Mardi 12 décembre 2023, SMART BOSS reçoit Jacinthe Brillet (Directrice générale, Les Prés Rient Bio (Danone))
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00:00 *Musique*
00:08 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Boss, le rendez-vous des patrons et des patronnes.
00:12 Je suis ravie d'accueillir Jacinthe Brié, directrice générale de l'épréerie Bio,
00:17 une filiale de Danone qui commercialise deux marques, les deux vaches et faire bien.
00:22 Bonjour.
00:23 Bonjour Chanel.
00:24 Merci beaucoup d'avoir accepté cette invitation.
00:26 Alors au sommaire de l'émission, on aura une première séquence "David rencontre Goliath"
00:31 où tu vas faire face à une start-up et vous parlerez de vos sujets en commun.
00:35 Ensuite, tu auras la séquence "En coulisses" où on va parler plutôt de ton parcours de dirigeante et ton quotidien.
00:40 Et enfin, on aura la séquence "Interview chrono" qui, comme son nom l'indique,
00:44 est une série de questions-réponses rapides.
00:46 Avec plaisir.
00:47 Merci encore d'être avec nous.
00:49 Et tout de suite, on passe à la séquence "David rencontre Goliath".
00:53 [Musique]
00:58 La start-up qui te fait face, c'est mes produits verts, un site d'e-commerce éco-responsable et local.
01:04 Je suis ravie d'accueillir sa PDG, Lorène Griffe. Bonjour.
01:08 Bonjour. Merci de me recevoir.
01:10 Merci d'être venue pour cette séquence.
01:12 Lorène, en quelques mots, quelles sont les spécificités de cette fameuse e-boutique ?
01:17 Cette e-boutique est éco-responsable.
01:20 Elle donne de la visibilité à des créateurs, des artisans, des agriculteurs
01:24 qui sont engagés dans une démarche éco-responsable
01:26 et qui fabriquent des produits avec des matières premières naturelles, sourcées en France,
01:30 et qui souhaitent faire découvrir tous ces produits éco-responsables
01:34 à des consommateurs souciés de l'environnement.
01:36 Donc on trouve plusieurs catégories de produits.
01:39 Tu as de l'alimentaire, tu as quoi ?
01:41 Exactement. J'ai vraiment tout pour faire un quotidien durable et éthique.
01:45 Donc des produits alimentaires, de l'épicerie fine, de la décoration upcyclée,
01:50 des objets de seconde main. J'ai également tout ce qui est cosmétique naturel.
01:54 Et puis des jouets en bois et bien sûr des créations en bois.
02:00 Beaucoup d'outils en bois.
02:02 Alors Jacinthe, est-ce que tu connaissais déjà ?
02:04 Je ne connaissais pas, mais du coup je suis allée voir, curieuse, de quoi il s'agissait.
02:08 Et donc bravo parce qu'il y a plein de belles choses que tu fais sous cette boutique qui m'a inspirée.
02:14 On pourrait peut-être en parler.
02:16 Oui, je voulais quand même, pas casser l'ambiance,
02:18 mais on sait qu'aujourd'hui avec le contexte actuel, le pouvoir d'achat c'est compliqué.
02:23 Est-ce que vous trouvez toutes les deux, les ventes de produits beaux aussi,
02:27 qui baissent depuis deux ans, on va dire post-Covid,
02:31 est-ce que vous êtes inquiète ou pas pour la société ?
02:35 Alors du coup moi je dirais que oui, en effet c'est un constat.
02:39 La consommation du bio a baissé, notamment par rapport au prix.
02:43 Moi je dirais que c'est pour ça que je me suis positionnée surtout sur du local,
02:47 qui est des produits naturels.
02:50 Donc moi je peux voir une tendance au niveau de ma marketplace
02:53 que les produits, les achats en fait augmentent, surtout dans cette période de Noël,
02:57 où on a des consommateurs qui sont vraiment soucieux de pouvoir offrir des produits
03:02 qui ont un impact positif sur l'environnement
03:06 et qui réduisent vraiment toutes les externalités liées à la pollution,
03:10 à la fabrication de produits qu'on pourrait acheter peut-être en grande surface
03:14 et qui ne sont pas forcément éco-responsables.
03:18 Oui alors moi ce qui m'inquiète c'est surtout là où va le monde en ce moment.
03:22 Donc je pense que c'est là où je démarrais le sujet.
03:26 C'est-à-dire que par exemple nous qui sommes très très ancrés sur le problème
03:29 de l'effondrement de la biodiversité, on voit quand même que 60% des oiseaux
03:34 en zone rurale ont disparu ces 40 dernières années,
03:38 que c'est à cause de l'agriculture intensive, nous disent les scientifiques.
03:44 45% des chauves-souris ont disparu en France ces 15 dernières années.
03:48 On a des problèmes de renouvellement, des générations d'agriculteurs,
03:51 on a des problèmes de climat etc.
03:53 Et donc je pense que le sujet, je ne suis pas inquiète sur le fait que le sujet va revenir sur la table.
03:58 Le sujet il est vivant, les consommateurs ils veulent entendre parler de ces sujets-là,
04:02 mais ils veulent entendre des solutions.
04:05 Et ils en ont assez qu'on leur parle de catastrophes,
04:08 ce n'est pas quelque chose qui les met en marche.
04:10 Ils ont besoin de comprendre qu'il y a un avenir désirable derrière tout ça.
04:15 Et je pense que c'est là-dedans qu'on est engagés ensemble.
04:18 Et je suis absolument convaincue que les choses vont se remettre en ordre de marche
04:23 une fois qu'on aura dépassé le sujet qui est très important aujourd'hui
04:26 qui est de l'inflation et de la perte de pouvoir d'achat.
04:29 Mais il est important que des acteurs à mon avis comme nous qui sommes sur cette plateforme-là
04:33 soient en plein développement et en pleine réflexion pour préparer l'étape qui suit juste après
04:38 qui est la reprise de l'intérêt des consommateurs pour ces sujets-là qui sont essentiels à leur vie, à leur futur.
04:44 Et comment rendre un peu aussi tous ces produits plus accessibles justement ?
04:48 Alors, pour rendre ces produits plus accessibles en fait,
04:51 actuellement en France on a quand même un joli panel de start-up
04:55 qui travaille sur ces sujets de transition écologique
04:57 et qui réfléchissent vraiment à des solutions, donc des solutions innovantes, technologiques,
05:01 mais également sur des solutions, comment mieux consommer et accéder à ces produits.
05:06 Moi par exemple, là je suis en train de lancer différents partenariats avec d'autres start-up
05:11 qui travaillent vraiment sur l'accessibilité de ces produits.
05:14 Donc on va voir par exemple des plateformes qui vont en fait proposer des réductions sur des produits.
05:21 On va avoir aussi des ventes privées maintenant qui commencent à se développer
05:26 sur tous ces produits fabriqués en France, localement.
05:30 Et donc ça permet vraiment d'accéder à des produits en petite...
05:34 Enfin, accessibles financièrement.
05:36 Et pareil, comment est-ce qu'on peut pousser cette accessibilité ?
05:41 Oui, alors l'accessibilité en particulier comme sujet,
05:45 d'abord je pense qu'en fait nos produits responsables,
05:47 il est très important qu'on ne fasse aucun compromis sur la qualité de ces produits-là.
05:52 Qu'on soit très très rigoureux sur les certifications,
05:56 sur la raison pour laquelle ils sont justement éco-responsables, équitables, etc.
06:00 De sorte qu'ils soient vraiment 100% irréprochables du point de vue éthique
06:04 et compréhensibles de la part des consommateurs.
06:07 Dans nous, dans le domaine agroalimentaire par exemple,
06:11 pour moi c'est important de démontrer que cette qualité,
06:14 elle va amener de la santé et elle va amener des propriétés gustatives très élevées.
06:21 Moi je serais très focalisée là-dessus.
06:23 Aucun compromis sur la qualité et les bénéfices.
06:26 L'accessibilité c'est un sujet qui à mon avis doit être géré à travers le piano des prix.
06:32 C'est-à-dire que d'un côté je pense que toutes les marques,
06:34 toutes les entreprises doivent penser à proposer des offres
06:37 qui soient très innovantes, extrêmement qualitatives,
06:40 très valorisées pour les gens qui peuvent se le permettre
06:43 ou pour les gens qui sont très engagés dans l'éco-responsabilité
06:46 pour pouvoir financer des offres qui sont elles plus essentielles,
06:50 plus simples et donc plus accessibles.
06:53 Et puis entre les deux, il y a effectivement tout le piano,
06:56 tout l'éventail des prix possibles entre les bénéfices et l'accessibilité.
07:01 Et toi comment est-ce que tu vois aussi, au-delà du prix,
07:04 un peu l'e-commerce responsable de demain peut-être ?
07:07 Alors pour moi l'e-commerce responsable de demain,
07:11 je dirais que c'est vraiment une réflexion autour des produits
07:15 qu'on va proposer, qu'on va mettre en vente sur la plateforme.
07:18 Tu disais tout à l'heure, tu parlais de la certification,
07:21 de s'assurer de la qualité des produits.
07:23 Et donc ça c'est quelque chose que, par exemple, chez Mes Produits Verts,
07:25 on a mis en place une charte confiance qui permet de garantir
07:28 aux consommateurs que les produits respectent leur valeur
07:32 et qu'ils s'appuient sur différents critères.
07:34 Donc des critères par rapport aux matières premières
07:37 qui vont être intégrées dans le processus de fabrication,
07:39 par rapport aux procédés de fabrication,
07:41 également limiter tout ce qui est développement, création de déchets
07:45 ou dans ce cas, revalorisation de ces déchets,
07:48 les remettre dans la chaîne de production.
07:50 Et donc pour moi, le e-commerce, ça va vraiment permettre à ces acteurs-là
07:54 de leur donner de la visibilité et de les faire découvrir aux consommateurs
07:58 et de sortir un petit peu des produits qu'on a l'habitude de trouver
08:01 et qu'on a vraiment un panel très large de produits,
08:04 mais qui manque, je trouve, de visibilité.
08:07 Et donc là, nous en tant qu'e-commerce, en tant qu'acteurs d'e-commerce,
08:10 on peut vraiment leur apporter cette visibilité
08:13 et cette chance de pouvoir s'exprimer.
08:16 - Écoute, merci beaucoup encore une fois d'être venue avec nous.
08:19 C'est déjà la fin de la séquence. - Merci beaucoup.
08:22 - Merci. Et maintenant, on va pouvoir passer à la séquence en coulisses.
08:26 Alors avant d'évoquer ton poste actuel,
08:32 je voulais quand même rapidement revenir sur ton expérience
08:34 en tant que directrice générale de Théo by Lipton,
08:37 qui est une sorte de Nespresso du thé.
08:40 Parce que tu as participé au lancement de cette marque en 2015.
08:44 Est-ce que c'était un peu comme créer une start-up ?
08:47 - C'était absolument créer une start-up,
08:50 avec la chance d'être justement un David dans un Goliath,
08:54 parce que j'avais accès à de très beaux moyens,
08:57 qui étaient ceux du Nelever.
08:59 Et à la fois, j'avais cette carte blanche qui est fantastique,
09:02 qui est celle de "on ne connaît pas ce domaine,
09:04 on ne connaît pas le e-commerce et le multi-canal,
09:07 et on veut rentrer là-dedans, donc vas-y explore,
09:10 va chercher des gens à l'extérieur de la boîte,
09:13 va chercher ceux dont tu as besoin à l'intérieur".
09:16 Donc oui, c'était monter une start-up,
09:18 mais sans doute, je dois le dire, avec plus de moyens,
09:20 plus de sécurité, etc.
09:22 - Et alors après, tu as quitté,
09:24 parce que c'était devenu trop gros,
09:26 comme une trop grosse start-up justement,
09:28 tu voulais un nouveau challenge ?
09:30 - C'était devenu une start-up qu'il fallait pivoter,
09:33 c'était ma recommandation.
09:35 On était parti dans une direction
09:37 qui était "on veut devenir très gros très vite",
09:39 parce que là par contre, c'était le mandat du Nelever,
09:42 qui n'était pas familier avec la façon
09:44 dont se développent des start-ups,
09:46 et donc qui avait sans doute investi au préalable,
09:48 et avant que je joigne la société,
09:50 peut-être un peu trop, dans des moyens un peu trop gros.
09:53 Et donc ma recommandation, c'était de se désengager
09:55 de ces moyens-là, et de justement la rendre plus petite,
09:58 plus pilotable, plus pivotable.
10:01 Et donc c'est moi qui suis partie en disant
10:03 "non, il ne vous faut pas quelqu'un comme moi,
10:05 il vous faut quelqu'un peut-être de plus jeune,
10:07 et de moins bien payé,
10:09 avec moins de monde dans la société".
10:12 Et donc voilà comment ça s'est produit.
10:14 - Et alors après tu es rentrée chez Danone,
10:17 tu as coupé plusieurs postes,
10:19 ce qui est intéressant c'est que tu as été nommée
10:21 directrice générale de les Préribio Mi 2022,
10:23 alors je vais être encore sur la même analogie,
10:26 mais est-ce que c'était aussi prendre la direction
10:28 d'une autre start-up aussi, au sein d'un très grand groupe ?
10:30 - C'est une start-up, c'est une filiale autonome
10:34 de Danone, les Préribio,
10:36 et c'est une filiale qui a eu la particularité
10:40 d'être totalement protégée par le PDG lui-même,
10:43 de Danone à l'époque, qui était Franck Riboud,
10:46 donc il y a trois PDG,
10:48 et qui aussi a pu se développer dans une très grande liberté,
10:52 et qui elle en revanche a connu un très très fort succès
10:56 au bout d'un certain temps,
10:58 et donc la mentalité de start-up est absolument restée,
11:01 la carte blanche, le rôle de poisson pilote
11:06 pour l'entreprise est là,
11:08 et aujourd'hui peut-être une des choses que j'ai pu opérer
11:11 en reprenant cette start-up,
11:14 c'est peut-être la désenclavé de cette image
11:16 qu'elle se donnait, de petit village gaulois,
11:19 qui était un peu à part, un peu caché, un peu contre le système,
11:24 pour la faire pour le coup pivoter vers un lièvre en fait,
11:30 un lièvre pour Danone,
11:32 donc vraiment une société qui est en avant,
11:34 qui est pionnière, qui va rechercher les innovations,
11:37 les tester, pour ensuite aller influencer Danone,
11:40 à les implanter à un niveau beaucoup plus massif.
11:43 Donc voilà notre scale-up, c'est dans cette direction-là,
11:46 tout autant que dans la direction de scale-up
11:48 de notre société, les Pré-Ribaud,
11:50 mais ça c'est pour un peu plus tard.
11:52 - Rechercher des innovations,
11:54 c'est quoi une innovation dans son secteur, dans cette filiale ?
11:59 - Alors, d'abord il faut dire que ce secteur,
12:03 cette société, les Pré-Ribaud,
12:06 elle a une intention qui est économique, évidemment,
12:09 donc dirigée vers les consommateurs,
12:12 on reviendra à l'innovation là-dessus,
12:14 mais elle a aussi une intention qui est politique.
12:17 C'est-à-dire que nous, on est engagés pour une agriculture
12:21 qui est plus responsable de la planète,
12:24 des animaux dans toute leur biodiversité,
12:27 des hommes et des femmes dans la campagne
12:30 et de la santé des gens.
12:32 Et pour ça, en fait, notre action,
12:35 la partie politique de notre action,
12:37 c'est en fait une intention d'influencer
12:40 ou de contribuer à transformer la société.
12:43 Donc voilà en quoi c'est politique.
12:45 C'est pas juste développer du chiffre d'affaires,
12:47 du profit, etc.
12:49 Et on souhaite influencer la société
12:52 et cette transition, surtout au niveau du système alimentaire,
12:57 pour apporter plus de sens,
13:00 plus de transparence et plus de plaisir pour tous.
13:03 Donc du coup, je reviens à ta question,
13:05 l'innovation c'est quoi ?
13:06 D'un côté, c'est forcément de l'innovation pour les consommateurs,
13:09 donc c'est trouver de nouvelles offres,
13:11 de nouvelles solutions,
13:13 pour leur apporter plus de valeur au quotidien,
13:16 dans les familles.
13:17 Mais c'est aussi pour nous, innover en milieu agricole.
13:20 Donc on a par exemple une plateforme d'innovation,
13:24 même en "open innovation" comme on dit chez nous,
13:27 chez nous en Normandie,
13:29 qui est en fait gérée en collaboration
13:34 avec nos éleveurs bio normands.
13:37 Et dans cette plateforme,
13:40 nous explorons tous ensemble les solutions
13:43 pour le futur d'une agriculture qui sera saine
13:46 pour toutes les parties prenantes.
13:48 Et donc on aborde des sujets comme
13:50 les changements climatiques dans l'agriculture en Normandie,
13:54 le renouvellement des générations d'agriculteurs,
13:58 qui est un sujet qui est très sérieux.
14:01 Dans 10 ans, nous n'aurons plus suffisamment d'agriculteurs
14:04 et d'éleveurs en France,
14:06 si on continue sur cette pente pour nous nourrir suffisamment.
14:09 De sujets comme la justice sociale en milieu agricole,
14:13 la biodiversité, sa protection, etc.
14:16 Donc nous, on cherche des solutions,
14:18 on teste des idées, on les pivote,
14:21 et ensuite on partage les résultats
14:24 auprès du plus grand nombre en milieu agricole.
14:27 Et voilà pourquoi elle est en "open innovation".
14:29 Tu as des origines normandes, bretonnes.
14:32 Est-ce que c'est un atout quand justement
14:35 on doit discuter avec, tu as parlé des agriculteurs,
14:38 ces agriculteurs, ces éleveurs laitiers, je cherche.
14:42 C'est devenu un atout, plutôt un atout,
14:45 parce qu'aujourd'hui, l'atmosphère est devenue bonne,
14:50 et c'est une atmosphère de confiance,
14:52 et on se raconte les choses,
14:54 et ce sont des choses qu'on peut partager.
14:56 En réalité, quand je suis arrivée dans ce milieu-là,
14:59 je pense que j'étais surtout pour eux,
15:02 une femme de milieu urbain,
15:04 qui a vécu à l'international,
15:06 je suis franco-vietnamienne aussi,
15:08 et donc il y a eu beaucoup de méfiance, bien entendu.
15:12 Il y a eu beaucoup d'étonnement
15:14 que j'ai été moins choisie avec ce profil
15:17 pour mener cette mission.
15:19 J'ai remplacé quelqu'un qui était,
15:21 quelqu'un qu'ils aimaient beaucoup,
15:22 et qui était un homme un peu plus âgé que moi,
15:24 aussi très engagé.
15:26 Donc un atout, oui,
15:28 mais il a fallu surmonter quelques obstacles.
15:31 Et comment tu as fait justement ?
15:33 J'avais posé forcément la question d'être une femme là-dedans,
15:35 mais comment est-ce que tu as fait pour leur montrer,
15:37 faire changer un peu d'avis ?
15:39 Je pense que c'est l'authenticité de l'engagement.
15:42 En fait, on a commencé par un sujet qui était difficile,
15:47 qui était la négociation annuelle,
15:50 mais c'était aussi une négociation de contrats, fondamentalement,
15:53 de notre contrat équitable.
15:55 Et donc ce n'est pas forcément une façon très engageante
16:00 de commencer une conversation
16:02 et de connaître des gens et des partenaires.
16:04 Mais il se trouve que, à travers ce thème,
16:09 j'ai pu prouver mon engagement réellement,
16:12 ainsi que mon équipe, qui était nouvelle à ce moment-là,
16:15 parce qu'on a eu vraiment un renouvellement d'équipe.
16:17 Et on aboutit cette année à un contrat équitable,
16:20 puisque c'est depuis 2019 un contrat équitable
16:23 dans lequel on est engagé avec nos éleveurs partenaires.
16:26 Un contrat équitable qui est particulièrement innovant en France,
16:32 dans l'équitable, et qui leur permet d'obtenir
16:37 un revenu disponible restant de 2 SMIC.
16:40 Il faut savoir que, dans leur métier,
16:43 éleveurs bio de plaine, en 2022,
16:46 la moyenne était de 0,2 SMIC.
16:49 0,2.
16:50 Donc on est dans une situation relativement catastrophique.
16:53 Quand je parle de justice sociale,
16:54 je ne pense pas que c'est exagéré d'employer ce concept.
16:57 Et ces 2 SMIC, ils sont garantis,
17:01 quels que soient les aléas climatiques et l'inflation.
17:05 Et on y aboutit ensemble, pas dans un rapport de force,
17:09 mais dans un rapport de collaboration qu'on a réussi à créer.
17:13 Et c'est vraiment tout au long de cet échange
17:17 que, de fait, en mettant certaines cartes sur table,
17:21 en prenant certains risques,
17:23 je pense que personnellement et ensemble,
17:26 en tant que collectif avec l'équipe,
17:28 on a pu ensemble démontrer l'authenticité de notre engagement.
17:33 Authenticité, donc ça prend du temps.
17:35 Tu as déjà dit à plusieurs reprises,
17:38 tu as un peu les bottes dans la terre, je te cite,
17:41 car tu vas discuter régulièrement avec ces producteurs.
17:45 Tu vas aussi beaucoup à l'usine.
17:47 Qu'est-ce que tu fais exactement quand tu te déplaces ?
17:51 Je vais souvent en Normandie.
17:54 Notre terroir, à nous, est en Basse-Normandie en majorité.
17:59 Nous travaillons avec une cinquantaine d'éleveurs bio
18:04 qui se trouvent, eux, à moins de 80 km de distance de la laiterie,
18:09 là où le lait est transformé en yaourt.
18:13 Qu'est-ce que je fais ?
18:15 Je passe du temps dans les fermes,
18:17 avec mes bottes et mon manteau très chaud.
18:20 Je passe du temps dans les fermes,
18:22 à leur contact, pour comprendre chacune des situations particulières,
18:27 pour comprendre leur propre modèle bio.
18:30 Les modèles bio sont très différents.
18:32 Il y a énormément de choix d'entreprenariat possibles
18:35 et de modes d'agriculture possibles,
18:37 dans un cadre donné, celui de la bio.
18:40 C'est important pour moi de comprendre,
18:43 de saisir techniquement de quoi il s'agit,
18:46 où se trouvent les défis, les solutions,
18:48 qu'est-ce qu'on peut amplifier,
18:50 et comment on peut faire intervenir des expertises.
18:54 On est en maillage très fin avec beaucoup d'experts locaux,
18:58 des instituts publics,
19:00 la Chambre d'agriculture en Normandie,
19:02 la Maison de l'eau, etc.
19:04 On travaille tous en collaboration
19:06 pour faire naître des idées nouvelles,
19:09 les tester.
19:11 Il est important d'être en proximité avec les éleveurs.
19:14 Il est important aussi d'être en proximité
19:16 avec les personnes qui travaillent à la laiterie,
19:20 au mollet literie.
19:22 Ce sont des gens qui sont très partie prenante de l'aventure,
19:27 pour qui l'ai de vache signifie énormément.
19:30 L'ai de vache a permis une deuxième naissance
19:34 de cette laiterie qui avait un peu de mal économiquement.
19:38 On a une très grande conscience
19:40 que nous dépendons tous les uns des autres.
19:43 On se tutoie tous, on est proches.
19:46 On essaie par la proximité
19:49 de nourrir ce climat de confiance et d'inventivité.
19:53 - Je veux parler de ton équipe.
19:56 Apparemment, vous vous appelez la meule ou l'étable.
20:00 Plus sérieusement, comment tu recrutes,
20:03 comment tu choisis les membres de ton équipe ?
20:06 Est-ce que tu cherches forcément des jeunes militants ?
20:10 - Je cherche absolument des jeunes militants
20:13 et d'excellents professionnels dans leur expertise.
20:17 C'est vraiment à l'image de l'intention de cette entreprise.
20:21 On a dit une intention économique et une intention politique.
20:25 Pour moi, c'est un ingrédient essentiel
20:28 du succès de notre projet
20:31 que la plupart des contributeurs soient vraiment capables
20:35 de marcher sur ces 2 jambes-là.
20:38 Donc effectivement, mon équipe est composée
20:41 de professionnels plutôt jeunes,
20:44 très engagés avec des profils assez divers.
20:47 Il y a pas mal de femmes.
20:50 Il y a une personne qui vient du monde agricole,
20:53 qui est en fait le directeur commercial.
20:56 C'est assez intéressant, parce que c'est un profil
20:59 qui nous permet d'aborder le sujet de l'agriculture,
21:03 du lait, du prix, de façon assez unique
21:06 avec les distributeurs.
21:09 Nous avons des personnes qui ont une formation
21:12 plutôt scientifique, une formation agro,
21:15 des personnes qui ont plutôt des formations business.
21:19 C'est un joyeux mélange.
21:22 Et de fait, on travaille en grande proximité, c'est vrai,
21:25 et on parle le langage de nos 2 vaches
21:28 qui sont de joyeuses militantes pour un monde plus bio.
21:32 Et donc l'une des recettes du succès de cette marque,
21:36 c'est d'avoir su intéresser à des sujets assez durs,
21:40 assez anxiogènes, en parlant aux gens
21:44 avec humour, optimisme, légèreté.
21:48 Et donc à l'intérieur de la culture des Prairies Bébés,
21:52 on essaye de nourrir cette culture-là.
21:55 Et c'est pour ça qu'on se dit, on se réunit,
21:58 on réunit de la grande étable,
22:01 pour travailler avec les plus seniors d'entre nous
22:04 autour des sujets les plus clés.
22:08 Qu'est-ce qu'on fait ? On a un biojour une fois par mois,
22:12 on va passer les bottes dans la terre tous ensemble,
22:15 plusieurs fois par an, etc.
22:18 - Et est-ce qu'il faut être une patronne encore plus optimiste
22:21 peut-être que d'autres, vu dans le secteur dans lequel tu évolues ?
22:25 On peut dire que, voilà, tu disais, on regarde des fois les news,
22:28 la planète ne va pas non plus de mieux en mieux.
22:31 Donc est-ce que tu dois être encore plus optimiste que les autres ?
22:34 - Mais oui, l'optimisme, je suis absolument convaincue
22:37 que c'est le moteur du changement.
22:40 C'est ce qui nous donne tous envie d'avancer.
22:43 On a besoin de savoir que derrière toutes les transformations
22:46 qu'on est en train d'opérer, qui sont douloureuses,
22:49 qui signifient des deuils de nos habitudes,
22:52 on nous parle de sobriété, où on va avoir moins,
22:55 en tout cas on le pense,
22:58 il y a un futur qui est tout plein d'opportunités.
23:01 Et si on y pense bien, quand les transitions sont réussies,
23:04 on peut déjà s'imaginer à quel point ce futur
23:07 va être plein de joie, il sera rempli de plus,
23:10 plus de bénéfices, mais différents.
23:13 Beaucoup de nouvelles opportunités professionnelles,
23:16 beaucoup de partage, beaucoup de temps.
23:19 Et je pense que c'est très important qu'on commence à en parler
23:22 et qu'on construise ce type de récits
23:25 et qu'on les introduise dans la culture
23:28 pour pouvoir faire rêver les gens au lendemain
23:31 et leur donner le courage de dépasser
23:34 cette période immédiate qu'il faut qu'on vive,
23:37 qui est la transition et qui n'est pas facile à vivre.
23:40 C'est comme un marathon ou une course même de 10 km.
23:43 On n'est pas heureux nécessairement pendant la course,
23:46 pas tous, la majorité d'entre nous ne le sommes pas.
23:49 Mais qu'est-ce que c'est génial quand on arrive
23:52 et qu'on se sent bien et qu'on est fiers et qu'on l'a accompli.
23:55 J'aime bien cette analogie.
23:58 - Tu es aussi membre du comité de direction d'Anne-Anne-France.
24:01 Comment est-ce qu'on se fait entendre
24:04 quand on est patronne d'une filiale bio-écoresponsable ?
24:07 - D'abord, c'est important de dire que je suis invitée.
24:10 J'ai été vraiment proactivement invitée à faire partie
24:13 de ce comité.
24:16 Ça veut dire que Danone France veut être influencée
24:19 par le modèle des prairies bio.
24:22 On parle d'un très gros bateau qui vit plein de transformations
24:25 et qui essaye d'être pionnier par rapport à son industrie.
24:28 Mais évidemment, un modèle comme les prairies bio
24:31 est beaucoup plus avancé encore sur les sujets de biodiversité,
24:34 de justice sociale, etc.
24:37 C'est un modèle qui est beaucoup plus avancé
24:40 sur les sujets de biodiversité, par exemple.
24:43 Danone France veut rester à l'écoute
24:46 de ce qui se passe à l'extérieur.
24:49 Comment je me fais écouter ?
24:52 À travers mon métier, je suis beaucoup à l'extérieur
24:55 même des prairies bio.
24:58 Je passe beaucoup de temps à rencontrer des gens,
25:01 à travailler en coalition avec des marques responsables,
25:04 avec le syndicat de la bio, avec plein d'acteurs engagés.
25:07 Quelque part, j'ai un sentiment de bien-être.
25:10 Quelque part, j'ai un bon feeling de ce qui peut se passer en France
25:13 dans ce domaine engagé,
25:16 à quelle vitesse ça bouge, dans quelle direction, etc.
25:19 Ce sont des choses que je peux ramener chez Danone France
25:22 dans le but de les influencer, de les inspirer,
25:25 mais aussi de les influencer.
25:28 Ils ont besoin de cette vision un peu optimiste des choses.
25:31 Les grosses entreprises font face à beaucoup de contraintes à venir,
25:34 entre autres de la COVID-19.
25:37 Entre autres de la part de la législation,
25:40 les taxes à venir, etc.
25:43 Elles sont contraintes de bouger, de faire de très gros investissements.
25:46 Ce n'est pas toujours facile en interne.
25:49 C'est là aussi important de s'inspirer,
25:52 d'avoir un peu plus la tête dans les nuages de temps en temps,
25:55 spécialement pour des leaders de board
25:58 pour pouvoir avoir un peu au-delà des transformations en cours.
26:01 - Merci beaucoup d'avoir répondu.
26:04 On va pouvoir passer à la séquence interview chrono.
26:07 (Générique)
26:10 - Première question,
26:13 est-ce que tu préfères la Normandie ou la Bretagne ?
26:16 - C'est dur.
26:19 Mon coeur est divisé en deux.
26:22 Je suis juste entre les deux.
26:25 Le Mont-Saint-Michel a été en Bretagne.
26:28 En Normandie, aujourd'hui, vous avez un peu plus de la tête
26:31 dans les nuages de temps en temps.
26:34 Je ne veux pas créer de guerre locale.
26:37 - Est-ce que tu préfères LinkedIn, Instagram ou TikTok ?
26:40 - Je préfère LinkedIn.
26:43 - Est-ce que tu peux me citer une entrepreneuse
26:46 ou une dirigeante française que tu apprécies ?
26:49 - Je n'ai pas eu beaucoup de personnes
26:52 qui m'ont inspirée dans mes jeunes années.
26:55 Il n'y avait pas beaucoup de dirigeantes très femmes.
26:58 J'ai rencontré une femme qui m'a aidée.
27:01 Elle est aujourd'hui CEO de Bear Brands.
27:04 Elle a été la dirigeante d'Aigle.
27:07 Elle a engagé l'entreprise dans la mode durable.
27:10 C'est une femme libre, courageuse, féminine, une maman.
27:13 C'est elle qui m'a donné mon premier job.
27:16 - Je ne reconnaissais pas.
27:19 Quelle est l'application que tu utilises le plus ?
27:22 - Je suis beaucoup dans les transports en commun
27:25 parce que j'ai la chance de ne pas avoir de voiture.
27:28 Je passe beaucoup de temps dans les transports.
27:31 J'écoute Spotify, beaucoup de sons de nature
27:34 et beaucoup de musique classique pour créer ma bulle.
27:37 Et des podcasts sur la transition écologique,
27:40 philosophie, théologie, émission féministe.
27:43 - C'était où tes dernières vacances ?
27:46 - Mes dernières vacances, j'ai vraiment
27:49 brûlé mon quota de carbone pour très longtemps.
27:52 Je suis allée au Japon.
27:55 Mais j'ai une bonne excuse, je crois.
27:58 Parce que c'était ma lune de miel.
28:01 C'était un voyage exceptionnel.
28:04 - Est-ce que tu pourrais devenir entrepreneur ou entrepreneuse ?
28:07 - J'espère le devenir.
28:10 - Merci beaucoup Jacinthe d'avoir joué le jeu.
28:13 Merci à vous d'avoir regardé cette émission.
28:16 A bientôt pour la prochaine.
28:19 Au revoir.
28:22 Sous-titrage ST' 501
28:25 ...