Vidéo réalisée en partenariat avec Les Journées de l'Economie 2023 Surmonter nos fragilités . Le capitalisme a toujours fait montre d'une certaine capacité à s'adapter aux crises multiples qu'il a traversées. C'est ce qu'avaient bien montré dans l'ouvrage le nouvel esprit du capitalisme Eve Chiapello et Luc Boltanski. Ces auteurs n'évoquaient cependant pas tant l'adaptation du capitalisme aux crises mais plutôt la capacité de récupération de la critique par ce capitalisme. Si la récupération par la critique vise des adaptations, disons, incrémentales, il est rarement question de grandes transformations pour régler de manière structurelle les causes des crises multiples. [...]
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00:12 Le capitalisme a toujours fait montre d'une certaine capacité à s'adapter aux crises multiples qu'il a traversées.
00:18 Et c'est d'ailleurs ce qu'avaient bien montré dans leur ouvrage « Le nouvel esprit du capitalisme »
00:23 F. Chiapello et Luc Boltanski.
00:26 Ces auteurs n'évoquaient cependant pas tant l'adaptation du capitalisme aux crises,
00:31 mais plutôt la capacité de récupération de la critique par ce capitalisme.
00:37 Et si la récupération par la critique vise des adaptations, disons, incrémentales,
00:43 il est plus rarement question de très grandes transformations pour régler de manière plus structurelle
00:49 les causes des crises multiples que nous traversons.
00:52 Et une des raisons en est qu'on observe des résistances stratégiques pour penser la révolution des modes de production,
00:59 des modes de consommation et des modes de distribution contemporains.
01:04 L'inertie des logiciels de pensée constitue une de ces résistances stratégiques.
01:10 Or, les concepts des économistes mainstream sont faibles et ils sont même parfois fallacieux
01:15 pour rendre compte des multiples effondrements auxquels les sociétés doivent faire face.
01:21 Si en effet cette économie dominante ou mainstream s'est emparée depuis fort longtemps
01:26 de la problématique de l'environnement et des ressources naturelles,
01:30 elle l'a strictement envisagée en déclinant son modèle de base,
01:34 celui du marché, des défaillances de marché et des externalités.
01:40 Alors pourquoi est-ce un problème ?
01:41 Eh bien parce que pour ces économistes, le désastre devant nous ne serait lié qu'aux externalités,
01:48 c'est-à-dire aux effets incidents des activités de production ou de consommation
01:54 et non valorisées en coût et qui pourtant nuisent à des tiers.
01:57 C'est comme ça qu'ils le définissent.
01:59 Donc les pollutions ne seraient qu'une externalité du système,
02:04 le changement climatique ne serait qu'une externalité du système,
02:08 l'effondrement de la biodiversité ne serait qu'une externalité du système.
02:13 Pour un autre pan de l'économie au contraire, en particulier pour l'économie écologique,
02:18 et Juan Martinez Allié en est un très bon porte-parole,
02:22 les effets négatifs du capitalisme ne sont pas du tout sporadiques.
02:26 Ils ont un caractère profondément systémique.
02:30 Et penser avec le concept d'externalité est pour l'économie écologique totalement inopérant
02:36 pour rendre compte de l'empreinte laissée par le capitalisme
02:40 et ses dynamiques extractivistes sur la nature, ce qu'on appelle l'anthropocène.
02:45 Ce concept ne permet pas du tout de souligner à quel point les dégâts écologiques
02:49 sont totalement consubstantiels de l'activité anthropique et de son hubris ou de son excès.
02:57 L'économie de marché développe non seulement le concept d'externalité
03:00 mais aussi l'idée que les crises ont des causes externes au système.
03:05 Cette narration d'une extériorité des crises et des catastrophes est très commode à plus d'un titre.
03:12 Elle permet de s'exonérer des contradictions internes du système et donc du capitalisme.
03:17 Elle permet aussi de s'exonérer d'une analyse des responsabilités structurelles des crises
03:22 ou de cet effondrement, qui est responsable de ce qui arrive.
03:25 Elle permet aussi de faire tourner en boucle les mêmes modèles en jouant de la critique interne
03:31 et en modifiant ici ou là les paramètres des modèles.
03:35 Plus généralement, l'économie de l'environnement fait du marché la seule institution légitime.
03:42 Et dans cette perspective, les dispositifs de régulation sont pour l'essentiel
03:46 des signes au prix et de nouveaux marchés qu'on songe aux taxes carbone d'un côté ou au marché carbone de l'autre.
03:53 Les dispositifs de compensation relèvent de la même philosophie.
03:57 La compensation est mobilisée pour réinternaliser les externalités
04:03 mettant en place une sorte de commerce contemporain des indulgences.
04:07 Aux émissions de gaz à effet de serre, on répond compensation.
04:11 Et là encore, les sciences de l'écologie, sur lesquelles s'appuie l'économie écologique,
04:16 montrent que la réparation à l'identique n'est jamais possible
04:19 et que l'imaginaire de la compensation autrement et ailleurs,
04:23 par exemple panter quelques arbres en contrepartie de kilomètres parcourus en avion,
04:28 n'est compatible ni avec les multiples effets d'aubaine qu'elle permet,
04:33 ni avec l'urgence des désastres en cours et à venir.
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