• l’année dernière
L’IA générative s’invite désormais partout dans les agences de communication. Elle bouleverse la création, le marketing, mais aussi l’analyse des réactions des consommateurs. Mais concrètement quels en sont les effets concrets à ce stade et surtout avec quelles limites ?
On en parle avec Vincent Druguet, CEO de Wunderman Thompson France.

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Transcription
00:00 Invité de "À la Une" cette semaine, Vincent Druguay, bonjour.
00:07 Bonjour.
00:08 Vous êtes CEO de Wunderman Thomson France, du groupe WPP et on parle avec vous d'intelligence
00:13 artificielle dans l'industrie de la communication.
00:15 Alors on en parle beaucoup, mais globalement les commentaires que j'ai en plateau en général
00:20 sont assez lisses.
00:21 On me dit "mais quel outil formidable, c'est super l'intelligence artificielle, c'est
00:26 génial".
00:27 Et en off on me dit "ah non mais en fait tu sais on est un peu inquiet quand même parce
00:30 qu'on ne sait pas très bien dans quelle mesure ça va ou pas supprimer certains de
00:34 nos métiers".
00:35 Donc moi j'aimerais bien avoir votre analyse.
00:37 Où est-ce que vous, vous placez le curseur ?
00:38 C'est une vraie bonne question parce que je pense que le curseur est exactement à
00:42 la croisée des chemins.
00:44 On va plutôt parler d'IA et d'IA générative parce que c'est celle qui fascine à la fois
00:49 et fait peur.
00:50 Vous savez quand l'IA générative est arrivée il y a un an, on s'est tous dit "mais waouh,
00:55 effectivement quel outil, une fascination".
00:57 Et puis là on voit toutes les semaines se déverser des dizaines d'outils qui viennent
01:01 révolutionner nos métiers.
01:02 Et puis dans la réalité moi j'ai fait un exercice à l'agence, j'ai demandé à
01:07 chaque métier de disrupter son propre métier avec une intelligence artificielle.
01:11 Donc ils ont travaillé pendant trois semaines en disant "si je devais disrupter mon métier,
01:16 qu'est-ce qui se passerait ?" Ils ont tous travaillé trois semaines, ils ont restitué
01:18 ça devant l'agence, c'était hallucinant.
01:21 Et donc à la croisée des chemins entre la fascination et de se dire que demain ne sera
01:24 pas du tout la même chose dans les agences de communication et de marketing.
01:28 Ça m'intéresse cette expérience que vous avez menée.
01:30 Sur quel métier c'est le plus spectaculaire ?
01:33 En fait, sur tous les métiers.
01:35 Donc sur tous les métiers, de la stratégie sur la recherche d'insights de manière automatisée,
01:40 à la production d'images pour la création ou même l'idéation, aux social media où
01:46 demain peut-être des community managers seront assistés par des bots, ou la production d'images
01:52 dans tous les formats en temps réel.
01:54 On avait même à l'époque notre stagiaire d'atteint scientiste qui globalement faisait
01:58 un travail en deux heures dans un truc qui normalement prenait deux jours.
02:01 Et on s'est dit "mais waouh".
02:03 Et à partir de là, on a lancé des chantiers de transformation dans l'agence, ça fait
02:06 à peu près six mois, et on les installe petit à petit.
02:08 Donc pour répondre à votre question, je pense que ça va fondamentalement changer nos métiers.
02:12 Certains métiers vont peut-être disparaître, d'autres vont se créer.
02:14 Mais c'est fascinant et ça arrive très très vite.
02:17 Moi j'ai jamais vu ça en 25 ans d'agence.
02:19 Vous avez fixé des règles pour l'utilisation de l'IA dans votre agence ?
02:23 Oui.
02:24 Les règles sont un peu données par WPP aussi, puisqu'on fait partie d'un groupe.
02:28 On a des vraies limites, aujourd'hui légales, déjà, premièrement.
02:31 Puisque vous savez que lorsqu'on utilise l'IA, on nourrit un moteur qui se retrouve
02:36 généralement même à l'extérieur, on ne sait pas vraiment où est la data.
02:39 Et puis en plus, lorsqu'on génère des contenus avec l'IA, on a un petit problème de copyright
02:44 pour le moment.
02:45 C'est un vrai sujet dont on parle beaucoup.
02:47 On parle aussi bien sur les images que les contenus, donc on est très très limité
02:49 à la fois sur les enjeux contractuels avec nos clients.
02:52 Donc on les utilise encore beaucoup pour nous, en interne, et on travaille avec le légal
02:56 et nos clients pour essayer d'en faire un outil vraiment de production pour demain,
03:02 pour l'ensemble des campagnes et de nos productions de contenus marketing.
03:04 Ça va vous faire gagner, j'imagine, beaucoup de temps ?
03:08 Oui.
03:09 Mais qu'est-ce qu'on fait du temps qui reste ?
03:10 C'est une bonne question.
03:12 L'IA générative, elle a quelque chose d'extraordinaire, c'est qu'elle nous permet à la fois de la
03:19 productivité et une amélioration de l'expérience client.
03:23 Donc en fait, on n'est pas dans une logique de réduction de temps, on se dit qu'avec
03:26 le même argent ou le même temps, on en fait plus.
03:28 C'est vos clients qui vont être contents ?
03:31 C'est ce qu'on arrive à faire aujourd'hui avec nos clients.
03:34 Je vous donne un exemple.
03:35 On a des équipes qui créent des centaines et des centaines de pages sur Amazon pour
03:42 nos clients.
03:43 Donc toutes les pages que vous avez sur Amazon avec les images, les textes, etc. étaient
03:46 faites par des gens chez nous, des copywriters, ils rédigent, etc.
03:51 Et là, on a imaginé un nouveau produit qui en fait une partie de manière automatisée
03:55 et on a formé ces gens à plutôt piloter l'IA plutôt qu'à rédiger tous les contenus.
04:00 Donc demain, une partie des créatifs auront forcément une capacité à générer des
04:05 prompts.
04:06 On se dit, demain, est-ce qu'ils seront des promptes d'ingénieurs ?
04:07 Ce n'est plus le même métier en fait ?
04:08 Ce n'est plus tout à fait le même métier ?
04:11 Ce n'est plus vraiment le même métier, mais c'est un métier assisté par l'IA.
04:15 Je pense qu'on aura tous notre petit copilote.
04:17 Tous les métiers auront leur copilote IA demain, quel que soit le métier.
04:21 Vous, vous avez mis en place à ce stade trois vrais outils qui utilisent l'IA, que
04:26 ce soit pour scanner le contenu des marques en ligne et déceler d'éventuels défauts
04:30 pour la création, vous venez de le dire, ou encore pour mesurer l'attention et les
04:33 réponses émotionnelles des consommateurs face à du contenu de marque.
04:36 Est-ce qu'on est entré dans une sorte de course effrénée à l'agence qui offrira
04:42 le plus d'outils assistés par l'IA ?
04:45 Je dirais que les agences qui n'ont pas investi et qui n'investissent pas risquent de disparaître.
04:50 Le cœur de nos métiers reste le pilotage des marques, la compréhension des marques
04:57 et des connexions avec les gens, ça ne changera pas.
04:59 La créativité, la stratégie ne changera pas.
05:04 En revanche, ceux qui n'auront pas compris comment l'IA peut assister ces métiers-là,
05:08 pour moi, vont disparaître.
05:10 Donc oui, il y a une course.
05:11 WPP est dans la course, Publicis est dans la course, les petites agences sont dans la
05:15 course.
05:16 Il y a une course à essayer de comprendre comment ça va mieux transformer nos métiers.
05:20 Peut-être être plus efficace vis-à-vis de nos clients, être dans la productivité
05:24 tout aussi bien dans la créativité.
05:25 C'est un exercice pas facile à avoir.
05:27 Est-ce qu'on ne risque pas quand même de tomber un moment dans l'IA washing comme
05:31 on a eu le green washing ? On met de l'IA à toutes les sauces sous prétexte et puis
05:35 en fait derrière, on ne sait pas vraiment ce qu'il y a.
05:38 Je pense que là, on est dans la grosse période de l'IA washing, c'est-à-dire les campagnes
05:42 qui sortent avec de l'IA.
05:43 Pour l'instant, ça fait…
05:45 Il y a un petit effet Wahoo.
05:48 Un petit effet Wahoo encore, on arrive sur la fin.
05:50 Je pense qu'on en a déjà vu beaucoup.
05:51 Ce que vous ne voyez pas, c'est l'IA dans le processus métier et là, qui concrètement
05:57 ne se voit pas, mais qui amène une vraie productivité ou une vraie expérience client.
06:01 Les deux outils dont vous parliez amènent une vraie valeur dans un processus qui existe
06:05 déjà.
06:06 Il y a un truc qui m'intéresse beaucoup dans les outils que vous avez déployés,
06:09 c'est celui qui scanne les émotions des consommateurs face au contenu de marque.
06:12 Est-ce que vous pouvez juste soulever un peu le capot et me dire comment ça marche ?
06:15 Absolument.
06:16 C'est un outil qui s'appelle Reveal, qui vient juste de sortir.
06:19 On a une équipe, une vingtaine de personnes dans le monde, qui créent des produits sur
06:25 base d'IA et d'IA générative.
06:26 Là, en l'occurrence, ce n'est pas de l'IA générative, c'est plutôt de l'IA discriminative.
06:31 Donc l'autre partie qui existe depuis déjà 20 ans.
06:33 Ça fait un moment que ça existe.
06:34 Le concept, c'est qu'on connaît les tests, les panels utilisateurs aujourd'hui en publicité.
06:40 Lorsqu'on crée une campagne, on passe souvent par des tests utilisateurs qui sont faits
06:46 offline ou online, qui prennent du temps.
06:47 Et pour des toutes petites campagnes, pour des choses où on a besoin d'aller vite,
06:51 on n'avait pas la réponse qui permettait d'avoir est-ce qu'elle est bien perçue,
06:55 est-ce qu'elle génère de l'émotion auprès des consommateurs.
06:58 Donc on a lancé un produit sur un panel en ligne, de gens à peu près dans le monde
07:03 entier, et avec un système qui permet en eye tracking, et on repère également les
07:08 émotions du visage avec une caméra, on utilise du coup juste la caméra, de voir si la campagne,
07:15 le contenu social média, la vidéo déclenche des émotions, et donc on a un score qui permet
07:19 de valider si telle ou telle piste est préférée par les consommateurs pour passer ensuite
07:23 en production.
07:24 Ça me fait un peu peur en fait.
07:27 Pourquoi ?
07:28 Parce que je me dis en fait finalement on est ultra lisible, et en fait l'émotion
07:31 ça touche à l'intime, et donc du coup vous publicitaire vous allez savoir exactement
07:35 sur quel levier jouer pour déclencher telle ou telle chose chez moi, encore plus finement
07:40 que ce qui était le cas auparavant.
07:41 Je dirais pas plus finement parce que ça existe depuis toujours, les tests utilisateurs,
07:47 mais là on va pouvoir le faire plus rapidement et à plus grande échelle, c'est-à-dire
07:51 c'est accessible à des plus petites campagnes, on va se dire que ça laisse un petit peu
07:56 moins de place à l'intuition ou peut-être à l'erreur, effectivement.
07:59 Aujourd'hui, quelles sont les limites de l'IA selon vous ?
08:03 Il y en a trois.
08:04 La première c'est la créativité.
08:05 Une IA par définition, et une même générative n'est pas créative.
08:09 Et ça il faut quand même se le dire, aujourd'hui elle ne fait que réinventer, elle invente
08:15 quelque chose à partir de quelque chose qui existe déjà, elle n'invente pas.
08:19 Donc le rôle du créatif, le rôle du stratège pour moi reste absolument fondamental sur
08:23 l'idée, et l'IA ne sera qu'un copilote.
08:27 Je ne crois pas à l'IA indépendante, autonome, créative de demain.
08:30 Ça c'est la première chose.
08:32 La deuxième chose c'est l'égal.
08:33 Effectivement là on est dans un flou artistique entre "je mets ma data dedans mais où est-elle
08:39 ?".
08:40 C'est une vraie question ça, où est-elle ?
08:41 Je ne sais pas où elle est.
08:42 Et ça ne vous freine pas pour mettre en place ces outils ?
08:46 Chez WPP on a construit un framework qui s'appelle Imagine, où OpenAI, Nvidia, on a construit
08:53 une architecture sur nos datas à nous.
08:55 C'est-à-dire que toute la data qu'on met dedans ne sort pas en dehors des écosystèmes
08:59 WPP, ce qui permet de sécuriser nos clients à l'usage de l'IA.
09:03 Parce que c'est un peu risqué quand même si la data de vos clients et les stratégies
09:06 de vos clients ne se retrouvent pas.
09:07 Il y a une contradiction chez WPP d'utiliser un OpenAI public, un mid-journey public en
09:12 allant mettre des datas sur voie confidentielle de nos clients parce qu'on ne sait pas où
09:16 elles sont.
09:17 Et surtout elles peuvent être utilisées dans un moteur pour d'autres marques, par hasard.
09:20 C'est la restitution.
09:22 Donc le deuxième sujet il est vraiment légal.
09:25 Et le troisième sujet il est un peu technologique.
09:28 C'est aujourd'hui très compliqué d'avoir une lisibilité sur ce qui se passe parce
09:33 qu'on a un déferlement de technologies.
09:36 Il faut juste se rappeler qu'OpenAI est sorti il y a presque un an jour pour jour.
09:41 C'est tout.
09:42 Et que l'évolution entre il y a un an et aujourd'hui elle est absolument phénoménale.
09:48 Donc la limite technologique, jusqu'où ça va aller, où est-ce que ça va s'arrêter,
09:52 je dirais que c'est les trois grandes limites légales, techno et créatives aujourd'hui
09:56 dans nos métiers en tout cas.
09:57 Ça c'est pour aujourd'hui mais demain, est-ce que vous voyez une limite à l'IA ? Est-ce
10:01 que vous dites il y a un truc, elle ne le fera jamais à ma place ?
10:04 C'est une bonne question.
10:07 Oui, je dirais la créativité telle qu'aujourd'hui on l'exprime dans les agences créatives,
10:16 je ne crois pas qu'une IA remplacera un directeur de création.
10:19 Je ne crois pas qu'une IA créera d'elle-même le contenu qui réagira émotionnellement
10:28 avec le consommateur.
10:29 Je ne vois pas l'IA pilote, je vois l'IA copilote de l'humain, je ne la vois pas en pilote.
10:35 Je dirais que la limite pour moi elle est là.
10:38 Après, la vitesse à laquelle ça va, et lorsque j'ai vu la génération d'images ou de vidéos
10:42 il y a à peine six mois, et ce qu'aujourd'hui nos créatives sortent, je disais récemment
10:48 que je navigue entre fascination et peur.
10:51 En tout cas c'est un petit peu le sujet du moment avec cette IA générative qui a l'impression
10:56 qu'elle casse toutes les frontières.
10:57 Vous la considérez comme un outil aujourd'hui ou comme un collaborateur ?
11:00 Les deux.
11:01 Les deux.
11:02 Je dirais que c'est un copilote de nos collaborateurs.
11:07 Et je reviens sur les métiers tout à l'heure, on doit avoir à peu près une dizaine de
11:10 métiers, dans chaque métier on est en train de mettre en place des copilotes.
11:13 Et on le fait aussi bien en légal, pour la recherche documentaire de contrat, en service
11:19 support, que sur social media, strat, data, tech, prod.
11:24 On est tous en train de développer nos outils qui sont finalement le copilote de nos collaborateurs.
11:29 Donc je dirais que c'est plutôt une aide à la collaboration plutôt qu'un collaborateur
11:34 par lui-même.
11:35 Sur la prod par exemple, ça peut apporter quoi ?
11:36 Sur la prod, ça permet, dans certains cas, d'éviter un shooting.
11:42 Oui, parce qu'on génère des images.
11:45 Aujourd'hui vous me donnez votre produit et je l'installe dans des environnements ultra
11:53 réalistes, photographiques.
11:55 Et du coup, au lieu d'aller faire des shootings qui coûtent à la fois très cher et qui
12:00 en termes de CO2, peuvent générer pas mal d'impact.
12:04 Oui, alors on pourrait se poser la question du CO2 lié à l'IA.
12:07 Oui, on est en train de faire le calcul entre le shooting d'un côté et l'impact CO2
12:12 de générer une image par une IA.
12:14 On est en plein dedans.
12:15 Je ne peux pas vous donner exactement là où on en est.
12:17 Non mais ce sera intéressant quand vous aurez le résultat.
12:19 On est extrêmement dedans.
12:20 Dans la prod, les shootings, mais surtout dans la prod, à partir du moment où on a
12:24 une campagne, une image, une vidéo, quand il faut sortir 100 formats de vidéos, TikTok,
12:30 Facebook, Snap, le format carré, etc.
12:32 Aujourd'hui vous avez des IA qui vous aident à produire à presque la totalité au mode
12:37 automatique.
12:38 Donc le métier de producteur, lui, va être extrêmement impacté par l'usage des IA génératives.
12:44 C'est impressionnant de voir qu'une petite vidéo, il y a une IA, on lui donne une vidéo
12:48 de 10 minutes, elle vous en fait 50 de 10 secondes et en plus elle a bien compris les
12:52 différents sujets, elle vous sort les 50 vidéos.
12:54 Et en l'espace de quelques heures.
12:56 Incroyable.
12:57 Incroyable.
12:58 Incroyable.
12:59 Merci beaucoup Vincent Druguet.
13:00 Je rappelle que vous êtes le CEO de Wunderman Thompson France.

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