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Au moment où les actes antisémites se multiplient en France (plus de 1.000 recensés en un mois), au moment où la guerre à Gaza enflamme les débats, l'équipe de RTL Bonsoir accueille un historien spécialiste de la Shoah, directeur de l'Observatoire de l'éducation à la Fondation Jean Jaurès, professeur en Zone d'éducation prioritaire depuis 25 ans en Seine-Saint-Denis.
Regardez L'invité de RTL Soir du 06 novembre 2023 avec Marion Calais et Julien Sellier.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Julia Cellier, Marion Calais et Cyprien Séni.
00:07 RTL bonsoir jusqu'à 20h.
00:09 18h21
00:11 RTL bonsoir, l'émission continue avec notre invité événement maintenant au moment où les actes
00:16 antisémites se multiplient dans notre pays, au moment où la guerre à Gaza enflamme les débats ici en France. Nous accueillons un historien
00:23 spécialiste de la Shoah, directeur de l'Observatoire de l'éducation à la Fondation Jean Jaurès. Il est professeur d'histoire géo
00:29 en zone d'éducation prioritaire depuis 25 ans en Seine-Saint-Denis. Bonsoir Yanis Roder.
00:34 YANIS RODER Bonsoir. RTL Plus de 1000 actes antisémites en un mois seulement. Qu'est ce que ça dit
00:39 selon vous de notre pays ? Est-ce que vous êtes surpris d'ailleurs par cette explosion des actes ?
00:44 YANIS RODER Pas réellement surpris parce que
00:47 depuis le début des années 2000 et notamment la deuxième intifada, on avait vu une explosion,
00:52 une accélération en tout cas des actes antisémites après chaque événement important au Proche-Orient.
00:59 Mais aujourd'hui effectivement, ce qui est très intéressant me semble-t-il, c'est que ce qui se passe au Proche-Orient est un
01:05 révélateur des fractures qui existent dans la société française. Et l'antisémitisme est un symptôme
01:10 des fractures profondes je crois qui sont en train de s'ouvrir dans la société française depuis une vingtaine d'années, de 20 à 25 ans, et qui
01:17 aujourd'hui explose
01:18 aux yeux du grand public par la multiplication des actes antisémites.
01:21 Dans le sens où on a un pays qui
01:24 se replie sur soi, où les jeunes que vous rencontrez par exemple
01:29 font, vous dites,
01:30 sécession parfois avec la République, c'est-à-dire qu'on est dans un pays où on commence à préférer le communautarisme à l'idéal républicain ?
01:35 Très clairement. On a aujourd'hui
01:37 des pans entiers de la population qui se recroquevillent sur elle-même, c'est-à-dire sur les groupes qu'elle identifie comme
01:45 étant le groupe auquel elle pense appartenir. Vous savez, c'est pas moi qui le dit, c'est Jérôme Fourquet dans l'archipel français, c'est le premier à avoir
01:52 pointé vraiment
01:54 très concrètement ce qui est en train de se passer.
01:56 Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Ça veut dire que ce qui compte pour moi ce n'est plus l'intérêt général, c'est l'intérêt de ceux
02:03 auxquels je pense appartenir. Donc ce sont les intérêts particuliers. Or, la nation française, la République française, ne s'est pas construite sur la
02:11 multiplication des intérêts particuliers ou l'addition des intérêts particuliers, mais sur l'intérêt général. Or, cet intérêt général tend aujourd'hui à se diluer.
02:18 Le prophète police de Paris évoque plusieurs profils à l'origine de ces actes
02:23 antisémites, notamment, je le cite, des jeunes gamins qui disent des choses très graves. Vous y avez été confronté, vous,
02:29 à ces horreurs dans votre collège ? - Oui, j'y ai été confronté,
02:33 je me souviens parfaitement,
02:36 au début des années 2000, au moment de la deuxième intifada et de l'attentat contre les Twin Towers à New York, le 11 septembre,
02:43 où là, déjà, on avait des manifestations
02:46 terribles, mais le plus terrible que j'ai entendu dans mon histoire de prof, qui a 25 ans maintenant,
02:53 je vous remercie d'avoir rappelé que je suis un vieux prof,
02:55 c'était au moment des attentats qui ont été commis à Toulouse contre cette école juive aux Aratora, où trois enfants ont été tués à bout portant,
03:03 et où des élèves m'ont dit des horreurs absolues,
03:07 vraiment, et c'était extrêmement choquant, extrêmement dur à entendre, parce que quand on parle d'enfants, c'est toujours très dur, et
03:14 ils l'ont dit sans aucune empathie, mais aucune pour les victimes. - Et ça revient ces dernières semaines ?
03:20 - Alors, pour vous dire la vérité, je n'ai toujours pas abordé la question
03:24 avec mes élèves, parce qu'ils sont tellement tendus sur ces questions,
03:28 certains d'entre eux, c'est pas général, mais certains d'entre eux, ils sont tellement à fleurs de peau que je crois
03:34 sincèrement qu'il faut laisser le temps faire son oeuvre, c'est-à-dire que les choses
03:38 s'apaisent, et nous en parlerons, je leur ai promis, parce qu'ils m'ont demandé, je leur ai promis qu'on en parlerait, et qu'on ferait le
03:44 travail de déconstruction aussi, qui doit être fait avec eux, parce qu'ils ont beaucoup de présupposés,
03:49 et de préjugés. - Il y a 56% des enseignants, justement, qui disent s'auto-censurer, et ce chiffre
03:54 grimpe d'année en année, c'est quoi, des têtes discussions, ça use, ça s'arrange, c'est compliqué ?
03:59 - Alors, pour être plus précis, si je peux me permettre, c'est 56% qui se sont auto-censurés au moins une fois, mais quand on regarde
04:05 de plus près ce sondage,
04:07 c'est l'IFOP, je crois, on est à 28 ou 29% qui le font régulièrement,
04:12 alors pas en permanence, mais régulièrement ou de temps en temps, c'est-à-dire quand même plusieurs fois par année scolaire, on peut imaginer cela,
04:18 c'est pratiquement un tiers, c'est énorme en réalité. - Alors qu'est-ce que ça veut dire ? - D'abord, je crois qu'il peut y avoir une lassitude,
04:24 parce qu'on sait que sur certains sujets, ça va recommencer, et tous les ans ça recommence. - Et typiquement, ce genre de discussion que vous
04:31 repoussez aujourd'hui avec vos élèves, c'est aussi peut-être parce que vous, personnellement, vous n'êtes pas prêt à la mener aujourd'hui ? - Non. - Parce qu'il faut une carapace ?
04:37 - Non, je...
04:39 c'est pas que je ne suis pas prêt à la mener, c'est que je sens dans la classe des tensions très fortes
04:44 sur ces questions-là, et par expérience, justement, parce que là où vous avez raison, c'est que je n'ai pas envie de revivre ce que j'ai
04:51 vécu au moment des attentats de Toulouse de 2012, d'entendre des horreurs.
04:55 Je vous avoue que je ne suis pas en état aujourd'hui d'entendre des abominations
04:59 sur ce qui s'est passé le 7 octobre ou autre chose. - Mais ils disent quoi, par exemple ? Vous parlez d'abomination, d'horreur, c'est pas...
05:05 ça rentre dans le détail, mais...
05:08 - Bah, en 2012, là, pour l'instant, là, ils m'ont dit... - Oui, oui, oui, vous parlez de Osara Tourane, ça me rappelle.
05:12 - Oui, oui, bah, en 2012, c'était... c'est bien fait pour eux, c'est que des juifs.
05:15 Voilà, on parle d'une petite fille qui a été tuée à bout portant.
05:18 - Vous qui êtes preuve d'histoire, comment on fait ? Vous parliez de préjugés. Comment on déconstruit les préjugés ?
05:23 Aujourd'hui, il y a 21% des 18-24 ans. 21% des 18-24 ans, c'est un cinquième qui disent ne jamais avoir entendu parler de la Shoah.
05:30 On fait comment quand on est preuve d'histoire ? - Je sais, c'est moi qui les dirigeais ce sondage.
05:33 - Et bah, comment on fait ? - Il est marquant.
05:36 - Non, mais il est très intéressant. Vous savez, ce sondage, il est intéressant parce qu'on l'avait fait après un sondage qu'avait fait CNN
05:42 qui disait que 20% n'avaient jamais entendu parler de l'Holocauste. Donc, nous, on s'est dit, ils se sont plantés, CNN, ils ont parlé de l'Holocauste.
05:48 En France, on ne parle pas de l'Holocauste, on parle de Shoah. Bah non, ils ne se sont pas plantés. Qu'est-ce que ça veut dire ?
05:51 Ça veut dire que, eh bien, les élèves font exactement ce qu'ils font avec leurs... enfin, ces élèves-là, de mon point de vue, font exactement ce qu'ils font avec leur téléphone portable.
06:00 Ils font du scrolling. À l'époque de la télé, je vous aurais dit du zapping, mais ils ne font même plus de zapping, ils font du scrolling, ils passent d'un écran à l'autre.
06:06 Et en fait, comme on n'a pas vraiment le temps, en classe, de travailler profondément sur les questions, c'est-à-dire d'y passer des heures et des heures sur des questions qui sont importantes...
06:14 - C'est combien d'heures ? L'enseignement de la Shoah pour une classe de 3e ? - Allez, c'est 2 heures.
06:18 - 2 heures ? - Sur l'année ? - Mais oui ! Bien sûr ! C'est 2 heures, 3 heures si vous êtes... voilà !
06:24 Moi, j'en fais un peu plus, parce que je suis un vieux prof, mais oui ! Mais c'est 2 heures sur le nazisme ou 3 heures sur le nazisme.
06:32 On est dans le zapping permanent. Donc, comment vous voulez que les élèves, qui eux-mêmes sont dans le zapping permanent...
06:37 Une séquence, ça dure 55 minutes, un cours. Vous avez le temps de s'installer, le temps de partir, le temps de 2-3 bêtises, il reste 45 minutes de cours.
06:47 Vous faites 3 fois 45 minutes sur la Shoah. Qu'est-ce qu'il reste après ?
06:51 Ça vous inquiète quand on voit les chiffres de ce sondage, et alors que les derniers rescapés de la Shoah,
06:56 les dernières mémoires vivantes sont en train de s'éteindre les unes après les autres ? Vous avez peur pour cette mémoire aujourd'hui ?
07:01 Non, je n'ai pas peur pour cette mémoire, j'ai peur pour la République. Parce que cette mémoire qui est en train...
07:07 Effectivement, qui évolue, qui bouge, elle est en train, je crois, aujourd'hui, de se retourner contre les Juifs.
07:14 C'est au nom de la mémoire de la Shoah que l'on nazifie, comme on l'a fait sur une autre chaîne, que l'on nazifie le Premier ministre d'Israël ou Israël,
07:20 et derrière, on nazifie les Juifs en fait. Donc il y a un retournement, si vous voulez, qui est en train de se faire au nom même de la mémoire de la Shoah.
07:29 Et c'est ça qui est très intéressant et en même temps extrêmement inquiétant.
07:32 Un dernier mot Yanis Roder sur une petite phrase qui fait polémique depuis hier.
07:35 Le président du RN, Jordan Bardella, estime que Jean-Marie Le Pen n'était pas antisémite.
07:40 On rappelle qu'il a été notamment condamné pour contestation de crimes contre l'humanité.
07:44 Quand vous entendez les propos de Jordan Bardella, vous êtes surpris ? Ça vous fait bondir ?
07:48 Non, je ne suis pas surpris. Jordan Bardella ne va pas dire que le père de son parti était antisémite.
07:56 En revanche, je l'invite à lui regagner un petit peu de mémoire et à se souvenir de ce qu'a pu dire Jean-Marie Le Pen dans le passé,
08:03 parce que oui, il a flirté, et il le faisait très bien, mais il y en a d'autres qui le font très bien aujourd'hui.
08:08 Il flirte, il a flirté sans arrêt avec l'antisémitisme.
08:11 Merci beaucoup Yanis Roder.
08:13 Historien, spécialiste de la Shoah, professeur d'histoire-géo en zone d'éducation prioritaire depuis 25 ans,
08:19 puisque vous êtes un vieux prof en Seine-Saint-Denis. Merci d'avoir été avec nous ce soir sur RTL.
08:23 RTL bonsoir. On revient dans quelques secondes avec tout autre chose.
08:27 D'abord, RTL Inside. La loi immigration arrive au Sénat. Les régularisations dans les métiers en tension font polémique et sur le terrain.
08:34 Alors, on vous emmène à Marseille avec des travailleurs sans papier et des patrons dans le milieu du bâtiment.
08:40 Et puis, il y aura une nouvelle visoconférence avec un Alex Vizorek bondissant qui arrive en studio.
08:44 Le menu ce soir, Alex ?
08:46 Apparemment, les femmes sont payées moins cher que les hommes pour le même travail.
08:49 Est-ce que vous avez entendu parler de ça ? J'ai les chiffres.
08:52 A tout de suite sur RTL.
08:53 RTL ?
08:54 J'ai pas les chiffres.
08:56 Echti.
08:58 [SILENCE]

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