Emmanuel Macron a employé sept fois le mot "réarmement" dans ses vœux pour 2024, et depuis, le terme est repris par l’ensemble du gouvernement. Laélia Véron vous propose une analyse des fonctions de la métaphore de la guerre en rhétorique politique.
Retrouvez toutes les chroniques linguistes de Laélia Veron dans « Le grand dimanche soir » sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-linguiste-de-laelia-veron
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AmusantTranscription
00:00 On ouvre un nouveau chapitre culturel dans cette émission avec un moment langue,
00:04 langage,
00:05 linguistique, stylistique, sémantique, politique, magique, sarcastique.
00:10 Voilà, j'accueille à toi.
00:11 C'est Lélia Veyron.
00:13 [Applaudissements]
00:15 Alors, je voudrais vous parler d'un nouveau mot très présent dans la communication gouvernementale,
00:21 le mot réarmement.
00:23 Macron l'a employé sept fois durant ses voeux de Nouvel An.
00:26 Après le réarmement économique, le réarmement de l'État et de nos services publics,
00:31 il nous faudra ainsi engager notre réarmement civique.
00:34 Alors, ça réveille votre cible militaire ?
00:36 En tout cas, réarmement, c'est le nouveau mot.
00:39 Macron l'a utilisé pour annoncer la nomination de Gabriel Attal.
00:43 Attal a fait de même quand il l'a remercié,
00:45 et il a été repris par les ministres et les députés.
00:47 Ici, un exemple avec Antoine Armand.
00:50 Ce sera pas un reniement, ce remaniement, ce sera un réarmement.
00:53 Donc, je pense que vous avez bien compris.
00:55 Alors, on a ici la métaphore de la guerre,
00:58 métaphore souvent employée dans les discours politiques
01:00 et qui peut avoir des usages différents.
01:02 Elle a le plus souvent une fonction mobilisatrice.
01:05 Elle vise à créer un sentiment d'unité nationale,
01:08 et Macron avait déjà joué sur ça lorsqu'il avait déclaré
01:10 "Nous sommes en guerre pendant le Covid".
01:13 Mais cette métaphore lui est aussi utile pour se construire une position d'autorité.
01:17 Le président, c'est le chef des armées,
01:19 c'est lui qui est censé mener cette mobilisation nationale.
01:22 Et la métaphore fait écho aux idées d'ordre, de fermeté, de détermination.
01:26 Et quelquefois, moins on est en position d'autorité réelle,
01:29 plus on a besoin de l'affirmer.
01:32 Tout ça, ça reste assez classique.
01:33 La métaphore guerrière peut être d'ailleurs utilisée
01:35 par des bords politiques très différents.
01:37 "Réarmer la République", c'est une expression qui a beaucoup été employée
01:41 par Montebourg lorsqu'il était représentant de Hollande en 2012.
01:44 Vous vous rappelez de François Hollande ?
01:46 Et là, ça voulait dire se battre contre la finance.
01:49 Ça paraît bien loin.
01:50 Parce que oui, une guerre, ça implique un ennemi.
01:52 Le tout est de savoir lequel.
01:54 Et un réarmement, ça implique qu'il y a eu un désarmement.
01:57 Et des responsables de ce désarmement.
01:59 Là, actuellement, si les services publics sont désarmés,
02:01 ça veut dire que quelqu'un les a désarmés.
02:03 Et on pourrait se demander qui ?
02:05 Mais qui y avait-il avant ce quinquennat de Macron ?
02:08 Hein ?
02:09 Et qui est-ce qui demande actuellement,
02:11 dans le budget de la Sécurité sociale pour 2024,
02:13 600 millions d'économies dans les hôpitaux ?
02:16 On peut se demander aussi qui ? Toujours Macron.
02:18 Donc, ça paraît un peu absurde dit comme ça.
02:20 Mais finalement, on peut se demander
02:22 si cette image du réarmement,
02:24 est-ce qu'elle est là pour donner un caractère
02:26 artificiellement dramatique à des déclarations creuses ?
02:29 Ou est-ce qu'elle doit être prise au sérieux ?
02:30 Parce que quand Macron dit qu'il va réarmer l'école,
02:33 est-ce que c'est de l'enfumage ?
02:35 Ou est-ce que ça nous annonce qu'en fait,
02:36 de mesure pour l'école, on n'aura pas des postes de profs,
02:39 mais des uniformes, des cours de morale et du SNU ?
02:42 Réarmer les services publics,
02:43 est-ce que c'est du vent pour faire oublier sa politique libérale ?
02:46 Ou est-ce que ça implique une militarisation
02:48 sauf des services publics,
02:49 avec un renforcement des hiérarchies et de l'autoritarisme ?
02:53 Franchement, moi j'ai peur d'imaginer ce que ça veut dire
02:56 quand Rachida Dati déclare que la culture est un combat.
02:59 Qu'est-ce qu'elle va nous faire ?
03:00 Service militaire obligatoire pour tous les intermittents
03:02 qui n'ont pas fait leurs heures ?
03:03 On verra.
03:04 Bonne idée !
03:05 Pourquoi pas, on verra.
03:07 Allez, courage les amis, face à ce réarmement,
03:09 nous, on va essayer de continuer à lutter.
03:11 Merci !
03:12 (Applaudissements)