Lundi 27 novembre 2023, SMART MORNING SOUMIER reçoit Grégory Trébaol (Président, Easybike)
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00:00 [Musique]
00:06 Salut à tous, on est de retour avec le phénomène urbain, sans doute majoritairement urbain d'ailleurs,
00:14 mais on va en discuter avec Grégory Trebault qui est avec nous. Bonjour Grégory.
00:18 Bonjour Thierry.
00:19 Vous êtes président fondateur de Easybike, on va parler vélo électrique les amis,
00:25 un chiffre que j'ai déjà beaucoup cité, que je dois d'ailleurs à l'observatoire CTLM,
00:33 750 000 vélos électriques vendus en 2022, c'est autant que de voitures particulières,
00:40 aux particuliers, si on enlève les véhicules professionnels, mais enfin, vente aux particuliers,
00:45 750 000 véhicules et 750 000 vélos électriques, ça donne la mesure Grégory de ce qui est en train de se passer ?
00:51 Ça note une véritable transformation, notamment des déplacements domicile-travail,
00:57 vous évoquiez tout à l'heure principalement urbain, mais pas que, dans le loisir on note également
01:03 une nette progression, donc il y a une réelle transformation des habitudes de déplacement.
01:10 Ce qui est intéressant c'est que vous, vous êtes au départ de toute cette histoire.
01:13 Effectivement, on a été parmi les pionniers puisque la société Easybike,
01:19 qui ensuite a subi différentes transformations, a été créée, j'ai créé ça en 2005,
01:24 donc au balbutiement, et pour rappeler un chiffre et donner le parallèle à ce que vous évoquiez en préambule,
01:30 se vendaient 3000 vélos électriques à l'époque, en 2005, et essentiellement à des personnes à mobilité réduite, personnes âgées.
01:37 Ce chiffre de 750 000, il était inimaginable à l'époque ?
01:40 Je pense qu'il était, on ne l'imagine même pas, on parlait à l'époque des 100 000, 150 000,
01:45 mais on n'imaginait absolument pas les 750 000, et la tendance va aller vers 1 million, 1,5 million, voire 2 millions.
01:53 Et tu avais dès le départ cette vision de la transformation de la mobilité urbaine,
01:58 parce qu'on en dira peut-être un mot ou pas, je ne sais pas si on aura le temps,
02:01 évidemment qu'il y a des craquements partout, évidemment que les piétons, les automobilistes,
02:04 chacun doit trouver sa place dans cette nouvelle, mais c'est une transformation en profondeur,
02:08 l'image que moi je prends très régulièrement et à laquelle je tiens,
02:11 pour moi c'est une révolution comparable à ce que le smartphone a apporté aux téléphones et aux communications.
02:16 C'est exactement ça, et quand on est rentré sur ce marché, je m'en souviens encore comme si c'était hier,
02:23 on avait énormément de marques de vélos musculaires classiques qui rigolaient,
02:27 qui nous rayonnaient en disant "c'est quoi ces vélos électriques, c'est pas considéré comme des vélos, etc."
02:32 On s'aperçoit qu'il y a une véritable transformation,
02:35 et je pense que c'est le vélo et l'assistance électrique qui a transformé cette industrie,
02:39 qui la transforme, qui a donné naissance à une réindustrialisation en France, mais aussi en Europe,
02:44 par rapport à ce qui pouvait se passer en Asie, et donc je pense que ça devient un véritable outil.
02:49 On n'a jamais voulu se considérer comme une marque de vélo à part entière,
02:52 mais comme une entreprise qui réfléchissait à des modes de déplacement et de mobilité électrique au sens large.
02:58 Tu as parfaitement raison, c'est l'autre point auquel... c'est autre chose, c'est pas du vélo, c'est autre chose.
03:04 Même si tu gardes... on va parler des marques d'Issy-Bac, Cycle Le Jeune,
03:08 marque historique de vélo musculaire, comme tu dis.
03:10 Exactement.
03:12 Est-ce que quand on est pionnier, on arrive à garder des coups d'avance ?
03:16 Est-ce qu'aujourd'hui, 2023, tu as encore des coups d'avance ? Et quels sont tes enjeux, justement ?
03:21 Alors, on en a... la question est intéressante et pertinente, et qui retrace un peu toute l'historique de la société.
03:29 Je pense qu'on est resté une dizaine d'années avec un certain nombre de coups d'avance, et on s'est fait rattraper.
03:34 Et c'est la difficulté, et c'est ce que j'essaie d'inculquer à mes équipes, notamment en termes de design, en termes d'engineering,
03:41 c'est de toujours avoir une longueur d'avance.
03:44 Ça l'a été jusqu'en 2015, on a eu un petit trou d'air entre 2015 et 2019, au moment de tous ces rachats de marques historiques
03:51 et qu'il a fallu intégrer, donc on a fait vraiment du restructuring, des choses comme ça,
03:55 et on s'est moins focussé sur le développement.
03:58 Et là, on est revenu à des fondamentaux, les fondamentaux du groupe Easybike qui est devenu Rebirth,
04:03 donner renaissance à un certain nombre de marques iconiques, mais on le redonne avec des stratégies-produits importantes.
04:09 Alors, tu as fait un pari, effectivement, ces deux marques de boomers, pardon, mais Solex et Matra.
04:15 Intéressant d'ailleurs, parce que Matra s'est effondré sur des évolutions automobiles qui ont été mal comprises par le public, par Admis, etc.
04:23 10 ans d'avance à chaque fois sur chaque lancement de produit, 10 ans d'avance.
04:27 Est-ce qu'aujourd'hui tu le referais ? Est-ce que ce n'est pas des nouvelles marques qui portent aujourd'hui le vélo électrique, justement ?
04:35 Et si oui, quelle déclinaison tu leur donnes aujourd'hui ?
04:39 C'est intéressant de voir ce qui s'y passe.
04:42 Je pense qu'on a eu l'avantage de croiser, le bénéfice de croiser des marques iconiques comme Solex et Matra,
04:49 deux marques complètement différentes, une sur le lifestyle, une sur la technologie, la performance.
04:54 Ce qui, aujourd'hui, si c'était à refaire, je pense que définitivement on referait la même chose.
05:00 Pourquoi ? Parce que par rapport à des nouvelles marques qui se lancent dans la mobilité, on s'aperçoit que ces jeunes marques,
05:05 malgré les avancées technologiques dont elles peuvent bénéficier, et on en parle encore récemment avec Vendemoof, par exemple,
05:11 on s'aperçoit que la communication est pour ces sociétés très, très importante et très, très coûteuse.
05:18 Et ce qui a coûté sans doute leur perte.
05:21 L'avantage de se reposer sur des acquis en termes de notoriété comme Solex et Matra nous permet de développer des budgets
05:29 beaucoup plus facilement sur du développement technique que sur de la communication à part entière.
05:35 Et donc, si c'était à refaire, je le referais, peut-être sans doute différemment.
05:39 Maintenant, on regarde plutôt devant plutôt que dans le rétroviseur.
05:42 Alors, on dit un mot, mais vraiment un mot, parce que sinon l'autre sujet, juste pour expliquer,
05:46 c'est que Vendemoof, donc effectivement marque hollandaise de vélo, avec un modèle complètement inclusif, très complexe,
05:54 pas de réparateur partenaire, etc., ils ont fait faillite, ils ont été rachetés, voilà, effectivement.
06:00 Qu'est-ce que tu vas leur donner comme identité, justement, Matra-Solex ?
06:04 Qu'est-ce que ça va devenir ? Quand est-ce que je les vois dans la rue et quels messages elles vont porter ?
06:09 Alors, sur Solex, on est sur des fondamentaux assez clairs, le lifestyle, le design,
06:19 le partenariat avec différentes marques iconiques aussi, et toujours autour de la simplicité.
06:25 Ce qui va maintenant venir un petit peu révolutionner la marque Solex, ça va être l'intégration des nouveaux matériaux,
06:32 des matériaux composites, des matériaux fabriqués en France, matériaux recyclés, y compris sur les cadres.
06:37 Ce qui a fait le succès de Solex, c'était sa simplicité, sa robustesse, et donc du coup, on est allé chercher simplicité et robustesse
06:43 dans les nouveaux matériaux d'aujourd'hui pour éviter d'avoir à fabriquer un cadre en Asie qui va prendre une heure et demie,
06:50 on va pouvoir le fabriquer en France avec ces nouveaux matériaux en quelques minutes.
06:54 Sur Matra, on va chercher la technologie, la performance, la légèreté, donc on va donner une identité complètement différente.
07:02 C'est des cibles différentes, mais toutes essentiellement tournées sur le déplacement plutôt urbain,
07:08 Matra a un côté loisir qu'on va venir travailler.
07:11 Ça fait donc deux fois que tu parles de Made in France. J'ai l'impression que c'est la bataille du moment, finalement,
07:19 pour les industriels du vélo électrique. Ça reste quand même aujourd'hui très limité comme rapatriement, ou ça peut être des stratégies globales ?
07:29 C'est une véritable stratégie. On a été précurseur dans ce domaine. Effectivement, ça fait de l'actualité aujourd'hui.
07:35 Je rappelle que le groupe Easybike, à l'époque, a inauguré son usine d'assemblage à Saint-Lô dans la Manche en 2015.
07:44 Donc à l'époque, sans faire de politique, on avait un ministre de la réindustrialisation, Arnaud Montellour,
07:50 qui était à l'époque dans le vrai puisque sept ans après…
07:54 Assemblage, mais tu assembles, comme tu le disais, des cadres qui sont faits en Chine, des équipements qui sont faits au Japon.
08:00 Justement, cette base va nous permettre aujourd'hui de développer une véritable filière industrielle.
08:06 Je pense à quelque chose qui nous marque profondément. En 2019, on a une loi, on va dire l'Europe et l'ensemble des pays européens ont développé,
08:15 ont mis en place une loi anti-dumping pour faire un peu barrière aux produits en provenance d'Asie, en importation provenance d'Asie.
08:23 Cette loi en est favorable puisqu'elle a pour but de venir protéger un tissu industriel.
08:32 Sauf qu'en France et en Europe, ce tissu-là, il avait complètement disparu.
08:36 Donc, effectivement, dans le laps de temps qui va nous permettre d'attendre la réindustrialisation à part entière, de pouvoir s'approvisionner, il faut avoir des étapes.
08:45 La première étape était d'avoir une base.
08:47 La deuxième étape étant de venir fédérer un certain nombre d'industriels pour les raccrocher à un projet industriel et redévelopper des savoir-faire.
08:54 Donc ça, c'est en train de se faire. On n'est pas les seuls.
08:56 Moustache l'a fait sur un cadre en aluminium. On le fait avec un cadre en thermoplastie.
09:01 On va le faire avec un certain nombre de composants en France.
09:04 Mais il faut laisser le temps à ce que ce tissu industriel se recrée en France.
09:09 Maintenant, voilà.
09:11 C'est une demande du consommateur ?
09:13 Je pense que ce n'est pas forcément une demande du consommateur, mais c'est une démarche que le consommateur peut comprendre, comprend et encourage.
09:20 La question derrière ne pas être décorrélée de la valeur marché.
09:25 Et voilà, parce qu'en face, tu as une bataille de prix qui est importante.
09:28 Ça reste des équipements très chers.
09:30 Ça reste des équipements très chers.
09:31 C'est là où la loi anti-dumping peut permettre aussi de venir un peu temporiser cette montée des prix en faisant barrière à des produits en provenance d'Asie.
09:40 Donc je pense qu'on est en train de rentrer dans cette dynamique.
09:44 Nous, en tout cas, aujourd'hui, tous nos designers, tous nos ingénieurs travaillent sur un approvisionnement le plus court possible.
09:52 Ça va prendre du temps.
09:53 Ça se met en place.
09:54 Et on est assez fiers de chaque mois de pouvoir mesurer le taux d'équipement qu'on est capable de sourcer.
10:01 Or, pas forcément qu'en France.
10:02 On n'est pas des aératolats du Made in France.
10:04 En Europe.
10:05 On est plutôt européens.
10:07 Y compris les batteries ?
10:09 Même sur les batteries, il peut y avoir un peu d'ambition.
10:11 Oui.
10:12 Les batteries, il y a énormément de démarches.
10:13 Aujourd'hui, il y a des fabricants de batteries qui sont en France avec qui on commence à travailler sur des prototypes.
10:17 En Europe, en pays de l'Est.
10:19 Maintenant, les cellules de base, pour l'instant, sont toujours fabriquées en Asie.
10:24 Mais je pense que la démarche est encourageante.
10:27 Et plus on aura de vélos vendus, tel qu'on le disait, 750 000, plus ça va intéresser des industries plus lourdes à venir travailler sur ce secteur.
10:36 Évidemment. Là, tu as une base de demande sur laquelle tu peux vraiment construire quelque chose.
10:41 Toi, c'est 50 millions d'euros de chiffre d'affaires.
10:43 On se retrouve avec des ETI qui ont quand même une certaine solidité et sans doute des capacités d'investissement.
10:49 Je veux terminer avec ce terme d'architecte de la mobilité.
10:52 Ça dépasse le simple vélo, c'est l'organisation des villes.
10:57 Exactement.
10:59 Et ça, c'est un leitmotiv qui nous anime depuis l'origine, depuis 2005, en disant qu'on s'intéresse à toutes les mobilités et à cet architecte de la mobilité.
11:09 Au-delà d'une simple marque de vélo, on a cherché aussi à travailler sur tous les usages et les attentes des consommateurs,
11:16 des attentes de consommateurs en centre urbain ou en privé.
11:20 Et donc, on a développé trois petites structures, donc start-up.
11:24 On est toujours dans cet esprit. Une plateforme servicielle qui va travailler sur du leasing, de l'assurance, du tracking pour venir assurer.
11:32 Ce qu'on a retrouvé dans l'automobile aujourd'hui.
11:34 Une voiture sur deux est commercialisée en leasing.
11:36 Il n'est pas aberrant d'imaginer que le vélo et l'assistance électrique, avec des prix qui augmentent de plus en plus, ne passent pas par cette étape-là.
11:44 Donc, on a cette plateforme dans laquelle on a fédéré un certain nombre d'institutionnels.
11:48 Et à côté de ça, on a une jeune pousse, même si elle existe depuis quelques années, qu'on a reprise, qui était en difficulté.
11:56 Enseignement Clean Energy Planet, qui est devenue MobiCity, et qui travaille sur les centres-villes, sur des vélos en libre-service,
12:03 dans un stationnement partagé, organisé, pas en free-floating, pas d'un point de vue stationnement sauvage.
12:10 Et on s'aperçoit que notre cible s'adresse à des centres-villes de 5 à 10 000 habitants.
12:16 Essayez de mettre un peu des barbelés sur la prairie, essayez un petit peu d'organiser le Far West.
12:22 On ne fait pas des barbelés, mais à minima, des places de parking.
12:26 Merci Grégory, merci beaucoup.
12:28 Merci Stéphane.
12:29 Easy Bike, qui nous accompagnait.
12:31 [Musique]
12:33 Bismarck