nikki Haley pourrait gagner au Texas, en Floride ou en Californie, non.
09:24 – Merci beaucoup Pierre-Yves. Pierre-Yves Dugas avec nous chaque lundi pour ce quart d'heure américain hebdomadaire,
09:30 l'actualité business, économique et politique bien sûr.
09:34 Vu par notre correspondant américain, Pierre-Yves Dugas, retrouvé en replay sur bsmart.fr
09:39 ou encore en podcast sur l'ensemble de vos plateformes préférées.
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