L'édito de Céline Pina, chaque vendredi à 8h10
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00:00 - Le Grand Matin Sud Radio, 7h-8h30, Patrick Roger.
00:04 - Il est 8h13 comme chaque vendredi, Céline Pina. Bonjour Céline.
00:08 - Bonjour Patrick.
00:09 - Pourquoi revenir sur la décision du Conseil d'État de demander à l'ARCOM de calculer le temps de parole des invités,
00:16 chroniqueurs, journalistes de CNews, de la même façon que celle des élus et des représentants de partis politiques ?
00:22 Vous avez voulu revenir dessus ce matin.
00:24 - Oui, parce qu'en fait, je trouve que cela pose un immense problème démocratique et que cet aspect-là n'a pas été assez exploré.
00:31 Ce fichage, parce qu'il faut employer les bons mots, n'augure absolument rien de bon.
00:36 Pourquoi pas un signe coloré devant le nom des personnes quand ils parlent à l'écran ?
00:41 Tiens, on pourrait réfléchir à quelque chose de neutre, un signe géométrique, une étoile, pourquoi pas un triangle peut-être ?
00:47 - Bon, franchement, vous voyez où je veux en venir. Cela donnerait à la personne son identité idéologique,
00:53 au cas où, si celle-ci n'était pas bonne, vous n'aviez pas tout seul l'idée de vous boucher les oreilles.
00:58 Cette volonté de marquage sera en plus bien difficile à mettre en œuvre et peut même se retourner contre ses initiateurs.
01:04 Mais que ce ratage démocratique ait été initié par un Conseil d'État qui s'est positionné en militant en mode justice warrior,
01:12 plutôt qu'en sage, pose un grave problème de légitimité, vu la hauteur du fiasco.
01:17 - Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
01:19 - Commençons par la difficulté de la mise en œuvre de ce dernier délire wokiste.
01:23 Aujourd'hui, selon les mêmes militants, on peut choisir d'être homme, femme, gris, pain, aucun des trois, tous les trois en même temps,
01:29 mais c'est un organisme d'État qui va bientôt vous attribuer une assignation à résidence identitaire idéologique.
01:36 Mais sur quels critères, et au nom de quelle légitimité, et comment sera calculée l'appartenance idéologique,
01:43 pourra-t-elle varier selon la nature des paroles proférées ?
01:46 - Oui, vous disiez aussi qu'elle pouvait se retourner contre ceux qui en rêvaient ou qui l'ont initiée, c'est-à-dire ?
01:51 - Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais la presse en général ne partage pas l'enthousiasme du dirigeant de RSF
01:57 à l'initiative de la plainte qui a motivé l'action du Conseil d'État.
02:01 Pour la simple raison qu'il ne peut y avoir rupture d'égalité de traitement entre des diffuseurs.
02:06 Donc si cette proposition délirante est réellement mise en œuvre,
02:10 eh bien tout le monde devra passer devant la commission d'assignation identitaire idéologique.
02:16 Et le fait, à ce moment-là, que les représentants de la gauche boycottent les chaînes qu'ils jugent impures,
02:21 alors qu'ils sont invités, et que ceux de droite sont boycottés par le service public qui les juge eux impures,
02:27 qu'on prenait d'extrême droite, la question de la pluralité idéologique va revenir en boomerang dans tout l'audiovisuel.
02:33 Par exemple, Lukáj Akubović a relevé sur X que lors des législatives,
02:38 62% du temps de parole sur France Inter avait été accordé à la nupes.
02:43 Il y a un proverbe africain qui dit que lorsqu'on monte en haut du cocotier, il vaut mieux avoir les fesses propres.
02:49 C'est un conseil que l'on retient souvent à ses dépens.
02:51 - Oui, ça m'étonne quand même beaucoup sur ce temps de parole lors des législatives,
02:55 parce qu'on est quand même soumis à des contrôles de l'ARCOM et il y a des relevés.
02:59 Donc je ne sais pas où il est allé chercher ces chiffres-là, il faudrait vérifier quand même.
03:02 Bon, alors pourquoi le fait que le Conseil d'État soit à l'origine de toute cette agitation est grave selon vous pour la démocratie ?
03:09 - Parce que le Conseil d'État, ce n'est pas la LFI.
03:12 On est censé avoir affaire à une institution essentielle, une des vigies du temple de la loi,
03:18 pas à des gens qui ouvrent une boîte de Pandore sans réfléchir à ce qui va en sortir.
03:22 Les seuls pays qui mettent en place ce type de fichage ne sont en rien des modèles démocratiques et je suis extrêmement mesurée.
03:29 Assigner les gens à résidence idéologique, c'est faire dépendre leur parole de leur appartenance à un groupe.
03:35 A ce moment-là, il n'y a plus d'originalité, plus d'individualité, uniquement de la représentation.
03:41 Pire même, si celui qui fait de la politique a le droit de choisir son appartenance,
03:46 dans le cas où cette folie du Conseil d'État serait appliquée,
03:49 l'appartenance serait probablement attribuée d'office, ce qui pose un véritable problème de légitimité.
03:55 Tout cela est atterrant, encore que le rétropédalage, lui, devrait être amusant à observer.
04:01 Mais le pire serait encore que ce délire de pureté idéologique continue
04:05 et que nul ne rappelle le Conseil d'État à la raison et à ses devoirs.
04:09 On ne règle pas ses comptes idéologiques sur le dos des libertés fondamentales et de la démocratie.
04:15 - Merci Céline Pinar.
04:18 Alors dites-le franchement, qu'est-ce que vous en pensez ?
04:21 D'ailleurs, j'aimerais vous entendre, vous pouvez réagir au 0826 300 300,
04:24 vous aurez la parole tout à l'heure à 9h avec Jean-Jacques Borde.
04:28 Dites-le franchement, avec vous, Guillaume Bigot, qu'en pensez-vous ?
04:34 Est-ce que c'est du fichage ou est-ce que c'est vrai ?
04:37 Il faut du pluralisme aussi dans les médias.
04:40 Ça part d'un bon sentiment quand même, non ? Peut-être.
04:42 - Je crois qu'il y a surtout cet adage populaire très vrai qui veut tuer son chien, l'accuse de la rage.
04:46 Donc on peut fabriquer des règles ad hoc, on peut mandater des gens pour faire un rapport, cibler, etc.
04:52 On voit bien où finalement ces intérêts veulent en venir, ces muselés.
04:58 Voilà certains médias qui dérangent.
05:01 Ce qui me gêne le plus, c'est que derrière cette affaire, les chroniqueurs, les éditorialistes,
05:06 et je me sens un petit peu visé évidemment, c'est que d'abord ils n'ont plus le droit à l'isoloir, ça veut dire.
05:11 Ce sont des citoyens qui émettent des opinions, disons, et des jugements.
05:16 Je suis politologue, j'analyse la vie politique.
05:18 Évidemment, ce que je dis est subjectif, j'assume cette subjectivité.
05:22 Mais qui peut dire pour qui je vote ? Il y a des isoloirs pour ça.
05:25 Apparemment, pour moi, il n'y aura plus d'isoloir. Très bien.
05:27 Deuxième chose, ça veut dire qu'on me dénie le droit à la complexité, de penser contre moi-même.
05:32 C'est un peu mon métier de penser contre moi-même, de me contredire, etc.
05:36 Mais non, ça c'est absolument interdit.
05:38 Donc on voit bien comment derrière les gens que ça dérange, ce sont les gens qui sont les notables,
05:43 qui ont la pensée dominante, le statu quo.
05:45 Pas le dénotable, mais bon, le dénotable ça ne veut tout dire rien dire.
05:48 Il y a une idée politiquement de statu quo.
05:50 Il y a un statu quo qui existe depuis 40 ans, depuis Maastricht.
05:52 Donc l'européanisation, c'est l'américanisation, c'est le politiquement correct,
05:56 et c'est un fantasme apporté d'outre-Atlantique, de l'objectivité avec, vous savez, le journalisme avec des faits que des faits.
06:02 Ça ne correspond pas à notre tradition, à nous, ça ne veut pas dire qu'en France on est contre les faits, pas du tout.
06:06 Mais ça veut dire que l'idée de l'objectivité et de la pluralité, nous en France on conçoit que c'est plutôt le résultat.
06:11 C'est quand vous avez des médias qui ont des colorations différentes,
06:14 quand vous pouvez acheter plein de journaux différents,
06:16 quand dans une place publique et dans un agora démocratique,
06:18 vous avez plein de médias qui émettent des opinions différentes,
06:21 alors le citoyen peut faire son choix et de ce concert ressort une objectivité.
06:27 Donc c'est complètement différent.
06:28 Dans l'affaire Lola, est-ce que le fait par exemple de dire que cette femme qui a tué Lola
06:33 était sous au QTF et que si le QTF avait été exécuté correctement par l'État, Lola ne serait pas morte,
06:39 est-ce que ça c'est un fait ou c'est pas un fait ? J'aimerais bien savoir.
06:42 - Ou est-ce que c'est une opinion ?
06:44 - Non mais c'est ça, c'est une pilare.
06:47 Si on suit le Conseil d'État, c'est que, évidemment, des chroniqueurs qui viennent émettent une opinion
06:54 qui est politique avant tout et avec une couleur bien précise.
06:57 - C'est-à-dire si on suit le Conseil d'État, personne n'a de rapport à la vérité,
07:02 vous n'êtes plus que le porte-parole d'un courant de pensée.
07:06 Le seul problème, c'est que quand vous faites ça, vous tuez l'individu.
07:09 Or, toute la démocratie est basée sur la reconnaissance de l'individu,
07:14 sur le fait qu'à un moment donné, vous n'êtes pas un porte-parole,
07:17 vous ne représentez pas un groupe.
07:19 La part de souveraineté que vous portez, elle est propre, elle vous appartient et elle est à vous.
07:26 C'est pour ça que pour moi, c'est dramatique en termes démocratiques ce qui est en train de se passer.
07:30 - Ce qui veut dire que, par exemple, les personnes qui interviennent à l'antenne
07:33 devraient dire avant pour qui elles votent.
07:35 Et si elles sont certaines de ce vote.
07:37 Par exemple, vous Céline Pinard, vous devriez dire pour qui vous votez.
07:41 - Mais imaginez...
07:42 - On va voir ça dans un instant.
07:44 Vous allez peut-être nous dire pour qui vous votez.
07:46 Il est 8h21 sur Sud Radio.