Comment déterminer sa dépendance aux écrans ? Que faire face à ces nouvelles habitudes de plus en plus dévorantes ? Le constat et les réponses du Professeur Marc Auriacombe, professeur d'addictologie à l'université de Bordeaux et directeur du laboratoire de recherches qui a mis au point l'application "Kanopee" destinée à évaluer son degré de dépendance.
Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin du 03 novembre 2023 avec Jérôme Florin et Marina Giraudeau.
Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin du 03 novembre 2023 avec Jérôme Florin et Marina Giraudeau.
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00:05 Les trois questions du petit matin. C'est notre fil rouge depuis quatre heures et demie ce matin, une autre question du jour sur RTL.fr
00:12 est-ce que vous êtes accro aux écrans alors qu'une étude que nous dévoilons ce matin montre que
00:15 97% des français reconnaissent passer trop de temps sur leurs écrans. Bonjour Marc-Horiacombe.
00:22 Bonjour. Vous êtes psychiatre, vous êtes professeur d'addictologie à l'université de Bordeaux.
00:27 Première question très simple professeur. L'addiction aux écrans, est-ce que ça existe ? On peut être accro à son portable comme à la cigarette ?
00:33 Alors oui, effectivement. En consultation, on voit des personnes qui viennent demander de l'aide en disant que
00:41 elles sont débordées par l'utilisation des écrans et
00:45 et au point qu'elles ont besoin d'une aide médicale.
00:49 Ça veut dire quoi l'addiction aux écrans ? Alors tout à fait, il faut absolument bien clarifier
00:54 ce qu'est l'addiction. L'addiction pour nous c'est un terme médical qui désigne une situation anormale, pathologique, une maladie
01:01 dans laquelle
01:03 c'est pas juste qu'on a l'impression de trop en faire, c'est qu'on en fait trop
01:07 au point qu'il y ait des conséquences négatives.
01:10 Par exemple, oublier d'aller au travail ou prendre du retard dans son travail ou ne pas s'occuper
01:17 de son entourage ou des choses
01:19 nécessaires pour
01:22 pour sa vie normale.
01:24 Ça veut dire que ce sont des gens, si on leur retire leur smartphone, ils sont perdus ? Ils sont
01:29 mal physiquement ? Alors c'est pas juste qu'ils sont mal physiquement si on leur retire, c'est surtout que même avec
01:37 ils ont l'impression que c'est toujours pas assez.
01:41 Dans l'addiction, que ce soit les écrans ou le tabac, puisque c'est le moins sans tabac, on fait plus qu'on le voudrait.
01:49 C'est à dire que ça échappe, il y a une perte de contrôle, on fait plus qu'on le voudrait et ça a des conséquences.
01:54 Votre sondage indique qu'une majorité de personnes a l'impression parfois d'utiliser trop les écrans.
02:02 Ça c'est une chose, mais la majorité de ces personnes peuvent ajuster.
02:06 On a fait une étude qui a montré qu'environ 1% à 3% des personnes qui utilisent des écrans
02:12 peuvent avoir une addiction aux écrans. - C'est peu ? - C'est peu, oui, c'est la vraie maladie.
02:18 C'est quelque chose de durable sur lequel la personne toute seule va avoir beaucoup de mal à agir.
02:23 En pratique, elle ne peut pas agir.
02:25 Elle a besoin d'une aide et d'une prise en charge thérapeutique.
02:28 Alors justement, comment ça se soigne l'addiction aux écrans ?
02:31 Alors l'addiction aux écrans, elle se soigne comme les addictions en général.
02:35 Il faut savoir pour le public que nous avons des thérapeutiques efficaces.
02:39 Donc il faut pas tarder. Si on a un doute, il faut vraiment venir demander de l'aide,
02:45 confirmer ou pas le diagnostic et commencer une prise en charge.
02:48 Alors la prise en charge, elle consiste d'abord à clarifier pour la personne que effectivement, ça lui échappe
02:54 et qu'elle ne peut pas toute seule le contrôler. Elle va avoir besoin d'aide.
02:59 Et généralement, ça consiste à prendre un peu de recul et à prendre conscience d'un phénomène
03:05 qu'on a maintenant bien caractérisé, qui est le phénomène du craving, c'est-à-dire des envies anormales.
03:11 Les envies normales, elles viennent au bon moment, on fait ce dont on a envie, on est satisfait, on passe à autre chose.
03:19 Dans l'addiction, c'est une envie anormale, qu'on appelle le craving, et qui ne passe pas même en le faisant.
03:25 Donc des gens ont envie de leur écran, ils ont beau utiliser leur écran, ils en ont encore envie.
03:30 Et ça, si on prend du recul, on peut le mesurer. On peut le mesurer un peu comme un diabète.
03:36 Une personne avec un diabète peut mesurer le sucre dans le sang et ajuster le traitement.
03:41 La personne avec une addiction, elle va pouvoir mesurer son craving et ajuster différentes actions qu'elle peut faire pour l'atténuer ou s'adapter.
03:50 Et comme pour toutes les autres formes d'addiction, on ne passe pas du tout au rien. Il y a une phase de sevrage.
03:58 Oui, tout à fait. Alors ça, c'est un élément de discussion. Mais effectivement, la phase de sevrage, elle consiste à
04:06 prendre le contrôle sur l'usage pour le diminuer et l'arrêter. Et ensuite, l'enjeu, c'est de ne pas rechuter.
04:16 Ça, c'est un point très important. Le challenge dans le traitement d'une addiction, ce n'est pas d'arrêter, c'est une fois qu'on a arrêté, de ne pas reprendre.
04:25 Je précise que vous avez mis au point une application, Canopy, que tout le monde peut télécharger. Ça s'écrit K-A-N-O-P-E. C'est gratuit ?
04:34 Tout à fait, c'est gratuit. C'est quelque chose qu'on avait mis en place dans le cadre de l'Université de Bordeaux et du laboratoire sans psy
04:41 au moment du Covid et du confinement et qu'on a continué. Et qui permet aux personnes qui ont un doute sur leur addiction aux écrans,
04:54 mais aussi au tabac, au cannabis.
04:56 Ça permet de s'auto-tester ?
04:58 Voilà, de s'auto-tester et de voir si on peut reprendre le contrôle facilement ou si on a besoin d'accéder à un professionnel. Et ça explore aussi le sommeil.
05:07 Marc Orriacombe, dépendance ou addiction, quel que soit le terme, passer beaucoup de temps sur les écrans, est-ce que ça a un effet néfaste sur la santé ?
05:15 Alors, disons que les choses aujourd'hui sont organisées pour que les écrans soient une aide dans la vie quotidienne. Donc, de fait, on y passe beaucoup de temps.
05:28 Dans la vie privée, comme dans la vie professionnelle pour beaucoup de personnes.
05:32 Alors, ça n'a pas en soi d'effet chez le jeune adulte et l'adulte d'effet négatif.
05:40 Ça va pas avoir des effets chez le très très jeune enfant. Mais c'est un élément qui...
05:45 Voilà, qui... La vie avec les écrans est différente que la vie sans les écrans.
05:50 Ça n'abîme pas le cerveau, c'était ma question.
05:52 Alors, ça n'abîme pas le cerveau, mais ça fait qu'on ne l'utilise pas de la même façon.
05:57 Autrefois, on apprenait par cœur tout un tas de choses, tous les numéros de téléphone.
06:03 Aujourd'hui, plus personne ne connaît les numéros de téléphone par cœur parce qu'ils sont dans le téléphone.
06:08 Merci beaucoup Marc-Henri Acombe, psychiatre et professeur d'addictologie à l'Université de Bordeaux.
06:13 Merci d'avoir été avec nous en direct ce matin sur RTL. Bonne journée.
06:16 Merci.
06:17 Cette interview est à retrouver sur l'appli RTL.
06:20 [Générique de fin]