"Simone Weber, la vieille dame et son juge" / En 1991, Simone Weber, malgré des airs de gentille mamie, fait souffler la tempête sur les assises de Nancy. Accusée du meurtre de son amant, Bernard Hettier, la vieille dame terrible fait preuve d'un sang-froid d'acier. Elle se défend bec et ongles, invective les témoins et fascine la foule comme les journalistes qui se pressent en nombre. Condamnée à vingt ans de prison, Simone Weber est aujourd'hui libre. Son interview exceptionnelle vient appuyer les témoignages des autres protagonistes du procès.
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00:00 Je suis en détention comme dans la vie de tous les jours.
00:03 Je ne suis pas le bon Dieu, ni la diabolique.
00:06 C'était un feuilleton cette histoire.
00:35 C'était un roman.
00:36 On l'a souvent appelé Simone par son prénom et pas Simone Weber,
00:40 parce que c'est un personnage un peu de roman populaire.
00:42 Les journaux de la presse locale titraient la diabolique aux assises.
00:47 Une mamie qui s'amuse à faire des coups de sécurité comme les grands voyous le font
00:53 quand ils vont sur des braquages ou autre,
00:55 on se dit "si elle agit comme ça, c'est qu'elle a quelque chose à se reprocher".
00:57 Je me demande comment elle peut dormir et comment elle peut encore se regarder dans une glace.
01:01 On était un peu comme un vieux couple.
01:04 Alors parfois on se discutait, parfois c'était beaucoup plus calme.
01:09 Je ne suis pas le bon Dieu, ni la diabolique.
01:12 Je peux vous dire que jusqu'à son dernier souffle,
01:17 elle essaiera encore d'établir son innocence.
01:19 L'affaire Simone Weber, c'est un crime sauvage,
01:30 incarné par le visage d'une gentille petite grand-mère.
01:33 C'est le meurtre de Bernard Etier, 55 ans,
01:35 son ancien amant tué et qu'elle aurait découpé avec une meuleuse à béton.
01:41 L'affaire Simone Weber, c'est une enquête complexe,
01:45 une instruction fleuve et un procès spectaculaire et théâtral
01:48 qui a passionné la presse et les Français durant des semaines.
01:53 Simone Weber a joué pendant des années une partie d'échec macabre
01:57 avec un juge d'instruction obstiné, avec son juge, Gilles Bertil.
02:03 Près de 25 ans après sa condamnation,
02:05 qu'est devenu Simone Weber ?
02:07 Que sont devenus les proches de la victime ?
02:10 Quel regard portent les policiers, les avocats, les journalistes sur cette affaire ?
02:16 Avec Imen Gwali, nous avons décidé de retrouver les protagonistes,
02:20 à commencer par Simone Weber,
02:22 et d'analyser avec eux les conséquences
02:25 et les répercussions de ce dossier hors norme.
02:28 - 20 ans de réclusion criminelle pour Simone Weber,
02:31 reconnue responsable de la mort de Bernard Etier.
02:34 L'accusé était absent à la lecture du verdict.
02:37 - Tout commence 6 ans plus tôt, le 22 juin 1985.
02:44 Bernard Etier, contre-maître de 55 ans, divorcé,
02:48 et père de 2 filles, vit seul à Maxéville, dans la banlieue de Nancy.
02:52 Cela fait plusieurs jours qu'il est en prison.
02:55 Il n'a plus donné de nouvelles à sa fille Patricia.
02:58 - Je suis venue voir s'il était dans sa maison.
03:01 Il y était pas.
03:03 J'ai sonné, voyant que j'insistais.
03:06 Donc les voisins en face m'ont recueilli en me disant "Venez rentrer".
03:10 C'est là qu'ils m'ont expliqué qu'ils avaient vu Simone Weber
03:13 partir samedi matin avec papa.
03:15 - Simone Weber, c'est une femme qui entretient
03:18 une liaison orageuse avec Bernard Etier depuis 3 ans.
03:21 D'ailleurs, ce samedi-là, les voisins de Bernard Etier
03:25 ont observé un drôle de manège.
03:28 - Les voisins ont entendu un peu d'éclats de voix.
03:31 Le voisin qui est un peu curieux s'est approché.
03:34 Il a entendu qu'ils se disputaient.
03:36 Bon, il a pas insisté, il est reparti.
03:38 Et peut-être un quart d'heure après,
03:40 ils les ont vus partir tous les 2 en voiture, chacun avec leur voiture.
03:44 - Depuis ce matin du 22 juin, plus personne n'a revu Bernard Etier.
03:49 ...
04:07 - Patricia Etier, c'est vous qui lancez l'affaire.
04:10 Pourquoi est-ce bizarre que votre père ne donne pas de nouvelles?
04:14 - Parce qu'à l'époque, j'avais une relation avec papa
04:18 qui était assez fusionnelle, on se voyait une fois par semaine.
04:21 Donc je téléphonais où je passais.
04:23 Et donc là, plusieurs semaines sans nouvelles.
04:26 Donc je me suis un petit peu inquiétée.
04:28 Je trouvais que c'était pas normal.
04:30 - Et il était dans quel état d'esprit?
04:32 - Bon, il était bien, sauf que Mme Weber harcelait déjà à l'époque.
04:36 Elle était toujours devant sa porte à n'importe quelle heure du travail.
04:39 Elle le suivait, même jusqu'à son travail.
04:41 Elle le suivait à sa sortie du travail.
04:43 Et elle venait devant chez lui jusqu'à ce qu'il ouvre la porte.
04:46 - Donc vous alertez la police. Que vous dit-on?
04:49 - Ben, on ne me croit pas trop, parce que c'est vrai que vu là,
04:53 j'ai mon papa un peu faire une fugue.
04:55 On peut disparaître, on peut vouloir s'éloigner, on peut...
04:59 - Donc vous avez décidé d'enquêter vous-même.
05:01 Par quoi est-ce que vous commencez?
05:03 - Par la suivre.
05:04 Je me suis grimée, je vous le dis pas, parce que comme elle le connaissait,
05:08 je la suivais avec un foulard, une perruque.
05:11 Je pensais qu'elle allait me mener quelque part,
05:13 qu'elle allait m'emmener à une cachette ou je sais pas,
05:16 ou chez quelqu'un que je connaissais pas et que j'aurais peut-être pu trouver papa.
05:19 Mais non, elle faisait que les allers-retours dans ses 2 appartements.
05:21 Donc...
05:22 Et si on sonnait, elle répondait pas de toute façon.
05:25 Bernard Etier était peut-être harcelé par Simone Weber
05:29 parce qu'il avait une nouvelle compagne, Monique Nuss.
05:33 Elle aussi s'inquiète quand elle reçoit un étrange appel
05:36 dont son fils Didier se souvient encore aujourd'hui.
05:39 [Musique]
05:49 - Didier Nuss, au soir du 22 juin, votre mère reçoit un coup de fil anonyme.
05:54 Que dit-il?
05:56 - Il dit que Bernard ne va pas rentrer comme convenu.
06:01 Ils avaient prévu de partir ensemble en week-end.
06:04 Et elle n'a pas du tout cru cette personne.
06:06 - Qui est au bout du fil?
06:07 C'est un homme, une femme?
06:09 - C'était un homme qui se faisait passer pour un ami de Bernard.
06:14 Donc on a trouvé ça bizarre et elle m'a envoyé tout de suite prendre des nouvelles.
06:21 Essayer de voir s'il était pas chez lui déjà, dans un premier temps, à Maxéville.
06:25 Et comme on avait quelques renseignements concernant Simone Weber,
06:30 je suis allé aussi aux autres domiciles de Simone.
06:35 - Et qu'est-ce que Bernard Étier vous a dit de cette femme?
06:38 - Qu'il fallait s'en méfier.
06:40 Que s'il lui arrivait quoi que ce soit, ça ne pouvait venir que d'elle.
06:43 Et on a pris peur parce que quelques semaines précédents,
06:48 on avait eu l'arrivée de Bernard complètement ensouqué, comme drogué, à la maison,
06:55 qui trouvait à peine son chemin.
06:57 Et j'avais pu remarquer qu'il avait une marque de piqûre dans le bras.
07:02 Donc on suppose qu'il avait été drogué.
07:05 Et on a tout de suite pensé qu'il aurait pu arriver la même chose, voire pire.
07:09 - Donc vous allez mener un peu votre enquête, vous allez devant chez Simone.
07:12 Qu'est-ce que vous découvrez? Qu'est-ce qui se passe?
07:14 - À Nancy, avenue de Strasbourg, j'ai sonné.
07:18 Le rideau du premier étage a bougé.
07:23 Ça n'a pas répondu.
07:25 Sur le parking quasiment en face, j'ai découvert fermé à clé,
07:29 la Renault 9 bleue de Bernard.
07:31 Je suis repassé plus tard dans la soirée, il faisait nuit.
07:37 Et là, il n'y avait plus de voiture de Bernard.
07:41 Elle avait disparu.
07:43 Mais où est passée la Renault 9 bleue?
07:46 Et où est Bernard Etier?
07:48 Après deux semaines d'absence, la police consent enfin à essayer de comprendre.
07:53 C'est le service de l'inspecteur Charles De Rey qui est chargé de l'enquête.
07:57 D'ordinaire, il s'occupe plutôt de stups et des mœurs.
08:01 - Charles De Rey, vous étiez le directeur d'enquête dans le dossier Simone Weber.
08:07 Pourquoi ce n'est pas la PJ qui est saisie au départ de cette affaire?
08:10 - Alors au départ, il n'y a pas de suspicion criminelle, il n'y a pas de faits criminels.
08:13 C'est une disparition simple, comme il y en a des milliers en France.
08:17 Et la Sûreté urbaine dans laquelle je travaillais a des services spécialisés
08:21 qui interviennent sur la ville et sur le département.
08:24 La PJ, elle, est spécialisée sur des affaires plus importantes
08:27 avec des raffinifications nationales ou internationales.
08:31 Donc on n'était pas du tout dans ce cadre-là.
08:33 - Vous lancez les recherches deux semaines après le signalement de sa disparition.
08:37 Est-ce que vous n'avez pas perdu beaucoup de temps?
08:39 - Non, parce qu'il n'y avait pas d'élément qui pouvait confirmer un assassinat ou des faits criminels.
08:45 C'est vraiment la procédure de recherche dans l'intérêt des familles.
08:49 On essaye d'avoir des éléments pour savoir s'il y a autre chose qu'une disparition simple.
08:54 Les policiers surveillent Simone Weber.
08:58 La prennent en filature et interrogent ses voisins, le couple Hague.
09:03 Ceci apporte un témoignage capital.
09:07 L'après-midi de la disparition de Bernard Hétier,
09:10 ils ont vu un homme entrer dans l'immeuble avec Simone Weber.
09:14 Mais ils ne l'ont jamais vu redescendre.
09:18 Pire, ils ont entendu des bruits inquiétants à l'étage.
09:23 - Madame Weber, puisque c'est elle dont il s'agissait,
09:26 avait passé une nuit à utiliser un instrument électrique.
09:30 Elle avait descendu au petit matin des sacs poubelles en quantité importante,
09:34 qu'elle les avait placés elle-même dans le camion.
09:37 Elle avait attendu le camion des ordures pour mettre ses poubelles dedans
09:40 et qu'ils avaient regardé, ça sentait le sang.
09:43 C'est ce qui m'a été rapporté.
09:47 - Incroyable.
09:48 Les policiers placent Simone Weber sur écoute.
09:51 Et les échanges téléphoniques qu'elle a avec sa soeur cadette Madeleine,
09:54 qui vit à Cannes, sont très intéressants.
09:57 Simone et Madeleine parlent d'une certaine Bernadette
10:00 qu'il faudrait changer d'école, un nom de code sans aucun doute.
10:05 - On s'est dit, ben, pourquoi Bernadette, ce serait pas la voiture de Bernard ?
10:11 Pourquoi changer d'école, ben, la changer de lieu de stationnement ?
10:17 Et de là, on a...
10:20 On a réussi à craquer le code.
10:24 - Et ce n'est pas tout.
10:27 A Cannes, les policiers découvrent que Madeleine loue un box sous une fausse identité.
10:32 A l'intérieur, bingo, la fameuse Bernadette,
10:35 la Renault 9 bleue de Bernard Etier, équipée de fausses plaques d'immatriculation.
10:41 Une découverte étrange qui provoque l'interpellation des 2 soeurs
10:45 et, dans la foulée, une perquisition fructueuse.
10:48 Chez Simone Weber, 2 carabines, des explosifs et des faux papiers.
10:53 Chez Madeleine, à Cannes, on retrouve les papiers de la Bernadette,
10:58 un chéquier et une carte de sécurité sociale appartenant à Bernard Etier.
11:03 Mais surtout, dans le coffre de la voiture,
11:07 un outil de bricolage interpelle les enquêteurs.
11:10 Une meuleuse pour découper du béton,
11:13 louée par Simone Weber la veille de la disparition de Bernard Etier.
11:18 - Cet engin pouvait éventuellement avoir servi à démembrer un cadavre.
11:27 La meuleuse est peut-être tout simplement ce bruit de machine
11:33 qui a été entendu par les voisins du dessous
11:35 la nuit qui a suivi la disparition de Bernard Etier.
11:38 Les 2 soeurs sont questionnées par la police.
11:42 - Charles Deray, quelle est l'attitude de Simone et de Madeleine Weber en garde à vue ?
11:48 - Simone n'a rien lâché, n'a rien dit, n'a rien abandonné.
11:53 La soeur de Simone Weber est quelqu'un d'effacé,
11:56 de beaucoup plus timide, de beaucoup plus gentille,
12:00 pas le mot, mais plus calme que sa soeur.
12:03 Et donc, elle a nié les faits en bloc.
12:06 - Comment les 2 soeurs expliquent-elles la présence
12:09 de la voiture de Bernard Etier dans le box à Cannes ?
12:12 - Alors, la soeur ne s'est jamais exprimée là-dessus, ou très très peu.
12:16 Par contre, Simone Weber a toujours été fidèle à ses explications.
12:21 C'était pour rendre service à Etier,
12:23 pour ne pas qu'il ait d'ennuis à des contraventions
12:25 en la laissant sur la voie publique abandonnée,
12:28 et puis pas qu'on sache que Bernard Etier faisait des frasques
12:32 et avait disparu un certain temps.
12:34 - Elle vous ment, ça vous agace, et elle vous mentait avec talent ?
12:37 - Avec force. Et conviction.
12:40 Talent, je ne sais pas, mais avec conviction.
12:43 - A l'issue de leur garde à vue, Simone et Madeleine
12:47 sont présentées au juge d'instruction, Gilbert Thiel.
12:51 Le début d'une relation houleuse entre Simone Weber et son juge.
12:57 Une relation unique dans l'histoire de la justice.
13:00 Gilbert Thiel, vous vous rappelez votre premier face-à-face avec Simone Weber ?
13:07 - Oui, lorsque je l'inculpe.
13:10 Elle me déclame quelques phrases protestantes de son innocence,
13:14 et ensuite, je lui fais connaître la possibilité qu'elle a de choisir un avocat.
13:21 Elle me dit sans rire, "Je fais le choix de mettre Robinet,
13:24 qui va me laver de tout soupçon."
13:26 Je reste effectivement impassible,
13:28 et je lui annonce que je la place en détention provisoire.
13:31 A l'époque, c'est le juge d'instruction qui place en détention provisoire.
13:35 - Et elle se comporte comment avec vous ?
13:37 - C'est l'innocence personnifiée.
13:40 - Pour quel motif inculpez-vous les deux sœurs Weber
13:43 à l'issue de ce premier interrogatoire ?
13:46 - Simone Weber est inculpée à l'époque d'homicide volontaire
13:50 et de quelques délits connexes divers et variés,
13:54 puisqu'il y a notamment des infractions à la législation
13:57 sur les explosifs et les armes,
13:59 puisqu'on a retrouvé trois bâtons de dynamite chez elle,
14:02 un dispositif de mise à feu, deux carabines,
14:05 vingt-deux longs rifles, un stock de munitions,
14:08 des timbres humides de mairies ou d'autres institutions,
14:13 de pharmaciens qui s'avèreront être dérobés en divers lieux.
14:18 Madeleine Weber est inculpée pour recel du véhicule de Bernardetti
14:23 et également de destruction de preuves d'éléments à convulsion.
14:27 - Est-ce que la première fois que vous les voyez,
14:30 elles semblent inquiètes l'une et l'autre ?
14:32 - Non, elles se défendent de leur petite voix chantonnante,
14:38 mais bon, j'en ai vu d'autres.
14:40 - Les policiers ont accumulé pas mal d'indices,
14:46 mais il en manque un, et de taille, le corps de Bernardetti.
14:52 Trois mois après sa disparition,
14:54 un pêcheur de poincie en Seine-et-Marne
14:57 donne, sans le savoir, un coup de pouce décisif à l'enquête.
15:00 Il repêche une valise dans la Marne,
15:03 à plus de 300 km de Nancy, et lorsqu'il l'ouvre...
15:07 - C'est là qu'on a vu la paire de fesses, quoi.
15:09 On voyait carrément que c'était une paire de fesses,
15:11 c'était pas un cochon, moi.
15:13 - C'est un tronc humain.
15:15 Il faudra neuf mois pour faire le rapprochement avec Bernardetti
15:19 grâce à une radio du bassin du disparu comparée à celle de ce tronc.
15:24 L'expert légiste et formel, c'est bien lui.
15:27 - Il s'est tangenté les, on va dire, 99,9, pour vous donner une idée.
15:33 C'était quand même très, très, très, très, très similaire.
15:37 - Mais 99,9, ce n'est pas 100 %.
15:42 C'est ce que rappelle la défense, qui conteste donc l'identité du tronc.
15:48 La valise va pourtant livrer un autre secret,
15:51 des traces d'une peinture bleue.
15:54 - L'analyse de la peinture bleue du parpaing servant à lester la valise
16:00 était la même composition que la peinture dans la maison de Simone Weber.
16:05 Sous la peinture, j'ai trouvé des graines de sable
16:08 qui étaient les mêmes graines de sable
16:10 que ceux du jardin de Simone Weber également.
16:16 Les policiers et le juge ont maintenant un morceau de corps
16:19 qui pourrait être celui de Bernard Etier
16:21 et un scénario qui tient la route.
16:24 Selon eux, le meurtre se serait déroulé
16:27 dans l'appartement de Simone Weber.
16:30 - Un calement lui a peut-être été administré à son insu
16:35 et il est fort probable qu'il soit décédé d'un coup de 22 longs rifles.
16:40 Et par la suite, dans la nuit,
16:43 elle le découpe en morceaux après avoir mis des plastiques
16:46 pour protéger le sol.
16:48 Elle met dans le camion d'ordure les sacs.
16:52 Elle utilise également une valise qu'elle a trouvée chez Etier
16:57 pour y mettre le tronc, sans les membres.
16:59 - Et le mobile ?
17:01 - Alors le mobile, la jalousie,
17:03 parce qu'elle a toujours soupçonné Etier
17:05 d'avoir des relations féminines nombreuses.
17:08 Et elle a vu qu'Etier la lâchait, elle ne l'a pas supportée.
17:12 [Musique]
17:28 - Simone Weber, on a dit que vous aviez un mobile,
17:31 le dépit amoureux,
17:33 et que vous n'avez pas supporté qu'il ait d'autres femmes.
17:37 - Vraiment.
17:39 Impensable, amoureuse.
17:42 Remarquez qu'il y en a qui tombent amoureux.
17:45 Je fais 60 ans, je lisais ça dans un magazine.
17:48 C'est peut-être possible, je dirais ça, si ça arrive.
17:51 - En tout cas, pas vous.
17:53 - Ben, je crois pas.
17:55 Je dirais jamais, mais je ne crois pas.
17:58 [Musique]
18:01 - Les policiers concentrent maintenant leur recherche
18:03 sur le passé de Simone Weber.
18:05 Ils découvrent qu'elle a déjà été mariée à un militaire retraité,
18:09 veuf et sans enfant, un certain Marcel Fixard.
18:13 L'homme est mort subitement en 1980.
18:17 Trois ans avant son décès, ce monsieur cherchait une dame de compagnie.
18:21 Simone Weber s'est présentée, a séduit l'homme,
18:24 et le mariage a été célébré à Strasbourg.
18:27 Les policiers retrouvent l'un des témoins du mariage
18:30 et l'interrogent.
18:33 - Surprise, je le connais pas, celui-là.
18:35 Je l'ai jamais vu, celui-là.
18:37 Oh, mais il était pas comme ça.
18:39 Elle commence à nous décrire un homme
18:42 qui n'avait rien à voir avec Marcel Fixard.
18:48 - Simone Weber est donc soupçonnée
18:51 d'avoir embauché un figurant pour se marier.
18:54 Un figurant qu'on n'a jamais retrouvé.
18:57 Et Marcel Fixard est mort, lui,
18:59 3 semaines seulement après cette union,
19:01 d'une crise cardiaque, alors qu'il était en bonne santé.
19:04 Bizarre.
19:06 D'autant que les policiers découvrent que Simone
19:08 s'était fait prescrire un puissant médicament pour le coeur,
19:11 de la digitaline,
19:13 et ceci à l'aide de fausses ordonnances.
19:17 Pour le juge, Simone Weber a un mobile, l'argent.
19:21 Avec la mort de Marcel Fixard,
19:23 elle peut toucher l'héritage du papy,
19:25 un compte en banque bien garni
19:27 et une maison à rosier Rosaline.
19:30 Le corps de Marcel Fixard est exhumé
19:33 pour vérifier s'il reste des traces de poison dans les viscères.
19:37 Mais la toxicologue ne trouvera pas grand-chose.
19:40 - À partir du moment où vous n'êtes pas capable de dire
19:46 c'est certainement la digitaline,
19:49 eh bien, vous émettez un doute.
19:51 - Gilbert Hill, malgré ce doute,
19:54 vous l'inculpez quand même une 2e fois
19:56 pour l'empoisonnement de Marcel Fixard.
19:58 - Quand vous avez quelqu'un qui s'est emparé de la maison,
20:01 de celui qui deviendra son pseudo-mari,
20:04 qu'elle aura épousé à l'insu de ces derniers,
20:07 et donc elle captera tous les biens par un faux testament,
20:10 et qu'elle aura acheté avec des ordonnances volées
20:13 et falsifiées de la digitaline,
20:15 eh bien, ma foi, j'ai estimé qu'il y avait des charges suffisantes
20:19 pour qu'elle soit jugée également du chef d'empoisonnement.
20:23 C'est ça le rôle d'un juge d'insultion.
20:27 Le 17 janvier 1991,
20:29 Simone Weber comparaît pour 2 assassinats
20:32 devant la cour d'assises de Mört et Moselle,
20:34 celui de Bernard Etier et celui de Marcel Fixard.
20:38 L'audience est prévue pour durer 6 semaines,
20:41 un record de longueur.
20:43 Le procès s'annonce spectaculaire et théâtral.
20:46 Liliane Glock, avocate de Simone Weber,
20:49 était aux 1res loges.
20:52 Liliane Glock, est-ce qu'aujourd'hui,
20:54 on pourrait prendre encore 6 semaines
20:56 pour juger un crime passionnel ?
20:58 Je ne sais pas, mais ce n'est pas dans l'air du temps.
21:02 Il faut dire les choses, hein.
21:04 Ça a été un spectacle.
21:06 Si vous voulez, le plus grand public
21:11 de l'histoire de la France,
21:13 c'est le public de l'État.
21:15 C'est un grand public,
21:17 parce que, si vous voulez,
21:20 le public qui quittait la salle le matin,
21:24 ils allaient à la baraque de frites
21:26 qui a fait fortune, s'acheter un sandwich,
21:28 et ils reprenaient la queue
21:30 pour rentrer à 14h.
21:32 Parce qu'il y avait une file d'attente à la sortie,
21:35 la salle était comble,
21:37 et on attendait qu'une place se libère
21:40 pour venir s'installer.
21:42 Ça a été un grand spectacle.
21:44 J'ai fait dédicacer quelques livres à Simone Weber.
21:46 - Qu'est-ce qu'elle leur écrivait ?
21:48 - Elle était quand même un peu préoccupée par son procès.
21:50 Elle me disait "Qu'est-ce que j'écris ?"
21:52 Et je disais "Écoutez, marquez pour Michel,
21:54 la personne qui lui a demandé."
21:56 C'est quand même... C'est quelque chose, quand même.
21:59 - Le cas Marcel Fixard est examiné en premier.
22:03 Mais l'accusation a peu d'éléments
22:05 pour charger Simone Weber.
22:07 Pour Bernard Etier,
22:09 les indices matériels et les témoignages
22:11 sont en revanche beaucoup plus solides.
22:13 Le 28 février 1991,
22:16 après 11 heures de délibérés,
22:18 le verdict est prononcé
22:20 en l'absence de Simone Weber,
22:22 transférée à l'hôpital à la suite d'un malaise.
22:25 - Le verdict est tombé il y a seulement quelques minutes.
22:29 La cour d'assises de Meurthe-et-Moselle
22:31 a condamné Simone Weber à 20 ans de réclusion criminelle.
22:35 - 20 ans pour le meurtre de Bernard Etier.
22:38 L'après-méditation n'a pas été retenue,
22:40 et Simone Weber est acquittée
22:42 pour l'assassinat de Marcel Fixard.
22:44 Sa soeur Madeleine est condamnée à 18 mois de prison ferme
22:48 pour avoir détruit le passeport
22:50 et le chéquier de Bernard Etier.
22:52 Liliane Glock, que pensez-vous du verdict
22:59 qui a été rendu par la cour d'assises ?
23:01 20 ans.
23:03 - Je pense que c'est...
23:08 Comment on dit quand on parle bien ?
23:10 Une cote mal taillée.
23:12 Elle est coupable de quoi ?
23:14 D'avoir tué son amant par jalousie ?
23:17 L'addition est élevée.
23:20 Après sa condamnation, Simone Weber ne baisse pas les bras.
23:27 A l'époque, l'appel n'existe pas pour les verdicts d'assises.
23:31 Toujours combative, elle se pourvoit aussitôt en cassation.
23:35 - C'était une forme de logique,
23:38 puisqu'elle a estimé avoir été victime du juge,
23:41 de la police, de la presse.
23:43 Il était normal qu'elle aille au bout de sa logique
23:46 et qu'elle espère bénéficier d'un autre procès.
23:50 Simone Weber est finalement déboutée.
23:53 Elle va donc purger sa peine à la centrale pour femmes de Rennes.
23:57 - Elle a été une détenue sans histoire.
24:01 Beaucoup plus facile, d'ailleurs,
24:03 qu'elle n'avait été lorsqu'elle était en détention préventive à Nancy.
24:07 Elle était un peu la vedette,
24:09 puisqu'on parlait très souvent d'elle dans les journaux.
24:12 Et là, elle imposait sa loi aux autres détenues.
24:16 Simone Weber partage sa cellule avec son dossier.
24:22 Plus de 18 000 pages qu'elle n'a cessées de lire et de relire.
24:26 - Elle a continué, pendant toute cette période,
24:30 à travailler sur son dossier, à écrire,
24:33 à rechercher des éléments qui seraient de nature
24:36 à permettre la réouverture du procès,
24:41 de démontrer son innocence.
24:43 - Mais à ce jour, son procès en révision n'est toujours pas d'actualité.
24:48 Simone Weber a retrouvé la liberté le 18 novembre 1999,
24:53 après 14 ans de prison.
24:55 Son avocat était présent le jour de sa sortie.
24:58 - On a déjeuné ensemble et je l'ai ramenée à Orly,
25:03 où elle prenait un avion pour aller à Cannes, rejoindre sa sœur.
25:08 J'ai vu que la compagnie avec laquelle elle voyageait,
25:11 c'était la compagnie Air Liberté.
25:13 Je trouve que sur le plan symbolique,
25:15 c'était une image assez extraordinaire, tout à fait fortuite.
25:18 - Aujourd'hui, Simone Weber vit à Cannes,
25:29 dans la même résidence qu'aussiue que sa sœur Madeleine.
25:32 À 85 ans, elle est affaiblie par son âge,
25:36 mais toujours aussi combative.
25:38 - Simone Weber, comment allez-vous aujourd'hui ?
25:43 - Un jour, pas vraiment bien.
25:46 Je peux pas bouger mes bras des fois,
25:48 même pas la main pour prendre une tasse.
25:51 On le dirait pas comme ça, mais...
25:54 Quand on est du haut en bas, presque paralysé comme ça,
25:58 on peut rien faire.
26:00 Quand ça va un peu mieux, les jours où j'ai moins mal,
26:03 il faut faire tout ce qu'on fait pas quand on a mal.
26:07 - Comment vous occupez vos journées, justement ?
26:09 - Que je m'occupe ? Je me lève très tard
26:12 et je suis presque tout le temps couchée.
26:15 Sans rire, presque tout le temps couchée.
26:18 - Comment s'est passée votre détention ?
26:21 - Je lisais, puis j'écrivais.
26:24 J'écrivais tellement que je pouvais psuétire,
26:27 tellement j'avais mal dans le poignet.
26:29 Et...
26:31 Non, puis je m'occupais des autres,
26:34 de les aider dans ce qu'elles disaient.
26:37 Alors si j'étais un tas de torchon
26:39 qui massacre un homme à la tronçonneuse,
26:42 je crois pas que je ferais des choses comme ça.
26:45 - On dit de vous que vous étiez une détenue modèle.
26:48 - Je suis en détention comme dans la vie de tous les jours.
26:53 Je suis pas le bon Dieu, ni la diabolique,
26:56 ni l'un ni l'autre.
26:58 - Ça veut dire que vous aviez accepté votre peine ?
27:01 - Accepté ma peine ?
27:03 Je vous dis, enregistrez-le bien.
27:07 Quand on voit la crapulerie qui existe,
27:13 les gens qui assassinent moralement,
27:19 des gens qui ont jamais fait de choses pareilles,
27:25 on sait presque mieux.
27:28 En prison.
27:30 - Si l'affaire Simone Weber a marqué les annales judiciaires,
27:38 c'est sans doute en raison de la personnalité de l'accusée.
27:42 Une mamie aux mille visages, coriace, puniasse et mystérieuse.
27:46 - Elle n'est jamais naturelle,
27:50 elle est toujours dans la représentation,
27:52 dans l'excès, dans la vective.
27:54 Donc, à vrai dire, une femme, je pense, complexe,
27:57 qui a volontairement évité de se révéler,
28:01 puisque pendant la procédure pénale,
28:03 elle a refusé les expertises psychiatriques,
28:06 ce qui est quand même assez rare.
28:08 - C'est un peu de Dr Jekyll et Mr Hyde.
28:15 Elle peut être mielleuse, toute gentille
28:17 quand elle a besoin de quelque chose,
28:19 et puis subitement, elle peut changer de caractère,
28:22 être très virulente, méchante.
28:24 - Une personnalité qui marque encore les policiers aujourd'hui
28:28 et qui les a désarçonnés dès le début de l'enquête,
28:31 quand ils ont commencé leur filature.
28:34 - Au début, on prenait un petit peu de distance,
28:37 on disait, la mamie, elle va jamais nous retapisser.
28:39 Donc, on prenait pas trop de précautions.
28:42 Et puis, plusieurs fois, on a remarqué qu'elle s'arrêtait,
28:46 elle faisait ce qu'on appelle en langage policier
28:48 des coups de sécurité.
28:50 Soit elle s'arrêtait, soit elle faisait demi-tour,
28:53 ou après, elle repartait ailleurs.
28:55 Il était évident qu'elle nous avait repérés.
28:57 Donc, c'est vrai qu'à l'époque, on se dit,
29:00 une mamie qui s'amuse à faire ça,
29:02 comme les grands voyous le font
29:04 quand ils vont sur des braquages ou autre,
29:06 si elle agit comme ça, c'est qu'elle a quelque chose à se reprocher.
29:09 - Elle ne manquait pas une occasion de me dire,
29:11 "Monsieur De Rêve, n'est pas un peu grossi ?
29:13 "Monsieur Jacques, mais vous vous comportez comme un voyou."
29:17 Et il y a que M. Thiel qui échappait un peu à sa vindicte.
29:20 - Simone Weber, Gilles Berthil.
29:24 Un duo atypique et inoubliable.
29:27 Ils se sont affrontés à 75 reprises dans le bureau du juge.
29:31 Une relation parfois orageuse, mais parfois aussi complice.
29:35 - Quand ça se passait bien avec le juge Thiel,
29:39 elle l'appelait Montpoussin.
29:41 Et puis, quand ça se passait mal entre eux,
29:43 elle l'appelait Touvier.
29:45 - Touvier, l'ancien chef de la milice de Lyon.
29:48 Une autre fois, à la sortie d'un interrogatoire houleux,
29:51 elle trouve à son juge un autre surnom.
29:53 - Il refuse de le prouver.
29:55 Alors c'est un assassinat moral, c'est un bandit.
29:57 - Mais parfois, le duo se rabiboche.
30:02 Et le juge Thiel accepte d'accompagner discrètement Simone Weber au cimetière
30:07 pour se recueillir sur les tombes de 2 de ses enfants décédés.
30:13 - C'est vrai qu'à l'occasion de tel moment,
30:16 il peut y avoir des échanges d'humanité,
30:20 on va dire d'humanité,
30:22 entre une prévenue et un juge d'instruction.
30:26 Et puis, après, il y a le conflit qui résulte du dossier,
30:31 où chacun a des convictions très fortes dans un sens opposé,
30:36 qui fait que nécessairement, par moments, ça devient très vif.
30:41 - Gilles Bertil, quelles étaient vos relations avec Simone Weber ?
30:45 Comment ça se passait avec elle ?
30:47 - Elle était respectueuse, j'étais respectueux de sa personne.
30:51 J'avais une grosse difficulté.
30:54 Simone Weber est quelqu'un d'instinctif dans l'interrogatoire,
30:59 mais qui prouve absolument le besoin de justifier tout,
31:02 et son contraire, donc qui parle sans arrêt.
31:05 Et qui, à défaut de toujours réfléchir suffisamment,
31:08 se met dans des situations un peu délicates pour elle.
31:12 - Vous aussi, vous êtes un instinctif.
31:14 Comment ça se passait entre vous et elle ?
31:16 Il peut y avoir des conflits.
31:18 - Oui, il y a eu des coups de sang.
31:20 C'est un peu... Ce n'est pas un jeu,
31:23 mais néanmoins, on dit que c'est le jeu du chat et de la souris.
31:27 Un jour, je lui ai dit, moi, j'ai passé le concours de chat,
31:30 vous, vous êtes titulaire du diplôme de la souris.
31:35 Mais on était un peu comme un vieux couple.
31:38 Alors parfois, on se discutait,
31:40 parfois, c'était beaucoup plus calme,
31:43 dans une ambiance beaucoup plus zen.
31:45 - En même temps, vous aviez avec elle des relations étranges.
31:48 Vous l'avez même sortie de prison
31:50 pour l'emmener voir ses enfants au cimetière.
31:52 Ce n'est pas tout à fait légal, ça.
31:54 - Vous trouvez quoi d'étrange là-dedans ?
31:56 Non, mais ce n'est pas tout à fait légal.
31:58 Est-ce que c'est illégal ? Non.
32:00 Donc je l'ai fait à cinq ou six reprises.
32:02 Alors certains ont dit, oui, vous faites ça
32:04 parce que c'est absolument ridicule.
32:06 Il y a un minimum d'humanité.
32:08 Et si cette humanité doit comporter quelques prises de risque,
32:12 eh bien, prenons-les.
32:13 - Simone Weber, vous avez une relation un peu particulière
32:16 avec Gilbert Hill ?
32:18 - Non, pas particulière.
32:20 Je n'ai jamais eu de haine, de toute façon, contre lui.
32:23 Je me doute bien qu'à longueur de journée,
32:28 qu'on interroge des gros bannières, des gros scrapules.
32:33 Ça doit machiner les esprits et le cerveau.
32:37 - Vous regrettez de l'avoir appelé "mon bandit" ?
32:39 - Quand j'ai dit ça, c'était dans le hall du tribunal.
32:43 "Ça m'est sorti, un bandit."
32:45 Et j'ai dit, je m'excuse, monsieur Till.
32:48 Vous savez, ça m'est sorti comme ça,
32:50 mais ce n'est pas ce que je pense.
32:54 - Gilbert Hill, les avocats de Simone Weber
32:57 vous ont accusé de vous acharner contre elle
32:59 parce que vous l'aviez maintenue en détention provisoire
33:01 pendant cinq ans.
33:02 - Madame Weber a fait la grève de l'instruction
33:04 pendant près d'une année.
33:05 Je répète qu'elle a déposé une plainte au pénal contre moi,
33:08 qui a été rejetée,
33:09 qu'elle a multiplié les manœuvres dilatoires
33:12 et que, de surcroît,
33:15 elle a parfois simulé de faux malaises
33:17 authentifiés médicalement
33:19 comme de faux malaises dans mon cabinet.
33:21 J'ai fait le plus vite que je pouvais.
33:23 Et s'il y a une chose pour laquelle je me suis acharné,
33:27 c'est d'essayer de découvrir la vérité.
33:30 - Une vérité qui ne convient toujours pas à Simone Weber.
33:34 30 ans après,
33:36 elle a tenu à passer un message à son juge.
33:39 - Simone Weber,
33:40 qu'est-ce que vous avez envie de dire à Gilbert Hill ?
33:43 - Je me demande comment il a pu faire ça.
33:47 Vraiment.
33:48 Parce que s'il avait fait une enquête propre,
33:52 parce que c'était une enquête crapuleuse,
33:56 vous pouvez le lui dire,
33:58 d'abord, il le sait.
34:00 Il le sait.
34:02 Qu'un homme comme lui fabrique une criminelle
34:06 de cette façon-là,
34:09 c'est triste.
34:12 Je ne comprends pas, je ne peux pas comprendre.
34:15 - Il n'y a rien de neuf sous le soleil,
34:18 et notamment sous le soleil de Cairne,
34:20 j'ai l'impression d'entendre Mme Weber
34:24 pendant l'instruction ou après sa condamnation.
34:27 Elle soutient que c'est l'innocence crucifiée.
34:30 D'autres qui avaient la charge de la juger
34:33 en ont décidé autrement.
34:36 - Vous n'êtes plus juge d'instruction aujourd'hui ?
34:39 - Hélas !
34:40 - Que faites-vous ?
34:41 - Rien.
34:42 Je suis 2e adjoint-maire de Nancy,
34:45 en charge des questions de sécurité.
34:47 Chargé naturel, il revient au galop.
34:55 - Dans l'affaire Simone Weber,
34:57 la justice s'est donnée les moyens.
34:59 Plus de 5 années d'instruction,
35:01 18 000 pages de procès-verbot,
35:03 des dizaines d'expertises,
35:05 de fouilles et de perquisitions.
35:08 - On a vraiment tout essayé, je veux dire.
35:11 Les analyses de peinture, les analyses de bouts d'os,
35:15 on allait dans les cuvettes de toilettes
35:17 aller chercher des poils.
35:19 À un moment donné, je crois qu'on a même vidé un canal
35:23 pour tenter d'aller trouver des restes humains.
35:29 - Et quand on faisait une expertise
35:31 et que l'expertise ne convenait pas
35:33 à la thèse de l'accusation,
35:35 on faisait une contre-expertise.
35:37 La contre-expertise convenait un peu plus.
35:39 On en faisait une 3e pour arriver finalement
35:42 à conforter ce qu'on estimait être une charge.
35:47 La défense, elle était avec un lance-pierre
35:50 contre une division de charge blindée.
35:53 - Liliane Glock, est-ce que le juge Thiel
36:02 s'est acharné contre Simone Weber ?
36:05 - Dans une affaire comme celle-là,
36:07 faire assécher un canal,
36:09 comme chacun sait, ça tire une fortune
36:11 de la poche du contribuable,
36:13 c'est quand même une certaine forme d'acharnement.
36:16 On a changé au XXIe siècle.
36:18 Quand un juge entend ordonner
36:20 des diligences qui coûtent très cher,
36:23 on s'enquière d'abord du prix
36:25 et on voit si on le fait ou non,
36:27 si le jeu en vaut la chandelle.
36:29 - Elle a coûté cher, cette enquête à la justice ?
36:32 - Elle a coûté, d'après la Cour régionale des comptes,
36:35 500 000 francs, ce qui n'est pas rien.
36:37 Et bon, raisonnablement, ce n'était pas justifié.
36:40 - Alors est-ce qu'aujourd'hui,
36:42 une enquête comme celle-ci
36:44 pourrait avoir lieu à être menée
36:46 par un juge de la Chambre de l'instruction
36:48 de la Cour d'appel de Nancy,
36:50 dans une affaire comme ça,
36:52 garder quelqu'un 6 ans en détention provisoire ?
36:55 - On peut dire que dans cette affaire,
36:57 vous n'avez pas lésiné sur les moyens ?
36:59 - Certainement pas.
37:00 Vous connaissez la formule,
37:02 on disait que la justice n'a pas de prix,
37:04 c'est pour ça qu'elle a un coût.
37:06 Mais enfin, cette complainte,
37:08 parce que je me souviens bien
37:10 que ça m'a été reproché,
37:12 c'est dire la pauvreté, quand même.
37:14 Et quand vous avez des avocats,
37:16 si vous ne faites pas certaines expertises,
37:18 ils vous les reprochent.
37:20 Et quand ils n'ont plus à faire preuve
37:22 que de poujadisme pour dire
37:24 que cette affaire a coûté cher,
37:26 à l'époque, c'était 500 000 francs,
37:28 je plains ceux-ci qui se prétendent
37:30 les défenseurs des libertés
37:32 et des droits individuels
37:34 de venir dire que ça a coûté de l'argent.
37:36 Donc ça, c'est le genre d'argument
37:38 que je n'accepte pas et je sais d'où il vient.
37:40 - Simone Weber, elle non plus,
37:42 pas moins de 25 avocats
37:44 se sont relayés auprès d'elle.
37:46 Il faut dire que ce n'est pas simple
37:48 d'être l'avocat de Simone.
37:50 - Quand ça se passait mal
37:52 avec un avocat, ou que l'avocat
37:54 ne faisait pas ce que Simone voulait,
37:56 euh...
37:58 elle l'éjectait.
38:00 Et c'est ce qui fait aussi que...
38:02 les avocats lui passaient
38:04 beaucoup de choses.
38:06 Il y en a qui n'en fait que passer.
38:10 - Et parmi ces avocats de passage,
38:12 plusieurs grands noms.
38:14 Garot, Collard,
38:16 Pelletier
38:18 et Vergès.
38:20 - Vergès avait dit
38:22 que Thiel avait fait de Simone Weber
38:24 une créature qui avait
38:26 les ovaires de Marie Bénard
38:28 et les couilles de Landru.
38:30 C'est très imagé, c'est...
38:32 C'était une bonne formule que tout le monde a reprise.
38:34 Elle a pas du tout apprécié ce trait d'humour.
38:36 - Elle a si peu apprécié
38:38 que le ténor a été congédié
38:40 sur le champ par sa cliente.
38:42 30 ans après,
38:46 malgré les moyens engagés par la justice,
38:48 des zones d'ombre demeurent
38:50 dans l'affaire Weber.
38:52 Aujourd'hui encore, l'identité du corps
38:54 repêché dans la marne
38:56 fait toujours l'objet de vifs débats.
38:58 - Je sais pas si vous avez déjà vu un tronc,
39:00 mais il y a rien qui ressemble plus à un tronc
39:02 qu'à un autre tronc.
39:04 - Au début, on pense que c'est le tronc d'un homme de couleur,
39:06 mais le tronc ayant séjourné longtemps dans l'eau,
39:08 il y a eu une dégradation
39:10 et il y a le problème
39:12 d'une cicatrice
39:14 qui résulterait d'une opération de l'appendicite.
39:16 - Tous les dossiers médicaux
39:18 de Bernard Etier avaient été saisis
39:20 et à aucun moment,
39:22 aucun moment, aucun dossier médical
39:24 ne faisait état
39:26 d'une opération de l'appendicite.
39:28 Donc, c'est clair,
39:30 c'était pas le tronc de M. Etier.
39:32 - Pour moi, c'est pas une zone d'ombre,
39:34 c'est le tronc de Bernard Etier
39:36 parce que, bon, l'autopsie a mis en évidence
39:38 des points de concordance
39:40 sur les points d'arthrose,
39:42 sur les déformations squelettiques.
39:44 En plus,
39:46 il y a le groupe sanguin
39:48 qui est identique.
39:50 - A l'époque,
39:52 l'identification par ADN
39:54 était une technique balbutiante.
39:56 Elle a été tentée sur le tronc, mais n'a rien donné
39:58 car il avait séjourné trop longtemps dans l'eau.
40:02 - Aujourd'hui, ça serait super simple,
40:04 je veux dire, ADN, recherche d'ADN.
40:06 Il y a bien évidemment
40:08 des preuves de l'ADN de M. Etier vivant.
40:10 On aurait été voir
40:12 si le corps était porteur
40:14 de la même ADN.
40:16 - Autre zone d'ombre,
40:20 le décès de Marcel Fixard.
40:22 Simone Weber a été acquittée
40:24 faute de présence significative de digitaline
40:26 dans la dépouille du vieux monsieur.
40:28 Serait-elle acquittée aujourd'hui ?
40:30 Le doute est permis.
40:32 - Depuis 25 ou 30 ans,
40:34 les recherches en toxicologie
40:36 ont grandement avancé.
40:38 On aurait pu peut-être savoir
40:40 si, oui ou non,
40:42 le corps de M. Fixard
40:44 était imbibé
40:46 de digitaline.
40:48 Ceci dit, la digitaline avait justement
40:50 cette propriété de très vite
40:52 se décomposer, disparaître.
40:54 Donc sur ce point,
40:56 je ne peux pas vous répondre
40:58 de manière certaine.
41:00 - 30 ans après,
41:06 l'atrocité du crime de Simone Weber
41:08 reste vivace pour la famille de Bernard Etier.
41:10 D'autant plus que le deuil
41:12 a été difficile, faute de corps.
41:14 - Ce que je vais vous dire est absolument horrible.
41:18 La famille a récupéré de beaucoup.
41:20 C'est des mots et une image
41:22 qui ne correspondent pas du tout
41:24 à nos...
41:26 à nos traditions de deuil
41:28 dans notre société.
41:30 C'est avec ça qu'on doit faire un simulacre
41:32 d'entretiennement et de cérémonie.
41:34 C'est terrible.
41:36 Je pense que là,
41:38 c'est une plaie qui restera
41:40 béante chez Patricia Etier.
41:42 - Patricia Etier,
41:52 aujourd'hui, vous êtes toujours à mer.
41:54 - Oui.
41:56 Parce qu'elle nous a détruits.
41:58 Détruit la famille qui me restait.
42:00 Mon père, c'était tout, quoi.
42:02 - Le fait que Simone Weber soit sortie de prison
42:06 et qu'elle
42:08 vive
42:10 à Cannes...
42:12 - Au soleil, tranquille,
42:14 coulent des jours heureux.
42:16 C'est honteux. Déjà, elle a été condamnée
42:18 qu'à 20 ans d'emprisonnement.
42:20 Mais 20 ans, elle ne les a pas faits.
42:22 - C'est la chose.
42:24 La bonne mamie, tranquille, on a la relâchée.
42:26 Donc maintenant,
42:28 elle est tranquille, mais
42:30 moi, je serai pas sereine tant que je sais
42:32 qu'elle est là. - C'est-à-dire ?
42:34 - Tant qu'elle est vivante.
42:36 Et encore, je pense qu'elle
42:38 souffrira pas comme elle a fait souffrir les autres.
42:40 - Simone Weber continue de se dire innocente.
42:44 Qu'est-ce que vous en pensez ?
42:46 - Je me demande comment elle peut dormir
42:50 si elle peut encore se regarder dans une glace.
42:52 Je sais pas comment on peut vivre avec ça.
42:54 - Vous aimeriez qu'elle avoue ?
42:56 - Oui.
42:58 Ça me soulagerait, parce que je voudrais quand même bien savoir
43:00 ce qu'elle a fait du restant
43:02 de papa. Je voudrais bien.
43:04 - À votre avis,
43:06 qu'est-ce que ça changerait ?
43:08 - Ça changerait peut-être rien
43:10 vis-à-vis de...
43:12 de la vie, parce que maintenant,
43:14 bon, faut se faire une raison, mais...
43:16 J'aurais au moins
43:18 la satisfaction de m'être battue pour trouver
43:20 la vérité, puis savoir
43:22 exactement ce qui s'est passé.
43:24 - Et alors vous, aujourd'hui,
43:26 qu'est-ce que vous devenez ?
43:28 - On vit avec, heureusement que j'ai eu ma fille.
43:30 J'ai eu une fille qui est arrivée
43:32 un petit peu avant le procès, ça m'a soutenue
43:34 dans mon... dans mes efforts.
43:36 Je me suis battue aussi un petit peu pour elle, pour son grand-père,
43:38 quoi.
43:40 Mais bon, j'y pense, quoi.
43:42 C'est comme si c'était tout frais, encore dans ma mémoire, quoi.
43:44 (musique douce)
43:46 - Depuis sa condamnation,
43:50 Simone Weber a eu de nouveaux affaires
43:52 à la justice.
43:54 Mais cette fois-ci, en sa faveur.
43:56 Elle avait été condamnée pour son mariage
43:58 avec Marcel Fixard.
44:00 Et pourtant, elle a pu rester la veuve
44:02 de son faux mari.
44:04 - Le parquet n'a pas fait annuler le mariage.
44:08 C'est un acte civil, il faut le faire annuler.
44:10 Donc, voilà,
44:12 elle est toujours mariée à Marcel Fixard.
44:14 - Une situation qui a longtemps laissé planer
44:18 un doute sur l'héritage Fixard,
44:20 composé notamment de la maison
44:22 de Rosier Rosaline.
44:24 Simone Weber pouvait-elle la conserver ?
44:28 La justice a tranché.
44:30 - Il y a quelques années,
44:34 le Fisc
44:36 a adressé une réclamation
44:38 à Mme Weber,
44:40 une réclamation de taxes foncières
44:42 sur la maison de Rosier Rosaline.
44:44 On a saisi le tribunal administratif
44:46 en disant,
44:48 "mais attendez, deux choses l'une,
44:50 soit Mme Weber
44:52 n'est plus propriétaire de cette maison
44:54 en vertu de l'arrêt
44:56 de la Cour d'assises,
44:58 auquel cas
45:00 les impôts locaux ne sont pas dus,
45:02 soit, si vous déclarez
45:04 que les taxes fiscales sont dus,
45:06 c'est qu'elle est propriétaire."
45:08 Et qu'est-ce qu'il a dit le tribunal administratif ?
45:10 Le tribunal administratif a validé
45:12 l'imposition
45:14 au titre de la taxe foncière,
45:16 reconnaissant ainsi
45:18 que Simone Weber était propriétaire de cette maison.
45:20 Simone Weber n'est plus propriétaire de cette maison
45:24 car elle l'a vendue
45:26 il y a quatre ans.
45:28 - Simone Weber est toujours aussi jeune d'esprit
45:30 puisqu'à passer 80 ans,
45:32 elle s'est toujours tirée profit
45:34 de ses anciens magouillages
45:36 hérités d'un homme avec lequel
45:38 elle ne s'est vraiment jamais mariée.
45:40 Aujourd'hui, Simone Weber
45:44 vit avec ses souvenirs et ses secrets.
45:46 Elle continue
45:48 d'explorer les méandres de son dossier
45:50 pour faire triompher
45:52 sa vérité.
45:54 - Simone Weber,
45:56 qu'est-ce que vous cherchez dans ces 18 000 pages ?
45:58 - Prouver mon innocence.
46:00 Parce que j'ai une tête
46:02 à aller jouer
46:04 avec la tronçonneuse.
46:06 C'est quelqu'un qu'on aime bien.
46:08 - Aujourd'hui, Simone Weber, ce que vous aimeriez,
46:10 c'est la révision de votre procès.
46:12 - Oui.
46:14 - Pour cela, il faut un élément nouveau.
46:16 Et vous pensez que vous l'aurez un jour ?
46:18 - Je ne vous le dis pas.
46:20 - Pourquoi ?
46:22 - Je vous le dirai après. Je vous appellerai.
46:24 - Quand vous l'aurez ?
46:26 - Oui.
46:28 - Il vous arrive aujourd'hui de repenser à Bernard Etier ?
46:30 - Oui.
46:32 - Vous avez un petit peu de respect pour Bernard Etier.
46:34 - Je n'étais pas sa maîtresse.
46:36 Comme les crapules là ont inventé.
46:38 Moi, l'amitié,
46:40 c'est quelque chose
46:42 qui compte énormément.
46:44 - Cette affaire, Simone Weber,
46:46 a eu de nombreuses répercussions
46:48 sur votre famille.
46:50 - Eh bien, sur mon fils.
46:52 Ça l'a vraiment démoli.
46:54 Mais démoli.
46:56 D'abord,
46:58 il était...
47:00 qui se travaillait mal.
47:02 Il avait quitté son travail.
47:04 Et tout, et tout.
47:06 De ça.
47:08 - Tout ça, c'est à cause de cette affaire ?
47:10 - Oui, oui. Et ça, ça ne peut pas être supportable.
47:12 C'est pas supportable.
47:14 - Vous avez une autre fille,
47:16 Danielle ?
47:18 - Oui.
47:20 - Elle ne vous parle plus ?
47:22 - Non.
47:24 - Pourquoi ?
47:26 - Elle ne me l'a jamais dit.
47:28 - Et votre soeur, Madeleine ?
47:30 Elle vous soutient encore, aujourd'hui ?
47:32 - Ah oui. Mais...
47:34 elle ne veut pas en entendre parler.
47:36 Alors si elle voit un truc
47:38 marqué dans le journal
47:40 où on parle de justice,
47:42 de police, elle attrape ça.
47:44 Elle dit "ça t'intéresse encore,
47:46 la justice ?"
47:48 - Vous avez pensé à un moment donné à écrire un livre ?
47:50 - Il y en a une partie décrite.
47:52 - Comment il s'appelle ?
47:54 - "Au nom des innocents,
47:56 justice, qui es-tu ?"
47:58 J'avais déjà écrit
48:00 en partie ce que je voulais dire
48:02 à Renne.
48:04 Alors si ça se trouve,
48:06 il me faudra la deuxième vie pour finir.
48:08 - Le jour où vous partirez ?
48:10 - Dans l'autre monde, là ?
48:12 Euh...
48:14 Je ne crois plus
48:16 trop à l'autre monde.
48:18 Et...
48:20 avoir vu
48:22 des choses comme ça,
48:24 qu'il faut porter
48:26 tant d'années,
48:28 on ne peut pas
48:30 croire au bon Dieu.
48:32 Non. Pour...
48:34 quelqu'un qui voulait
48:36 entre Carmel,
48:38 croire au bon Dieu,
48:40 ça fait drôle.