Président, le prix à payer - Président : le prix à payer - Face au terrorisme

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L'histoire de la Vème République est jalonnée de ces actions terroristes qui ont sidéré les Français et placé le premier d'entre eux face à la responsabilité suprême : celle d'incarner une nation frappée par l'horreur. Des actions de l'OAS dont le Général de Gaulle a été directement la cible, jusqu'aux tueries de masse des terroristes islamistes pendant le quinquennat de François Hollande, en passant par des prises d'otages telles que celles du vol Alger-Paris en pleine cohabitation entre François Mitterrand et Edouard Balladur, et l'assassinat du professeur Samuel Paty en octobre 2020. Tous les présidents ont été confrontés à ces instants de bascule, lorsque la politique passe au second plan et qu'il faut agir en conscience dans la solitude du pouvoir.
Un documentaire captivant, porté par Michèle Cotta et Patrice Duhamel, qui dévoile beaucoup de l'humanité de nos présidents. Ce film, réalisé par Pauline Pallier et produit par 3ème Oeil, est le dernier numéro d'une collection inédite lancée par Public Sénat, avec le documentaire événement "Président, le prix à payer - Face à la rue". Année de Production : 2023

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Transcription
00:00 [Musique]
00:08 Pour être élu, il faut une énergie folle, il faut une confiance folle,
00:14 il faut foncer droit devant, il faut partir à fond et accélérer.
00:19 [Musique]
00:21 Tout président, au moment où il accède à cette responsabilité, est enfermé.
00:27 [Musique]
00:31 Il faut du calme, il faut beaucoup de sang froid, beaucoup d'outil pour éviter de se prendre un mur.
00:38 [Musique]
00:40 Mais il y a une très grande contradiction dans la société française.
00:43 Nous voulons un président qui puisse être au sommet.
00:46 Je vous ai compris !
00:48 Décider de notre destin commun et nous le voulons accessible.
00:52 Comment réussir cette conjugaison ? C'est la 5ème République.
00:57 On est des présidents, on fait partie de la famille des gens, qui vous aiment ou qui vous aiment pas.
01:02 Et donc, il faut être prêt à payer le prix.
01:04 [Musique]
01:25 Mes chers compatriotes, aujourd'hui la France a été attaquée en son cœur.
01:31 C'est la République tout entière qui est mobilisée pour faire face à ce drame.
01:37 La communauté de tous les français doit se resserrer et non se diviser.
01:43 J'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés partout.
01:50 Pour châtier impitoyablement les assassins.
01:55 Et que personne ne croit que les obstacles me feront changer de route.
02:01 Ils ne passeront pas.
02:03 La question du terrorisme, c'est est-ce que toutes les mesures ont été prises ?
02:09 Est-ce qu'on a suffisamment anticipé ? Est-ce qu'on a été suffisamment ferme ?
02:16 Est-ce que notre diplomatie correspond à ce qu'il faut faire ?
02:20 Est-ce que nous avons eu les contacts suffisants avec X, avec Y ?
02:24 Et en même temps, il faut laisser la place pour ce que j'appelais le toucher,
02:28 la sensibilité, l'émotion, le terrain.
02:32 Sinon, vous êtes un ordinateur qui se trompe.
02:35 [Musique]
02:42 En 1958, la 4ème République s'effondre, paralysée par l'instabilité gouvernementale.
02:49 Allé au pouvoir, le général de Gaulle doit d'abord rétablir l'ordre et l'autorité en Algérie.
02:55 [Musique]
02:58 Il a été porté au pouvoir par l'Algérie française.
03:02 Ce n'est pas la peine de prendre des nuances.
03:05 Je vous ai compris !
03:08 Ce jour-là, il est apparu en effet comme l'homme de la nation.
03:12 Et puis il s'en est détaché en étant d'une impassibilité,
03:17 parfois même d'une cruauté, qui a été ressentie comme terrible
03:22 par une partie de ceux qui l'avaient porté au pouvoir.
03:26 De Gaulle va ensuite s'employer à négocier la paix avec le FLN,
03:30 qui a lancé une insurrection armée.
03:33 Pour s'opposer à la politique gaulliste, un haut gradé, le général Salan, choisit la rébellion.
03:38 Il crée un mouvement terroriste, l'OAS, qui, au nom de l'Algérie française, va multiplier les attentats.
03:44 La liste des explosions s'allonge.
03:47 L'OAS comprendra-t-elle la criminelle folie de ces méthodes aveugles qui heurtent toutes les consciences ?
03:52 [Musique]
03:55 Ça a été une affaire très violente, les événements d'Algérie.
03:58 Très violente en Algérie et très violente en métropole.
04:02 Quand vous êtes un enfant, c'est quelque chose d'extrêmement violent.
04:07 L'OAS, pardon, ce que j'ai vécu, moi, et d'autres, avec des milliers de morts.
04:16 Près de 3 000 morts en Algérie, 70 morts et 400 blessés en métropole,
04:22 c'est le terrible bilan des terroristes de l'OAS.
04:26 J'adore que tous les moyens, je dis tous les moyens,
04:32 soient employés partout pour barrer la route à ces hommes-là.
04:38 Le général a réagi par les moyens de l'État
04:43 et par des moyens autres aussi, c'est-à-dire de ses fidèles,
04:49 les services secrets et leurs prolongements divers et variés,
04:54 parce qu'il fallait faire face.
04:57 Le 8 avril, la métropole approuve à plus de 90 % la politique algérienne du général de Gaulle.
05:02 Le 20, le général Salan est arrêté à transférer à la santé.
05:06 Dans 23 jours, pour la France, le problème algérien sera résolu.
05:14 L'Algérie disposera d'Elmer.
05:16 Je suis à l'attentat du petit Clamart.
05:19 Presque un an après l'attentat au OAS qu'il avait visé sur la route de Chaumont,
05:23 le général de Gaulle a une nouvelle fois servi de cible à ses adversaires déterminés.
05:29 C'est miracle, peut-on dire, que ni le président ni madame de Gaulle n'aient été atteints par les balles.
05:35 Ce qui est important dans l'attentat à Pliquemart,
05:37 c'est toutes les conséquences qu'il va y avoir après, et notamment institutionnelles.
05:42 Face à toutes les entreprises factueuses, de quelque côté qu'elles viennent,
05:50 le président de la République sera dorénavant élu au suffrage universel.
05:57 Pour de Gaulle, l'élection au suffrage universel est le meilleur moyen
06:11 de renforcer la légitimité du président et d'assurer la continuité de l'État.
06:17 Trois ans plus tard, il devient le premier président élu directement par les Français.
06:24 Les vraies logiques de la puissance, de l'autorité, de l'énergie,
06:29 c'est d'avoir confiance en soi-même, d'avoir confiance dans ce qu'on est,
06:32 confiance dans nos valeurs, confiance dans notre unité nationale.
06:35 C'est la mobilisation de notre énergie et essayer de donner de la force à ceux qui vous suivent.
06:41 Cette union nationale sera malmenée 15 ans plus tard,
06:44 pendant la présidence de Valéry Giscard d'Estaing,
06:47 au moment du terrible attentat devant la synagogue de la rue Copernic.
06:51 Les nouvelles de l'attentat qui s'est produit il y a un peu plus d'une demi-heure,
06:55 rue Copernic, dans le 16e arrondissement, dans une synagogue.
06:58 Bilan, trois morts, deux hommes et une femme.
07:01 Pour la première fois depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
07:04 on a tenté d'assassiner des Français parce qu'ils sont juifs.
07:08 Cet attentat antisémite, qui fera finalement quatre morts et cinquante blessés,
07:13 provoque une profonde émotion.
07:15 La réaction de Raymond Barre, Premier ministre de Giscard,
07:18 choque les Français et déclenche la polémique.
07:21 Je rentre de Lyon, plein d'indignation à l'égard de cet attentat odieux
07:28 qui voulait frapper l'Israélite qui se rendait à la synagogue
07:35 et qui a frappé des Français innocents.
07:39 La classe politique condamne immédiatement l'antisémitisme et le terrorisme.
07:46 Le lendemain, une manifestation rassemble une foule considérable.
07:52 On y retrouve François Mitterrand et Simone Veil.
08:01 Quelques jours plus tard, le chef de l'État, critiqué pour son absence sur place
08:05 après l'attentat, s'adresse aux Français.
08:08 La communauté de tous les Français doit se resserrer
08:11 et non se diviser ou se séparer.
08:15 À peine élu, François Mitterrand est confronté au terrorisme du Moyen-Orient
08:23 avec des attentats en série qui vont marquer les années 80.
08:30 La déflagration a déchiqueté le flanc gauche du TGV.
08:33 Deux passagers ont été tués sur le coup.
08:37 Quatre autres personnes ont été gravement blessées.
08:40 Elles ont été défélestrées.
08:42 Le commando a pris la fuite à pied tout en continuant à tirer
08:45 sur toutes les personnes se présentant devant lui.
08:47 Des scènes de panique se sont produites,
08:49 les passants nombreux à cette heure cherchant désespérément refuge.
08:53 Lorsque le restaurant Goldenberg, rue des Rosiers à Paris,
08:56 est frappé par une explosion,
08:58 François Mitterrand est le premier président à se déplacer
09:01 sur les lieux d'un attentat.
09:03 Puis il assiste à l'office religieux.
09:06 Les obstacles sont nombreux, vous le savez.
09:10 Tous les Français le savent.
09:12 Mais personne ne croit que les obstacles me feront changer de route.
09:18 Mitterrand avait quand même tendance,
09:20 sur les questions de politique étrangère et de défense encore plus,
09:24 à faire les choses tout seul et à ne pas impliquer suffisamment son gouvernement.
09:29 Il disait "Politique de défense, politique internationale, donc terrorisme,
09:34 c'est moi le président qui m'en occupe
09:37 et moi dans mes fonctions je m'en suis très très peu occupé."
09:41 Ce matin, à l'aube, deux attentats, doubles attentats,
09:44 contre le contingent français et américain à Beyrouth.
09:48 Au moins 70 marines tuées, 3 morts, 56 disparus du côté français.
09:53 Le président Mitterrand a immédiatement décidé d'aller sur place.
09:57 Donc c'est des gens qui étaient morts pour la France.
09:59 C'était horriblement émouvant, le fait d'aller sur l'emplacement de l'immeuble Dracar.
10:05 Il y a eu des moments de recueillement, il y a eu très peu de paroles.
10:10 Tout de suite après, c'est posé la question du départ.
10:13 Parce que pour redécoller, il fallait précisément,
10:16 d'une façon encore plus dangereuse,
10:18 passer au-dessus de tous les quartiers sud.
10:20 Donc je pense vraiment qu'il y avait un vrai risque que l'avion soit touché par un missile.
10:25 Oui.
10:26 Bon, on m'annonce donc maintenant que le président Mitterrand vient de faire son entrée à l'Elysée.
10:32 Nous l'écoutons.
10:33 "Sur place, j'ai pu éprouver le courage et le sang-froid de tous.
10:43 J'ai apprécié les dispositions prises ou à prendre pour une meilleure sécurité
10:51 et pour répondre aux agressions."
10:55 Ça ne correspond pas du tout à la personnalité de François Mitterrand.
10:59 Ni à son sang-froid, ni à sa maîtrise de lui-même.
11:02 Il n'est pas du tout de la culture où il faut vivre en exhibant ses émotions toute la journée.
11:07 C'est un autre monde.
11:08 Je vous rappelle qu'un nouvel attentat a été commis en fin d'après-midi à 17h25,
11:12 rue de Rennes à Paris, dans le grand magasin Tati.
11:15 Cet attentat fait 7 morts et 55 blessés.
11:20 C'est le plus grave des attentats commis en quelques semaines dans la capitale
11:24 par les terroristes pro-iraniens.
11:26 La France est en cohabitation.
11:30 François Mitterrand et Jacques Chirac parlent d'une même voie.
11:33 Priorité absolue à l'Union nationale.
11:36 "Le Premier ministre Jacques Chirac a immédiatement convoqué le Conseil de sécurité.
11:42 Sept ans plus tard, après la large victoire de l'opposition en législative,
11:47 François Mitterrand nomme Édouard Balladur Premier ministre.
11:50 C'est le début de la deuxième cohabitation.
11:53 Voilà, s'il vous plaît Nathalie, vous pouvez vous retirer du champ, merci,
11:59 puisqu'on voit arriver Édouard Balladur,
12:01 accompagné par le secrétaire général de l'Elysée Hubert Védrine.
12:05 Édouard Balladur, nouveau Premier ministre, issu de la nouvelle majorité, écoutons-le.
12:10 On m'avait téléphoné la veille de Noël pour me dire qu'il y avait un avion Airbus français
12:16 pris en otage par des terroristes sur l'aéroport d'Alger.
12:20 La prise d'otage à l'aéroport d'Alger serait en train de tourner au drame.
12:24 Selon des témoins, des coups de feu auraient été entendus dans l'après-midi.
12:27 Trois personnes auraient été tuées par le commando.
12:30 On est dans une ambiance où le terrorisme monte, terrorisme islamique en général,
12:36 même s'il y a eu un très très long déni de la part des opinions des dirigeants en Occident
12:41 et notamment en Europe et notamment en France.
12:43 C'est le premier épisode spectaculaire.
12:45 Il y avait plus de 200 Français.
12:47 Et on m'a appelé pour m'expliquer que le gouvernement algérien
12:51 refusait de faire intervenir les forces de l'ordre contre les terroristes
12:55 et que la situation se tendait.
12:57 Les pirates de l'air appartiendraient au GIA,
12:59 le groupe islamique armé le plus radical des mouvements algériens.
13:03 Alors vers 2h de l'après-midi, j'ai réuni les ministres compétents.
13:08 Je reçois un coup de téléphone du directeur du cabinet du premier ministre, Nicolas Bazir,
13:12 qui me dit "le premier ministre veut que tu arrives tout de suite".
13:15 Charles Pascois voulait qu'on laisse l'avion à Alger.
13:18 Le ministère de l'Intérieur n'était pas très désireux que l'avion rentre
13:23 parce que c'était à lui de régler le problème à ce moment-là.
13:26 Et on est venu me dire "mais vous savez, si vous le faites rentrer en France,
13:29 vous prenez un grand risque politique parce que ce sera à vous de régler le problème.
13:35 Et comme il est question que vous soyez candidat à l'élection présidentielle,
13:39 c'est un risque qu'il faudrait mieux que vous ne preniez pas".
13:42 Et j'ai répondu que ce serait une lâcheté insigne, cet avion, je demandais qu'il rentre.
13:47 Il était exclu qu'on le laisse aller à Paris.
13:52 Et on avait décidé de le faire atterrir à Marignane
13:56 en faisant croire qu'il y avait un plein d'essence à faire et que c'était très compliqué.
14:00 Pourquoi on l'a arrêté à Marseille ? Parce que nous avions intercepté des écoutes
14:06 dans lesquelles il était évoqué l'idée d'un crash suicide sur Paris.
14:12 Et le bruit s'était répandu qu'il ferait, voyez comme les choses se perpétuent,
14:19 qu'il ferait un attentat et qu'il se jetterait sur la tour Eiffel.
14:23 Moi j'ai pris deux décisions dans cette affaire.
14:30 Et je disais que j'ai pris toutes les deux.
14:33 Un, j'ai fait rentrer l'avion en France et deux, j'ai fait décider l'assaut au bout de 12 heures.
14:40 On a déjeuné dans son bureau, Nicolas Bazir, le Premier ministre et moi, en regardant les C.I.
14:46 Retour immédiatement à Marignane.
14:50 Et en fin d'après-midi, entre cette période entre chien et loup,
14:56 tout d'un coup, des coups de feu ont été entendus.
15:01 Et nous avons pensé qu'ils étaient en train d'abattre des otages.
15:08 C'est à ce moment-là que le Premier ministre a donné l'ordre de l'assaut au GIGN.
15:12 Et il y a cette image extraordinaire de l'échelle de coupé qui approche
15:17 et du gars GIGN qui est déséquilibré.
15:20 Et ça a été formidable parce que ces quatre agents du GIGN commandés par le colonel Fabier,
15:27 en deux temps trois mouvements, ils ont abattu les quatre terroristes.
15:32 Et ils ont sauvé 200 Français.
15:34 C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu de mort chez les otages. C'est un miracle.
15:38 Et on voit cette image extraordinaire du copilote qui descend par la fenêtre,
15:44 qui saute et qui se casse la jambe.
15:47 Je vois Edouard Valadier avec beaucoup de calme.
15:50 Ça m'a beaucoup appris sur la maîtrise des choses.
15:53 C'était une décision quand même assez risquée.
15:56 Ça aurait pu être un bain de sang.
15:58 C'est à moi qu'on l'aurait reproché, à juste titre d'ailleurs.
16:02 Et donc il n'y avait pas beaucoup de concurrence pour venir me donner des conseils et prendre ma place.
16:08 Vous parlez du président de la République ?
16:10 Euh... Ben... J'en ai pas entendu parler.
16:15 Il se trouve que le président Mitterrand était à Venise.
16:18 Donc je l'appelle. Il me dit « naturellement, vous y allez ».
16:21 Et il me dit « vous me tenez au courant ».
16:23 Donc ma mission était simple de l'informer régulièrement des discussions,
16:28 l'évaluation de la situation, l'évaluation des risques et des décisions,
16:32 ce que j'ai fait pendant toute la durée de la crise.
16:35 Ce secrétaire général de l'Élysée était informé par mes collaborateurs.
16:39 Rien ne lui était caché.
16:42 Et il avait tout le loisir de me téléphoner, s'il souhaitait me téléphoner.
16:46 Il n'y a aucun moment il ne m'a demandé à, disons, aller contre ce qui était tranché par le Premier ministre,
16:52 qui était très clair, très rapide.
16:55 Il écoutait les uns et les autres.
16:57 Et il avait une prise de décision. Il n'était pas hésitant dans la prise de décision.
17:01 Chaque fois que je l'ai informé, mon surmiteur était d'accord.
17:04 S'il y avait eu un vrai désaccord au sommet, à la fin des fins,
17:08 je pense que c'est la position du président qui l'aurait emportée.
17:11 C'est le numéro un de l'exécutif qui a le dernier mot.
17:14 Le terrorisme, je l'ai connu en arrivant au ministère de l'Intérieur.
17:26 Quelques jours après l'arrivée au ministère de l'Intérieur,
17:29 on m'apprend qu'il y a eu une explosion dans le métro Saint-Michel.
17:33 La première réaction, c'est « on y va ».
17:46 Lui comme moi. Donc on n'hésite pas.
17:49 Ma première réaction est évidemment d'être bouleversé devant ce que je viens de voir.
17:55 En l'état actuel des choses, quatre victimes sont décédées.
18:00 Une quarantaine, une cinquantaine de blessés sont dans un état plus ou moins grave.
18:06 Je vais vous faire un aveu. Moi, je n'avais jamais vu de cadavre sanglant.
18:11 Jamais. Je n'ai pas fait la guerre. Je suis né en 1945.
18:14 Je n'ai pas été en Algérie. Je n'ai pas été non plus à bord d'un douché, naturellement.
18:18 Donc je n'avais jamais vu une scène de guerre.
18:22 Donc c'est un choc, une émotion forte. Il faut tenir.
18:25 Aujourd'hui encore, il m'arrive de penser, de voir ce que j'ai vu au métro Port-Royal,
18:35 notamment de ces corps percés de clous puisqu'ils mettaient sur les bombes des clous.
18:44 C'est quelque chose qui, jusqu'au dernier jour, entra.
18:48 Et là, je dois dire que la présence de Chirac m'a aidé.
18:51 Parce que lui, il fait preuve, dans ce genre de circonstances, d'un sang-froid.
18:56 Et pour un chef du gouvernement un peu inexpérimenté, comme je l'étais,
19:00 c'est un point d'ancrage très très fort.
19:02 Vous savez, Chirac est un personnage complexe.
19:04 Il donne souvent l'impression d'une sorte d'impassibilité,
19:07 alors qu'il est beaucoup plus torturé qu'on ne le pense.
19:10 Mais là, dans ce genre de situation, il tient.
19:12 Il s'adresse à la nation. Moi, j'actionne les services.
19:15 Le Premier ministre, qui s'est rendu immédiatement sur place, m'a rendu compte.
19:22 Il m'a indiqué sa décision de remettre immédiatement en vigueur le plan Vigipirate.
19:32 Ce qu'on met en place pour que les services de renseignement se déploient avec plus d'efficacité, etc.
19:41 Donc on pense tout de suite à ce qu'on peut faire pour que ça ne recommence pas.
19:45 Bonjour. 17 blessés, dont 3 grièvements. Ce matin, 10 personnes sont encore hospitalisées.
19:51 Paris, 23 jours après l'explosion de Saint-Michel qui avait fait 7 morts.
19:55 Même heure, même cible, la même technique.
19:57 Il est 17h05. Hier, place Charles de Gaulle, une bombe explose.
20:01 Vous avez une rage de découvrir celles et ceux qui ont osé faire ça,
20:08 peu importe en vertu de quelle idéologie, vous voulez les arrêter.
20:13 Et vous êtes nuit et jour, nuit et jour, vous êtes obsédés par ça.
20:18 Une somme de 1 million de francs serait offerte à toute personne
20:25 qui nous fournirait des éléments permettant l'identification et l'arrestation du ou des coupables.
20:34 Le ministre de l'Intérieur est confronté à les médias qui, à longueur de journée, vous expliquent
20:42 qui, qui, comment et où la bombe est arrivée, par qui elle a été posée, etc.
20:47 Je ne peux pas, moi, je ne peux pas vous dire qui.
20:50 Alors on va mener des investigations.
20:54 Et j'ai pu me maintenir grâce au soutien du président de la République, Jacques Chirac,
21:00 qui tous les matins m'appelait et disait "T'en fais pas, tu vas encore être critiqué, poursuis".
21:07 Et je l'informais pratiquement tous les jours de l'évolution de l'enquête.
21:14 Les policiers ont réussi à identifier les empreintes relevées sur la bonbonne du TGV.
21:18 Depuis, ils suivent la piste de ralais de Calcal.
21:22 À l'époque, on a fait une nouveauté, les affiches, avec le portrait du suspect qu'on a affiché partout.
21:29 Il y a une radio qui offrait je ne sais pas combien de francs
21:34 à toute personne qui donnerait une information importante.
21:39 Et je me souviens qu'on apprend, par la radio périphérique en question,
21:47 que la personne qu'on recherche se trouve dans le bois de Malval.
21:50 Si bien que quand on arrive, et bien on n'arrive pas seul.
21:53 Il y a déjà toutes les télévisions, toutes les radios.
21:56 Pendant deux jours, traqué par les gendarmes, Khaled Calcal n'avait donc pas réussi à passer à travers les mailles du filet.
22:01 Sur lui, les enquêteurs ont trouvé un couteau, une boussole et des cartes d'état-major
22:05 qui lui ont permis de parcourir les quelques kilomètres entre le lieu de la fusillade de mercredi
22:09 et la maison blanche où il sera tué.
22:11 Et c'est ça aussi la difficulté de la lutte contre, dans ce système médiatique aujourd'hui,
22:18 de la lutte contre le terrorisme.
22:20 C'est pas qu'on veuille cacher quelque chose.
22:24 Simplement, ce qu'on voudrait, c'est qu'on nous laisse le temps de faire nos investigations.
22:31 Une enquête avec des services de police exceptionnels,
22:35 une police scientifique et technique remarquable,
22:38 nous a permis de remonter toute la filière et qui a fait qu'après il n'y a plus d'attentats.
22:44 [Musique]
22:56 La lutte contre le terrorisme, je crois que c'est un point commun à tous les présidents que nous avons eus.
23:02 Le problème, c'est que, évidemment, c'est extraordinairement difficile
23:07 parce que, d'un côté, les foyers du terrorisme se disséminent.
23:15 C'est plus simplement un pays ou une grande puissance qui finance.
23:20 C'est quelque chose de beaucoup plus disparate.
23:22 C'est un mot tellement général, le terrorisme islamique,
23:26 les attentats dans le métro en 1986, qu'est-ce que c'était ?
23:31 Non, j'ai connu l'épreuve du terrorisme, une fois, du terrorisme islamique, avec cette affaire de Toulouse.
23:41 L'exécution de Sanfroid ne fait aucun doute.
23:43 Il est 14h10, dans ce petit centre commercial,
23:46 le tireur, sur son scooter, attend les trois militaires qui arrivent en uniforme.
23:50 Ils viennent retirer de l'argent.
23:52 D'autres personnes sont présentes sur les lieux.
23:54 Le tireur n'agit pas au hasard, il vise les soldats.
23:58 Cet individu, cet assassin, est le premier des loups solitaires.
24:03 Un homme, garçon scooter, devant le collège lycée Ozar Athora,
24:07 un établissement juif de Toulouse.
24:09 Il est 7h56, il garde son casque et sort une première arme.
24:13 Un enseignant en religion de 30 ans et ses deux garçons de 3 et 6 ans,
24:16 qui attendaient devant l'école, sont abattus.
24:18 Le meurtrier passe la grille et tire à l'intérieur de l'établissement.
24:22 En ce lundi matin, beaucoup d'enfants sont dans la cour.
24:24 Il était masqué, il avait une casque, il est rentré, il a vu son arme qui était enrayée,
24:27 donc il a pris notre arme pour les abattre comme des chiens à 4 pattes,
24:30 les deux gosses, comme si c'était des vulgaires poulets qu'on prenait et qu'on égorgeait.
24:35 Qu'est-ce qu'on peut calmer ?
24:38 Faut dire quoi ?
24:40 Que le bateau du... que le gouvernail du pays est tenu ?
24:46 Que nous savons parfaitement où nous allons ?
24:49 Comment nous y allons ?
24:52 Et qu'il faut qu'on se serre les coudes ?
24:54 Il n'y a pas à rassurer. Il n'y a rien de rassurant là-dedans.
24:58 D'autant plus qu'on sait que ça peut se reproduire.
25:01 C'est la République tout entière qui est mobilisée pour faire face à ce drame.
25:08 C'est la mort qui arrive, l'horreur qui arrive, l'inhumanité, la barbarie.
25:18 Et ils filment.
25:20 Donc excusez-moi, mais les élections, mon avenir, la présidentielle, on n'est pas dans cette sphère-là.
25:27 J'avais suspendu la campagne en 2012 et ça a été respecté par tout le monde.
25:35 Ils étaient tous venus.
25:38 Vous savez, les périodes d'union nationale entre l'ennemi de l'extérieur qui s'est infiltré à l'intérieur,
25:44 c'est pas les plus difficiles à gérer politiquement.
25:47 Humainement, c'est difficile.
25:49 Il y a d'un côté Nicolas Sarkozy dans toute la solennité de sa fonction de chef d'État,
25:54 de l'autre, les candidats.
25:56 Mais après le recueillement vient le temps de la politique.
26:00 J'étais alerté, conscient depuis 2012 des risques que courait notre pays.
26:16 Parce que beaucoup de Français ou de résidents en France partaient en Irak et en Syrie.
26:22 C'est un mouvement qui n'a cessé d'augmenter.
26:25 Ce ne sont pas uniquement des actes terroristes qui viendraient à l'extérieur,
26:28 comme cela a été le cas dans les années 70 ou 80.
26:30 Non, là c'est un terrorisme intrinsèque.
26:33 J'avais parlé dès 2012 d'ailleurs d'ennemis extérieurs et d'ennemis intérieurs.
26:37 Ce ne sont pas des groupes terroristes seulement de l'extérieur.
26:39 C'est aussi en notre sein, parmi les Français, qu'il y a une idéologie qui nourrit la haine de la France
26:45 et avec la volonté de tuer des Français, de s'en prendre à ce que nous sommes.
26:50 Bernard Cazeneuve, à qui j'avais passé la main en avril 2014,
26:55 savait, c'est le seul sujet que j'ai abordé avec lui à ce moment-là,
26:58 au moment de la passation de pouvoir, que nous étions face à un risque majeur.
27:03 En janvier 2015, je suis dans mon bureau et à ce moment-là je reçois sur mon portable
27:10 un appel de Patrick Peloux.
27:12 Il me dit « Je suis dans la salle de rédaction, ils sont tous morts, c'est affreux, c'est affreux,
27:18 viens, viens le plus rapidement possible ».
27:21 Donc je me rends quelques minutes plus tard sur les lieux
27:28 et je vois cette scène où des blessés sortent de la rédaction de Charlie,
27:34 dans un quartier totalement bouclé.
27:36 J'apprends qu'un policier a été tué par les terroristes.
27:40 Nous sommes dans l'action. L'obsession c'est la traque.
27:44 C'est arrêté, en l'occurrence, les frères Kouachi qui sont dans la nature.
27:49 Et donc les heures, les jours qui suivent, en lien avec mes collaborateurs,
27:54 avec le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, c'est l'information sur la traque.
27:59 Après Charlie, ce sont trois jours.
28:02 Le lendemain, je suis sur une émission de radio et j'apprends ce qui s'est passé à Montrouge.
28:07 Une heure plus tôt, un banal accident de voiture a lieu dans cette rue de Montrouge,
28:10 un peu avant 8h et soudain une fusillade.
28:13 Un homme vêtu de noir tire sur des policiers municipaux.
28:16 Une policière s'effondre.
28:18 Et le vendredi matin, alors qu'avec Fleur Pellerin,
28:21 nous nous rendons au siège de Libération qui accueille la rédaction de Charlie Hebdo,
28:27 j'apprends qu'il y a une prise d'otage à l'hypercachère de la porte de Vincennes.
28:32 Il est 17h, c'est l'assaut qui débute.
28:36 Puis les otages sortent de l'épicerie.
28:39 Dans la plus grande confusion, on distingue des femmes, des hommes apeurés
28:43 qui cherchent à se mettre à l'abri.
28:45 Mais dans l'épicerie, cinq corps seront retrouvés, quatre otages semble-t-il,
28:48 et celui du preneur d'otages, Amédie Coulibaly, 32 ans,
28:52 qui visiblement n'agissait pas seul.
28:55 On est soulagé d'une certaine manière quand tout se termine.
28:58 Il y a eu évidemment des morts et un drame qui a marqué durablement le pays.
29:06 Lorsqu'il y a eu les attentats de Charlie et aussi ceux sur l'hypercachère
29:10 et aussi sur la policière de Montrouge, il y a eu un soulèvement.
29:15 Un sursaut populaire, une manifestation très importante à Paris,
29:22 mais aussi des cortèges nombreux dans toutes les villes de France
29:26 qui témoignaient que le pays faisait bloc
29:29 sans qu'il soit besoin de l'appeler à la cohésion.
29:33 UMP, UDI, PS, Vert, les étiquettes ont disparu.
29:46 Martine Aubry côtoie Valérie Pécresse,
29:48 Jean-François Copé rejoint Jean-Christophe Cambadélis.
29:52 Un peu plus loin, Jean-Louis Borlot, à côté de Marisol Touraine,
29:55 se fond dans le gouvernement.
29:57 Pour tous, un discours qui se veut à l'unisson de celui du peuple français.
30:02 Je ne pense pas, voyez-vous, que les oppositions, quelles qu'elles soient,
30:06 se déchaînent sur le président lorsqu'il est face au terrorisme.
30:10 Ce n'est pas vrai.
30:12 En général, les gens savent se tenir, toute famille politique confondue.
30:17 Dans ce genre de circonstances, là encore,
30:20 il faut éviter de se faire des hommes politiques, une image trop dégradée.
30:24 C'est l'intérêt national, prévaut.
30:27 Et puis, il y avait même une forme de solidarité internationale qui s'était formée.
30:31 J'avais moi-même pris la tête d'un défilé
30:34 où étaient rassemblés des chefs d'État qui ne se parlaient plus,
30:37 peut-être depuis des années.
30:39 On a ce sentiment-là, quand même, que sur ce sujet,
30:42 il n'y a rien qui peut nous diviser.
30:45 Je pense que c'est une des forces, quand même, de la France, malgré tout,
30:48 qu'en ce qui concerne le terrorisme, la réponse, c'est l'unité nationale.
30:53 Il y a un moment d'émotion, mais il y a une très grande volonté
30:56 de tenir ferme face au terrorisme,
31:00 parce qu'il y a une prise de conscience que nous en avons pour un certain temps
31:03 et que nous faisons face à une véritable guerre.
31:05 Donc, il faut tenir bon sur la République, la laïcité.
31:07 Il y a tout un travail à faire, il ne faut pas lâcher.
31:10 Et le risque, c'est toujours que, parce qu'il y a les cantonales,
31:13 parce qu'il y a une loi Macron sur les réformes économiques
31:16 qui nous obligeront aussi à un 49-3,
31:18 il y a d'autres sujets d'actualité qui s'imposent,
31:20 et puis on n'a pas envie de parler que des sujets graves.
31:22 On les oublie.
31:23 Et quand arrive un autre attentat, à ce moment-là,
31:25 les gens sont surpris, mais pas moi.
31:27 Le vendredi 13 novembre, le matin même,
31:33 mon équipe à Matignon lit et relit une note du secrétariat général
31:37 à la Défense nationale sur le mode opératoire de l'État
31:42 suite à un attentat multisite,
31:44 et notamment sur le fait qu'il faut mettre en œuvre l'état d'urgence,
31:50 la sécurité civile, les sapeurs-pompiers de Paris
31:53 ont organisé une opération en cas d'attentat multisite.
31:59 Donc c'est quelque chose qui existe.
32:01 C'est un match de galas, le président Hollande
32:17 a fait le déplacement pour venir voir ce France-Allemagne.
32:19 Je suis dans le stade, le match vient de commencer
32:23 et j'entends très distinctement une première explosion.
32:28 Je ne sais pas ce qu'elle traduit.
32:32 Est-ce que c'est un pétard ? Est-ce que c'est une bombe agricole ?
32:35 Je ne vois aucune panique dans le public
32:39 qui pourrait laisser penser que la bombe a éclaté à l'intérieur du stade.
32:44 Et donc j'attends.
32:47 Et quelques minutes plus tard, il y a une deuxième explosion.
32:52 Et à ce moment-là, je suis informé, dans un temps très court,
32:59 qu'il y a un mort à l'extérieur du stade.
33:02 Et qu'il n'y a pas de doute sur le caractère terroriste de cette attaque.
33:07 Et je reçois un appel du ministre de l'Intérieur qui me dit
33:10 "Je vais au Stade de France parce qu'il s'est passé quelque chose, il y a eu une explosion."
33:14 Je dois prendre deux décisions. La première, c'est de savoir ce que l'on fait avec le match lui-même.
33:20 S'il est interrompu, il est à craindre que pour évacuer le public,
33:26 qui saura à ce moment-là qu'il y a eu une explosion,
33:29 il peut y avoir une panique, des gens écrasés,
33:32 ce que je pense être l'intention des terroristes qui ont fait exploser la bombe.
33:36 Au début, je dois être présent dans les tribunes et prévenir tous ceux qui sont autour de moi.
33:43 Y compris notre invité allemand.
33:46 De façon à ce que tous les officiels restent sur place,
33:50 sans que le public puisse entrevoir un mouvement de retrait.
33:56 Je reçois un appel d'un journaliste qui me dit "Mais je sens une voix paniquée,
34:02 il habite juste en face du bar La Belle Équipe,
34:07 il me dit "On est en train de tirer, il y a des gens par terre, c'est terrible, c'est affreux."
34:11 Et je suis prévenu par Manuel Valls, Premier ministre,
34:14 qu'il y a une attaque terroriste, semble-t-il de grande envergure, au cœur de Paris.
34:19 Puis je m'éclipse et je vais dans le lieu où sont rassemblés tous les services de secours.
34:26 Et à ce moment-là, je comprends immédiatement qu'on fait face à cet attentat multiscite.
34:33 Et je dis "ça y est", je crois que l'expression qui l'amène, "ça y est, on y est".
34:37 On est face à quelque chose de terrible, parce que Stade de France, même si on n'a pas tous les éléments,
34:43 Belle Équipe, il n'y a pas encore le Bataclan, mais ça veut dire que nous sommes en train d'être attaqués,
34:49 et on ne mesure pas encore l'ampleur, sur plusieurs sites, sur plusieurs endroits.
34:54 Quelques minutes après la reprise de la partie, je pars vers le ministère de l'Intérieur,
35:02 avec Bernard Cresneuve qui m'a rejoint, et dès mon arrivée à Place Beauvau, au ministère de l'Intérieur,
35:08 je déclare l'état d'urgence, c'est-à-dire que je convoque un conseil des ministres
35:12 pour que nous puissions prendre des dispositions liées à l'état d'urgence.
35:15 Nous sommes déjà à ce moment-là à Beauvau, et nous apprenons que des terroristes sont dans le Bataclan.
35:26 Qu'est-ce que je ressens ? D'abord que l'attaque n'est pas terminée, que nous sommes devant une opération de guerre,
35:34 que si nous n'arrêtons pas les terroristes, il peut y avoir une répétition dans les jours qui vont suivre.
35:41 Nous comprenons très vite qu'il y aura, parce que là nous avons déjà les premiers bilans sur les terrasses,
35:49 de nombreux morts, beaucoup de morts.
35:53 Qu'est-ce que ressent une société quand elle est frappée en son cœur, dans sa capitale,
35:58 sur les terrasses de café, dans un stade, dans un lieu de spectacle ?
36:04 Quelle va être la réaction ? Est-ce qu'il n'y a pas un danger majeur de fracturation, d'éclatement, et peut-être de violence ?
36:14 D'où la question, quand le président doit-il s'exprimer ?
36:18 Au moment où les attaques se font, où une fois qu'on a un certain nombre d'informations à communiquer au pays,
36:25 et une appréhension de ce qui s'est passé dans cette nuit.
36:28 Et je décide de parler, ce qui est assez inhabituel, à minuit à la télévision.
36:36 Mes chers compatriotes, au moment où je m'exprime, des attaques terroristes d'une ampleur sans précédent
36:44 sont en cours dans l'agglomération parisienne.
36:48 Il y a plusieurs dizaines de tués, il y a beaucoup de blessés.
36:54 C'est une horreur.
36:57 Nous avons, sur ma décision, mobilisé toutes les forces possibles.
37:04 J'ai vu François Hollande particulièrement marqué, ça s'est vu d'ailleurs à la télévision ce soir-là,
37:11 pour des raisons profondément humaines.
37:14 Ça restera sans doute l'intervention la plus importante de mon mandat.
37:19 Il y a effectivement de quoi avoir peur, il y a l'effroi.
37:24 Mais il y a, face à l'effroi, une nation qui sait se défendre, qui sait mobiliser ses forces,
37:30 et qui une fois encore saura vaincre les terroristes.
37:38 L'assaut est terminé. Il a duré dix minutes. Les otages sont évacués.
37:44 Je considère que c'est au Président de la République, prenant des précautions, d'aller sur place et d'aller au Bataclan.
37:53 Je pense à une très mauvaise décision, et c'est ainsi.
37:56 Et puis vous ne pouvez pas empêcher François Hollande, tout le monde sait qu'il aurait pu y avoir une autre réplique.
38:00 Mais dans la réalité de la France, politique, un président américain n'aurait jamais pu le faire.
38:05 Et j'ai donc été informé qu'effectivement, me rendant sur place, même s'il était très tard,
38:11 près d'une heure du matin, il pouvait y avoir une menace par la présence d'un groupe de terroristes.
38:19 François Hollande et moi-même, Bernard Cazenobre, ça n'a rien à voir avec le courage,
38:23 nous considérons que notre rôle c'est d'être là-bas.
38:26 Je n'oublierai jamais les images de personnes qui sortaient encore du Bataclan,
38:33 de ceux qui avaient assisté à cette tragédie, à cette horreur, et qui me voyaient,
38:41 et qui à ce moment-là prenaient conscience que nous étions auprès d'eux,
38:47 et que nous étions dans une situation exceptionnelle.
38:52 C'est avec le Bataclan que la vagne de la monstruosité nous atteint.
39:01 C'est avec le Bataclan que ce que nous croyions impossible arrive.
39:07 C'est avec le Bataclan et toute cette mobilisation que finalement on est tous directement atteints.
39:17 Le Bataclan, c'est nous, c'est le pays, c'est tout le monde.
39:24 Nous sommes des politiques, mais au bon sens du terme,
39:27 c'est-à-dire que nous sommes conscients que la réaction de l'opinion,
39:31 la réaction des Français, et c'est normal, ne sera plus du tout la même que celle de Janvier.
39:37 Il fallait trouver une réponse institutionnelle,
39:40 qui ne pouvait plus être la réponse par la grande manifestation.
39:44 Je serai le président de la République !
39:47 D'où le discours au Congrès à Versailles, d'où l'annonce d'un certain nombre de dispositions.
39:53 Le terrorisme ne détruira pas la République,
39:58 car c'est la République qui le détruira.
40:01 Et c'est la République qui le détruira.
40:04 Et c'est la République qui le détruira.
40:07 Le terrorisme ne détruira pas la République, car c'est la République qui le détruira.
40:15 Et pour gagner cette guerre, près de 8000 postes sont créés dans la police, la justice, la défense.
40:21 François Hollande demande aussi la prolongation de l'état d'urgence.
40:25 À Versailles, quand le président Hollande s'est exprimé devant le Congrès,
40:29 je trouve qu'il a chaque fois trouvé les mots justes.
40:34 J'ai les souvenirs debout, tous ces parlementaires qui saluaient,
40:39 pas simplement le discours, mais ce qui le contenait.
40:42 Il a été très applaudi, bien sûr.
40:44 Bien sûr, parce que tout ce qu'il a dit était puissant, était juste, était fort.
40:49 À l'exception, je dirais, de cette idée de déchéance de nationalité.
40:54 Nous devons pouvoir expulser plus rapidement les étrangers,
40:58 qui représentent une menace d'une particulière gravité
41:01 pour l'ordre public et la sécurité de la nation.
41:04 Là, je dois dire que je n'ai pas compris d'où ça sortait et je n'ai pas été le seul.
41:08 La déchéance de nationalité, qui, je rappelle, existe dans notre droit
41:12 et qui était élargie uniquement pour les crimes de terroristes,
41:16 cette disposition qui, finalement, avait été saluée par le Congrès tout entier,
41:21 eh bien, il y a eu un débat qui s'est introduit.
41:24 Et souvent, de bonne foi, ceux qui pensaient qu'on remettait en cause le droit de la nationalité.
41:30 Et donc, quand j'ai vu qu'il y avait cette somme d'incompréhension,
41:34 de sur-enchères, de raccourcis, je ne sais pas ce qu'il faut dire,
41:38 en tout cas de malentendus, entretenus délibérément,
41:41 où même la droite qui avait demandé cette disposition ne voulait même plus la voter,
41:46 en tout cas une partie d'entre elles,
41:48 bon, je me suis dit, écoutez, puisqu'on ne voulait pas me donner, si je puis dire,
41:53 satisfaction pour avoir mené cette disposition
41:56 qui, en plus, introduisait dans notre droit constitutionnel l'état d'urgence,
42:00 j'ai préféré retirer ça pour assurer le consensus.
42:04 Je n'ai qu'un seul regret, et je veux ici l'exprimer,
42:07 c'est d'avoir proposé la déchéance de nationalité
42:11 parce que je pensais qu'elle pouvait nous unir alors qu'elle nous a divisés.
42:15 Christiane Taubira, qui, lorsque l'annonce avait été faite,
42:20 n'en avait pas été heurtée, mais qui ensuite,
42:23 à mesure que le débat se poursuivait,
42:26 ne comprenait pas pourquoi on passait par une révision constitutionnelle,
42:29 m'avait signalé qu'elle souhaitait quitter le gouvernement.
42:33 Je lui ai demandé de retenir sa décision pendant plusieurs semaines,
42:36 ce qu'elle a fait, et ensuite, elle est partie.
42:39 Il y a effectivement à gauche une tradition
42:43 qui fait que toute attitude répressive
42:48 est considérée comme attentatoire au principe des libertés.
42:52 L'homme n'est ni ange ni bête,
42:55 mais qui veut faire l'ange, fait la bête.
42:58 Et il me semble qu'à gauche, on ferait bien de s'inspirer
43:03 de ce proverbe pascalien.
43:05 Il y a deux principes, si je puis dire,
43:09 qui sont apparemment en opposition.
43:13 D'un côté, vous devez assurer la sécurité de la population.
43:19 La sécurité, c'est un droit, un droit absolu.
43:22 De l'autre, il y a des libertés
43:26 qui sont des libertés essentielles auxquelles il ne faut pas porter atteinte.
43:31 Comme président de la République, Premier ministre ou ministre concerné,
43:36 vous avez à faire cet arbitrage.
43:38 Donc tout est dans un dosage.
43:40 Il faut être ferme, mais il ne faut pas être injuste.
43:45 C'est un truisme.
43:47 La sécurité, c'est le premier des droits de l'homme.
43:50 Parce que la sécurité, c'est toujours les plus faibles
43:53 qui sont les premiers atteints.
43:55 L'armée va donc se déployer en force sur tout le territoire.
43:58 5 000 hommes étaient mobilisés jusque-là.
44:00 Désormais, ce sera le double.
44:02 C'est bien le signe que la menace terroriste est toujours là.
44:05 L'état d'urgence est un bon exemple de ce que doit être cet équilibre.
44:09 Quand je décide de l'utiliser, l'état d'urgence,
44:12 c'est pour permettre qu'il y ait des perquisitions
44:15 et aussi des assignations à résidence d'individus
44:18 dont on peut penser qu'ils sont plus ou moins liés
44:22 à des groupes qui pourraient être dangereux.
44:26 Mais si l'état d'urgence se poursuit au-delà de ce qui est nécessaire,
44:30 à ce moment-là, nous rentrons dans une autre manière de vivre en République.
44:34 C'est l'état du soupçon.
44:36 Quand on me parlait de mettre dans des camps les fichés S,
44:40 ça, c'est Guantanamo.
44:43 Ça n'existe pas dans notre droit français, heureusement.
44:46 Donc trouver toujours la limite pour nous protéger
44:49 sans pour autant nous mettre hors de nos règles républicaines.
44:54 Et c'est ce que doit faire un président à chaque instant
44:58 en sachant bien qu'à un moment, il faut remettre en cause des libertés,
45:02 y compris des libertés de manifester.
45:04 C'est grave de remettre en cause les libertés de manifester.
45:07 Mais c'était dans l'intérêt de tous.
45:10 C'était pour éviter que des groupes terroristes puissent s'introduire dans les manifestations
45:14 et fassent exploser éventuellement une bombe.
45:17 Il y a des sujets sur lesquels je ne dis pas qu'il faut se transformer en tyran.
45:22 Ce n'est pas du tout ce que je veux dire.
45:24 Mais enfin, il y a des circonstances où ce qui prime,
45:27 ce sont les intérêts de la lutte contre ceux qui violent
45:32 les principes fondamentaux d'un état de droit.
45:36 Moi, je n'ai jamais vu d'atteinte aux libertés dans la lutte contre le terrorisme
45:41 qui me paraissent, à moi, à un moment donné, excessives.
45:46 Nous avons pu faire voter des lois importantes à une très large majorité,
45:50 droite, gauche, à l'Assemblée, au Sénat.
45:53 Le groupe, l'UMP ou les Républicains, nous soutenaient.
45:58 Le 14 juillet 2016, c'est un basculement.
46:02 [Musique]
46:08 Mies, c'est un individu fanatisé qui prend un camion
46:12 et qui, hélas, roule sur des femmes, des enfants, des hommes
46:18 et commet des actes irréparables.
46:21 Mais il n'y a pas une organisation derrière lui.
46:24 Nous ne sommes pas devant une attaque d'envergure qui vient menacer notre pays.
46:29 Ensuite, il y a une polémique qui est nourrie localement
46:34 sur les conditions de sécurité par rapport à l'organisation
46:39 de ce 14 juillet, de ce feu d'artifice.
46:42 Comment est-il possible qu'un jour de 14 juillet,
46:47 alors qu'il y a des milliers de personnes sur la promenade des Anglais,
46:51 un camion puisse pénétrer dans ces conditions ?
46:54 Sur le plan politique, il y a là des facilités qui sont déplorables.
46:58 Parce que c'est toujours mettre en cause des services de sécurité,
47:02 de laisser penser qu'il n'y aurait pas eu à chaque fois le bon réflexe,
47:06 alors que des hommes ont donné parfois leur vie
47:11 pour que nous puissions être en sécurité.
47:13 Comme après les attentats de 2015,
47:15 François Hollande appelle à l'unité nationale dès son arrivée à Nice.
47:19 Le chef de l'État n'entend pas laisser prospérer les critiques contre l'exécutif.
47:24 C'est ma responsabilité de ne pas me laisser détourner
47:29 de l'engagement que j'ai pris au nom des Français, de les protéger.
47:34 Ne pas m'abaisser à je ne sais quel outrance, excès.
47:39 L'essentiel, c'est la force qu'on représente.
47:43 Et donc c'est cette force qu'il faut mettre en avant.
47:46 Et donc c'est forcément l'unité nationale, la force qu'on peut représenter.
47:51 Ce n'est pas en attaquant l'adversaire qu'on se renforce.
47:54 Ça c'est la logique du populisme.
47:56 Vous savez, l'union nationale c'est une résultante, ce n'est pas un objectif.
48:02 C'est une nécessité du moment pour régler certains problèmes.
48:06 Mais si on prend comme objectif qu'il faut à tout prix maintenir l'unité nationale
48:11 en toutes circonstances, on ne fait plus rien.
48:13 C'est pour moi profondément triste, car face à ce genre d'événements,
48:19 ce qui est important c'est la cohésion nationale.
48:22 Il faut respecter des temps de silence et des temps d'union
48:26 et ne pas toujours tomber dans la polémique politique.
48:30 Les terroristes cherchent à travers ces attentats à créer une confrontation.
48:38 Nous sommes fragiles parce que nous avons une opinion qui réagit.
48:44 Mais parce que nous sommes attaqués, parce que nous sommes des démocraties
48:47 parce que nous nous attaquons au nom de notre idée de la République et de la laïcité,
48:50 il faut d'autant plus tenir.
48:52 Ce soir la mort d'un professeur d'histoire dans les Yvelines.
49:03 Il a été attaqué au couteau à proximité d'un établissement scolaire.
49:07 Il aurait montré à ses élèves des caricatures de Mahomet.
49:14 Nous continuerons professeur.
49:17 Nous défendrons la liberté que vous enseignez si bien.
49:21 Et nous porterons haut la laïcité.
49:25 Parce qu'en France, les lumières ne s'éteignent jamais.
49:30 Vive la République.
49:36 Vive la France.
49:42 Les démocraties ont toujours vaincu le terrorisme,
49:45 quelle que fût sa nature,
49:48 et par les moyens du droit.
49:51 Finalement, quelle était la meilleure réponse par rapport aux attaques dont nous avons été l'objet ?
49:58 C'est bien sûr de faire la guerre.
50:00 On nous faisait la guerre, il fallait y répondre.
50:02 Mais c'était aussi d'avoir un procès
50:05 où même des accusés pouvaient avoir des avocats pour se défendre
50:11 et que la justice républicaine pouvait à ce moment-là les condamner
50:16 avec le respect du droit, mais la force du droit.
50:20 C'est donc un procès d'une ampleur tout à fait inédite
50:22 qui s'est ouvert il y a quelques instants devant la cour d'assises spéciale de Paris.
50:26 Cela va durer 9 mois, 20 personnes y seront jugées,
50:29 parmi lesquelles le terroriste présumé Salah Abdel Slam.
50:33 Supposer un instant qu'on rétablisse la peine de mort en matière de terrorisme.
50:41 Le résultat sera bien pire.
50:48 Qu'est-ce qu'un terroriste exécuté ?
50:51 Celui qui est allé au bout de sa conviction,
50:57 et qui a agi et pas seulement parlé.
51:01 Donc c'est un héros.
51:03 Et le lendemain, vous aurez la constitution de commandos de jeunes gens
51:11 qui porteront le nom de celui qu'on aura exécuté.
51:15 Et loin d'arrêter le terrorisme, vous multiplierez les terroristes
51:21 parce que vous aurez rendu héroïque celui qui s'y nomme
51:27 pour une longue, longue, longue nuit pénitentiaire.
51:33 Il disparaît.
51:35 C'est un grand soulagement pour les parties civiles du procès du 13 novembre.
51:41 La cour d'assises spéciale de Paris a condamné ce mercredi Salah Abdel Slam
51:46 à la perpétuité incompressible.
51:48 Cette peine, jusque-là, elle n'avait été prononcée qu'à 4 reprises en France.
51:55 On ne peut pas, ça serait un trop grand service, rendre à ces fous, à ces assassins,
52:01 que de mettre par terre nos règles pour s'adapter à eux.
52:04 Quand on regarde un petit peu la situation aujourd'hui sur la planète,
52:08 on se rend compte qu'on assiste à un progrès partout.
52:11 Des populismes, des extrémismes, des fanatismes, un recul de la démocratie.
52:16 L'Occident n'est plus le centre du monde.
52:24 Nos valeurs démocratiques ne sont plus la référence universelle.
52:28 Mais ce n'est pas parce qu'elles ne sont pas acceptées partout qu'il faut que nous nous exclusions.
52:33 Au contraire.
52:36 L'Occident est un pays qui est en train de se transformer.
52:40 Il y a des gens qui sont en train de se transformer.
52:43 Mais il y a des gens qui sont en train de se transformer.
52:46 Et c'est un pays qui est en train de se transformer.
52:49 Et c'est un pays qui est en train de se transformer.
52:52 Et c'est un pays qui est en train de se transformer.
52:55 Et c'est un pays qui est en train de se transformer.
52:58 Et c'est un pays qui est en train de se transformer.
53:01 Et c'est un pays qui est en train de se transformer.
53:05 L'Occident est un pays qui est en train de se transformer.
53:09 [Musique]

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