Avec Maître Matthieu Seingier, avocat spécialisé professionnels de santé libéraux.
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00:00 (Générique)
00:04 On y revient avec notre invité Maître Mathieu Saint-Gillet, bonjour à vous.
00:08 - Bonjour. - Et bienvenue sur Sud Radio.
00:11 - Merci. - Vous êtes avocat spécialisé dans la défense et l'accompagnement des professionnels de santé libéraux.
00:17 Ça concerne les médecins, ça concerne aussi les pharmaciens.
00:21 Agnès Firmin-Lebaudot, qui révèle être placée sous enquête
00:25 pour avoir reçu en tout près de 20 000 euros de cadeau du laboratoire Urgo,
00:30 quand elle était pharmacienne, en échange d'abandon de remise.
00:33 Je dis bien en échange d'abandon de remise parce que c'est important quand même de préciser ce qui lui est reproché.
00:38 On n'est pas dans le cadre de cadeau sous le manteau.
00:41 C'était une pratique beaucoup plus large menée par le laboratoire Urgo,
00:44 pour laquelle d'ailleurs le laboratoire a été condamné.
00:47 - Oui tout à fait, il y a eu une condamnation reconnue d'ailleurs,
00:52 parce que c'était une reconnaissance préalable de culpabilité.
00:55 Donc en 2023.
00:57 Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la loi s'est vraiment durcie à partir du 1er octobre 2020.
01:06 Et la période de condamnation est plus large,
01:10 puisque le laboratoire Urgo a été condamné pour des périodes de 2015 à 2021.
01:16 Donc toute la partie du 1er octobre 2020 à 2021,
01:20 là pour nous il y a vraiment un souci,
01:23 puisque aujourd'hui la règle c'est l'interdiction totale des avantages.
01:28 Et le code de la santé publique prévoit des dérogations,
01:33 mais la règle c'est l'interdiction et les avantages en matière de cadeaux etc.
01:38 c'est des valeurs vraiment négligeables autour de 10 euros.
01:42 Enfin il y a un panel en fonction des avantages.
01:44 - On ne peut plus rien se réoffrir par un laboratoire quand on est pharmacien aujourd'hui.
01:49 Alors concrètement Agnès Firmin-Lebaudot, comme beaucoup de ses confrères et de ses consœurs pharmaciens,
01:54 avait reçu des cadeaux d'Urgo, alors c'était du shampoing, parfois des montres de luxe,
01:59 en échange de ses abandons de remise.
02:02 C'est quoi ces abandons de remise ? C'était quoi cette pratique d'Urgo ? Pourquoi Urgo faisait ça ?
02:07 - Parce que, je suis obligée de revenir, sur les lois anti-cadeaux,
02:12 la loi anti-cadeau c'est 1993 et avant le durcissement dont je vous parlais,
02:19 il y a eu un premier durcissement en 2011 par rapport à la loi Bertrand sur le scandale du Mediator.
02:25 Et dans la loi de 1993, il était encore possible de prévoir des "re-stourns"
02:31 pour certains produits de santé qui allaient de 2,5% du prix.
02:37 Donc ils ont joué de ça en fait, ils ont joué sur un principe de "re-stourn",
02:41 mais l'ambiguïté c'est que c'était des "re-stourns" à titre personnel.
02:47 Donc certains pharmaciens ont pu penser qu'ils y avaient droit, l'enquête le dira,
02:53 mais effectivement il y avait une petite faculté d'offrir encore ces avantages commerciaux.
03:02 - C'est ça, donc en d'autres termes, Urgo à l'époque, au lieu de baisser, de faire une "re-stourn"
03:06 sur ce que la pharmacie achetait, proposait sur un montant équivalent du champagne par exemple,
03:11 des montres ou autre chose, si on a bien compris.
03:13 - Voilà, pour garder ses mains.
03:14 - Aujourd'hui ces pratiques sont manifestement bannies, qu'est-ce qu'elles risquent la ministre ?
03:20 - Alors sur le régime actuel, il y a deux types de sanctions.
03:26 Pour les professionnels de santé proprement dit, elle peut avoir une sanction pénale,
03:31 donc c'est une amende qui va de 75 000 euros et qui peut s'accompagner d'une peine d'emprisonnement
03:36 qui va jusqu'à un an de prison.
03:38 À côté de ça, il peut y avoir des peines complémentaires comme l'interdiction d'exercer la pharmacie
03:43 ou de gérer une officine.
03:45 Et enfin, il peut y avoir des sanctions disciplinaires, c'est-à-dire qu'elles peuvent être poursuivies
03:49 devant l'ordre des pharmaciens, devant la chambre disciplinaire de première instance,
03:53 qui pourrait également émettre des sanctions d'interdiction d'exercer la pharmacie.
03:58 - Bon alors ça, c'est si ça va vraiment très très loin, vous y croyez à ce scénario ou pas ?
04:02 - Tout dépend de ce qu'il y a dans l'enquête.
04:06 - Exactement, et ça c'est effectivement, en tout cas ce sera aux enquêteurs de le déterminer,
04:12 ça paraît tout à fait logique.
04:14 Le conseil que vous donnez aujourd'hui à tous les pharmaciens qui peuvent nous écouter,
04:18 ils sont nombreux, c'est de ne plus rien accepter.
04:20 On est d'accord, c'est la loi ?
04:22 - C'est la loi, on est tout à fait d'accord.
04:24 - Donc plus de bouteilles de champagne, plus rien.
04:26 Revenons quand même aussi sur cette affaire en particulier,
04:30 parce qu'on parle des laboratoires Urgo, alors c'est important de le préciser
04:32 pour pas qu'on s'imagine Mons et Merveille.
04:35 C'est un laboratoire qui distribue des pansements notamment, on en a tous utilisé.
04:40 C'était pas pour des traitements très lourds, très chers ou d'importance vitale.
04:46 - Oui, vous avez raison de le préciser parce que la loi s'est tellement durcie
04:51 qu'aujourd'hui on a l'impression qu'il ne peut plus y avoir,
04:53 enfin le Nukidam, on a l'impression qu'il ne peut plus y avoir de relation
04:57 entre ces laboratoires de santé et les professionnels de santé.
05:00 Or la santé évolue aussi grâce à des financements massifs de ces professionnels.
05:06 Donc le lien doit exister, mais là on parle de cadeaux et d'avantages commerciaux.
05:11 Donc effectivement sur ce secteur-là, ce n'est pas admissible.
05:14 En revanche, pour tout ce qui est formation,
05:17 pour tout ce qui est conférences que pourraient faire
05:21 des professionnels de santé en partenariat avec ces laboratoires,
05:25 il doit continuer d'y avoir des liens.
05:27 Et là, le dispositif prévoit des dérogations avec un système de déclaration,
05:33 d'autorisation qui lui doit continuer à exister.
05:37 Ce n'est pas parce qu'il y a cette affaire et il y a encore des abus malheureusement
05:40 de certains laboratoires qu'il faudrait cesser tous ces liens avec les laboratoires.
05:46 - Puisqu'on travaille avec eux, notamment les professionnels de santé.
05:49 Merci beaucoup d'être intervenu sur Sud Radio pour ce décryptage juridique.
05:53 Maître Mathieu St-Gillet, avocat spécialisé dans la défense des professionnels de santé libéraux.