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mamie repost vous propose un livre qudio de Arthure Conan Doyle un faux départ
Transcription
00:00 Arthur Conan Doyle, Mémoire dans Médecins
00:05 Un faux départ.
00:07 Le docteur Horace Wickinson était chez lui.
00:11 «Vous ne lui parlez en personne.
00:13 Donnez-vous donc la peine d'entrer.»
00:15 Le visiteur parut étonné de voir le maître de la maison lui ouvrir la porte lui-même.
00:21 «J'aurai quelques mots à vous dire.»
00:23 Le docteur, jeune, pâle et sec, vêtu de la professionnelle redingote noire, avec un
00:30 col blanc très haut et d'élégant petit favori, se frotta les mains et sourit.
00:34 Ce gros homme corpulent qui venait le trouver était, en n'en pas douter, un client et
00:40 le premier de la journée.
00:42 Ses maigres ressources commençaient à diminuer et, quoique l'argent de son premier trimestre
00:47 de loyer fut soigneusement mis de côté dans son bureau, il se demandait comment il pourrait
00:52 faire face aux dépenses courantes de son train de maison, si modeste qu'il soit.
00:57 Il salua, fit entrer le visiteur et laissa la porte du vestibule se fermer d'elle-même
01:04 pour faire croire à son client qu'il était venu lui ouvrir par un pur effet du hasard.
01:09 Il introduisit ensuite dans son cabinet de consultation, très médiocrement meublé,
01:14 et l'invita à s'asseoir.
01:16 Le docteur Wigginson s'installa à son bureau et, réunissant l'extrémité de ses doigts,
01:22 il regarda son interlocuteur d'un air interrogateur.
01:25 Que pouvait bien lui vouloir cet homme ? Il était très rouge de figure.
01:30 D'autres, en vieux praticien, auraient déjà prononcé leur diagnostic et auraient étonné
01:36 leur client en lui décrivant les symptômes de sa maladie avant de commencer la consultation.
01:42 Le docteur Horace Wigginson se creusa le cerveau pour trouver quelque chose à dire, mais la
01:48 nature avait fait de lui surtout un chercheur, un travailleur lent et méthodique et rien
01:53 de plus.
01:54 Il ne savait comment commencer son entretien, mais se dit en lui-même que la chaîne de
01:59 montre de son visiteur, tout en ayant l'air des Kaamelott, pouvait bien valoir une demi-couronne.
02:05 C'était bien peu, mais pourtant appréciable par les temps durs qu'on traversait.
02:10 Pendant que le docteur observait l'étranger, ce dernier avait fouillé successivement dans
02:17 toutes les poches de son gros par-dessus.
02:19 Ses vêtements épais et l'exercice qu'il prenait en cherchant dans ses poches, tout
02:25 concourait à augmenter l'empourprement de sa figure qui avait passé du rouge brique
02:30 au rouge tomate, son front se couvrit de gouttes de transpiration.
02:35 Ce dernier phénomène amena le docteur à conclure qu'un thème aussi particulier dénotait
02:41 certainement l'abus de l'alcool.
02:44 Il était persuadé qu'il touchait du doigt le secret du mal de cet homme.
02:49 Mais il fallait une certaine diplomatie pour lui montrer que la nature de sa maladie ne
02:54 lui échappait pas et qu'un coup d'œil lui avait suffi pour découvrir la source
02:58 cachée de ses souffrances.
03:00 « Il fait très chaud, dit l'étranger en s'épongeant le front.
03:05 — Oui, c'est un temps qui vous altère et vous porte à boire beaucoup trop de bière,
03:11 répondit le docteur Horace Wickinson en regardant son visiteur en fin connaisseur à travers
03:16 l'écartement de ses doigts.
03:18 Si vous m'en croyez, vous résisterez à la tentation de la bière.
03:22 — Moi, mais jamais je ne bois de bière.
03:26 — Moi non plus, voilà plus de vingt ans que je m'en abstiens.
03:30 C'était un four.
03:32 Le docteur Wickinson devint presque aussi rouge que son client.
03:36 — Puis-je vous demander ce qui vous amène, dit-il en prenant son stéthoscope et le tripotant
03:42 avec indifférence.
03:44 — J'allais précisément arriver au fait.
03:47 J'ai appris votre retour, mais il m'a été impossible de venir plus tôt.
03:52 Il se mit à tousser nerveusement.
03:55 — Vraiment, dit le docteur sur un ton engageant.
03:59 J'aurais dû venir il y a trois semaines, mais vous savez avec quelle facilité on remet
04:04 certaines démarches.
04:06 Il toussa de nouveau derrière sa grande main rouge.
04:10 — Je crois que vous n'avez plus besoin de me mettre sur la voie, répliqua le docteur
04:15 de nerf convaincu.
04:16 Votre toux est un indice révélateur.
04:19 D'après ce que j'entends, elle vient des bronches.
04:23 Sans doute le mal est circonscrit maintenant, mais il faut toujours craindre qu'il ne s'étende
04:29 et vous avez agi très sagement en venant me trouver.
04:32 Un petit traitement régulièrement suivi vous remettra très vite.
04:36 Otez votre gilet seulement, pas votre chemise.
04:40 Respirez profondément et dites quelques mots lentement.
04:44 L'homme au visage rouge se mit à rire.
04:47 — C'est parfait, docteur, dit-il.
04:50 Cette toux vient de ce que je mâche du tabac et je conviens que c'est une habitude détestable.
04:56 Les quelques mots que j'ai à vous dire ont trait aux neuf shillings et neuf pences que
05:01 vous devez à la compagnie du gaz que je représente.
05:04 Le docteur s'effondra sur sa chaise.
05:07 — Alors, vous n'êtes pas un patient ?
05:10 — Je n'ai jamais eu besoin de médecin de ma vie, monsieur.
05:15 — Oh, très bien.
05:17 Le docteur voulut dissimuler son désappointement en affectant de plaisanter.
05:22 Vous ne paraissez pas, en effet, devoir recourir souvent aux médecins.
05:27 Je ne sais vraiment ce que nous deviendrions si tout le monde était aussi solide que vous.
05:32 Je passerai à la compagnie pour régler cette petite note.
05:35 — Pourquoi vous donnez cette peine ? Pendant que je suis là, monsieur, vous pourriez profiter
05:42 de ma présence pour…
05:43 — Au fait, c'est vrai.
05:46 Ces éternels petits embarras d'argent étaient plus pénibles aux docteurs que sa vie monotone
05:51 et sa nourriture médiocre.
05:53 Il avait bien deux demi-couronnes et quelques pénis.
05:56 Dans son bureau, il trouverait bien dix pièces d'or, mais ces dernières devaient servir
06:01 à payer son loyer.
06:02 S'il y touchait, il était perdu.
06:05 Il valait mieux se laisser mourir de faim que de commettre cette folie.
06:09 — Mon Dieu ! dit-il en souriant, comme étonné lui-même d'un contre-temps si mesquin.
06:15 Je me trouve sans monnaie.
06:17 Je crois que je serai quand même obligé de passer à la compagnie.
06:21 — Très bien, monsieur.
06:23 L'inspecteur se leva et, en partant, il jeta un coup d'œil scrutateur autour de
06:28 lui, estimant chaque objet, depuis le tapis de De Guinée jusqu'au rideau de Mousseline
06:34 de Huichyling.
06:35 Lorsqu'il fut parti, le docteur Wicklinson reprit la pièce en ordre, comme il le faisait
06:41 machinalement une douzaine de fois par jour.
06:44 Il ouvrit sur la table son grand dictionnaire de médecine de Quenne pour bien montrer aux
06:49 clients qu'il honorerait de leur visite qu'il savait s'entourer des meilleurs documents.
06:54 Puis il nettoya tous les petits instruments de sa trousse de poche, les ciseaux, les forcèves,
07:01 les lancettes, et les rangea à côté de son stéthoscope pour composer le plus bel étalage
07:06 possible.
07:07 Son registre, son agenda et son carnet de visite étaient ouverts en face de lui.
07:13 Il ne portait aucune trace d'usure, mais comme la vue de ses livres immaculées et
07:18 intactes produiraient un mauvais effet sur la clientèle, il les frotta l'un contre
07:23 l'autre et les tâcha d'encre.
07:24 Pensant qu'un client serait désagréablement impressionné de voir figurer son nom la première
07:30 page du livre de consultation, il crut bon inscrire sur cette page de rendez-vous des
07:36 visites imaginaires faites à des clients non moins imaginaires.
07:40 Il remplit ainsi son livre pendant 25 pages.
07:44 Après cela, il se prit à réfléchir, la tête dans les mains, et se mit à attendre
07:51 les événements.
07:52 Ce genre d'occupation manque certainement de charme.
07:56 Les instants d'attente sont bien pénibles pour le jeune homme au début de sa carrière,
08:01 mais plus angoissant encore pour celui qui se demande, anxieux, combien de semaines,
08:07 combien de jours ses moyens d'existence seront assurés.
08:10 Il avait beau faire des économies de bout de chandelle, son argent allait filer à ses
08:15 mille riens qu'un homme ne connaît que lorsqu'il a une installation à lui.
08:20 Le docteur Wickinson comprenait trop, hélas, assise à son bureau devant son petit tas d'argent
08:25 et de monnaie de cuivre, que ses chances de succès diminuaient de jour en jour et qu'il
08:30 ne deviendrait certes jamais le médecin à la mode de Sutton.
08:34 Et cependant, dans cette ville active, industrielle et prospère, il semblait incroyable que l'homme
08:41 instruit et à droit de ses mains, pût mourir de faim sans trouver à gagner sa vie.
08:46 De son siège, le docteur Horace Wickinson voyait la file interminable des passants qui
08:52 cheminaient sous sa fenêtre.
08:54 Dans cette rue commerçante, tout faisait penser au brouhaha de la vie, le roulement
08:59 des voitures et le piétinement perpétuel des passants.
09:03 Des femmes, des enfants se croisaient par milliers dans la journée.
09:07 Chacun se rendait pressé à ses affaires, sans même remarquer la plaque de cuivre du
09:13 docteur et sans donner une pensée à l'infortuné praticien qui se morfondait là-haut, anxieux,
09:19 derrière la fenêtre de son salon.
09:21 Pourtant, combien d'entre eux se seraient bien trouvés de suivre ses conseils professionnels,
09:27 dyspeptiques, femmes anémiques, visages couverts de boutons, timbilieux, tous défilés devant
09:34 lui, tous avaient besoin de lui, comme lui, d'eux.
09:38 Mais ils se tenaient respectivement à l'écart de cet enseigne professionnel.
09:42 Que lui restait-il à faire ? Il ne pouvait pas cependant séjourner sur le seuil de sa
09:48 porte, saisir le passant par le bras et lui dire tout bas « Permettez-moi, monsieur,
09:54 de vous avertir que vous êtes atteint d'agnéroséa qui fait de vous un objet d'horreur.
09:58 Laissez-moi vous donner l'ordonnance d'une potion à l'arsenic qui vous coûtera infiniment
10:04 moins cher qu'un bon dîner et vous sera bien plus profitable.
10:07 » Non, ce n'était pas possible.
10:11 Ce quémandage de clientèle constituerait une honte pour la médecine, cette belle et
10:16 noble profession qui trouve des adeptes d'autant plus nombreux que l'adversité se déchaîne
10:22 plus furieuse contre eux.
10:23 Le docteur Horace Wickinson venait de regarder par la fenêtre avec un visage sombre lorsque
10:32 la sonnette s'agita fortement.
10:34 Bien souvent, elle avait résonné, cette sonnette.
10:37 À chaque appel, il avait repris un espoir qui s'évanouissait chaque fois et se changeait
10:42 en désappointement lorsqu'il se trouvait en présence d'un mendiant ou d'un pauvre
10:47 ouvrier.
10:48 Mais son caractère jeune avait du ressort et malgré les expériences tristement répétées,
10:54 cet appel vigoureux faisait battre son cœur.
10:56 Il sauta sur ses pieds, jeta un regard sur sa table, mit ses livres un peu plus en évidence,
11:03 se dirigea rapidement vers la porte.
11:05 Il ne put contenir sa mauvaise humeur en entrant dans le vestibule.
11:09 Par les vitres du sommet de la porte, il venait d'apercevoir une voiture de bohémien à
11:15 laquelle étaient accrochées des tables et des chaises d'osier.
11:18 Cette voiture était arrêtée à sa porte et deux individus, à l'allure indécis,
11:24 attendaient avec un enfant.
11:26 L'expérience lui avait appris qu'il valait mieux ne pas parlementer avec cette catégorie
11:31 de gens.
11:32 « Je n'ai rien pour vous, dit-il en refermant la porte.
11:36 Allez-vous-en ! » Mais la sonnette tinta de nouveau.
11:39 « Allez-vous-en ! Allez-vous-en ! » cria-t-il impatienté.
11:44 Et il retourna à son bureau.
11:46 À peine était-il assis que la sonnette se fit entendre une troisième fois.
11:51 Il retourna à la porte et l'ouvrit en colère.
11:54 « Que diable ! S'il vous plaît, monsieur, nous avons besoin d'un médecin ! » Son
12:02 visage changea de physionomie et il se frotta les mains en esquissant un sourire aimable.
12:07 C'étaient donc des clients, ces gens qu'il avait voulu renvoyer, les premiers passants
12:12 si longtemps attendus.
12:14 Il ne devait pas cependant lui valoir de force honoraire.
12:18 L'homme, un grand bohémien aux cheveux longs et luisants, était retourné pour garder
12:23 son cheval.
12:24 Il ne restait que la femme.
12:27 Elle avait un visage dur et un œil tuméfié.
12:30 Elle portait un mouchoir de soie jaune sur la tête et serrait sur son sein un enfant
12:36 enveloppé dans un châle rouge.
12:39 « Veuillez entrer, madame, » dit le docteur de sa voix la plus douceureuse.
12:43 Il ne pouvait pas, dans le cas présent, se tromper dans son diagnostic.
12:47 « Veuillez prendre la peine de vous asseoir et je vous soulagerai dans un instant.
12:52 » Il versa un peu d'eau d'une carape dans une soucoupe, fit une compresse de gaz,
12:58 la plaça sur l'œil de la femme et la fixa à l'aide d'un bandage en spicat,
13:03 s'écounait Martin.
13:05 « Merci beaucoup de votre bonté, monsieur, » dit la bohémienne lorsque le docteur eut
13:10 fini.
13:11 « C'est bon et chaud.
13:12 Dieu vous bénira pour votre charité.
13:14 Mais ce n'est pas pour mon œil que je suis venu chez un médecin.
13:18 »
13:19 « Comment ? »
13:20 Le docteur Horace Wickinson commençait à être quelque peu sceptique sur les avantages
13:25 d'un diagnostic rapide.
13:27 Il est souvent très avantageux de savoir étonner un client, mais jusqu'à présent,
13:33 le contraire avait plutôt l'air de se produire.
13:35 Le petit à la rougeole
13:38 La mère ouvrit le châle et montra un petit être brun, aux yeux noirs, dont la figure
13:44 basanée était toute enflée et parsemée de points rouges foncés.
13:48 Des râles se mêlaient à sa respiration et il leva sur le docteur des yeux engourdis,
13:54 collés au coin des paupières par un sommeil irrésistible.
13:57 « Oui, c'est la rougeole, sans hésitation, et même une forte rougeole.
14:03 Je voulais vous le montrer, monsieur, pour que vous puissiez certifier…
14:08 Pour que ? Quoi ? Pour que vous puissiez certifier s'il arrivait quelque chose.
14:14 Ah, je comprends.
14:16 Témoigner, vous voulez dire.
14:18 Et maintenant que vous avez vu le petit, monsieur, je m'en vais parce que Reine Ben, c'est
14:24 mon mari, n'aime pas attendre.
14:26 Mais vous ne voulez aucun médicament ? Oh, puisque vous l'avez vu, ça suffit.
14:32 Je vous ferai savoir s'il arrive quelque chose.
14:35 Mais il vous faut un médicament.
14:38 L'enfant est très malade.
14:39 » Il descendit dans la petite pièce qu'il
14:42 avait arrangée en pharmacie et prépa en rafraîchissant dans un flacon de 2 oz.
14:48 Dans des villes comme Sutton, il y a peu de gens qui peuvent payer à la fois médecin
14:53 et pharmacien, de sorte que si le médecin ne se résigne pas à remplir les deux rôles,
14:58 il n'a aucune chance de réussir.
15:00 « Voici votre médecine, madame, et les instructions sont sur la bouteille.
15:06 Tenez l'enfant chaudement et mettez-le à la diète.
15:09 « Merci beaucoup, monsieur.
15:11 » Elle remit l'enfant sur son bras et gagna la porte.
15:15 « Pardon, madame, dit le docteur sur un ton sec, ne trouvez-vous pas cette note bien
15:21 minime pour ouvrir un compte ? Peut-être serait-il préférable de la régler dès
15:26 à présent.
15:27 » La bohémienne le regarda d'un air de reproche.
15:30 « Vous allez me faire payer pour ça ? » demanda-t-elle.
15:34 « Alors, combien ? » « Mettons, une demi-couronne.
15:39 » Il fixa ce chiffre d'un air insignifiant, comme si cette somme ne valait pas la peine
15:45 d'être mentionnée, mais la bohémienne poussa une exclamation à l'entendant.
15:49 « Une demi-couronne pour ça ? » « Mais, ma brave femme, si vous ne pouvez
15:56 payer, pourquoi ne vous adressez-vous pas au médecin des pauvres ? »
15:59 Elle fouilla dans sa poche en tenant, tant bien que mal, son enfant sur son bras.
16:05 « Voici cette pince, » dit-elle enfin en présentant une petite pile de monnaie de
16:11 cuivre.
16:12 « Je vous les donne avec ce tabouret en osier.
16:15 Mais mon prix est d'une demi-couronne.
16:18 » La haute estime que le médecin avait pour sa profession glorieuse se révoltait à l'idée
16:24 de ce marché misérable.
16:25 Et pourtant, que pouvait-il faire ? « Où voulez-vous que je trouve une demi-couronne
16:31 ? C'est bon pour les gens riches comme vous, qui peuvent rester à ne rien faire dans leur
16:36 maison, qui mangent et boivent à satiété, et qui demandent une demi-couronne aussi facilement
16:42 qu'ils vous disent bonjour.
16:43 Nous ne ramassons pas des demi-couronnes comme ça, nous autres.
16:48 Ces sept pinces sont tout ce que je puis vous donner.
16:50 Pour gagner un peu, il nous faut travailler dur.
16:53 Allez, vous m'avez dit de nourrir l'enfant légèrement.
16:56 Il le faudra bien, car je ne sais vraiment pas ce que je pourrais lui donner à manger.
17:01 » Pendant que la femme parlait, les yeux du
17:04 docteur Horace Wickinson tombèrent sur la petite somme d'argent étalée sur la table.
17:09 Il se dit que cette somme, si maudite qu'elle soit, lui procurerait aussi à manger, et
17:16 il ne put s'empêcher de sourire intérieurement à l'idée que cette femme le considérait
17:20 comme un Crésus et un Richard.
17:23 Il ramassa les sous et, débrusquement à la femme, « Eh bien, soit ! Ne tenons pas
17:28 compte de la consultation.
17:30 Reprenez cet argent, il pourra vous être de quelque utilité.
17:34 Adieu ! » Il la fit sortir et ferma la porte derrière
17:39 elle.
17:40 Après tout, cette femme pouvait être la cheville ouvrière de la fortune du docteur.
17:44 Ces bohémiens, ces errants, ont une grande puissance de recommandation, et bien des médecins
17:51 connus leur doivent leur célébrité.
17:53 Il arrive souvent que ces traînards vantent à la cuisine, où ils reçoivent quelques
17:58 bols, la bonté du médecin qui les a soignés.
18:01 Des cuisines, la réputation monte au salon, et de là, s'étend comme une tâche d'huile.
18:07 Au moins, le docteur pouvait dire maintenant qu'il avait eu un client.
18:12 Il quitta son cabinet de consultation et mit sur le feu l'eau destinée à faire santé,
18:19 en riant sous cap, au souvenir de cette visite étrange.
18:22 Si tous ses clients ressemblaient à ce dernier, il pouvait facilement calculer en combien
18:28 de consultations il serait ruiné à fond.
18:30 Sans tenir compte de l'usure de son tapis et de la perte de son temps, il avait fourni
18:36 pour deux pinces de bandage, quatre et plus de médecine, sans parler du flacon, du bouchon,
18:42 de l'étiquette et du papier.
18:43 En outre, il lui avait fait grâce de cinq pinces, de sorte que sa première cliente
18:49 lui avait coûté un shilling six pinces.
18:52 C'était autant de prix sur son maigre budget.
18:55 S'il venait cinq visiteurs comme cette bohémienne, il n'avait plus qu'à se jeter à la mer.
19:00 Il s'assit sur son coffre et fut secoué d'un rire nerveux à cette idée, pendant
19:05 qu'il mesurait dans sa théière de terre brune une cuillerée et demi de thé à un
19:10 shilling huit pinces.
19:11 Tout d'un coup, son visage redevint impassible.
19:15 Il tendit l'oreille vers la porte et écouta, la tête penchée, l'œil fixe.
19:20 Il avait entendu une voiture s'arrêter à sa porte.
19:25 Des bruits de pas résonnaient et la sonnette s'agita violemment.
19:29 Sa cuillère à la main, il regarda par la fenêtre et vite, à son grand étonnement,
19:34 une élégante voiture attelée de deux chevaux et un laquet poudré à sa porte.
19:39 Il laissa tomber la cuillère d'un air effaré et resta là, bouche bée.
19:43 Puis il se ressaisit et ouvrit la porte.
19:47 « Jeune homme, fit le laquet, dites à votre maître, le docteur Wilkinson, qu'on le
19:52 demande au plus tôt chez Lady Milbank, au Towers.
19:55 Priez-le de venir de suite.
19:57 Nous avions bien pensé à l'emmener en voiture, mais il faut que nous passions voir
20:02 si le docteur Mason est encore chez lui.
20:04 Allons, dépêchez-vous et faites-lui la commission.
20:07 » Le valet de pied saluant ferma la porte précipitamment.
20:12 Le cocher fouette à ses chevaux et la voiture descendit rapidement la rue.
20:17 Quelle bonne surprise ! Le docteur Horace Wilkinson resta un instant à sa porte et tâcha
20:23 de reprendre ses esprits.
20:25 Lady Milbank des Towers ! Des gens riches et bien posés, sans doute.
20:31 Le cas devait être grave, en jugé par la précipitation du laquet et par la nécessité
20:36 d'appeler deux médecins.
20:38 Il s'expliquait encore moins pourquoi on le choisissait, lui, de préférence à un
20:43 autre médecin.
20:44 Il était inconnu, sans relation, sans notoriété.
20:48 On s'adressait certainement à lui par erreur.
20:51 Il ne voyait pas d'autres explications plausibles, à moins toutefois que quelqu'un ait eu le
20:56 mauvais goût de lui jouer un tour.
20:58 Mais non, ce n'était pas possible.
21:01 De toute manière, le message était trop précis pour qu'il n'en t'aime pas compte.
21:06 Il fallait partir de suite et tirer cette affaire au clair.
21:10 Il se rappela qu'au coin de sa rue, il y avait une petite boutique où quelques vieux
21:16 vendaient des journaux, en même temps qu'il débitait beaucoup de comérages.
21:20 Cette boutique était pour lui la source d'informations la plus précise.
21:24 Il mit son plus beau tube, remplit ses poches d'instruments et bandages et, sans prendre
21:30 le temps de boire son thé, il ferma sa maison et partit pour cette expédition singulière.
21:36 Le marchand du coin était le conseiller de tous les habitants et l'oracle de Sutton.
21:42 Aussi, eut-il vite fait de se procurer tous les renseignements désirés.
21:46 Sir John Milbank, très connu dans la ville, était un grand seigneur en même temps qu'un
21:52 riche commerçant.
21:53 Il exportait des plumes à écrire, avait été trois fois maire, on lui prêtait une
21:58 fortune de deux millions de livres sterling.
22:01 The Thawards était situé un peu en dehors de la ville et constituait une demeure princière.
22:08 Sa femme, malade depuis quelques années, subissait en ce moment une crise particulièrement
22:14 violente.
22:15 Jusque-là, tout paraissait être vraisemblable.
22:18 Il pouvait en tout cas s'estimer heureux que des gens aussi caussus le fît se demander.
22:23 Un autre doute lui vint à l'esprit et il rentra dans le magasin pour compléter ses
22:29 informations.
22:30 « Je suis votre voisin, le docteur Horace Wickinson, dit-il.
22:35 Connaissez-vous dans la ville quelques autres médecins du même nom ? »
22:38 Non, le marchand certifia qu'il n'en existait pas d'autres.
22:43 Plus aucun doute, une véritable chance s'offrait à lui, il ne fallait pas la laisser échapper.
22:50 Il éla un fiar et partit pour les Thawards très agité, la tête à l'envers, tantôt
22:56 plein d'espoir et de joie, tantôt saisi de doutes et de frayeurs, se demandant si
23:01 la tâche qu'on attendait de lui n'était pas au-dessus de ses forces et s'il avait
23:05 bien pensé à prendre sur lui tous les instruments et les médicaments nécessaires.
23:10 Il passait en revue les cas de maladies les plus étranges et les plus insolites qu'il
23:15 connaissait par ses études ou son expérience et avant d'arriver aux Thawards, il s'était
23:21 tellement monté l'imagination qu'il finit par croire qu'on l'appelait pour une opération
23:25 du trépan.
23:26 Les Thawards étaient une très grande maison entourée d'arbres située à un des détours
23:32 de la route.
23:33 En arrivant, le docteur se dépêcha de payer sa voiture avec ses derniers deniers et suivit
23:38 un valet de pied à l'air grave qui, après lui avoir demandé son nom, lui fit traverser
23:44 un vestibule aux panneaux de chêne et aux vitraux de couleur remplis d'anciennes armures
23:49 et de bois de cerf.
23:50 Il introduisit dans un grand salon.
23:52 Un homme au visage irrité et maussade était assis dans un fauteuil devant la cheminée
23:59 pendant que deux jeunes filles en blanc se tenaient ensemble à l'autre extrémité
24:03 de la pièce dans l'embrasure d'une fenêtre.
24:06 « Allons, allons, qui êtes-vous ? » dit l'homme sur un ton nerveux.
24:11 « Êtes-vous bien le docteur Wilkinson ? »
24:13 « Oui, monsieur.
24:15 »
24:16 « Vraiment ? Vous paraissez bien jeune, beaucoup plus jeune que je ne pensais.
24:20 Enfin, tant pis, le docteur Maison est vieux et n'a pas l'air d'y connaître grand-chose.
24:25 C'est le cas d'essayer d'un jeune docteur à présent.
24:29 Vous êtes bien le docteur Wilkinson qui a écrit un opuscule sur les poumons ? »
24:33 Quelle heureuse coïncidence ! Les deux seules lettres que le docteur avait adressées à
24:39 la lancette, deux petites lettres bien modestes, publiées à la dernière page du journal,
24:45 perdues au milieu d'annonces médicales et de questions concernant le prix d'entretien
24:50 d'un cheval à la campagne, ces deux élucubrations avaient en effet trait aux maladies de poitrine.
24:56 Ce travail n'était donc pas resté sérile.
24:59 Un œil vigilant l'avait remarqué et s'était rappelé le nom de l'auteur.
25:04 Personne n'oserait soutenir à présent qu'un effort est inutile ou que la peine ne reçoit
25:10 pas rapidement sa récompense.
25:12 « Oui, j'ai traité spécialement ce sujet.
25:16 »
25:17 « Ah, eh bien, où est donc Maison ? »
25:19 « Je n'ai pas le plaisir de le connaître.
25:22 »
25:23 « Tiens, c'est curieux ça aussi.
25:25 Lui vous connaît et fait beaucoup de cas de votre expérience en cette matière.
25:30 Vous n'habitez pas la ville, n'est-ce pas ? »
25:33 « Je ne l'habite que depuis peu de temps.
25:35 »
25:36 « C'est ce que Maison m'a dit.
25:38 Il ne m'a pas donné votre adresse et m'a promis qu'il passerait chez vous et vous ramènerait,
25:43 mais comme l'état de ma femme empirait, j'ai cherché votre adresse et vous ai fait
25:47 appeler.
25:48 J'ai envoyé aussi chez Maison, mais il était sorti.
25:51 Pourtant, nous ne pouvons pas l'attendre.
25:54 Montez donc et faites tout votre possible, car le cas est grave.
25:58 »
25:59 « Monsieur, vous me mettez dans une position très délicate, » dit le docteur Horace
26:04 Wickinson avec quelque hésitation.
26:06 « Vous me dites que je suis appelé ici pour rencontrer en consultation le docteur Maison.
26:12 J'agirai à l'encontre des règles de la convenance en voyant la malade avant lui.
26:17 Il vaut mieux que je l'attende.
26:19 »
26:20 « Comment, sacre bleu ? Croyez-vous que je vais laisser l'état de ma femme s'accrocher
26:24 et s'aggraver pendant qu'un médecin est tranquillement ici, assis dans un beau fauteuil,
26:29 les jambes croisées ? »
26:30 « Non, monsieur, ce n'est pas admissible.
26:33 Je vous déclare que vous monterez ou que vous sortirez d'ici.
26:36 »
26:37 Le ton sur lequel ces paroles furent prononcées ne manqua pas de choquer le docteur, mais
26:43 comprenant et excusant jusqu'à un certain point la nervosité d'un mari affolé par
26:47 la maladie de sa femme, il se contenta de s'incliner sèchement, disant
26:52 « Je monterai si vous insistez.
26:55 »
26:56 « J'insiste, en effet.
26:57 De plus, je ne veux pas que vous lui tapiez sur la poitrine et que vous fassiez sur elle
27:02 d'autres facécides précédigitateurs.
27:04 Elle a une bronchité de l'asthme, voilà tout.
27:07 Si vous pouvez la guérir, ça va bien.
27:10 Mais cette manie qu'ont les médecins d'ausculter leurs malades en leur tapotant dans le dos
27:15 ne fait que les affaiblir.
27:16 Veuillez vous en dispenser.
27:18 » Le docteur pouvait, à la rigueur, supporter
27:22 une insulte personnelle, mais son métier lui tenait trop à cœur pour qu'un mot
27:27 cinglant ne le piquât pas au vif.
27:29 « Je vous remercie, dit-il en prenant son chapeau.
27:32 J'ai l'honneur de vous saluer.
27:34 Je ne tiens pas à endosser la responsabilité que vous prétendez m'imposer.
27:39 »
27:40 « Allons, bon, quelle mouche vous pique à présent ! »
27:42 « Il n'est pas dans mes habitudes de me prononcer sans avoir examiné mes malades,
27:48 et je m'étonne que vous osiez suggérer une pareille idée à un homme de la science.
27:52 J'ai bien l'honneur de vous saluer.
27:54 »
27:55 Mais Sir John était avant tout un homme d'affaires, et sa conviction lui dictait
27:59 qu'en matière d'affaires, une chose a d'autant plus de valeur qu'on a rencontré
28:03 plus de difficultés pour l'obtenir.
28:05 Jusqu'alors, il s'était toujours imaginé que les scrupules des médecins cédaient
28:10 devant le miroitement de l'argent, mais il se trouvait cette fois en présence d'un
28:15 jeune homme qui semblait ne tenir aucun compte de son rang et de sa fortune.
28:20 Cette résistance ne fit qu'accroître la confiance que lui inspirait ce jeune docteur.
28:25 « Ah, ça, voyons ! » dit-il.
28:28 « Mais ça n'est pas si méticuleux.
28:30 Allons, allons, faites ce que vous voulez, je ne vous dirai plus rien.
28:34 Je cours chez Lady Milbank la prévenir de votre visite.
28:37 »
28:38 À peine avait-il fermé la porte derrière lui que les deux jeunes filles sortirent de
28:42 leur coin et accoururent gaiement vers le docteur étonné.
28:46 « Oh, que vous avez bien fait, docteur ! » s'écria l'aîné en se frottant les mains.
28:51 « Ne le laissez pas vous tyranniser, » dit l'autre, « ce que nous étions contentes
28:56 de vous entendre lui tenir tête.
28:58 Voilà comment il traite le pauvre docteur Mason.
29:01 Le docteur Mason n'est jamais parvenu à ausculter maman, il a peur de papa et ne fait
29:07 jamais rien sans le consulter.
29:08 Taisons-nous, Maude, le voilà qui revient.
29:12 »
29:13 Elles regagnèrent vivement leur encoignure et redevinrent silencieuses.
29:17 Le docteur Horace Wickinson monta avec Sir John le grand escalier au tapis épais et
29:25 pénétra dans la chambre obscure de la malade.
29:27 Au bout d'un quart d'heure, il avait ausculté et examiné avec grand soin et il redescendit
29:33 au salon avec le mari.
29:34 Deux messieurs se tenaient debout devant la cheminée, l'un complètement rasé, le type
29:40 parfait du médecin accompli.
29:42 L'autre, entre deux âges, avait une physionomie caractéristique, des yeux bleus pâles et
29:48 une longue barbe rousse.
29:50 « Enfin, Mason, vous voilà arrivé ? »
29:53 « Oui, Sir John, et je vous amène, comme je vous l'avais promis, le docteur Wickinson.
29:59 »
30:00 « Le docteur Wickinson ? Mais il est déjà ici.
30:03 »
30:04 Le docteur Mason ouvrit des yeux ébahis.
30:06 « Je n'ai jamais eu l'honneur de rencontrer ce monsieur.
30:09 Cependant, je suis le docteur Wilkinson, Horace Wickinson.
30:14 J'habite Canalview, numéro 114.
30:17 « Grand Dieu, Sir John, s'écria le docteur Mason, croyez-vous que dans un cas aussi grave,
30:24 j'appellerais un jeune médecin local ? Je vous présente le docteur Adam Wilkinson,
30:30 auteur de conférences célèbres sur les maladies de poitrine à Regens Collège à
30:35 Londres, médecin des hôpitaux de Saint-Suitzine.
30:37 C'est lui qui a écrit des douzaines d'ouvrages sur ce sujet.
30:41 Il était par hasard à St-Ouen et j'ai voulu en profiter pour consulter cet éminent
30:46 praticien sur le cas de Lady Milbank.
30:48 « Merci, dit Sir John sèchement, mais je crains que ma femme ne soit trop fatiguée
30:54 maintenant car elle a été auscultée à fond par ce jeune homme.
30:57 Je crois qu'il vaut mieux en rester là pour le moment.
31:00 Mais comme vous avez pris la peine de venir jusqu'ici, je désire savoir ce que je vous
31:05 dois pour vos honoraires.
31:06 » Lorsque le docteur Mason fut parti, l'air
31:10 très déçu, suivi de son ami le spécialiste Kiri Esoukap, Sir John écouta tout ce que
31:16 le jeune médecin avait à lui dire sur sa femme.
31:20 « Maintenant, je vais vous parler très franchement.
31:23 Voyez-vous, lorsque j'aime quelqu'un, c'est pour de bon.
31:26 Je suis ami solide, mais je peux devenir un ennemi acharné.
31:30 Vous m'inspirez confiance, mais je n'en ai aucune en Mason.
31:34 Venez voir ma femme tous les jours autant qu'il vous plaira et n'y mettez pas de
31:39 distraction.
31:40 Je vous suis infiniment reconnaissant de vos bonnes dispositions à mon endroit, mais
31:45 je ne crois pas qu'il me soit possible d'accepter votre proposition.
31:49 » Hein ? Et pourquoi cela ?
31:51 « J'estime qu'il ne m'appartient pas de me substituer au docteur Mason en présence
31:57 d'une maladie aussi grave.
31:58 Ce serait un manque complet de tact professionnel.
32:01 « Oh, alors, allez au diable ! » crie à Sir John énervé.
32:06 « Je n'ai jamais rencontré un homme faisant autant d'embarras que vous.
32:10 Je vous ai fait une proposition que vous refusez.
32:13 Libre à vous, après tout, d'agir à votre guise.
32:16 » Le millionnaire sortit de la pièce en coup
32:19 de vent et le docteur Horace Wickinson retourna chez lui où il retrouva sa bouilloire et
32:24 son thé à un shilling 8 pence.
32:27 Il rapportait une Guinée dans sa poche, mais avait la satisfaction de se dire qu'il n'avait
32:32 en rien failli aux nobles traditions de sa profession.
32:35 Et malgré tout, ce faux départ eut les conséquences les plus heureuses car il revint bien vite
32:42 aux oreilles du docteur Mason que le jeune médecin aurait pu lui souffler son meilleur
32:46 client mais qu'il avait refusé de le faire.
32:49 « Pour l'honneur du corps médical, nous nous empressons de dire qu'une telle conduite
32:53 est une règle générale plutôt qu'une exception et pourtant, dans le cas qui nous
32:58 intéresse, cette proposition d'un richissime client devenait une tentation bien grande
33:04 pour un jeune docteur débutant dans sa carrière.
33:07 Il s'en suivit un échange de lettres et de visites qui établirent une vraie amitié
33:12 entre les deux médecins et maintenant l'association bien connue Mason Wilkinson jouit de l'estime
33:19 de toute la haute clientèle de Sutton.
33:22 !

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