Une édition spéciale sur Public Sénat présentée par Oriane Mancini, à partir de 11h30 pour faire vivre la cérémonie d'hommage place Vendôme à Paris. Cinq jours après son décès, la cérémonie sera présidée par Emmanuel Macron place Vendôme, où siège le ministère de la Justice.
Année de Production : 2024
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00:00:00 Générique
00:00:02 ...
00:00:11 -Merci de nous rejoindre sur Public Sénat
00:00:13 pour suivre en direct l'hommage national à Robert Badinter,
00:00:16 avocat, ancien sénateur, ancien président
00:00:19 du Conseil constitutionnel et garde des Sceaux
00:00:22 de François Mitterrand. Robert Badinter,
00:00:24 décédé vendredi dernier, on porte avec lui la peine de mort.
00:00:27 C'est le seul de ses combats. On va revenir sur l'histoire,
00:00:30 le parcours, la carrière et les combats
00:00:33 de certains intellectuels et politiques
00:00:35 qui aura marqué la France de ces dernières décennies
00:00:38 et laisse après lui un héritage.
00:00:40 Pour en parler, 4 invités nous font le plaisir d'être là.
00:00:43 Bonjour, David Asseline. Merci d'être avec nous.
00:00:46 Vous êtes ancien sénateur socialiste de Paris.
00:00:49 Pascal Perrineau, bonjour. -Bonjour.
00:00:51 -Politologue, professeur à Sciences Po Paris.
00:00:53 Jean-Pierre Minard, merci d'être avec nous.
00:00:56 Docteur en droit et auteur de ce livre,
00:00:58 "Lettre aux jeunes avocats", c'est aux éditions Dialogue.
00:01:01 Et Catherine Tricot, bonjour. Merci d'être là.
00:01:04 Directrice de la revue "Regard",
00:01:06 vous êtes avec nous pendant cet hommage,
00:01:08 pour le commenter, on va le vivre ensemble.
00:01:11 On est également sur le lieu de cet hommage national
00:01:14 avec Steve Jourdin, place Vendôme,
00:01:16 au siège du ministère de la Justice.
00:01:18 Comment va se dérouler ce matin cet hommage national
00:01:21 à Robert Badinter ?
00:01:24 -Place Vendôme, on est un peu dans le jardin de Robert Badinter.
00:01:28 C'est ici, derrière moi, le palais de Bourg-Vallée,
00:01:30 là où il a exercé entre 1981 et 1986
00:01:35 en tant que garde des Sceaux de François Mitterrand.
00:01:38 C'est ici que va se dérouler cet hommage.
00:01:40 Vous pouvez le voir, déjà, des dizaines de Français
00:01:43 sont massés derrière ces barrières.
00:01:45 Ils vont écouter l'éloge funèbre d'Emmanuel Macron,
00:01:48 qui devrait débuter autour de midi, nous dit-on.
00:01:51 Il sera précédé de la 7e symphonie de Beethoven.
00:01:55 Alors, évidemment, les Français sont là
00:01:58 pour rendre hommage à Robert Badinter,
00:02:00 le garde des Sceaux,
00:02:01 mais cet hommage a commencé depuis vendredi,
00:02:04 puisque Héry Dupont-Moretti a ouvert un recueil de condoléances
00:02:07 qui a été mis à disposition des Français, derrière moi.
00:02:11 Comment ça va se passer ?
00:02:12 Emmanuel Macron va prendre la parole aux alentours de midi,
00:02:15 il va faire un discours qui va durer, nous dit-on,
00:02:18 en tout cas, une quinzaine de minutes.
00:02:20 Il va insister sur la force de vie que représentait Robert Badinter
00:02:24 et son importance aussi pour notre démocratie.
00:02:27 Depuis 11h30, maintenant, on voit affluer des personnalités.
00:02:31 Elles arrivent au compte-gouttes.
00:02:33 On a pu apercevoir le député Assoumi-Eric Coquerel,
00:02:36 dont la présence n'était pas souhaitée par la famille.
00:02:40 On lui a demandé, effectivement,
00:02:41 pourquoi il avait néanmoins souhaité venir à cette cérémonie.
00:02:45 Sa réponse, c'est que sa place était ici.
00:02:48 Pas plus de commentaires.
00:02:50 On y reviendra dans cette émission.
00:02:52 -On va y revenir, et évidemment, Steve,
00:02:54 et surtout, on revient vers vous dès que vous avez des invités
00:02:57 et qu'il se passe quelque chose du côté de la Place Vendôme.
00:03:00 A tout de suite, David,
00:03:02 souligne ce choix du ministère de la Justice.
00:03:05 Ce qu'on retient, avant tout, de Robert Badinter,
00:03:08 c'est l'avocat, c'est le garde des Sceaux.
00:03:10 -Non, les deux sont réducteurs, je trouve.
00:03:15 C'est...
00:03:16 Il a été un grand homme politique, aussi,
00:03:20 qui incarne, pour ma génération,
00:03:24 et je vois que c'est la trace qu'il laissera dans le pays,
00:03:28 quelqu'un qui défendait des valeurs fondamentales
00:03:34 sur lesquelles les sociétés d'après-guerre
00:03:36 se sont démocratiques, se sont bâties,
00:03:39 en Europe et en France,
00:03:42 qui a combattu parfois contre l'air du temps,
00:03:47 qui a mis ses valeurs au-dessus de contingences
00:03:51 et de conjonctures,
00:03:53 et qui l'a fait avec une passion.
00:03:56 Il habitait les mots qu'il prononçait.
00:04:00 On sentait une sincérité rare dans le monde politique,
00:04:04 dans la façon d'exprimer ce qui lui remontait des tripes,
00:04:10 mais pas à la façon des démagogues,
00:04:14 pas pour haranguer, vulgariser,
00:04:16 toujours en essayant d'élever tout le monde
00:04:20 avec beaucoup d'intelligence.
00:04:24 Donc, moi, c'était un pédagogue, aussi.
00:04:26 Moi, je suis resté sur, bien entendu, l'avocat.
00:04:30 Quand j'étais adolescent, voilà,
00:04:33 on l'admirait, d'avoir ce courage,
00:04:36 y compris dans les collèges et les lycées.
00:04:39 Il y avait ce débat, la peine de mort,
00:04:42 et voilà, on était admiratifs.
00:04:44 -On va y revenir, évidemment.
00:04:46 Jean-Pierre Minard vous piète avocat
00:04:48 à ce choix du ministère de la Justice.
00:04:50 C'est un choix évident, un choix symbolique ?
00:04:53 -Oui, ça me semble une évidence.
00:04:55 Comme hier, il y avait des milliers d'avocats et de magistrats
00:04:58 réunis sur les grandes marches de la Cour d'appel de Paris.
00:05:02 Vraiment, ça va de soi.
00:05:04 Ce qui est intéressant chez lui, qui fait vraiment...
00:05:07 J'ai commencé à travailler avec lui dès 80,
00:05:11 sur les grandes lois d'amnistie
00:05:13 mises en place par la gauche et François Mitterrand.
00:05:16 On travaillait ensemble.
00:05:17 C'était difficile, il y avait de la polémique.
00:05:20 A l'époque, l'homme était haï.
00:05:22 Il était soutenu massivement par la gauche
00:05:26 et d'ailleurs par les libéraux.
00:05:28 Ce qui est extraordinaire chez lui,
00:05:30 c'est qu'il a réuni le mariage de la gauche
00:05:33 et du libéralisme politique, du socialisme et de la libéralisme.
00:05:37 Il a réussi à sublimer tout ça.
00:05:38 Dans le passé, il le faisait très bien.
00:05:41 Il était détesté, haï.
00:05:42 "Il est unanime." Non, il n'a jamais fait ça.
00:05:45 D'abord, il n'aimait pas l'unanimité.
00:05:47 C'est un homme de clivage, de combat.
00:05:49 C'était un homme qui ne réfrénait pas sa parole.
00:05:52 David parlait de passion. Il avait raison.
00:05:55 Donc ça, c'est le garde des Sceaux.
00:05:57 Il faut oublier que c'est l'homme qui a été, en tant qu'avocat,
00:06:00 tout en étant un grand avocat d'affaires,
00:06:03 l'avocat des réprouvés.
00:06:04 C'est ça que je voulais dire.
00:06:06 Les cours d'assises successives qu'il a suivis,
00:06:09 comme des circonscriptions pour un député,
00:06:11 chaque procès de gagné, c'était un gain de circonscription.
00:06:15 Ca faisait bouger l'opinion.
00:06:16 C'était des jurés qui votaient contre la peine de mort.
00:06:19 L'opinion se retrouvait plus facilement dans les jurés
00:06:22 que les juristes professionnels.
00:06:24 Dans la lutte anti-coloniale, c'était l'avocat du comité Audin.
00:06:28 C'est un personnage ample, très ample, Robert Mazarin.
00:06:32 C'est pour ça qu'il a été aussi détesté
00:06:35 et qu'il est admiré maintenant,
00:06:37 avec, effectivement, des confluences, des convergences,
00:06:40 au-delà des familles politiques existantes.
00:06:42 N'ayez pas peur, il garde beaucoup d'ennemis.
00:06:45 -Catherine Tricot,
00:06:46 que retenez-vous de Robert Mazarin ?
00:06:49 -Un intellectuel.
00:06:50 En fait, je trouve que sa figure
00:06:53 tranche un tout petit peu par rapport
00:06:55 à ce que nous connaissons aujourd'hui,
00:06:57 c'est-à-dire que les grandes voies de la politique,
00:07:00 sont en général issues de la politique elle-même.
00:07:03 Robert Mazarin, c'est un homme qui,
00:07:05 vous venez de le dire, c'était un homme ample,
00:07:08 parce que c'était un intellectuel,
00:07:10 c'est-à-dire qu'il avait une appréhension du monde et du réel,
00:07:13 pas simplement par une spécialité,
00:07:15 il l'avait par un engagement politique,
00:07:18 on le sait bien, il était socialiste,
00:07:20 et que la tradition socialiste est une tradition ample,
00:07:23 c'est-à-dire historiquement très profonde,
00:07:26 très large dans ses pratiques et dans ses références.
00:07:29 Donc, pour moi, ce que je retiens,
00:07:31 c'est que c'était un intellectuel avec un verbe qui nous parle,
00:07:35 vous l'avez dit tout à l'heure, David, il habitait ces mots,
00:07:38 mais c'était une langue riche,
00:07:41 à la mesure de sa pensée,
00:07:43 et la deuxième chose que je retiens,
00:07:47 c'est que c'était un homme qui s'est tenu,
00:07:49 dans tout son combat, sur la question de l'état de droit
00:07:52 articulé aux droits humains et à l'humanisme,
00:07:55 ce qui en fait tout à fait un homme moderne,
00:07:58 c'est-à-dire, je pense même que ça en fait un homme
00:08:01 tout à fait contemporain et du futur,
00:08:03 ce sont les combats que nous avons devant nous.
00:08:06 -On a vu sur les images l'arrivée de plusieurs Premiers ministres,
00:08:09 Jean Marquérault, Lionel Jospin, Alain Juppé,
00:08:12 à l'instant, cet hommage national qui va débuter
00:08:15 aux alentours de midi.
00:08:16 Pascal Perrineau, qu'est-ce que vous retenez de Robert Badinter ?
00:08:20 -Je retiens de Robert Badinter le fait qu'il représente
00:08:23 plus que d'autres une grande carrière républicaine.
00:08:26 Quand vous suivez l'itinéraire de ce fils d'un juif de Bessarabie,
00:08:32 qui peu à peu va acquérir des grandes lettres de noblesse,
00:08:36 bien sûr dans le droit, dans la politique,
00:08:39 dans la défense de cette cause à partir, je crois,
00:08:42 des années 60, de la lutte contre la peine de mort,
00:08:46 ces lettres de noblesse, il n'en hérite pas,
00:08:48 il les acquiert, une par une.
00:08:51 Ca n'est pas un héritier.
00:08:52 Contrairement à une idée qu'on se fait souvent
00:08:56 de Robert Badinter, ça n'est pas du tout un héritier.
00:08:59 C'est véritablement le produit de la méritocratie républicaine,
00:09:03 de ce que, un historien, Pierre Birnbaum,
00:09:07 appelle ces grands juifs d'Etat, qui ont joué un rôle essentiel
00:09:10 dans la construction de la République sous la IIIe République,
00:09:14 et d'une certaine manière, à la fin de la IVe
00:09:17 et sous la Ve, ils poursuivent cette grande tradition
00:09:20 du juif d'Etat.
00:09:21 Et puis, je voudrais rajouter également le fait
00:09:24 qu'il m'a toujours surpris, avec Robert Badinter,
00:09:27 c'était à la fois un homme du verbe extrêmement brillant,
00:09:32 une passion, en effet, parfois mal retenue,
00:09:36 mais ce qui était absolument frappant,
00:09:40 c'est que ce personnage très extraverti
00:09:43 cachait une retenue, mais incroyable.
00:09:46 Par exemple, il va mettre très longtemps
00:09:49 à parler de sa judéité, très longtemps.
00:09:52 Et c'est au travers de ce livre merveilleux sur sa grand-mère,
00:09:56 ils disent que, véritablement, on découvre
00:09:59 le Robert Badinter, s'il est héritier,
00:10:02 il est héritier de cette culture-là.
00:10:04 -Oui, un mot là-dessus.
00:10:06 -C'est tellement vrai.
00:10:07 Je l'ai suivi quand j'étais étudiant,
00:10:09 puis on est rentré au barreau,
00:10:11 quand il plaidait dans des affaires de peine de mort,
00:10:14 c'était même une métamorphose physique.
00:10:16 Il y avait quelque chose de très profond chez lui
00:10:19 et il avait un visage qui changeait.
00:10:21 Son visage était tiré,
00:10:23 il avait quelques fois même un peu de salive
00:10:26 à la commission des lèvres.
00:10:28 Il criait, il voulait arracher quelqu'un à la mort,
00:10:31 comme il l'a fait à chaque fois.
00:10:33 La question, en effet, vous avez raison,
00:10:35 qu'on doit se demander, ce type qui était beau,
00:10:38 élégant, professeur à grégier de droit,
00:10:40 qui était un intellectuel, vous avez raison,
00:10:43 mais où va-t-il chercher cette passion ?
00:10:45 Pourquoi il y a cette tragédie qui se joue
00:10:48 dans le discours des jurés,
00:10:49 qu'il ne faut pas trancher la tête d'un homme
00:10:52 qu'il ne connaît que parce qu'il le défend ?
00:10:55 Je pense que vous avez raison.
00:10:57 C'est son histoire profonde qui, à chaque fois,
00:11:00 rejaillissait et le prenait, ce qui créait...
00:11:03 C'était quelque chose, une catharsis terrible dans les cours.
00:11:06 Les gens, même ne connaissant pas ce que disait Pascal Perrineau,
00:11:10 les jurés étaient saisis,
00:11:13 ils étaient vraiment pris à la gorge.
00:11:15 Il se disait qu'il se passe quelque chose
00:11:18 quand il nous dit quelque chose.
00:11:20 -Oui, d'ailleurs, c'est...
00:11:21 Cette plaidoirie où il dit aux jurés...
00:11:26 "Le président de la République ne gracira pas,
00:11:32 "donc c'est vous qui allez l'assassiner,
00:11:36 "et je penserai à vous quand je serai dans la cour
00:11:38 "et que sa tête tombera."
00:11:40 C'est une façon d'aborder...
00:11:42 -Ah, mais c'est...
00:11:44 C'était absolument puissant, magnifique, osé,
00:11:48 c'est un pari.
00:11:49 Comment vont réagir les jurés à qui on dit ça ?
00:11:53 Donc...
00:11:54 Non, moi, je voulais dire que je l'ai connu
00:11:58 ici, dans le groupe socialiste,
00:12:02 entre 2004 et 2011.
00:12:04 Il a fini en 2011, moi, j'ai commencé en 2004.
00:12:07 Et ce qui me frappait le plus,
00:12:11 c'est que, vous savez, au Sénat,
00:12:13 c'est dans les groupes qui a les débats les plus profonds,
00:12:16 parce qu'après, on joue un rôle,
00:12:18 on représente son groupe dans l'hémicycle,
00:12:21 mais les réunions du mardi matin,
00:12:23 on élabore, on se confronte,
00:12:26 on n'est plus libre.
00:12:27 Il était très souvent là,
00:12:32 il ne méprisait pas ce moment,
00:12:34 avec des convictions,
00:12:37 il cherchait à convaincre tout le temps,
00:12:39 il était aussi une vigie sur quelque chose,
00:12:42 je pense que tout le monde a pu constater,
00:12:44 c'est qu'il avait une telle haute idée,
00:12:50 y compris de la difficulté d'avoir inscrit
00:12:53 dans des lois, des droits, des libertés,
00:12:56 que ceux qui voulaient en changer
00:12:58 pour répondre à une conjoncture
00:13:01 sur l'immigration, sur la sécurité,
00:13:05 même quand c'était des situations très prégnantes
00:13:09 pour des élus qui devaient répondre à ces situations,
00:13:12 il mettait tout le temps, c'était vraiment la vigie,
00:13:15 "Attention, on ne limite pas les droits et libertés
00:13:18 "dans la République pour satisfaire un moment d'opinion,
00:13:22 "pour une joute électorale,
00:13:24 "pour un moment conjoncturel."
00:13:26 Ca, c'était très précieux,
00:13:29 j'espère qu'il en restera quelques-uns
00:13:31 dans l'hémicycle.
00:13:32 -Catherine ?
00:13:33 -Moi, j'aurais voulu dire autre chose aussi,
00:13:36 c'est que c'était quand même un homme
00:13:38 qui a mis au cœur de son engagement
00:13:40 les questions du droit, du droit des personnes,
00:13:43 d'un humanisme, mais c'est aussi un homme engagé politiquement.
00:13:46 Dans les débats que vous parliez, David,
00:13:48 dans les débats que vous aviez à l'intérieur,
00:13:51 c'était quelqu'un qui, dans le Parti socialiste,
00:13:54 dans ses positions, n'était pas indifférent.
00:13:57 Il n'était pas n'importe où au Parti socialiste.
00:14:00 Il disait, "Quand je suis rentrée
00:14:02 "au gouvernement de François Mitterrand,
00:14:05 "j'étais considérée comme à droite
00:14:07 "du gouvernement et j'en sors considérée comme à gauche."
00:14:10 Il pointait là, non pas sa propre évolution,
00:14:13 mais probablement l'évolution du pouvoir socialiste.
00:14:17 Et par ailleurs, hier soir, j'ai écouté,
00:14:19 en prévision de cette émission, des podcasts sur France Culture
00:14:23 qui sont extrêmement intéressants.
00:14:25 Il y en a un où il parle de ses rapports
00:14:27 avec François Mitterrand et notamment avec les communistes.
00:14:30 Je pense à ça parce qu'il y a cette discussion
00:14:33 sur France Insoumise aujourd'hui.
00:14:35 François Mitterrand lui dit,
00:14:37 "Vous êtes vraiment un anticommuniste primaire."
00:14:39 Il répond, "Non, je ne suis pas un anticommuniste primaire,
00:14:42 "je suis un anticommuniste supérieur."
00:14:45 Il affirmait son anticommunisme.
00:14:47 Dans cette interview, il dit,
00:14:48 "Mais François Mitterrand avait raison.
00:14:51 "La gauche ne pouvait pas venir au pouvoir
00:14:53 "sans une alliance avec le Parti communiste,
00:14:56 "qui lui a été fatale au Parti communiste."
00:14:58 En ce sens, il rend hommage à François Mitterrand
00:15:01 et à sa préscience politique de l'alliance avec les communistes
00:15:05 et ce que je veux dire par là,
00:15:06 c'est que Robert Badinter, politiquement,
00:15:10 n'est pas absolument compatible
00:15:14 avec les évolutions d'aujourd'hui du Parti socialiste.
00:15:17 Je ne le crois pas.
00:15:18 Le fait que France Insoumise, par exemple,
00:15:21 soit exclue de cet hommage
00:15:25 ne me semble pas complètement dissonant
00:15:27 avec les positions politiques qu'a pu prendre Robert Badinter,
00:15:31 que je ne les partage ou que je ne les partage pas.
00:15:34 En l'occurrence, je ne partage pas l'idée
00:15:36 qu'on mette FI et le RN
00:15:38 au banc de cet hommage.
00:15:40 -C'est la famille de Robert Badinter
00:15:42 qui a souhaité que ni la France Insoumise...
00:15:45 -Je ne partage pas. Je comprends qu'on le respecte,
00:15:48 mais je trouve que cette trait d'égalité
00:15:50 me semble... -Il faut être précis.
00:15:53 -Alors, soyons précis.
00:15:55 -Pour être précis, d'abord,
00:15:57 c'est une famille qui ne souhaite pas l'hommage national,
00:16:00 c'est le président de la République qui l'organise.
00:16:03 Donc, déjà, quand une famille dit quelque chose,
00:16:06 c'est légitime qu'elle puisse le penser et le souhaiter.
00:16:09 Elle n'a pas le pouvoir ni l'intention d'interdire.
00:16:12 Ca, c'est la première précision.
00:16:14 La deuxième précision, c'est qu'elle ne...
00:16:17 Dans ce souhait, je n'ai pas vu qu'on mettait un signe d'égalité.
00:16:22 Il n'y a pas de prononcé politique qui dit
00:16:25 que l'extrême droite, c'est la même chose que la LFI, etc.
00:16:28 C'est des raisons différentes,
00:16:31 mais légitimes, à mon sens,
00:16:33 notamment parce que j'ai eu un échange
00:16:35 avec Alexis Corbière par Twitter,
00:16:37 ça s'est fini au téléphone,
00:16:39 parce que des fois, c'est mieux de poursuivre...
00:16:42 -Député de la France Insoumise. -Quand on se connaît.
00:16:45 Parce qu'il disait ça.
00:16:48 Il disait qu'on ne peut pas faire un signe d'égalité.
00:16:51 -David Asselineau, je vous coupe,
00:16:53 Gérard Larcher est en direct, on va l'écouter.
00:16:55 -Comme tous, nous avons le grand souvenir
00:16:58 de l'abolition de la peine de mort.
00:17:01 Mais dans des souvenirs personnels.
00:17:03 C'est d'abord celui qui m'a remis,
00:17:05 pour les archives du Sénat,
00:17:07 son discours de l'abolition de la peine de mort.
00:17:10 Il nous a dit ce jour-là...
00:17:12 En fait, c'était gagné à l'Assemblée nationale.
00:17:15 Le vrai débat avait lieu au Sénat dans l'été 1980.
00:17:19 On m'avait dit que ce serait difficile.
00:17:21 Il y a eu une écoute, un dialogue assez extraordinaire.
00:17:25 Et ça a été adopté dès la lecture au Sénat.
00:17:29 Et puis, Robert Van Inter,
00:17:31 c'est l'homme qui, dans son dernier discours au Sénat,
00:17:35 j'étais président du Sénat,
00:17:37 a défini son regard sur le Parlement.
00:17:40 "Le Parlement, il n'est pas là, disait-il,
00:17:43 "uniquement pour exprimer les passions de l'opinion,
00:17:46 "mais quelque part pour éclairer l'avenir."
00:17:49 C'était même son terme "J'éclaire l'avenir".
00:17:51 Je crois que c'est une leçon pour les parlementaires que nous sommes.
00:17:55 Puis Robert Van Inter a été mon premier président
00:17:58 du comité de déontologie,
00:18:00 définissant les principes déontologiques
00:18:02 pour un parlementaire.
00:18:04 Voilà des souvenirs très forts.
00:18:05 -Merci, Président Larcher.
00:18:07 Ca va commencer dans quelques instants.
00:18:09 -Gérard Larcher, le président du Sénat,
00:18:12 qui vient d'arriver à cet hommage.
00:18:14 -Je finis très rapidement.
00:18:15 Je lui disais,
00:18:17 "Tu dois, à un moment donné, prendre la mesure
00:18:21 "du fait que la répétition de propos,
00:18:24 "parfois à caractère antisémite,
00:18:26 "pas d'une ou deux personnes, de plusieurs dirigeants à la fille,
00:18:30 "dont le chef,
00:18:31 "sont heurts
00:18:34 "et sont à l'opposé du combat viscéral
00:18:38 "qu'a mené Robert Van Inter toute sa vie,
00:18:41 "contre l'antisémitisme,
00:18:43 "y compris à partir de ce qu'il a vécu lui-même,
00:18:45 "mais qui a été un combat global pour la société."
00:18:49 C'est pas, il y a un truc, il y a un hic,
00:18:52 il y a quelque chose qu'on peut mettre dans le placard
00:18:55 et dire, "Ça va, ils sont de gauche, plus ou moins radicales."
00:18:58 Dans l'histoire de la gauche française,
00:19:01 sur cette question, notamment au XIXe siècle,
00:19:04 avec l'affaire Dreyfus, il y a eu un partage des eaux.
00:19:07 Il y a des moments qui sont pas pour les Juifs,
00:19:11 qui sont pour une conception de la République
00:19:13 où on ne peut pas biaiser.
00:19:15 Il n'y a pas ça, bon, ok, c'est une scorie,
00:19:18 et puis le reste.
00:19:19 Donc il faut qu'ils se rendent compte de ça,
00:19:21 il faut qu'ils se ressaisissent.
00:19:23 Il faut complètement que la famille Robert-Banater,
00:19:26 sachant la sensibilité de Robert-Banater à cela
00:19:29 et à son combat républicain toute sa vie là-dessus,
00:19:32 ne veuille pas que ces gens
00:19:35 viennent à ce moment-là, en plus de l'actualité,
00:19:39 à cet hommage. Je le comprends.
00:19:41 C'est tout, c'est une famille,
00:19:43 et elle a le droit de... -Pascal Perrineau.
00:19:45 -Oui, sur cette affaire de l'antisémitisme,
00:19:48 on sait à la fois la préoccupation de Robert-Banater,
00:19:53 de son épouse, Elisabeth Banater,
00:19:55 et des enfants Banater par rapport à cette question,
00:19:58 c'est évident, de l'antisémitisme.
00:20:00 L'antisémitisme, en France, c'est pas une affaire nouvelle.
00:20:04 L'antisémitisme de la droite extrême
00:20:08 est quelque chose d'extrêmement ancien,
00:20:10 qui, en effet, on citait l'affaire Dreyfus,
00:20:13 de l'affaire Dreyfus à des positions récentes,
00:20:16 par exemple de l'ancien président du Front national,
00:20:19 est une constante de ce courant de pensée.
00:20:22 Mais aussi, on avait oublié pendant trop longtemps
00:20:25 qu'il y a, les historiens le disent,
00:20:27 un véritable antisémitisme de gauche.
00:20:29 Et cet antisémitisme de gauche, on l'a vu renaître,
00:20:33 en effet, au travers de ce qui n'est pas
00:20:35 le fruit du hasard de tel ou tel dérapage
00:20:39 de leader de la France insoumise,
00:20:41 il y a un courant, qui a toujours existé,
00:20:45 depuis la fin du 19e jusqu'à nos jours,
00:20:48 qui est un antisémitisme de la gauche.
00:20:50 On comprend très bien que la famille Badinter
00:20:54 ait dit, bon, il n'est peut-être pas tout à fait utile
00:20:58 que ces familles de pensée soient là, présentes,
00:21:01 à rendre un hommage à Robert Badinter.
00:21:04 Certes, c'est un hommage national,
00:21:06 décidé par le président de la République,
00:21:08 mais c'est un hommage à Robert Badinter.
00:21:10 Est-ce que Robert Badinter aurait apprécié...
00:21:13 Les dirigeants du RN ont décidé de ne pas être là,
00:21:16 dont acte. La France insoumise force un peu la porte
00:21:20 d'un autre, dont acte. Est-ce que Robert Badinter
00:21:23 aurait été satisfait de voir, à son hommage,
00:21:26 on ne va pas répondre à sa place,
00:21:28 des députés de la France insoumise ?
00:21:30 On peut s'interroger légitimement.
00:21:32 -Jean-Pierre Mignard, sans répondre à sa place,
00:21:35 mais vous qui l'avez connu. -On ne sait pas ce qu'il aurait
00:21:38 décidé, aucune circonstance étant égale à la précédente.
00:21:42 Premièrement, sur l'antisémitisme de gauche,
00:21:44 c'est le grand débat entre Jules Gued et Jaurès,
00:21:47 et Jaurès a gagné. Mais bon, c'est une histoire
00:21:50 de la France insoumise, finalement. Pour autant,
00:21:53 j'ai un sentiment plus prudent. Je pense que le pays
00:21:56 est hyper divisé, fracturé, le pays est malade.
00:21:59 Je crois qu'il faut être extrêmement prudent,
00:22:02 parce qu'après tout, si des gens veulent venir
00:22:04 à un hommage national, même pour une personnalité
00:22:07 dont on peut penser qu'à priori, elles ne pensaient pas
00:22:10 qu'ils pensent la même chose qu'un autre,
00:22:13 je préfère que les gens de l'EFI viennent
00:22:15 à cet hommage national, même des gens du RN.
00:22:18 Je préfère que des gens du RN viennent à un hommage national
00:22:22 de Robert Dinter plutôt qu'à l'anniversaire de Xavier Vallat.
00:22:25 A un moment donné, c'était un homme de réconciliation.
00:22:28 C'était un homme de réintégration dans la communauté humaine
00:22:32 de tous ceux qui étaient à l'écart.
00:22:35 Donc, moi, je suis très prudent, et vraiment, je pense
00:22:38 qu'il faut manier ça avec un soin, parce que ça va très mal.
00:22:42 -On va revenir... Un dernier mot, Catherine Lattu.
00:22:45 Après, on revient à l'hommage et à son combat
00:22:48 et à ce qu'a dit Gérard Larcher.
00:22:49 -Tout à fait, mais c'est juste un petit mot que la famille peut choisir.
00:22:53 Ce que je trouve dommage, c'est de mettre un trait d'égalité
00:22:57 entre LFI et mouvement antisémite.
00:22:59 Ca me paraît pousser, exagérer un peu.
00:23:01 Je rejoins ce que vous venez de dire.
00:23:03 Et par ailleurs, ce que je pense, c'est qu'en effet,
00:23:06 c'est quand même un moment de rassemblement,
00:23:09 puisque je rappelais qu'il affirmait son anticommunisme.
00:23:12 Le Parti communiste n'a pas été ostracisé à ce rassemblement.
00:23:16 Il n'a pas de rassembler les gens qui sont pour la pensée
00:23:19 de Robert Badinter, en tout point,
00:23:21 mais c'est à l'homme en général qui va être rendu hommage.
00:23:25 -Très vite. -Le Parti communiste
00:23:27 était hostile au système communiste.
00:23:29 Il y a peut-être un lien avec le Parti communiste.
00:23:31 -C'est pas la même chose.
00:23:33 Il s'agit pas de divergence politique,
00:23:36 de faire le rassemblement de ceux qui étaient d'accord avec...
00:23:40 Là, on parle de valeurs fondamentales,
00:23:42 de la république... -On va parler de ses combats.
00:23:45 Notamment de ce qu'a dit Gérard Larcher,
00:23:48 puisqu'il a reparlé du combat contre la peine de mort.
00:23:51 Ca a pas été non plus si facile que ça,
00:23:53 au Sénat, David Dessouline.
00:23:55 -Au Sénat aussi. -Bon, j'y étais pas, là.
00:23:58 -Non. -Comme un mâle.
00:24:00 Rires
00:24:01 Mais bien sûr, j'ai beaucoup regardé.
00:24:04 D'ailleurs, lui, il disait, et c'est vrai, factuellement,
00:24:08 que c'est au Sénat
00:24:09 que cette loi est devenue la loi de la République,
00:24:13 parce qu'une fois qu'elle est votée à l'Assemblée,
00:24:16 il faut qu'elle soit votée au Sénat.
00:24:18 Enfin, dans les mêmes termes.
00:24:20 Et donc, l'enjeu était beaucoup plus important,
00:24:25 parce que lui, il analysait...
00:24:27 C'était un instinct politique assez fin.
00:24:30 Si ça se prolongeait, le débat,
00:24:33 avec une navette,
00:24:36 et que c'était pas voté conforme,
00:24:38 il y avait des risques pour la loi elle-même
00:24:41 et pour le chauffage à blanc de l'opinion,
00:24:43 avec des mouvements qui se mettaient en place,
00:24:46 avec des élections qui pouvaient venir derrière.
00:24:49 Donc, il fallait que ça se conclue au Sénat.
00:24:51 Et il avait des alliés, y compris dans le groupe centriste,
00:24:55 dans la droite, etc., pour essayer de faire avancer ses pions,
00:24:58 mais ça se jouait à très peu.
00:25:00 Et lui dit, à la fin, que c'est bien au Sénat,
00:25:03 par le vote de la loi, que la séquence s'est close
00:25:06 et qu'on a pu dire "la loi est votée".
00:25:08 -Oui, Jean-Pierre Mignard.
00:25:10 -C'est tout à fait exact. On a tendance à l'oublier,
00:25:13 mais c'est au Sénat que, finalement,
00:25:15 le match s'est conclu et victorieux pour ça.
00:25:18 Il faut oublier, quand même,
00:25:19 un point pour Robert Latterre,
00:25:21 c'est la loi de dépénalisation de l'homosexualité.
00:25:24 Quand je dis que c'est la lutte contre la situation des réprouvés,
00:25:28 c'était ça. C'est une lutte d'intéressance
00:25:30 qu'il a menée de manière intime avec Gisèle Halimi.
00:25:33 C'est très important, comme les figures reviennent.
00:25:36 Des figures qui ont mené plusieurs combats
00:25:39 et qui ont été menées à embrasser les causes.
00:25:42 Celle-ci a été majeure.
00:25:43 Il n'y a pas grand monde qui s'occupait des homosexuels.
00:25:46 -Pour dire sa modernité, un combat qui est passé inaperçu,
00:25:50 mais moi, je l'ai vu, ça, c'était quand j'étais sénateur,
00:25:53 on discutait de la modification, vous savez,
00:25:56 des articles du Code civil du prononcé de les mariages.
00:26:00 On dit "vous devez fidéliter", machin, etc.
00:26:04 Et...
00:26:06 Il défendait un amendement pour qu'il y ait le mot "respect".
00:26:10 Ca renvoie aujourd'hui aussi
00:26:13 tout le débat sur la violence conjugale
00:26:16 qui explose dans la figure de tout le monde,
00:26:18 et lui insister sur le fait que dans cette relation,
00:26:23 il y ait le respect,
00:26:24 qui n'était pas du tout quelque chose d'évident
00:26:28 dans les relations, dans l'exigence de ce que c'est
00:26:31 qu'une relation homme-femme pour faire famille.
00:26:34 -Il est quand même l'époux d'une grande féministe.
00:26:37 Je pense que sa pensée en a été forcément imprégnée et nourrie.
00:26:41 L'autre combat que j'avais envie de relever,
00:26:44 c'est celui qu'il a eu pour les prisons,
00:26:46 d'ailleurs, pour en limiter l'impact
00:26:48 et pour améliorer les conditions de détention
00:26:51 pour les rendre humaines.
00:26:53 C'est-à-dire, c'est pas le bagne,
00:26:55 c'est une privation de liberté,
00:26:56 et c'est lui, par exemple, qui a introduit la télévision
00:27:00 dans les prisons à l'époque, avec un scandale
00:27:03 et ça a été très peu apprécié.
00:27:04 C'est un combat qui, à mon avis, doit se poursuivre.
00:27:07 -C'est tellement vrai qu'Henri Leclerc disait
00:27:10 il y a quelques heures,
00:27:11 qu'il avait une dernière conversation
00:27:14 sur les prisons, et il faisait état
00:27:16 d'une affliction commune
00:27:17 devant la situation des prisons en France.
00:27:20 L'Allemagne est très en avance sur nous à ce sujet.
00:27:23 -Sur la surpopulation, ce qui l'inquiétait.
00:27:25 -C'est énorme.
00:27:27 -La surpopulation carcérale.
00:27:28 -Il y a des tentatives d'ouverture
00:27:31 des prisons, et le président de la République
00:27:33 a pu signer lui-même.
00:27:34 C'est pas combattu en Allemagne,
00:27:36 et les conservateurs sont debout contre.
00:27:39 -C'est vrai que sur les prisons,
00:27:41 un mot après Pascal, on revient à la peine de mort,
00:27:44 mais vous qui êtes avocat, Jean-Pierre Millard,
00:27:46 il a oeuvré pour que les justiciables démunis
00:27:49 acceptent plus facilement un avocat commis d'office,
00:27:52 pour que les conditions de détention soient améliorées.
00:27:56 C'était un combat pour lui, cette situation des prisonniers.
00:27:59 Il en a vu. Les gens qu'il a défendus,
00:28:01 ils les voyaient pas seulement le premier jour
00:28:04 de réunion de la cour d'assises,
00:28:06 ils savaient combien de temps pour préparer leur procès.
00:28:09 Je relis ça, d'ailleurs, toujours à l'histoire du passé,
00:28:12 c'est-à-dire à l'histoire, y compris de l'occupation,
00:28:16 dont il a tous su par la suite,
00:28:18 c'est-à-dire des gens maltraités dans les prisons.
00:28:21 La première réforme des prisons s'est faite notamment
00:28:24 à l'instigation d'un certain nombre de jeunes gens,
00:28:27 qui ont été emprisonnés dans leur combat contre l'occupance.
00:28:30 On dit que c'est pas possible de continuer
00:28:33 à mettre des gens dans des conditions...
00:28:35 Tout est toujours très social et très politique,
00:28:38 et très humain, quand on a le chance
00:28:40 de bénéficier d'une grande personnalité.
00:28:43 -Oui, ça a été, bien sûr, un très grand garde des Sceaux.
00:28:46 Ce qui est intéressant, aussi,
00:28:48 c'est de voir que sa carrière strictement politique
00:28:51 commence en 81,
00:28:53 parce qu'avant, il s'était essayé au combat électoral.
00:28:57 Et il n'a jamais été élu.
00:28:59 Il a même été battu assez sévèrement, à chaque fois.
00:29:03 Comme quoi, le tempérament...
00:29:05 -Il a été battu une fois,
00:29:06 et je crois qu'il n'a pas obtenu l'investiture socialiste
00:29:09 la deuxième fois, c'était en 73, à Dreux.
00:29:12 -Il a été élu sénateur, mais bon...
00:29:14 -Après, après.
00:29:16 -En effet, par le suffrage de Michel Indirect.
00:29:19 Le suffrage de Michel Indirect, il n'y est pas parvenu.
00:29:23 Il était déjà en politique,
00:29:26 puisqu'il était très proche de François Mitterrand,
00:29:29 de la Convention des institutions républicaines.
00:29:32 Ensuite, il accompagne Mitterrand dans le combat socialiste.
00:29:35 Mais voilà, c'est un homme,
00:29:37 et là, ça a quelque chose, certainement, à voir
00:29:40 avec son tempérament.
00:29:41 Autant il était remarquable pour convaincre les parlementaires,
00:29:46 autant, en effet, cette dimension de grand intellectuel
00:29:49 et de grand juriste...
00:29:51 Je connais beaucoup de ses anciens étudiants.
00:29:54 Ils étaient absolument fascinés par les cours de Robert Badinter.
00:29:59 Autant, face, j'allais dire, à la multitude des électeurs,
00:30:04 c'était une autre paire de manches.
00:30:06 Et il avait certainement du mal à fendre l'armure.
00:30:09 Ce qui était...
00:30:11 Quand il rentrait dans une pièce,
00:30:13 quand on discutait avec lui,
00:30:15 ça m'est arrivé, comme ça, à plusieurs reprises,
00:30:18 il en imposait. C'était Robert Badinter.
00:30:20 Il en imposait, et tout le monde était un peu tétanisé
00:30:23 par cette présence, d'abord, ce très bel homme,
00:30:26 cette élégance, il était d'une élégance incroyable,
00:30:29 et puis, en effet, il avait un comportement altier.
00:30:33 Voilà.
00:30:34 -Juste, il est midi, l'hommage devrait commencer
00:30:38 dans quelques instants.
00:30:40 Place Vendôme, on attend l'arrivée du chef de l'Etat,
00:30:43 on a vu Gabriel Attal, il y a quelques secondes,
00:30:46 arriver, Place Vendôme. -Oui, je voulais pondérer,
00:30:49 parce qu'il faut s'interroger
00:30:50 si, dans ce qu'on a...
00:30:53 ce regard d'un comportement
00:30:56 ou d'une apparence altière,
00:30:59 il n'y a pas de nous-mêmes.
00:31:02 C'est-à-dire que dès qu'on parlait avec lui tranquillement,
00:31:06 d'égal à égal,
00:31:08 le dialogue était absolument...
00:31:11 Et sur les petites comme sur les grandes choses.
00:31:14 J'ai pu le constater, je le répète,
00:31:17 dans ces réunions de groupe,
00:31:19 de petites et de grandes choses,
00:31:21 il était impliqué comme n'importe quel militant.
00:31:24 Des fois, il se faisait mettre en minorité,
00:31:26 il ne montait pas au plafond,
00:31:29 il cherchait à contrôler quelque chose,
00:31:33 c'est sa parole libre.
00:31:35 Donc, discipline, solidarité,
00:31:38 mais pas sur ce qu'il considérait
00:31:40 le fondement d'engagement profond
00:31:44 où il voulait sa liberté individuelle
00:31:46 et que si on n'était pas d'accord avec lui,
00:31:49 il pourrait se fonder dans les ministres.
00:31:51 Moi, je veux surtout insister sur...
00:31:55 Il en imposait,
00:31:56 mais c'est aussi dans notre regard,
00:31:59 c'est pas parce que lui était particulièrement
00:32:03 ou cassant, ou hautain, etc.,
00:32:05 je ne crois pas.
00:32:07 -Jean-Pierre Millard.
00:32:08 -Il était hiératique et agréable.
00:32:10 -Voilà. C'est rare.
00:32:12 -Ce qui n'est pas fréquent.
00:32:14 -Catherine.
00:32:15 -D'anciens élèves, moi, de Robert Bain d'Inter,
00:32:18 ont rapporté que ces cours étaient des cours magistrales
00:32:21 de trois heures où il n'y avait pas beaucoup de place
00:32:25 pour les étudiants.
00:32:26 Robert Bain d'Inter, il n'était pas...
00:32:28 Quand vous disiez qu'on pouvait parler d'égal à égal,
00:32:31 comment vous dire ?
00:32:33 Entre sénateurs possibles,
00:32:34 mais à l'université, il n'était pas d'un abord
00:32:37 aussi facile que ça.
00:32:38 Je pense que c'était un homme
00:32:40 quand même avec une certaine présence,
00:32:43 une certaine idée, probablement,
00:32:45 de sa fonction et de son rôle.
00:32:47 Ceci étant, le dernier point que je voulais souligner,
00:32:50 c'était aussi, je crois que le président Macron
00:32:53 va en parler, c'était quand même une puissance de vie
00:32:56 extraordinaire.
00:32:57 Le nombre de combats, ce que vous avez raconté
00:33:00 sur la manière qu'il avait de se comporter dans les jurés,
00:33:03 mais quand on entend ses discours à l'Assemblée,
00:33:06 à la tribune de l'Assemblée,
00:33:08 et puis en même temps, cette capacité aussi
00:33:11 de redescendre d'un ton quand il donnait des interviews,
00:33:14 on a une vitalité, un homme d'une vitalité
00:33:17 qui est assez étonnante.
00:33:19 -Et Emmanuel Macron, qui fait son arrivée
00:33:21 place Vendôme, où on va se tenir,
00:33:24 cet hommage national que va présider
00:33:26 le chef de l'Etat, qui devrait prononcer
00:33:28 un discours d'une quinzaine de minutes.
00:33:31 Dans quelques instants, on va suivre ses images en direct.
00:33:34 Jean-Pierre Minard, cette puissance de vie
00:33:37 dont parlait Catherine, elle est liée à l'histoire
00:33:40 de Robert Maninter. -Tout est histoire chez lui.
00:33:43 Tout est histoire, tout est tragédie,
00:33:45 tout est vie, tout est plaisir d'être avec les autres
00:33:48 et de se battre pour les autres.
00:33:50 -On regarde en direct les images d'Emmanuel Macron,
00:33:55 qui salue donc les personnalités présentes sur place.
00:34:00 Voilà, on voit la famille de Robert Maninter,
00:34:04 qui est évidemment présente, on a vu son épouse,
00:34:07 Elisabeth Maninter, qui est sur place,
00:34:09 et puis Emmanuel Macron, qui va se diriger
00:34:12 sur les personnalités politiques, évidemment,
00:34:15 qui sont également présentes.
00:34:17 Yabriel Attal, Gérard Larcher, le président du Sénat.
00:34:20 Un mot, peut-être, on voit le garde des Sceaux,
00:34:24 évidemment, Éric Dupond-Moretti,
00:34:27 un mot peut-être sur quelque chose
00:34:30 dont va peut-être et sûrement parler Emmanuel Macron
00:34:33 dans son discours, puisque la question se pose,
00:34:36 c'est la panthéonisation de Robert Maninter.
00:34:41 On va suivre, on va suivre, pardon, cet hommage.
00:34:44 -Une petite partie. -Bien.
00:34:49 On va suivre dans quelques instants.
00:34:59 David D'Astouline, sur la panthéonisation.
00:35:01 -Par exemple, le Parti socialiste a écrit
00:35:04 au président de la République pour demander, souhaiter cela.
00:35:07 Je pense que...
00:35:09 Je pense pas que ça va poser de problème,
00:35:12 c'est de savoir quel est le souhait de la famille.
00:35:15 Donc Emmanuel Macron va dire peut-être tout à l'heure oui,
00:35:20 si la famille est d'accord avec ce processus,
00:35:23 mais je pense que ça ne devrait pas poser de problème,
00:35:26 parce qu'il fait... Il est dans la lignée des Jaurès
00:35:31 et d'autres qui ont marqué l'histoire de la République
00:35:37 et de ses valeurs dans ce pays.
00:35:39 -Jean-Pierre Mignard. -Oui, c'est tout à fait.
00:35:42 Sur le principe, c'est évident.
00:35:43 La seule question avec la famille, c'est,
00:35:46 les époux ou les épouses, seront-elles ou non
00:35:49 transférées au Panthéon ?
00:35:51 C'est une question qui a déjà été résolue par deux fois,
00:35:54 puisque Méliné Manouchian va être avec Itzhak,
00:35:58 et puis Simone avec Antoine.
00:36:00 Vous voyez ? Bon.
00:36:02 -Quand les couples ne veulent pas être séparés.
00:36:05 -Je ne sais pas. Je n'ai pas de question particulière
00:36:08 sur cette panthéonisation,
00:36:10 et même sur la question des couples.
00:36:13 Je trouve que mettre un peu de temps,
00:36:15 je trouve ça pas mal.
00:36:17 C'est comme les noms de rue.
00:36:19 Je trouve que les noms de rue ont des gens
00:36:21 qui viennent de mourir ou qui ne sont pas encore morts.
00:36:24 Je trouve que laisser un peu de temps,
00:36:27 laisser le temps faire son oeuvre...
00:36:29 -On peut se dire...
00:36:30 -Mais bon, moi, j'aurais tendance à me dire
00:36:34 que d'avoir une dizaine d'années ou quelque chose comme ça...
00:36:37 -C'est une façon de voir l'histoire
00:36:39 comme elle a été faite depuis 45 ans.
00:36:42 -David Asselineau. -Mais dans 10 ans,
00:36:44 ça sera peut-être Marine Le Pen, et il ne rentrera jamais au Panthéon.
00:36:48 -Ca, c'est possible, mais bon, il faut y aller.
00:36:51 -On va écouter...
00:36:52 -C'est un sas de place Vendôme.
00:36:54 -On va suivre en direct l'arrivée du cercueil
00:36:58 de Robert Badinter, qu'on va voir
00:37:01 sur ces images.
00:37:04 Applaudissements
00:37:06 ...
00:37:15 -Il demande s'il peut partir.
00:37:18 ...
00:37:31 ...
00:37:41 ...
00:37:51 ...
00:38:01 ...
00:38:31 ...
00:38:55 ...
00:39:15 ...
00:39:26 ...
00:39:33 ...
00:40:03 -J'ai l'honneur, au nom du gouvernement de la République,
00:40:07 de demander à l'Assemblée nationale
00:40:11 l'abolition de la peine de mort en France.
00:40:14 ...
00:40:32 Applaudissements
00:40:35 ...
00:40:55 ...
00:41:24 ...
00:41:34 ...
00:41:44 ...
00:41:54 ...
00:42:14 ...
00:42:34 ...
00:42:55 ...
00:43:15 ...
00:43:25 ...
00:43:45 ...
00:44:05 ...
00:44:25 ...
00:44:46 ...
00:44:56 ...
00:45:16 ...
00:45:36 ...
00:45:56 ...
00:46:16 ...
00:46:37 ...
00:47:06 ...
00:47:16 ...
00:47:36 ...
00:48:02 -Si Dieu existe, qu'aimeriez-vous, après votre mort,
00:48:05 l'entendre vous dire, à vous, Robert Badinter ?
00:48:08 ...
00:48:12 -Tu as fait ce que tu as pu. Entre.
00:48:15 ...
00:48:44 ...
00:48:54 ...
00:49:04 ...
00:49:24 ...
00:49:38 -Le sang sur la lame, la tête coupée d'un homme,
00:49:44 une vie fauchée.
00:49:48 Ce spectacle morbide, Robert Badinter y assista à l'aube,
00:49:54 le 28 novembre 1972,
00:49:57 dans la cour de la prison de la Santé.
00:50:01 Avant, il y avait eu la plaidoirie, désespérée,
00:50:06 pour sauver son client, Roger Bontemps,
00:50:09 coupable qu'il n'avait pas tué.
00:50:13 Le procès perdu à trois, la grâce sollicitée en vingt,
00:50:18 les visites, chaque matin, dans la cellule,
00:50:21 les derniers jours d'un condamné.
00:50:24 Avant, il y avait eu ce dilemme insoutenable.
00:50:27 Qui des deux condamnés, Buffet ou Bontemps,
00:50:29 exécuté en premier ?
00:50:31 Ce sera Bontemps, avaient statué leurs avocats,
00:50:34 car Bontemps a encore un peu d'espoir.
00:50:37 Mieux vaut qu'il parte d'abord.
00:50:41 Après, il n'y avait plus rien que la nuit,
00:50:47 l'odeur de sang, les visages des bourreaux,
00:50:52 la mort.
00:50:54 La mort sans recours,
00:50:57 une vie tombée parce que la justice, alors, tuait.
00:51:03 Son mentor, maître Torres, l'avait prévenu jadis.
00:51:06 "Tu deviendras vraiment un avocat après ta première mort de condamné."
00:51:11 Ce matin-là, à la Santé,
00:51:14 c'est un coup près qui tranche aussi le destin de Robert Badinter.
00:51:21 Avant ce matin-là,
00:51:23 il était un partisan de l'abolition de la peine de mort.
00:51:26 De ce jour, il en sera un combattant.
00:51:32 Une idée simple gouverna désormais la vie de Robert Badinter.
00:51:37 Pour ne pas perdre foi en l'homme,
00:51:40 il ne faut pas tuer les hommes, fussent-ils les pires coupables.
00:51:46 Il était devenu avocat par amour du droit,
00:51:49 pour gagner sa vie, il sera l'avocat pour toujours de cette cause,
00:51:53 l'abolition.
00:51:58 Janvier 1977,
00:52:01 retour à Troyes,
00:52:03 dans la même cour d'assises où furent jugés Buffet et Bontemps.
00:52:09 Cri de la foule qui demande la mort de Patrick Henry,
00:52:12 cet assassin d'enfants.
00:52:14 Cri de la foule qui demande la mort de Robert Badinter,
00:52:18 cet avocat des assassins.
00:52:20 "Les morts vous écoutent", répétait Robert Badinter.
00:52:26 Et le fantôme de Bontemps l'écoutait.
00:52:30 Les morts étaient sa conscience,
00:52:34 mémoire d'outre-tombe dont il redoutait le jugement.
00:52:39 À la barre, lui qui aimait écriver le théâtre ne jouait pas un rôle.
00:52:42 Il était une âme qui crie,
00:52:45 une force qui vit et arrache la vie aux mains de la mort.
00:52:49 "Si vous tuez Patrick Henry",
00:52:51 lança-t-il au juré dont il cherchait le regard,
00:52:53 "alors votre justice est injuste."
00:52:58 Le combat contre la mort devint sa raison d'être.
00:53:02 Après Patrick Henry,
00:53:04 Robert Badinter sauva la tête de cinq autres condamnés.
00:53:13 "Les morts nous écoutent",
00:53:15 les morts,
00:53:17 ces morts.
00:53:19 Simon, son père,
00:53:22 arrêté le 9 février 1943 par les séides de Klaus Barbie.
00:53:27 Shinlea, sa grand-mère déportée à 79 ans.
00:53:32 Idis, son autre grand-mère,
00:53:34 que dans la fuite la famille d'eux laissait s'éteindre seule à Paris.
00:53:38 Naftoul, son oncle, ses cousins,
00:53:40 tant des siens décimés par la Shoah.
00:53:43 La mort, comme ombre permanente,
00:53:47 à chaque contrôle de papier dans ce village de Savoie
00:53:50 quadrillé par les Allemands,
00:53:51 surveillé par la police de Paul Touvier.
00:53:55 La mort aux trousses,
00:53:57 sa quête de fantôme après-guerre à Auschwitz.
00:54:03 Oui, Robert Badinter fut un jeune homme hanté par la mort.
00:54:10 Sans doute est-ce pour cela qu'il fit toute son existence,
00:54:13 le choix résolu de la vie.
00:54:16 Nourriture terrestre, nourriture céleste,
00:54:18 haut, très haut et bas, très bas,
00:54:20 il vécut intensément chaque minute.
00:54:23 Fureur de vivre, des universités américaines au prétoire,
00:54:27 gourmandise des mots, voyage jusqu'au bout des nuits sans sommeil
00:54:32 pour étudier, devenir docteur, préparer ses cours.
00:54:35 Épiphanie de travail et de savoir, fête de l'esprit, la vie,
00:54:40 la belle vie, celle des théâtres, celle de l'opéra,
00:54:43 la vie pour aimer, épouser Elisabeth,
00:54:46 couple dans le siècle, unie par l'universel.
00:54:50 Complicité dans les épreuves et les procès,
00:54:52 les bonheurs et les livres,
00:54:54 presque six décennies d'une vie mêlée avec leurs trois enfants,
00:54:58 Judith, Simon et Benjamin.
00:55:01 Lumière d'un grand amour et amour des grandes lumières,
00:55:05 celle de Condorcet, de la Révolution, de la République.
00:55:10 Les morts vous écoutent.
00:55:15 Ceux qui écoutent Robert Badinter, ce jour de septembre 1981,
00:55:23 s'appellent Jaurès, Clémenceau,
00:55:27 Briand, Camus, Hugo.
00:55:33 À la tribune de l'Assemblée nationale,
00:55:35 pour défendre la loi abolissant la peine de mort,
00:55:39 le garde d'Essoe porte l'engagement du président François Mitterrand,
00:55:43 formulé durant la campagne en dépit de l'opinion.
00:55:47 Robert Badinter parle.
00:55:52 Plédoirie inoubliable contre une peine capitale
00:55:54 qui, par ses mots, est pulvérisée, à son tour exécutée.
00:55:59 Robert Badinter parle.
00:56:01 La peine de mort dissuasive, mais Patrick Henry lui-même
00:56:04 criait à mort, buffé à mort, bon temps,
00:56:07 devant le même palais de justice de Troyes quelques années plus tôt.
00:56:10 La peine de mort dénoncée par les religions,
00:56:13 les philosophies, les consciences du monde.
00:56:15 La peine de mort, appanage des dictateurs.
00:56:19 Robert Badinter parle.
00:56:21 Et la justice ?
00:56:23 La justice, n'est-ce pas seulement des juges, des jurés,
00:56:26 avec leurs failles, leurs erreurs ?
00:56:29 Alors faut-il accepter des exécutions sans cause ?
00:56:33 Des cadavres par accident ?
00:56:35 Un homme qui n'a pas tué coupé en deux
00:56:37 dans la cour de la prison de la santé ?
00:56:40 Non, ce n'est pas une question politique.
00:56:43 C'est une question morale.
00:56:46 Un cas de conscience.
00:56:49 Robert Badinter convainc.
00:56:53 Une majorité vota pour la loi entière.
00:56:58 Une majorité formée de la gauche,
00:57:00 rejointe par quelques députés de l'opposition,
00:57:03 menés par Jacques Chirac.
00:57:05 Robert Badinter avait gagné son plus grand procès.
00:57:15 Victor Hugo, son modèle, avait écrit 93.
00:57:19 Robert Badinter venait de tracer 81
00:57:23 dans l'histoire du progrès français.
00:57:26 Année de l'abolition.
00:57:28 Cela suffisait-il ? Non.
00:57:34 Il fallait encore rendre la justice plus humaine
00:57:37 et l'humanité plus juste.
00:57:39 Poursuivre l'œuvre d'émancipation et de fraternité
00:57:42 promue par Condorcet.
00:57:45 Chasser les terribles démons de l'arbitraire
00:57:46 qui tuèrent Condorcet et tant d'autres après lui.
00:57:49 Derrière chacun, réprouvés, condamnés, oubliés.
00:57:54 Le garde des Sceaux voulait toujours voir une vie.
00:57:57 Simplement. Irréductiblement.
00:58:02 Vie des homosexuels, discriminés,
00:58:06 dont Robert Badinter mit fin à l'opprobre légale.
00:58:10 Vie brisée des victimes dont il se soucia plus que tout autre avant lui.
00:58:15 Vie citoyenne avec ses droits inaltérables.
00:58:18 Il supprima les tribunaux d'exception
00:58:21 et il ajouta un recours,
00:58:23 celui de la Cour européenne des droits de l'homme,
00:58:26 aux armes de liberté des justiciables français.
00:58:30 Vie des détenus, car pour lui existait un droit
00:58:34 qu'aucune loi ne pouvait entamer, aucune sentence retranchée.
00:58:38 Le droit de devenir meilleur, même en prison, même coupable.
00:58:46 La vie, sa vie menacée,
00:58:50 son honneur bafoué,
00:58:52 parce qu'il fut pendant 5 ans le ministre le plus attaqué de France,
00:58:56 cible d'une haine dont l'écho résonne encore dans cette place Vendôme.
00:59:00 Mes chers compatriotes, tout à l'heure, vous l'avez applaudi,
00:59:03 dans cette même place où alors des voix de haine
00:59:08 s'élevaient pour l'attaquer en raison de cette abolition.
00:59:13 La vie, cette vie sacrée, garantie par l'Etat de droit,
00:59:17 par les lois fondamentales de la République,
00:59:20 cette primauté de la personne humaine,
00:59:23 inscrite dans une décision du Conseil constitutionnel
00:59:26 qu'il présida et dont il était spécialement fier.
00:59:32 Vie d'études et de sagesse à la tête de cette institution.
00:59:37 Vie vouée à défendre la dignité de chacun
00:59:40 et l'unité de la République jusqu'au banc du palais du Luxembourg.
00:59:46 Vie pour protéger les vies et qu'importe les frontières.
00:59:49 Vie brisée par les fers de l'histoire,
00:59:51 arrachée par des assassins qu'il voulait voir juger
00:59:54 dans les cours internationales.
00:59:56 Vie au-delà de la France, sa patrie,
00:59:58 lui qui aida tant de pays européens sortis de la dictature ou de la guerre
01:00:03 à inventer leur constitution.
01:00:07 Oui, Robert Badinter avait choisi la vie.
01:00:15 La vie heureuse.
01:00:18 La vie en République.
01:00:21 Souvenir des rêves de ses parents, juifs de Bessarabie,
01:00:25 pour qui la France se disait avec les mots de Zola
01:00:28 et les paroles de la Marseillaise.
01:00:31 Souvenir des vies héroïques,
01:00:34 ses habitants de Cognin en Savoie qui savaient
01:00:37 que les Badinter réfugiés là étaient juifs
01:00:40 et ne dirent rien aux Allemands.
01:00:44 Robert Badinter.
01:00:46 La République faite homme.
01:00:51 La vie contre la mort.
01:00:54 Cette vie portée jusqu'à son dernier souffle.
01:00:58 Cet élan de colère qui fustigeait le négationniste le traitant,
01:01:01 lui l'avocat sur les bancs des accusés en mars 2017.
01:01:06 Cette vie la sienne qui en changea tant d'autres,
01:01:09 qui en inspira tant d'autres, qui en éclaira tant d'autres,
01:01:12 lucide sur la chance qu'ils eurent
01:01:14 de croiser un jour ce géant du siècle.
01:01:17 Et à mon tour, je mesure cette chance.
01:01:21 La vie plus sombre depuis vendredi matin pour nous tous
01:01:28 et pour les Français pleurant aujourd'hui
01:01:30 sa force de colère, sa force de lumière
01:01:34 qui nous grandissait tous.
01:01:38 Les morts nous écoutent.
01:01:41 Oui, les morts nous écoutent.
01:01:46 Robert Badinter, vous nous écoutez désormais
01:01:50 et vous nous regardez.
01:01:53 Conscience morale que rien n'efface,
01:01:56 pas même la mort que le chagrin élève au rang d'exigence.
01:02:01 Et vous nous quittez au moment où vos vieux adversaires,
01:02:04 l'oubli et la haine, semblent comme s'avancer à nouveau.
01:02:10 Où vos idéaux, nos idéaux sont menacés,
01:02:13 l'universel qui fait toutes les vies égales,
01:02:17 l'état de droit qui protège les vies libres,
01:02:20 la mémoire qui se souvient de toutes les vies.
01:02:23 Alors nous faisons aujourd'hui le serment,
01:02:26 je fais le serment, d'être fidèles
01:02:30 à votre enseignement et votre engagement.
01:02:34 Fidèles.
01:02:36 Et vous pourrez écouter nos voix couvrir celles des antisémites,
01:02:40 des négationnistes, comme votre voix couvrait la leur,
01:02:43 les réduisait au silence.
01:02:45 Fidèles.
01:02:46 Et vous pourrez écouter des audiences, des plaidoiries,
01:02:50 des lectures de jugement,
01:02:52 cœur vibrant de l'état de droit si souvent remis en cause
01:02:55 au moment où vous partez.
01:02:56 Fidèles.
01:02:57 Pour que vous puissiez écouter un jour
01:03:00 quand le Parlement du dernier pays,
01:03:02 pratiquant la peine de mort, dira "elle est abolie",
01:03:06 mettant le point final à notre combat désormais universel.
01:03:11 Nous serons fidèles.
01:03:14 Pour ceux qui ont été tués,
01:03:16 pour ceux qui n'avaient pas tué,
01:03:18 pour tous vos morts et pour ceux qu'il faut sauver.
01:03:22 Pour Simon, pour Idis, pour Shinlea, pour Naftoul.
01:03:28 Nous serons fidèles.
01:03:30 Pour cette part d'humanité qui fut si longtemps oubliée
01:03:33 pendant le siècle et demeure si fragile.
01:03:36 Nous serons fidèles.
01:03:38 Car c'est vous qui, aujourd'hui, parmi la foule,
01:03:43 nous êtes fidèles.
01:03:47 Vigie aux sourcils broussailleux,
01:03:50 fendue d'un sourire soudain,
01:03:52 vibrant d'indignation et d'une colère juste
01:03:54 quand sont attaquées les principes universels,
01:03:57 vous nous restez fidèles.
01:04:00 Comme vous l'étiez chaque année, en silence,
01:04:04 hommes parmi les hommes, rue Sainte-Catherine à Lyon,
01:04:09 pour commémorer la rafle
01:04:11 où fut enlevé votre père un 9 février, encore.
01:04:19 Vous êtes là, aujourd'hui, parmi nous.
01:04:25 Les lois de la vie et de la mort comme suspendues,
01:04:30 vaincues, abolies.
01:04:36 Alors s'ouvre le temps de la reconnaissance de la nation.
01:04:40 Aussi, votre nom devra s'inscrire
01:04:43 aux côtés de ceux qui ont tant fait pour le progrès humain
01:04:47 et pour la France, et vous attendent au Panthéon.
01:04:54 Vive la République, vive la France.
01:04:57 (...)
01:05:27 (...)
01:05:37 Au mort.
01:05:38 (La marseillaise)
01:05:41 (...)
01:05:51 (...)
01:06:01 (...)
01:06:12 (...)
01:06:24 (...)
01:06:34 (...)
01:06:44 (...)
01:06:54 (...)
01:07:04 (...)
01:07:13 (La Marseillaise)
01:07:21 (...)
01:07:29 (...)
01:07:33 (...)
01:07:42 (...)
01:07:50 (...)
01:07:58 (...)
01:08:06 (...)
01:08:11 (...)
01:08:16 (Applaudissements)
01:08:21 (...)
01:08:31 (...)
01:08:34 (...)
01:08:39 (...)
01:08:42 (...)
01:08:46 (...)
01:08:49 -Voilà, pour cet hommage national issu du discours d'Emmanuel Macron,
01:08:53 un discours où il a parlé de l'histoire, des valeurs,
01:08:56 et évidemment, du combat de Robert Basinter
01:08:59 contre la peine de mort.
01:09:01 Le président a su trouver les mots justes
01:09:04 pour évoquer la carrière de ce juste de la République
01:09:09 qu'a été Robert Basinter.
01:09:12 Si j'avais, au fond, à retenir quelques mots
01:09:17 de ce discours du président de la République,
01:09:19 je retiendrais "Robert Basinter, c'est la République fait homme".
01:09:23 Et d'ailleurs, cela justifie qu'à la fin de son discours,
01:09:28 le président a décidé de lui ouvrir les portes du Panthéon,
01:09:33 ce temple où on honore ce qui fait honneur à la République.
01:09:38 Et certainement, Robert Basinter fait partie de cela,
01:09:43 et on aura donc, dans quelques temps,
01:09:45 l'occasion de fêter la panthéonisation
01:09:49 de Robert Basinter.
01:09:51 Alors, il a beaucoup assisté, en effet, sur ce combattant,
01:09:55 ce combattant ardent de la lutte
01:10:00 pour l'abolition de la peine de mort,
01:10:02 mais il a élargi le spectre, parce qu'il faut l'élargir.
01:10:05 On ne peut pas rabattre uniquement la carrière de Robert Basinter
01:10:09 sur l'abolition de la peine de mort.
01:10:11 Et il a évoqué cette chose extrêmement troublante,
01:10:14 puisque le discours du président est orienté, axé
01:10:18 autour de ce dialogue entre la force de vie
01:10:20 qu'était Robert Basinter et le souvenir de ses morts.
01:10:24 Ce qui est frappant, il a rappelé que son père, Samuel,
01:10:28 avait disparu un 9 février...
01:10:30 -Simon. -Simon, pardon.
01:10:32 ...avait disparu un 9 février 1943.
01:10:37 Et c'est assez troublant que son fils lui-même
01:10:41 ait disparu un 9 février 2024.
01:10:45 -Alors que le cercueil de Robert Basinter
01:10:47 quitte la place Vendôme sous les applaudissements
01:10:51 et retourne dans cette cour du ministère de la Justice.
01:10:55 David Assouline,
01:10:56 qu'est-ce que vous retenez de ce discours d'Emmanuel Macron ?
01:10:59 -Ecoutez, moi aussi, il y a un...
01:11:01 Si on doit...
01:11:04 concentrer l'intervention du président,
01:11:06 que j'ai trouvé très juste,
01:11:08 c'est "La République fait homme",
01:11:10 pour parler de Robert Basinter.
01:11:12 C'est ça.
01:11:13 C'est une espèce de résumé en trois mots
01:11:16 euh...
01:11:17 et de ce qu'on ressent
01:11:20 avec la disparition de Robert Basinter
01:11:23 et la dimension du personnage.
01:11:26 Et puis, donc, le lien direct,
01:11:29 évident, que j'ai compris tout de suite
01:11:31 quand ces mots ont été prononcés,
01:11:33 que si on disait cela, eh bien...
01:11:36 ça se finirait par l'annonce
01:11:39 qu'il sera au Panthéon
01:11:42 par le président de la République,
01:11:44 puisque c'est le lieu de la République
01:11:47 et de ceux qui l'ont incarné.
01:11:49 Après, voilà,
01:11:52 l'ensemble de ce qui a été dit
01:11:54 était bien dit.
01:11:55 D'ailleurs, le dernier hommage
01:11:59 au film français du 7 octobre,
01:12:03 les mots étaient aussi assez puissants.
01:12:05 Et donc, ce discours était à la hauteur
01:12:09 de l'hommage qu'il faut rendre à Robert Basinter.
01:12:12 Peut-être que j'aurais aimé
01:12:15 qu'on relie ce combat
01:12:18 pour la justice
01:12:20 à ce qu'il animait et qui faisait
01:12:23 qu'il était dans la famille de la gauche.
01:12:25 Il était très attaché à la justice sociale
01:12:30 et comprenait et le disait souvent
01:12:33 que s'il n'y a pas de justice sociale,
01:12:36 on met en danger la démocratie elle-même,
01:12:40 la République elle-même,
01:12:41 parce que c'est dans cet équilibre jaurécien,
01:12:44 la République jusqu'au bout,
01:12:46 que la concorde, la paix
01:12:50 et...
01:12:51 et ses valeurs fondamentales
01:12:56 réussissent à s'épanouir le mieux.
01:12:58 -On va revenir sur son discours.
01:13:00 Emmanuel Macron a commencé son discours
01:13:04 en parlant, évidemment, du combat de Robert Basinter
01:13:07 pour l'abolition de la peine de mort
01:13:09 et en parlant de ce jour de 1972
01:13:12 où Roger Bontemps, son client,
01:13:14 a été guillotiné.
01:13:15 Robert Basinter disait, "Or, il n'était pas un assassin.
01:13:18 "J'aurais porté toute ma vie cette colère
01:13:21 "de voir un homme qui n'a rien fait se faire exécuter devant moi."
01:13:24 C'est de là qu'est né son combat contre la peine de mort.
01:13:27 On va réécouter ce qu'en a dit Emmanuel Macron.
01:13:30 Robert Basinter est passé de partisan de la peine de mort
01:13:33 à combattant.
01:13:34 -Il était un partisan de l'abolition
01:13:36 de la peine de mort.
01:13:38 De ce jour, il en sera un combattant.
01:13:43 Une idée simple gouverna désormais la vie de Robert Basinter.
01:13:47 Pour ne pas perdre foi en l'homme,
01:13:51 il ne faut pas tuer les hommes, fussent-ils les pires coupables.
01:13:55 Il était devenu avocat par amour du droit
01:14:00 et pour gagner sa vie, il sera l'avocat pour toujours
01:14:03 de cette cause, l'abolition.
01:14:06 -C'était parmi les premiers mots d'Emmanuel Macron,
01:14:11 la naissance du combat de Robert Basinter
01:14:14 contre la peine de mort.
01:14:15 Et ce jour où son client a été guillotiné sous ses yeux.
01:14:19 -En effet, le combat était antérieur,
01:14:22 puisque depuis les années 60, en effet,
01:14:25 il avait, à de nombreuses reprises,
01:14:27 fait mener le combat de l'abolitionnisme.
01:14:31 Mais là, il y a presque un trauma.
01:14:33 C'est-à-dire qu'il voit un homme qui est innocent
01:14:38 être déclaré coupable
01:14:41 et être coupé en deux,
01:14:43 pour reprendre l'image extrêmement crue
01:14:45 qu'a évoquée le président de la République.
01:14:48 Et quelque part, là, le combat devient un combat
01:14:52 qu'il aura chevillé au corps,
01:14:55 qu'il va mener avec une passion particulière.
01:14:58 Et il va remporter, avant l'abolition,
01:15:00 quelques victoires, parce qu'il va sauver de la mort
01:15:04 de nombreux condamnés à mort.
01:15:07 Donc, il va être le grand avocat,
01:15:12 et cela, bien sûr, le positionnera
01:15:15 pour devenir le garde des sceaux d'une gauche
01:15:18 qui va lier, quelque part, son arrivée au pouvoir
01:15:21 à cet acte extrêmement fort
01:15:23 qu'est l'abolition de la peine de mort,
01:15:25 vis-à-vis d'une opinion qui, à l'époque,
01:15:28 était au deux tiers favorable au maintien de la peine de mort.
01:15:32 Alors, son combat a laissé des traces, bien sûr,
01:15:35 mais il faut savoir que c'est un combat
01:15:38 qui ne se traduit pas, même aujourd'hui,
01:15:40 par une victoire absolue, en tout cas en termes d'opinion.
01:15:43 Je regardais dans une enquête que nous avons menée
01:15:46 avec le Cevipof à Sciences Po,
01:15:49 nous avons à nouveau posé la question
01:15:51 "Êtes-vous pour ou contre l'abolition de la peine de mort ?"
01:15:56 et c'est à peu près 50-50.
01:15:58 48 % des Français sont pour le retour de la peine de mort,
01:16:04 qui, de toute façon, est impossible dans le cadre actuel.
01:16:06 – On va écouter Patrick Caner, le président du groupe socialiste au Sénat.
01:16:09 – En entendant direct.
01:16:10 Monsieur Caner, bonjour.
01:16:13 – Bonjour.
01:16:14 – Moment très solennel, moment très fort, j'imagine, pour vous aussi,
01:16:17 en tant que socialiste, mais plus généralement,
01:16:19 en tant que citoyen, en tant qu'homme politique.
01:16:20 – Bien sûr, en tant que socialiste, très fier d'avoir pu compter
01:16:24 dans nos rangs un homme aussi exceptionnel,
01:16:27 puis en tant que citoyen, je n'oublie pas ces cris de haine,
01:16:31 à mort, qui ont été jetés dans cette place par les gens qui…
01:16:35 Voilà, le AIC, c'est un symbole extraordinaire
01:16:39 de le voir avec toute la République autour de lui,
01:16:42 ils ont tous rassemblé, sensibilités confondues,
01:16:45 pour honorer la mémoire d'un homme qui a marqué l'histoire de la France.
01:16:48 – L'éloge d'Emmanuel Macron était à la hauteur de l'homme
01:16:53 que Robert Abadinter représente aujourd'hui pour notre République.
01:16:55 – Oui, je tiens à le dire, vous savez, j'ai écouté le président de la République
01:16:59 lors de l'hommage à Jacques Delors ou aux victimes françaises du 7 octobre,
01:17:04 on a là effectivement un président de la République
01:17:08 qui a été totalement à la hauteur de l'événement
01:17:11 et qui a su avoir les mots justes, notamment par rapport à la famille,
01:17:14 et j'étais très ému de voir Elisabeth Abadinter assez effondrée,
01:17:19 mais qui peut être fier d'avoir été l'épouse de ce de grand homme.
01:17:22 – Il va faire son entrée au Panthéon, j'imagine que vous vous en félicitez.
01:17:25 – Oui, le président de la République a conclu son discours
01:17:29 par cette annonce qui était attendue,
01:17:32 dans quelques jours nous ferons rentrer Manoukian et son épouse,
01:17:36 le 21 février, dans quelques semaines, quelques mois peut-être, Robert Abadinter,
01:17:42 voilà, c'est les grands hommes et les grandes femmes
01:17:46 se retrouvent ensemble à nous de savoir être dignes de leur part.
01:17:50 – Merci beaucoup, merci M. Kallair pour votre réaction.
01:17:53 – Merci Steve pour cette réaction, depuis la place Vendôme
01:17:57 où se tenait cet hommage, on parlait, David a souligné,
01:17:59 de Robert Abadinter, parce que là, évidemment, c'est un hommage national,
01:18:03 mais à l'époque, et Emmanuel Macron l'a bien dit,
01:18:06 il était haï, Robert Abadinter, quand il a plaidé pour l'abolition
01:18:11 de la peine de mort, et même en 77, quand il a sauvé la tête de Patrick Henry,
01:18:15 qui était coupable d'avoir enlevé et tué un petit garçon,
01:18:18 c'était l'un des hommes les plus détestés de France.
01:18:21 C'est, entre guillemets, la magie de l'hommage,
01:18:25 c'est qu'il manque peu de monde à l'appel pour lui rendre cet hommage
01:18:30 et reconnaître ce qu'il a été, mais effectivement,
01:18:35 il ne faut pas oublier qu'à l'époque, non seulement ce sont des centaines
01:18:41 de policiers qui ont pu passer tous les barrages
01:18:48 pour être sous sa fenêtre à Place Vendôme,
01:18:51 y compris ceux qui sont chargés de garder le ministère,
01:18:56 qui enlèvent leurs casquettes en hommage et en soutien à ces policiers,
01:19:03 qui crient les insultes et...
01:19:09 Voilà, imaginez, il est à sa fenêtre et il voit ça,
01:19:14 et il est ministre.
01:19:16 Et donc, dans la classe politique, à droite essentiellement,
01:19:20 bien entendu, il y avait des propos très violents
01:19:24 et la démagogie qui était utilisée ensuite pour en faire le symbole
01:19:28 du laxisme, de l'autorisation à tuer,
01:19:34 à commettre des crimes, etc. était là.
01:19:38 Mais ce que je sais, c'est qu'il a transmis,
01:19:41 y compris à ses successeurs, à ce poste,
01:19:45 j'ai entendu plusieurs d'entre eux le dire,
01:19:48 à chaque fois, cette parole ne cédait pas
01:19:54 à l'opinion du moment, quand il y a de l'insécurité,
01:19:57 quand il y a de la violence,
01:20:01 à l'opinion quand il s'agit des droits fondamentaux
01:20:05 et des libertés.
01:20:06 C'est ça aussi un ministre de la Justice.
01:20:09 Et moi, c'est ce qui m'a le plus marqué.
01:20:12 Nous sommes à l'ère des politiques démagogues.
01:20:16 Et il n'était pas cela, donc il pouvait être rejeté,
01:20:19 haï, mais in fine, c'est ce qu'il a fait
01:20:25 qui reste dans l'histoire.
01:20:26 – Il fut… Ah ben, je vais vous couper,
01:20:28 on va retourner en direct, place Vendôme,
01:20:31 François-Noël Buffet, qui est le président de la Commission des lois
01:20:33 ici au Sénat, qui est en direct au micro de Sif Jordan.
01:20:36 Je vais vous donner le téléphone, parce qu'il est à partir de l'autre banche.
01:20:39 – Monsieur Buffet, et hommage solennel, hommage très fort,
01:20:44 quel a été votre sentiment quand vous avez écouté ces mots
01:20:47 d'Emmanuel Macron ? Ils ont été à la hauteur selon vous ?
01:20:49 – Je crois qu'il a eu les mots justes.
01:20:51 Il a porté son intervention et c'était tout à fait
01:20:56 à la hauteur de l'événement et de ce qu'était Robert Van Inter.
01:20:59 Je crois que c'était une très très belle cérémonie,
01:21:01 et c'est un très très bel hommage qui lui est rendu.
01:21:04 Je crois que vraiment, il y avait de l'émotion, bien sûr,
01:21:08 et aussi le sentiment de vivre un moment important.
01:21:13 C'est tout de même, il était devant nous,
01:21:15 et c'est tout de même celui qui a aboli la peine de mort.
01:21:18 Bien sûr, beaucoup d'autres mesures, mais l'abolition de la peine de mort,
01:21:22 c'est quand même quelque chose d'exceptionnel.
01:21:26 Donc, c'est un moment d'émotion, comme ça.
01:21:28 – Pour vous l'avocat, évidemment, et son anthropanthéon,
01:21:31 peut-être un mot là-dessus, c'est ce qui était attendu aujourd'hui,
01:21:34 vous êtes satisfait de cet anthropanthéon de Robert Van Inter ?
01:21:37 – Oui, je trouve ça normal, compte tenu du travail qu'il a fait,
01:21:41 de ce qu'il a réalisé, et c'est bien une reconnaissance
01:21:45 de la nation à cet homme.
01:21:46 Après, les choses se font, naturellement,
01:21:49 mais je trouve ça, je n'y vois que les avantages,
01:21:52 et qu'une belle reconnaissance.
01:21:54 – Merci beaucoup, monsieur le président.
01:21:55 – Merci à vous.
01:21:56 – Merci d'avoir répondu à mes questions.
01:21:57 – Merci Steeve pour cette réaction, et effectivement,
01:22:00 Emmanuel Macron qui a ouvert la voie à la panthéonisation
01:22:03 de Robert Van Inter, on va réécouter ce passage,
01:22:04 et je vous fais réagir, Pascal Perrineau.
01:22:07 – Lors s'ouvre le temps de la reconnaissance de la nation,
01:22:10 aussi votre nom devra s'inscrire aux côtés de ceux qui ont tant fait
01:22:15 pour le progrès humain et pour la France, et vous attendent au Panthéon.
01:22:23 – Voilà, c'est une déclaration qui était attendue,
01:22:26 Emmanuel Macron qui a donc ouvert la voie à l'entrée au Panthéon
01:22:28 de Robert Van Inter.
01:22:29 – Oui, bien sûr, pour entrer au Panthéon,
01:22:31 il faut que le temps de la panthéonisation vienne,
01:22:35 c'est ce que dit le président,
01:22:37 s'ouvre le temps de la reconnaissance de la nation,
01:22:42 parce qu'en effet, comme on le rappelait tout à l'heure,
01:22:44 cet homme n'a pas toujours eu cette reconnaissance de la nation,
01:22:49 il a été fortement contesté, comme on l'est souvent en politique,
01:22:53 et souvent, vous savez, ceux qui deviennent des grands leaders
01:22:57 font l'objet certes d'admiration, mais aussi de beaucoup de haine,
01:23:01 regardez dans un autre horizon politique,
01:23:04 la haine dont a été l'objet le général de Gaulle,
01:23:07 il y avait une haine qui venait de la droite, qui venait de la gauche,
01:23:11 vis-à-vis du général de Gaulle, qui était à certaines époques,
01:23:14 en effet, monstrueuse, la haine vis-à-vis de François Mitterrand,
01:23:18 la haine vis-à-vis de Badinter,
01:23:23 c'est quelque part, souvent, le signe d'hommes et de femmes
01:23:29 qui sont ou qui vont devenir des leaders
01:23:33 qui vont marquer leur temps.
01:23:35 Et là, il s'agit bien d'un homme qui a marqué son temps
01:23:40 et qui, d'autre part, a eu une constance
01:23:45 et une liberté phénoménales,
01:23:47 parce qu'au-delà de la cause de l'abolition de la peine de mort,
01:23:51 quand on regarde jusqu'aux dernières semaines,
01:23:57 c'est un homme qui a toujours eu un discours très libre,
01:24:00 ça n'était pas du tout indoctrinaire.
01:24:03 Et sur certains thèmes, par exemple, il avait une liberté,
01:24:06 par exemple sur l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne,
01:24:10 il a toujours été opposé, il le disait, sur l'euthanasie,
01:24:14 qui est un sujet sur lequel nous allons…
01:24:17 on parle déjà beaucoup et certainement les parlements
01:24:20 vont être appelés à se prononcer sur l'euthanasie,
01:24:23 il était contre l'euthanasie.
01:24:25 Et d'une certaine manière,
01:24:27 il allait contre toute une partie de son camp.
01:24:29 Mais c'était un enjeu moral,
01:24:31 vous voyez bien les enjeux moraux décisifs
01:24:34 qu'il y a derrière l'euthanasie,
01:24:35 et il disait "voilà, je suis contre".
01:24:38 Donc c'était un homme, et c'est ce qui fait sa séduction suprême,
01:24:41 un homme d'une liberté, d'une grande liberté.
01:24:45 – Et Emmanuel Macron, qui a relié les combats de Robert Badinter
01:24:48 avec ce qui se passe actuellement, il a eu cette phrase
01:24:51 "vous nous quittez au moment où vos vieux adversaires l'oublient
01:24:53 et la haine semble s'avancer à nouveau".
01:24:55 – Oui, alors dans deux domaines, déjà sur la peine de mort,
01:25:00 moi je pense, peut-être c'est la dernière fois
01:25:03 que j'ai eu un échange avec lui, c'était au Panthéon,
01:25:07 et c'était pour le 40e anniversaire de l'abolition de la peine de mort
01:25:10 en octobre 2021,
01:25:14 et ses mots, c'était "ce combat continue
01:25:23 parce qu'il est universel et ça continue dans le reste du monde".
01:25:27 Et donc on voit aujourd'hui que le nombre de morts prononcées
01:25:33 et exécutées en Iran est dingue,
01:25:36 et que dans une grande démocratie comme celle des États-Unis,
01:25:39 ça continue.
01:25:40 – Et Emmanuel Macron qui est engagé pour le combat
01:25:42 contre l'abolition universelle.
01:25:44 – Justement, et ça, il y mettait beaucoup, beaucoup d'énergie,
01:25:48 c'est-à-dire pour lui, ce n'était pas du tout un combat
01:25:51 qui s'était arrêté au moment où il l'a fait adopter en France,
01:25:54 et il voulait utiliser, y compris, toute sa force et sa notoriété
01:25:59 pour le mettre au service d'un combat qui continue.
01:26:03 Donc vraiment, ça c'était sa marque de fabriqué.
01:26:07 Puis effectivement, quand on incarne une opinion,
01:26:11 eh bien la force que l'on met à la défendre
01:26:16 fait que tous ceux qui ne sont pas d'accord
01:26:18 voient en cette personne l'adversaire maximum.
01:26:24 Quand on est insignifiant, quand on ne pense rien,
01:26:26 quand on n'est que dans l'air du temps,
01:26:28 bon ben voilà, on suscite peut-être mépris,
01:26:32 mais en tous les cas pas de haine.
01:26:34 Et ça, il en avait fait fi, c'est-à-dire qu'il assumait,
01:26:38 et il réussissait, il avait une carapace là-dessus importante.
01:26:43 Moi je l'ai vu aussi dans le groupe,
01:26:45 dans des débats que j'ai eus d'ailleurs avec lui,
01:26:47 parce qu'il y avait ce débat, vous savez,
01:26:49 est-ce qu'on enlève race dans la Constitution
01:26:52 puisqu'on conteste le fait qu'il y ait des races,
01:26:55 et pourtant c'est là pour justement combattre le racisme.
01:26:59 Et il avait un point de vue,
01:27:00 parce qu'il disait que c'est un combat international,
01:27:02 dans les conventions internationales,
01:27:04 c'est comme ça que c'est écrit,
01:27:06 nous devons pouvoir être en adéquation
01:27:09 pour plaider sur la scène internationale
01:27:11 la lutte contre le racisme.
01:27:12 Bon, mais c'était un point de vue de juriste
01:27:15 et qui regardait le droit international,
01:27:18 on n'était pas d'accord, mais voilà,
01:27:20 il était sur des petites choses du droit
01:27:23 comme sur des grandes, il était très impliqué, passionné,
01:27:26 il essayait de convaincre toujours.
01:27:28 - Merci, merci David Dassouline,
01:27:30 merci Pascal Perrineau d'avoir été avec nous
01:27:32 pour vivre cet hommage national à Robert Badinter,
01:27:36 l'hommage à Robert Badinter qui se poursuit sur Public Sénat.
01:27:39 Tout de suite, vous pouvez regarder cet épisode
01:27:41 d'Il était une loi, Mathieu Croissandon revient
01:27:43 sur l'abolition de la peine de mort et le rôle central
01:27:46 qu'a joué Robert Badinter.
01:27:47 Très bonne journée.
01:27:48 - Au revoir.
01:27:49 (Générique)