Faites Entrer l'Accusé _ La Mort sur Rendez-Vous

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En 1984, Valérie Subra, 18 ans, Jean-Rémi Sarraud, 19 ans, et Laurent Hattab, 21 ans, commettent deux crimes d'une extrême violence. Motivés par l'argent, ces trois jeunes gens élaborent un stratagème machiavélique. Valérie sert d'appât, elle attire des hommes riches et ses complices les dévalisent, les brutalisent et les tuent. Jugés en 1988, ils sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité avec des peines incompressibles de seize ans, pour la jeune fille, et dix-huit ans pour les jeunes hommes. Jean-Rémi Sarraud, libéré de prison en 2003, revient sur son histoire.

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Personnes
Transcription
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00:00:32 Valérie Subrat, Laurent Attab et Jean-Rémi Sarraud.
00:00:36 De leur crime, on a fait un livre, puis un film, "La Paix".
00:00:41 On est au milieu des années 80 à Paris,
00:00:43 et ce trio minable a un rêve,
00:00:46 amasser un milliard de centimes pour aller tenter l'aventure aux Etats-Unis.
00:00:50 Un milliard qu'il suffira de prendre chez les riches.
00:00:53 Valérie est jolie, elle sera la paix,
00:00:55 et elle séduira le bourgeois.
00:00:57 Laurent et Jean-Rémi feront le sale boulot.
00:01:00 Ils dépouilleront le riche et s'en débarrasseront si nécessaire.
00:01:03 Sur le papier et dans leur petite tête, le scénario est implacable.
00:01:06 Dans la réalité, les riches ne gardent pas leur argent à la maison.
00:01:11 Voilà comment deux hommes vont mourir pour une poignée de billets.
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00:01:17 Paris, le 8 décembre 1984, un samedi.
00:01:21 À la porte de son lycée, Gabrielle attend que son père vienne le chercher,
00:01:25 mais il n'est pas là.
00:01:27 Ça n'est pas son genre d'être en retard.
00:01:30 Son père, Gérard Lelédier, est avocat à Paris.
00:01:34 Le proviseur du lycée appelle sa secrétaire.
00:01:38 Elle se dit que quelque chose est arrivé, un pressentiment,
00:01:41 mais elle n'ose pas aller toute seule chez son patron.
00:01:44 Elle appelle une de ses amies.
00:01:46 - Elle m'a appelée, moi, pour qu'on vienne la chercher,
00:01:49 pour aller voir ce qui se passait chez Gérard, vraiment inquiète.
00:01:52 Ce qui m'a interpellée, c'est Gabrielle.
00:01:54 Il ne serait pas resté sans aller chercher son fils.
00:01:57 On n'oublie pas son enfant et en plus, il aurait prévenu.
00:02:00 C'est quelqu'un de correct, à la limite.
00:02:02 Et puis elle a appelé une seconde fois,
00:02:04 en disant qu'elle avait appelé la gardienne de l'immeuble,
00:02:07 que le courrier de la veille était toujours sur le paillasson,
00:02:10 puisqu'il n'y avait pas de boîte, elle le mettait sur le paillasson,
00:02:13 qu'il y avait de la lumière dans la chambre.
00:02:15 Et alors là, bon, il s'était forcément passé quelque chose, quand même.
00:02:18 - Les deux femmes ne sont pas les seules à s'inquiéter.
00:02:22 Maître Lelletier avait un rendez-vous avec un de ses copains dans la matinée.
00:02:27 - Comme on devait aller faire des travaux dans sa maison de campagne,
00:02:31 et qu'il m'aidait en plus, travaillait,
00:02:33 je l'ai attendu, j'ai attendu, j'ai attendu, j'ai attendu.
00:02:36 Et j'ai pas réussi à le joindre. Je l'appelais sans arrêt, mais ça répondait pas.
00:02:39 - La secrétaire a un double des clés.
00:02:45 Avec Patricia, elle fonce chez Lelletier.
00:02:48 Rue de Prony, dans le 17e arrondissement de Paris.
00:02:51 Quartier chic et résidentiel.
00:02:54 - Je rentre, l'appartement est plongé dans le noir.
00:03:02 Il y a de la lumière dans l'escalier tout de suite à gauche,
00:03:06 qui mène à sa chambre, d'ailleurs.
00:03:08 Je vais pour descendre, et c'est là, justement,
00:03:10 que la secrétaire me dit qu'il va pas.
00:03:12 Mais il y avait une odeur.
00:03:15 La cheminée a été soulevée.
00:03:18 Enfin, on voit qu'elle a été fouillée, quoi.
00:03:21 Il y a un peu de fouilles.
00:03:24 On continue.
00:03:27 Et là, les...
00:03:29 Ces portes, c'était de grandes glaces.
00:03:32 Et là, il y en a une qui est entre-ouvertes,
00:03:34 où on voit le corps allongé sur le tapis de l'artère.
00:03:40 Gérard est allongé, plusieurs coups de couteau, du sang,
00:03:44 les pieds, les mains liés.
00:03:46 Le bureau s'en dessous, la radio qui fonctionne.
00:03:50 Je l'ai regardé.
00:03:53 J'ai eu de la souffrance.
00:03:55 J'ai eu un assassinat, et j'étais sous le choc.
00:04:00 J'étais torturée, quoi, carrément.
00:04:03 - Il est 18h55.
00:04:07 Patricia appelle police secours.
00:04:10 - L'agression est violente,
00:04:12 puisque la victime porte sur le visage
00:04:15 de nombreuses traces de coups, des échymoses, des déchirures.
00:04:19 En plus de ça, elle a été poignardée à diverses reprises
00:04:23 avec un instrument contendant.
00:04:25 Il y a du sang partout.
00:04:27 Sa perruque a été détachée.
00:04:29 Il y a eu des manifestations de violence.
00:04:31 Il supporte des traces de coups nombreux et violents.
00:04:38 [Musique]
00:04:40 - Christian Flech, à l'époque, vous êtes commissaire
00:04:49 et directeur d'enquête au 36 Quai des Orfèvres,
00:04:51 à la brigade criminelle de Paris.
00:04:53 Vous vous rendez sur les lieux de ce meurtre.
00:04:57 Quelles sont les premières constatations ?
00:04:59 - Je me souviens de cet immeuble bourgeois,
00:05:02 avec cet avocat qui vivait dans un appartement
00:05:05 au rez-de-chaussée, au fond d'une cour.
00:05:07 C'est un appartement qui lui servait également de cabinet.
00:05:09 Pas de traces d'infraction apparentes.
00:05:11 Les lieux manifestement fouillés.
00:05:13 Le corps qui repose au sol, du sang,
00:05:16 les pieds, les mains qui sont liées.
00:05:18 Et puis, manifestement, on cherchait quelque chose.
00:05:22 - Quelles sont vos premières hypothèses d'enquête
00:05:25 compte tenu de la scène de crime ?
00:05:27 - Compte tenu du fait que c'est un avocat dans son cabinet,
00:05:30 évidemment, l'hypothèse la plus noble,
00:05:32 c'est que c'est un dossier compromettant.
00:05:34 Soit un client qui a le sentiment d'avoir été mal défendu,
00:05:36 soit au contraire une partie adverse
00:05:38 qui pense que l'avocat a été trop virulent contre elle.
00:05:43 Deuxième hypothèse, on a affaire à une personne
00:05:45 qui est âgée de 50 ans, qui vit seule.
00:05:48 Ça peut être un problème lié à sa situation matrimoniale,
00:05:51 un divorce, une séparation compliquée,
00:05:55 ou alors, et ça nous y a fait penser,
00:05:57 à cause de ses pieds et de ses mains qui étaient liés,
00:05:59 un meurtre avec un rituel homosexuel.
00:06:02 - Pourquoi les pieds et les mains liés ?
00:06:05 - Ça ferait penser à un rituel homosexuel.
00:06:07 Depuis quelques mois, on avait un certain nombre de meurtres
00:06:10 qui étaient dans le milieu des homosexuels,
00:06:12 où il y avait cette situation.
00:06:15 En consultant les dossiers professionnels de Maître Lelédié,
00:06:19 les policiers se rendent vite compte
00:06:21 que l'avocat est spécialisé dans les divorces
00:06:23 et les accidents de la route,
00:06:25 rien de très sulfureux à part deux ou trois affaires de stupéfiants.
00:06:29 - On s'est occupé de deux ou trois personnages
00:06:31 qui étaient apparus dans des dossiers traités
00:06:33 de près ou de loin par Maître Lelédié.
00:06:36 Il fallait absolument verrouiller ces portes-là,
00:06:38 comme on dit, en termes de métier.
00:06:40 - La piste d'un règlement de compte professionnel ne tient pas.
00:06:44 Reste celle d'un crime sexuel, ou plutôt homosexuel.
00:06:49 Il y en a eu plusieurs ces derniers mois à Paris.
00:06:51 Alors les policiers se renseignent sur la vie intime
00:06:54 de Gérard Lelédié et de ses amis.
00:06:57 - Les policiers, parce que de la façon où il était attaché,
00:07:01 ils pensaient que c'était un crime d'homosexuel.
00:07:03 On m'a demandé s'il était homosexuel.
00:07:05 Mais bon, avec toutes les petites nanas que je l'ai vues se taper,
00:07:08 je ne pense pas qu'il est sérieux homosexuel.
00:07:10 Et puis moi non plus, par hasard.
00:07:12 - La piste pourtant n'est pas absurde.
00:07:16 Elle va tenir quelques temps, car Maître Lelédié
00:07:19 a monté récemment une agence spécialisée
00:07:22 dans les rencontres homosexuelles.
00:07:24 - C'était un moyen de gagner de l'argent.
00:07:27 Je crois que l'activité d'agence matrimoniale
00:07:29 avait très vite décliné, qu'il s'était tourné
00:07:31 vers la gestion des relations homosexuelles.
00:07:34 Donc effectivement, ça pouvait être une piste,
00:07:37 mais nous nous étions également rendus compte
00:07:39 que cette activité était en déclin
00:07:41 et qu'il cherchait d'ailleurs, semble-t-il,
00:07:43 à cesser cette activité.
00:07:46 - Une fois ces premières pistes évacuées,
00:07:56 les policiers se penchent plus précisément
00:07:58 sur la personnalité de Gérard Lelédié.
00:08:00 Il a 50 ans, ça fait 7 ans qu'il est séparé
00:08:02 de la mère de son fils, et depuis,
00:08:04 il multiplie les conquêtes.
00:08:06 - On l'a appris il y a une heure, un avocat parisien
00:08:09 a été retrouvé mort dans son appartement
00:08:11 dans le 17e arrondissement.
00:08:12 Il s'agit de Maître Gérard Lelédié.
00:08:14 Thierry Ouattele, vous êtes sur place,
00:08:16 avez-vous des précisions supplémentaires ?
00:08:18 - Oui, Jean-Benoît, alors c'était un civiliste par spécialité.
00:08:21 - J'ai appris le soir, en rentrant,
00:08:24 la nouvelle de sa mort à la radio.
00:08:27 - Jacoba de Jong est sous le choc.
00:08:30 Elle aussi est avocate et elle connaissait bien
00:08:32 Gérard Lelédié.
00:08:34 - Et tout de suite, j'ai pensé à ces relations féminines
00:08:38 multiples, qui pouvaient lui être fatales.
00:08:44 - Maître de Jong a fait son premier stage d'avocat
00:08:50 chez Gérard Lelédié.
00:08:52 Il sait que c'était un homme à femme.
00:08:55 - Je n'ai jamais vu un cabinet d'avocat
00:08:58 où la vie privée, intime, était autant mélangée
00:09:03 avec la vie professionnelle.
00:09:06 Je le trouvais souvent en présence de jeunes personnes
00:09:10 qui étaient là, et c'était des hôtesses de l'air
00:09:14 ou des femmes qu'il avait rencontrées la veille.
00:09:17 Je ne sais pas d'où elles venaient,
00:09:19 mais c'était quand même pas mal.
00:09:22 - Spontanément, l'avocate se rend aux 36 quai des Orfèvres.
00:09:26 Elle pense que son témoignage peut faire avancer l'enquête.
00:09:30 - Je crois que personne n'avait éclairé
00:09:37 la vie de M. Lelédié de cette façon.
00:09:42 - Le soir de sa mort, l'avocat avait un programme chargé.
00:09:48 Il avait reçu plusieurs invitations,
00:09:50 dont une à dîner chez un ami.
00:09:53 - Je lui ai dit, tiens, je fais un dîner tel jour,
00:09:58 si tu veux, je serais ravi que tu y participes,
00:10:01 d'autant plus que j'avais un couple d'avocats,
00:10:03 un couple d'historiens, des gens qui étaient assez intéressants.
00:10:06 Et il m'avait dit, je viendrais volontiers
00:10:09 avec une jeune femme. Je dis oui, bien sûr.
00:10:12 Et puis, il m'a rappelé pour me dire,
00:10:15 la jeune femme avec laquelle je pensais venir n'est pas libre
00:10:18 ou n'est pas disponible et je viendrais avec quelqu'un d'autre
00:10:21 qui est une jeune fille que j'ai rencontrée il y a peu de temps.
00:10:23 Je lui dis, bien sûr, volontiers.
00:10:25 Je n'avais pas de remarques à faire sur la personne avec qui il viendrait.
00:10:28 Et il m'avait dit simplement, je ne suis pas sûr.
00:10:31 Arrivez pour 8h30, 9h, je risque d'arriver tard.
00:10:34 Et si vous ne me voyez pas à 9h30,
00:10:38 pas de problème, vous mettez à table, etc.
00:10:41 - Cet ami n'aura plus de nouvelles de Gérard.
00:10:44 La dernière à l'avoir eue au téléphone, c'est sa mère.
00:10:47 Et apparemment, il avait changé ses plans pour la soirée.
00:10:50 - Sa mère l'avait eue aux alentours de 21h45.
00:10:55 Il attendait encore la jeune personne en question
00:10:57 qu'il devait amener ensuite peut-être chez Paul.
00:11:00 Entre parenthèses, chez Paul Téclé, l'animateur du restaurant
00:11:03 Les Jardins de la Boétie.
00:11:06 - Un restaurant où Maître Lelaydié avait ses habitudes.
00:11:12 C'était sa cantine chic dans le 8e arrondissement de Paris.
00:11:17 Les policiers se rendent sur place.
00:11:22 Le restaurant est branché.
00:11:24 Il est animé par Paul Téclé,
00:11:27 qui se présente comme relation publique de l'établissement.
00:11:30 - Ce sont 2 agents qui sont venus nous voir, très sympathiques.
00:11:34 Nous avons discuté dans un coin.
00:11:37 Et pour me demander à moi, comme à des copains également,
00:11:40 si on avait vu des gens qui discutaient avec lui
00:11:44 pour avoir une idée de qui ça pouvait être d'avoir tué Gérard, etc.
00:11:50 Quand il venait, je lui donnais sa petite table.
00:11:55 Il savait séduire les gens.
00:11:57 Il était très fort pour ça, très bon vocabulaire.
00:12:01 Et il se faisait beaucoup d'amis.
00:12:03 - Des amis au moeurs, disons, légères.
00:12:08 - On peut se dire que ça peut venir éventuellement de ce côté.
00:12:11 Encore qu'il ne s'agisse pas d'un endroit mal fréquenté.
00:12:15 On comprend assez rapidement qu'il y a vraisemblablement
00:12:18 des gens qui sont intéressés par l'échangisme.
00:12:21 Puisque certains des clients n'hésitent pas à nous dire
00:12:24 qu'ils vont dans des partouses, dont une fort célèbre
00:12:27 qui s'était passée à l'époque rue de Rivoli,
00:12:30 où semble-t-il tous ces messieurs étaient allés.
00:12:33 Donc on comprend effectivement que c'est un endroit
00:12:36 où vient, disons, des recherches de jeunes femmes.
00:12:39 Mais rien qui nous indique plus particulièrement
00:12:42 dans quelle direction chercher parmi cette clientèle.
00:12:45 - La police en est sûre, c'est parmi ses clients
00:12:49 qu'il faut chercher la fille.
00:12:51 - On n'avait aucune indication, sinon,
00:12:53 que la jeune femme en question était une jeune femme
00:12:56 d'une vingtaine d'années, telle qu'il avait écrite à ses proches.
00:12:59 - Dans l'agenda de maître Leledié, des centaines de noms.
00:13:02 Des femmes, jeunes pour la plupart, rencontrées
00:13:05 au Jardin de la Boétie.
00:13:07 La Crime organise un défilé de pin-up dans ses bureaux.
00:13:10 - On a vu défiler effectivement un certain nombre de jeunes filles
00:13:16 qui n'avaient pas beaucoup de cervelle, mais qui étaient assez jolies
00:13:19 et qui espéraient, bon, faire du cinéma
00:13:22 ou devenir mannequins, et qui, donc,
00:13:25 étaient toujours à la recherche de messieurs
00:13:28 qui se présentaient comme producteurs de films
00:13:31 ou directeurs d'agences de mannequins,
00:13:34 ce qui n'était pas toujours vrai, et donc, effectivement,
00:13:37 j'ai vu défiler pas mal de jeunes filles,
00:13:40 parfois même mineures, et je m'étonnais de voir
00:13:43 dans de tels milieux.
00:13:46 - Parmi elles, Cathy Brasseur, 22 ans,
00:13:49 et un début de carrière de mannequin et d'actrice.
00:13:52 Elle fréquente assidûment les Jardins de la Boétie
00:13:55 pour se faire un maximum de contacts.
00:13:58 - C'est Paul Técré qui m'a présenté Gerard Leledié,
00:14:03 voilà. Bon, ben, il était avocat, notamment aussi
00:14:06 dans le milieu du cinéma, il connaissait pas mal de producteurs,
00:14:09 donc c'était, bon, en fait, pour cette raison
00:14:12 qu'il m'a présenté au départ.
00:14:15 - Deux jours avant sa mort, Cathy Brasseur a dîné
00:14:18 avec Gérard Leledié. Il lui avait fait miroiter un petit rôle
00:14:21 dans le prochain film d'un ami réalisateur.
00:14:24 - C'est vrai que deux jours avant, j'avais dîné avec lui
00:14:27 et j'étais passée à son cabinet et j'avais laissé mon numéro
00:14:30 qui était, bon, vraiment en évidence sur son bureau.
00:14:33 J'avais 22 ans, donc j'étais jeune, un peu impressionnée
00:14:41 de venir "36, quai des Orfèvres", et, bon,
00:14:44 je sentais que c'était un peu soupçonné au départ,
00:14:47 donc ils s'y mettaient à deux, à interroger,
00:14:50 bon, et puis je pense qu'après, ils ont, bon,
00:14:53 ils ont vu très rapidement, bon, que moi, j'étais assez
00:14:56 timide, réservée, donc ils ont très bien vu
00:14:59 tout de suite que j'avais rien à voir dans cette histoire.
00:15:02 - Ça n'est donc pas avec Cathy que Gérard Leledié
00:15:05 avait rendez-vous le soir de sa mort.
00:15:08 - Les policiers en sont là quand, dix jours plus tard,
00:15:14 un nouveau meurtre est découvert dans le 17e arrondissement
00:15:17 à quelques mètres du domicile de Maître Gérard Leledié.
00:15:20 - Lundi 17 décembre. Laurence Arad, jeune commerçant
00:15:25 du Sentier, ne vient pas travailler dans sa boutique
00:15:28 de vêtements. Et en début d'après-midi,
00:15:31 sa concierge appelle son frère. Elle est très inquiète.
00:15:34 - Quand j'ai reçu le coup de fil de la concierge
00:15:37 en me disant, il y a de la musique, il y a quelque chose
00:15:40 qui se passe à l'intérieur, je sonne et je n'ose pas rentrer,
00:15:43 je lui dis, bougez pas, j'arrive.
00:15:46 Quand je suis rentré dedans, bon, c'était un peu le foutoir
00:15:52 et il était enfermé à clé dans une chambre.
00:15:57 - Thierry défonce la porte et découvre
00:16:00 le cadavre de son frère.
00:16:03 - On sent qu'il n'est pas mort de mort naturelle.
00:16:06 Donc il est dans un mauvais état, il est baïonné,
00:16:09 il est en sang.
00:16:12 - Il appelle immédiatement la police.
00:16:17 - Le corps est donc sur le dos.
00:16:23 Il est vêtu d'un pantalon,
00:16:26 d'un polo blanc.
00:16:29 La tête est recouverte d'un peignoir de bain.
00:16:32 En enlevant le peignoir, on constate que le cou
00:16:35 est manifestement fortement serré d'une écharpe en laine
00:16:38 et que des traces, des perforations sont visibles
00:16:41 sur le polo au niveau du poumon gauche.
00:16:44 - Thierry prévient sa sœur, Chantal.
00:16:50 Elle est avocate et à l'époque, elle partage son cabinet
00:16:53 avec le star du barreau, Maître Spiner.
00:16:56 - J'étais dans mon bureau et j'ai entendu un cri terrible
00:16:59 qui m'a glacé.
00:17:05 Je me suis précipité et Chantal, la sœur de Laurent Zarade,
00:17:08 était effondrée. Elle me dit "on vient de tuer mon petit frère".
00:17:11 - En arrivant sur place, Chantal remarque tout de suite
00:17:19 que le cadavre de son frère a été dépouillé.
00:17:23 Il portait toujours sur lui une chaîne en or,
00:17:26 une bague "3 anneaux quartier" et une montre de marque.
00:17:29 Tout a disparu. L'appartement a été fouillé
00:17:32 mais la piste du cambriolage qui tourne mal ne tient pas.
00:17:35 - Il n'y avait pas de traces d'effraction, il était très méfiant,
00:17:39 il n'aurait pas ouvert. Un cambriolage qui se passe mal,
00:17:42 il y a des traces d'effraction, il y a une serrure qui est forcée,
00:17:45 il y a une porte de cassé, il y a un semblant de bagarre.
00:17:48 Non, non, j'ai jamais pensé.
00:17:51 - On a émis tout de suite l'hypothèse que la victime
00:17:54 devait connaître son agresseur ou ses agresseurs.
00:17:59 Manifestement, la victime n'avait pas été surprise.
00:18:05 - Christian Flech, lorsque vous apprenez l'assassinat de Laurent Zahrad,
00:18:10 vous faites tout de suite le lien avec l'assassinat de Maître Lelaydier ?
00:18:14 - On remarque qu'il y a des similitudes. Ce sont deux hommes seuls,
00:18:17 dont on comprend assez vite qu'ils sortent beaucoup le soir,
00:18:21 dont on comprend aussi assez vite qu'ils aiment bien sortir avec des jeunes femmes.
00:18:26 Les deux ont les pieds et les mains liés et les deux ont pris des coups d'armes blanches.
00:18:31 - Donc existe l'hypothèse d'un même auteur, d'un tueur en série ?
00:18:36 - L'hypothèse est plausible, on l'envisage,
00:18:39 mais nous privilégions toujours les constatations et les auditions dans un tout premier temps.
00:18:45 Les policiers veulent en savoir plus sur la victime. Ils interrogent ses proches.
00:18:51 - C'était un jeune homme de 29 ans qui était en pleine ascension dans le prêt-à-porter,
00:18:58 où il bossait pas mal. C'était quelqu'un qui sortait pas mal,
00:19:03 qui allait dans les boîtes de nuit, qui était célibataire,
00:19:07 qui fréquentait peut-être un milieu de la nuit un peu superficiel.
00:19:14 Le dimanche soir, quelques heures avant sa mort,
00:19:17 Laurent Zahrad est passé dans un restaurant chinois du 17e arrondissement.
00:19:21 Il a rejoint son frère et plusieurs amis, mais il n'a pas dîné avec eux.
00:19:25 Il avait prévu autre chose.
00:19:29 - Il était venu nous rejoindre au restaurant et il nous avait dit qu'il pouvait pas aller au cinéma avec nous
00:19:36 parce qu'il avait rendez-vous avec cette fille, et qu'il était sorti en boîte le samedi.
00:19:43 Je sais qu'il avait été acheté à manger pour faire un dîner chez lui,
00:19:47 et puis certainement pour conclure une soirée qu'il avait pas conclue la veille.
00:19:51 Dans son appartement, sur la table basse du salon,
00:19:56 les policiers trouvent les vestiges d'un repas.
00:19:58 Saumon fumé, taboulé, petit toast grillé.
00:20:02 Curieusement, une seule des deux assiettes est vide.
00:20:11 Comme pour mettre le laitier, la mort de Laurent Zahrad serait donc liée à la présence, chez lui,
00:20:16 d'une mystérieuse jeune femme avec laquelle il avait rendez-vous.
00:20:20 La nuit, Laurent Zahrad avait ses habitudes dans le quartier des Champs-Elysées.
00:20:28 - Thierry Zahrad nous apprend que Laurent est quelqu'un qui sort beaucoup la nuit,
00:20:33 et qui collectionne les conquêtes féminines.
00:20:39 Il dispose de moyens financiers importants, fréquente les boîtes à la mode du moment,
00:20:44 et il lui arrive de passer plusieurs nuits à l'extérieur.
00:20:48 On nous confirmera qu'il était rarement le matin au travail,
00:20:52 et il se rendait à la boutique plutôt qu'à partir de 14h.
00:20:56 Son terrain de chasse favori, c'était l'Apocalypse, la boîte de nuit branchée de l'époque.
00:21:03 Le samedi soir qui preçait de sa mort, il y a d'ailleurs été vu en compagnie d'une jeune femme.
00:21:09 Ceux qui l'ont croisée ce soir-là, essayent de se souvenir du visage de cette fille,
00:21:16 et les policiers tentent d'établir son portrait robot.
00:21:21 Brune, avec une jolie mou et de beaux yeux noirs en amande.
00:21:32 Parallèlement, la famille Zara demaine aussi son enquête.
00:21:36 Dans le sentier, ils interrogent les commerçants, ceux qui connaissaient Laurent.
00:21:41 Sa sœur Chantal est en première ligne.
00:21:45 Elle ne comprend pas, Laurent a une vie sans histoire,
00:21:50 il n'y a pas de raison, les circonstances de sa mort,
00:21:55 sont quand même surprenantes, donc elle veut savoir ce qui s'est passé.
00:21:59 Dans ce quartier, sorte de petit village où tout le monde se connaît,
00:22:04 Chantal et Thierry Zara apprennent très vite le nom de la jeune femme qui sortait avec leur frère.
00:22:10 On a vu mon frère un samedi soir dans une boîte dont je ne me rappelle plus le nom,
00:22:15 avec telle personne qui tenait à se faire chasser,
00:22:20 dans une boîte dont je ne me rappelle plus le nom, avec telle personne qui travaille à tel endroit
00:22:26 et qui s'appelle Valérie Subra, mais que cette personne est au-dessus de tout soupçon,
00:22:33 qu'elle est très clean, qu'il n'y a aucun souci à se faire sur, on va dire, sa pseudo-moralité.
00:22:40 Donc on est un peu perplexe.
00:22:45 Chantal Zara transmet tout de même l'information à la brigade criminelle.
00:22:50 Valérie Subra, voilà la fille qu'il faut rechercher.
00:22:54 Elle est vendeuse dans une boutique du Sentier, rue du Caire.
00:22:59 Christian Flèche, lorsque la sœur de Laurent Zara livre ce nom, Valérie Subra,
00:23:13 ça vous dit quelque chose, Valérie Subra ?
00:23:15 – Non, pas du tout.
00:23:16 On regarde dans nos fichiers, ça ne nous dit rien, a priori.
00:23:19 – Alors comment est-ce que vous procédez par rapport à cette accusation lourde
00:23:22 qui est portée par la sœur de Laurent Zara ?
00:23:24 – On a un nom, on regarde et on s'aperçoit que dans les coordonnées téléphoniques
00:23:27 à la fois de l'avocat Gérard Lelletier et à la fois de Laurent Zara,
00:23:32 on retrouve les coordonnées téléphoniques qui nous amènent à Valérie.
00:23:36 Il y a les coordonnées du magasin JIP où elle travaille
00:23:39 et il y a également ces mêmes coordonnées dans le carnet d'adresse de Gérard Lelletier.
00:23:44 Donc c'est vraiment une piste intéressante,
00:23:45 il faut absolument qu'on récupère cette jeune femme et c'est ce qu'on fait immédiatement,
00:23:49 on envoie un équipage récupérer cette jeune femme.
00:23:53 – Avec le sentiment qu'on a une vraie piste, quoi ?
00:23:56 – Avec le sentiment qu'on a une vraie piste, qu'on a un lien entre les deux affaires,
00:24:00 mais aussi comme ces deux hommes qui ont des modes de vie assez proches,
00:24:04 on peut aussi se dire que d'autres personnes peuvent se retrouver dans les deux carnets d'adresse.
00:24:09 Le 20 décembre à 11 heures du matin,
00:24:12 deux inspecteurs se rendent aux 49 rue du Caire où se trouve la boutique JIP.
00:24:17 Prétextant un contrôle de routine, ils interpellent la vendeuse Valérie Subrat.
00:24:24 – Elle les avait accueillies avec le sourire,
00:24:28 elle était totalement décontractée, détachée.
00:24:32 Pour elle, elle les avait suivies comme si c'était agi d'une perte de papier,
00:24:38 sans aucune difficulté et même essayant de communiquer, de bavarder avec eux.
00:24:47 – Souriante, décontractée, coquette,
00:24:51 à son coup Valérie Subrat porte une chaîne en or et à sa main trois anneaux quartiers.
00:24:58 Les policiers reconnaissent tout de suite les bijoux volés à l'Oranz Arad.
00:25:02 À 18 ans, Valérie Subrat vit toujours chez sa mère.
00:25:07 Les policiers l'emmènent immédiatement chez elle pour fouiller l'appartement.
00:25:11 Et dans sa chambre, au beau milieu de ses vêtements et de ses peluches,
00:25:15 ils trouvent une carte de visite, celle de Maître Lelédier, l'avocat assassiné 13 jours plus tôt.
00:25:21 Dans son répertoire, le numéro de Paul Téclé,
00:25:24 le chargé de relations publiques des jardins de la Boétie.
00:25:28 Valérie Subrat a décidément bien des choses à leur expliquer.
00:25:32 Il la conduit zilico aux 36 quais des Orfèvres.
00:25:36 – Christian Flech, vous interrogez Valérie Subrat aux 36 quais des Orfèvres,
00:25:47 de quoi a-t-elle l'air ?
00:25:49 – Elle a l'air d'une jeune femme de 19 ans qui joue un peu les ingénues
00:25:53 et qui nous explique qu'elle ne comprend pas du tout pourquoi elle est là.
00:25:56 – Et quand vous lui dites pourquoi elle est là, comment est-ce qu'elle réagit ?
00:25:59 Vous lui dites quoi d'ailleurs ?
00:26:00 – On lui explique dans quel cadre on agit,
00:26:02 donc en l'occurrence c'était pour le dernier meurtre de Laurence Arrad,
00:26:05 elle n'a pas voulu nous dire quoi que ce soit.
00:26:07 – Et puis vous sortez vos billes, parce que vous avez des billes quand même, petit à petit.
00:26:10 – On a des billes, bien sûr, on a des billes.
00:26:12 On a le fait qu'elle a été vue par quelqu'un avec Laurence Arrad la veille de sa mort,
00:26:16 on a le fait que ses coordonnées figurent dans les deux carnets d'adresses,
00:26:20 on a aussi sur elle les bijoux, un bijou qui est identifié par la chanteuse Arrad.
00:26:24 – Elle a la bague ?
00:26:25 – Oui, ça fait quand même beaucoup d'éléments qui font qu'elle est très très intéressante.
00:26:29 – Mais elle ne passe pas à tape tout de suite ?
00:26:30 – Pas tout de suite.
00:26:31 – Il y a plusieurs inspecteurs qui l'interrogent, c'est ça ?
00:26:32 – Voilà, et à un moment donné, elle a parlé.
00:26:35 – Et quand elle craque, ça se passe comment ?
00:26:37 – On s'est retrouvés dans un bureau, on était en tête à tête,
00:26:40 et c'était un peu, enfin c'est quelque chose qu'on ne peut pas oublier,
00:26:44 cette jeune femme qui était en train de nous raconter
00:26:46 comment elle avait choisi les noms des personnes qui, ensuite, allaient être tuées par ses amis.
00:26:52 Évidemment, on savait qu'elle ne pouvait pas être toute seule pour faire ce genre de choses,
00:26:56 on a affaire à deux hommes qui sont donc assez vigoureux,
00:27:00 on n'imagine pas que toute seule elle ait pu les tuer.
00:27:02 Donc on savait qu'il y avait des complices.
00:27:04 – Donc elle déballe tout ?
00:27:05 – Donc elle nous dit toute la vérité.
00:27:07 – En donnant les noms ?
00:27:08 – En donnant les noms de son petit ami et de l'âme damnée de son petit ami.
00:27:13 – Elle vous balance donc Laurent Attabe et Jean-Rémi Sarraud,
00:27:17 ces deux noms au fichier, ils sont connus ?
00:27:19 – Non, il y en a un qui a 19 ans, l'autre qui est un peu plus âgé,
00:27:23 ils ont des profils différents, mais on ne les connaissait pas.
00:27:27 – Il vous semble qu'elle prend conscience de la gravité de ce qu'elle vient d'avouer ?
00:27:31 – Ce qui me frappe, c'est qu'il y a un décalage entre sa jeunesse,
00:27:34 sa fraîcheur et puis l'horreur des deux scènes de crime.
00:27:37 Et puis cette espèce d'insouciance qui faisait qu'au moment où elle nous avait tout dit,
00:27:41 elle avait le sentiment que bon, maintenant il fallait la laisser tranquille.
00:27:45 Moi je savais, même si j'étais jeune policier,
00:27:48 je savais qu'elle allait passer devant la cour d'assises.
00:27:51 Et elle, elle n'avait pas du tout ce sentiment-là.
00:27:53 – Qu'est-ce qu'elle vous dit ?
00:27:54 – Elle était dans l'idée, beaucoup de gens nous l'ont dit après,
00:27:57 que voilà, on était le 20 décembre je crois,
00:28:00 et que pour Noël, il fallait qu'elle soit sortie.
00:28:03 [Musique]
00:28:09 – Maître Pelletier, vous débarquez au 36 quai des Orfères,
00:28:12 la garde à vue vient de se terminer,
00:28:14 – Oui.
00:28:15 – Elle a avoué au cours de cette garde à vue,
00:28:18 qu'est-ce qu'elle vous dit spontanément ?
00:28:20 – J'ai vu arriver, alors, je ne sais pas moi, comment dire ça,
00:28:23 une espèce de gros bébé, mignonne certainement mais…
00:28:28 – Enfantile ?
00:28:29 – Fourru, une espèce de mou un peu boudeuse.
00:28:33 Enfin j'étais assez sidéré parce que ce qu'on me venait de me dire de l'affaire,
00:28:37 du rôle qu'elle avait dû jouer, et je vois cet enfant finalement.
00:28:42 – Vous avez de l'empathie pour elle ? L'envie de…
00:28:45 – Oui, oui, à l'âge d'une de mes filles, on ne peut que projeter.
00:28:49 – Le premier contact ?
00:28:51 – Le premier contact, elle ne sait pas qui je suis,
00:28:53 il faut que je lui dise que c'est sa mère qui me demande de m'occuper d'elle,
00:28:58 et elle me dit "mais ça va durer combien de temps ?"
00:29:01 Je dis, vous savez, j'ai pas l'habitude de raconter des histoires,
00:29:03 ça va durer longtemps.
00:29:05 [Musique]
00:29:07 – Il est 18h, Valérie va passer sa première nuit en cellule.
00:29:13 Les policiers, eux, traquent ses complices dans tout Paris.
00:29:18 Comme elle, ils sont jeunes.
00:29:20 Laurent Attab a 19 ans, c'est le petit copain de Valérie,
00:29:23 il est commerçant dans le sentier.
00:29:25 Jean-Rémi Sarraud, le troisième larron de la bande, a 21 ans, c'est un paumé.
00:29:30 – On ne sait pas exactement où ils sont,
00:29:33 mais on a quand même un certain nombre de points de chute qu'elle nous a donnés,
00:29:36 l'atelier dans lequel travaille Laurent Attab, la maison de ses parents,
00:29:41 et puis les endroits qu'ils peuvent fréquenter,
00:29:43 et effectivement, on lance un certain nombre de surveillances
00:29:47 à différents points de Paris.
00:29:49 – Vers 19h, la mère de Valérie Subra,
00:29:52 qui avait été entendue par la police dans l'après-midi,
00:29:55 rappelle la brigade criminelle.
00:29:57 Elle sait ce qu'on reproche à sa fille,
00:29:59 elle a promis aux policiers de les tenir au courant
00:30:01 si elle avait la moindre nouvelle de Jean-Rémi Sarraud ou de Laurent Attab.
00:30:06 – La mère de Valérie Subra a appelé les services de police
00:30:11 pour indiquer que Jean-Rémi s'était présenté,
00:30:13 qu'il l'avait demandé après Valérie,
00:30:15 et qu'il lui avait expliqué qu'il attendait Valérie au volant de sa voiture en bas.
00:30:19 – À la crime, c'est le branle-bas de combat.
00:30:22 Le commissaire Flech envoie quatre de ses hommes chez Valérie Subra.
00:30:26 Ils repèrent facilement la voiture de Jean-Rémi Sarraud et se jettent sur lui.
00:30:30 [Explosion]
00:30:32 [Musique]
00:30:38 – Jean-Rémi Sarraud, le 20 décembre 1984, vous êtes donc arrêté par la police.
00:30:44 Comment ça se passe, cette arrestation ?
00:30:48 – Je dois aller récupérer Valérie en voiture,
00:30:54 donc j'arrive en bas de chez elle,
00:30:56 et à peine je sors de la voiture, je fais quelques pas et la police m'interpelle.
00:31:03 – Vous comprenez tout de suite pourquoi ?
00:31:06 – Oui, bien sûr.
00:31:08 – Est-ce que, au moment de votre arrestation, il y a du soulagement ?
00:31:13 – Pour moi, oui. – Pourquoi ?
00:31:15 – C'est la fin de quelque chose, parce qu'on est dans une spirale infernale,
00:31:23 on n'a pas eu avant, ni les uns ni les autres, d'avoir le courage de dire "stop",
00:31:29 donc on a été jusque-là,
00:31:31 et donc je suis persuadé qu'il n'y a que la police qui puisse arrêter ça.
00:31:36 – Qui est le Jean-Rémi Sarraud qui est arrêté par les policiers et qui a pu faire ça ?
00:31:43 – C'est quelqu'un qui n'est pas structuré, c'est quelqu'un qui n'a pas de vie de famille,
00:31:50 c'est quelqu'un qui n'a que lui à gérer, et que ça passe ou ça casse,
00:31:54 c'est quelqu'un qui s'en fout, en fait.
00:31:56 C'est quelqu'un qui n'a pas de compte à rendre,
00:31:59 c'est quelqu'un qui est hors société, hors cadre, hors…
00:32:04 – Quelqu'un qui ne tient pas la vie non plus.
00:32:07 – C'est le chien qui voit là, oui, c'est pas…
00:32:09 ça passe ou ça casse. – Il est sur terre, quoi.
00:32:14 – Juste ça, oui, mais encore pas toujours, sinon il n'aurait pas fait ça,
00:32:19 il est juste sur terre, c'est ça.
00:32:21 – Qu'est-ce que vous dites aux policiers ?
00:32:24 – Je leur dis… je réponds à leurs questions, je leur dis ce qui s'est passé.
00:32:30 Je ne… je ne nie pas.
00:32:35 – Ils vous demandent où est Laurent Antham ?
00:32:37 – Oui, on avait rendez-vous dans un restaurant.
00:32:41 – Quelques heures après, quoi.
00:32:43 – Quelques heures après, je devais aller chercher Valéry,
00:32:45 donc il l'a ramené au restaurant.
00:32:47 – Si on réfléchit bien, Valéry vous a balancé, vous, vous avez balancé Laurent.
00:32:52 En fait, vous n'aviez strictement aucun plan,
00:32:55 vous n'aviez pas préparé l'hypothèse d'une arrestation.
00:32:58 Jamais vous ne vous étiez dit, si l'un d'entre nous est arrêté,
00:33:03 il ne balance pas les autres.
00:33:05 D'après vous, ça veut dire quoi, ça ?
00:33:07 C'est… un trio criminel devrait préparer ça, non ?
00:33:13 – Ça prouve qu'on n'en était pas un, parce qu'on n'était pas des professionnels loin de là,
00:33:18 et puis même les professionnels se font arrêter,
00:33:20 donc les amateurs encore plus, semble-t-il.
00:33:23 Jean-Rémi Sarrault prend la direction du quai des Orfèvres, en panier à salade.
00:33:30 Tandis que les policiers foncent à Saint-Mandé, il est 19h50,
00:33:34 ils se mettent en planque devant le restaurant où Laurent a table, à rendez-vous.
00:33:40 À 20h10, Laurent m'arrive, décontracté.
00:33:43 Les policiers lui sautent dessus, l'arrestation est musclée,
00:33:46 Laurent à table lutte, se défend, les insulte.
00:33:49 L'homme est un dur à cuire, il sent qu'il ne sera pas facile à cuisiner.
00:33:54 Alors il décide d'interroger d'abord Jean-Rémi Sarrault.
00:33:59 Et c'est un bon calcul.
00:34:01 En six heures, il explique comment le trio en est arrivé là.
00:34:05 Ses aveux sont précis et crédibles.
00:34:09 Jean-Rémi m'est apparu comme quelqu'un de très calme, très pondéré,
00:34:12 en tout cas, on ne sentait pas de violence en lui.
00:34:15 Il assume parfaitement, il assume, il n'y nie rien du tout.
00:34:20 Il n'a pas cherché à cacher quoi que ce soit,
00:34:22 il raconte les choses celles qu'elles se sont passées avant et après.
00:34:25 Le scénario, vendredi soir, le 7 décembre,
00:34:30 Valérie Subra prit rendez-vous avec Maître Lelaydier.
00:34:33 Elles devaient passer chez lui vers 21h,
00:34:35 après, ils iraient peut-être dîner au jardin de la Beauhessie.
00:34:39 Maître Lelaydier était aux anges, raconte Sarrault.
00:34:42 Ça faisait déjà plusieurs jours qu'il rêvait d'une soirée avec celle
00:34:45 qu'il surnommait "mon poussin".
00:34:48 C'était un bon vivant, donc c'est sûr qu'il a pu tomber facilement
00:34:54 sous le charme de Valérie Subra.
00:34:56 Sarrault raconte qu'ils sont arrivés chez l'avocat vers 21h.
00:35:02 Valérie avait le code.
00:35:04 Avec Laurent, ils se sont planqués dans la cour.
00:35:07 Pendant que Valérie, elle, entrait chez l'avocat.
00:35:13 Il était convenu qu'elle lui demande un jus d'orange
00:35:17 et qu'elle profite de ce moment-là pour les rejoindre sous le Porsche.
00:35:22 "C'est là", explique Sarrault, "qu'elle aura lancé.
00:35:27 Il est seul, c'est OK",
00:35:29 et qu'elle a laissé la porte de l'appartement entreouverte derrière elle.
00:35:34 Jean-Rémi Sarrault et Laurent Attab ont fait irruption dans l'appartement.
00:35:38 Ils étaient armés et masqués.
00:35:41 Ils ont braqué Valérie et Gérard Lelletier.
00:35:49 Laurent Attab, lorsqu'il était rentré dans les lieux,
00:35:53 avait précisé qu'il était là devant Maître Lelletier
00:35:55 parce qu'il avait foutu son frère en prison
00:35:58 et qu'il était là pour le venger.
00:36:00 C'était un argument qu'il avait utilisé.
00:36:03 Valérie Subra, elle, tient impeccablement son rôle.
00:36:07 Il y a toute une mise en scène puisque Valérie Subra, je crois,
00:36:11 lorsqu'elle est ligotée, parce qu'elle est elle-même ligotée
00:36:14 avec la compétence de ses complices, si vous voulez,
00:36:17 elle s'adresse à Maître Lelletier,
00:36:19 "Mais tu as quelque chose à te reprocher".
00:36:21 Elle lui demande s'il a fait une bêtise dans son travail.
00:36:23 "Tu connais ces gens-là". Elle joue vraiment la surprise.
00:36:26 Et Jean-Rémi poursuit.
00:36:29 Avec Laurent, il retourne l'appartement
00:36:31 à la recherche d'argent liquide.
00:36:33 En vain.
00:36:35 L'avocat n'a que 5 000 francs sur lui.
00:36:37 Ils essayent de le faire parler, de lui faire dire
00:36:39 où se trouve son coffre.
00:36:41 Il n'en a pas.
00:36:43 Je suis persuadée qu'il a essayé de les raisonner.
00:36:45 Qu'il leur a dit "Arrêtez, faites pas les cons,
00:36:48 vous risquez ci, vous risquez ça".
00:36:50 J'en suis persuadée.
00:36:52 Ouais.
00:36:55 Attendez, l'avocat, il sait ce qu'il risque.
00:36:58 Il a dû l'essayer de les...
00:37:00 J'en suis sûre.
00:37:02 Et effectivement, Gérard Lelaydier
00:37:05 tente tout pour s'en sortir.
00:37:07 Je me souviens que Jean-Rémi Sarrot
00:37:10 m'est déclaré que le fait que
00:37:12 maître Lelaydier leur a proposé un chèque
00:37:14 pour les dédommager
00:37:16 les avait mis dans une rage folle,
00:37:18 avait décuplé leur méchanceté.
00:37:20 Jean-Rémi Sarrot raconte qu'ils emmènent
00:37:24 Valéry Subrat dans la pièce d'à côté
00:37:26 pour faire croire à Lelaydier
00:37:28 qu'ils l'avaient tué.
00:37:30 Et puis ils commencent à le frapper
00:37:32 comme des fous.
00:37:34 Jean-Rémi Sarrot lui frappe la tête
00:37:39 à coup de matraque.
00:37:41 Jean-Rémi Sarrot, qui a fait tomber
00:37:44 donc son postiche,
00:37:46 était terrorisé en disant qu'il avait été obligé
00:37:48 de sortir de la pièce parce qu'il pensait
00:37:50 qu'ils l'avaient scalpé.
00:37:52 À ce moment-là,
00:37:54 le voyant dans cette position
00:37:56 qui est une position évidemment misérable,
00:37:58 les deux auteurs échangent un regard
00:38:00 et de ce regard,
00:38:02 il résulte qu'ils ne peuvent pas le laisser vivant derrière eux.
00:38:04 Jean-Rémi Sarrot explique que Laurent Attable
00:38:08 lui a alors tendu un couteau,
00:38:10 il est retourné dans le bureau
00:38:12 et qu'il a poignardé Lelaydier
00:38:16 à la gorge et au cœur
00:38:18 et que celui-ci s'est effondré.
00:38:22 Il était minuit.
00:38:24 Le trio a quitté l'appartement.
00:38:26 Ensemble, ils sont allés en boîte de nuit,
00:38:28 directement,
00:38:30 sans même prendre le temps de se changer.
00:38:32 Dans la pénombre,
00:38:34 personne ne remarquera le sang
00:38:36 qui tâche encore le pantalon de Jean-Rémi
00:38:38 et les baskets de Laurent.
00:38:40 Lorsque Lelaydier est tué,
00:38:42 de mémoire,
00:38:44 le bulletin s'élève à 1500 francs
00:38:46 et ces 1500 francs
00:38:48 vont être quasiment dépensés dans la nuit
00:38:50 puisque les trois
00:38:52 vont filer dans une boîte de nuit
00:38:54 qui est près du Bois de Boulogne
00:38:56 et la mort de Lelaydier,
00:38:58 c'est deux bouteilles de champagne
00:39:00 dans une boîte de nuit ringarde
00:39:02 qui sont bues à 3h du matin.
00:39:04 Jean-Rémi Sarrot, c'est donc vous
00:39:14 qui avez tué maître Lelaydier.
00:39:16 C'était prévu
00:39:18 ou ça s'est décidé sur place ?
00:39:20 Ça s'est décidé sur place.
00:39:22 On ne prévoyait pas grand chose.
00:39:24 C'était pas...
00:39:26 C'était pas...
00:39:30 C'était vraiment...
00:39:32 Improvisé.
00:39:34 Alors ça se décide comment ?
00:39:36 Ça se décide
00:39:38 entre Laurent et moi,
00:39:40 on en discute et...
00:39:42 c'est moi qui le fais.
00:39:44 Pourquoi le tuer ?
00:39:46 Puisque vous l'avez volé,
00:39:48 du peu qu'il l'avait,
00:39:50 fallait-il le tuer ?
00:39:52 Pourquoi s'impose cette solution ?
00:39:54 Parce que...
00:39:56 Valérie, lui ayant donné
00:39:58 son vrai numéro de téléphone
00:40:00 où je m'en rappelle plus,
00:40:02 elle lui avait donné
00:40:04 vraiment trop de détails
00:40:06 et...
00:40:08 c'est la solution du moment
00:40:10 qui nous est
00:40:12 venue à l'esprit.
00:40:14 C'est ça.
00:40:16 Vous réalisez que vous partez
00:40:18 pour très longtemps en prison ?
00:40:20 Probablement.
00:40:22 Sûrement.
00:40:24 Je sais que ça va être perpétuité.
00:40:26 Dès les aveux ?
00:40:28 Ah oui.
00:40:30 Forcément. Il y a mort d'homme, donc...
00:40:32 Il est minuit.
00:40:38 Les policiers en ont fini
00:40:40 avec Jean-Rémy Sarrot
00:40:42 ils vont maintenant cuisiner
00:40:44 Laurent Attab.
00:40:46 Laurent Attab, lui,
00:40:50 c'est autre chose.
00:40:52 Il semblerait qu'il ait plus de mémoire
00:40:54 parce qu'il nous déclare
00:40:56 qu'il était à une adresse dont il ne se souvient plus de nom,
00:40:58 qu'il a garé sa voiture
00:41:00 à un endroit dont il ne se souvient plus non plus.
00:41:02 Il donne vraiment
00:41:04 très peu de détails. Il a vraiment une mémoire
00:41:06 à éclipse sur cette affaire-là.
00:41:08 La partie est serrée.
00:41:10 Les policiers commencent en douceur.
00:41:12 Ils interrogent d'abord Laurent
00:41:14 sur sa montre,
00:41:16 une montre qui ressemble beaucoup
00:41:18 à celle qui a été volée à l'Oranzarade.
00:41:20 Sa première audition,
00:41:24 qu'en termes policiers on pourrait appeler un PV de chic,
00:41:26 il avait réponse à tout.
00:41:28 On ne sait pas s'il avait préparé
00:41:30 à l'avance
00:41:32 la manière de justifier la montre qu'il avait
00:41:34 au poignet ou son emploi du temps
00:41:36 ou autre, mais de toute manière,
00:41:38 oui, il était assez arrogant.
00:41:40 Les policiers
00:41:42 l'envoient finir sa nuit sur un banc
00:41:44 dans une cellule de garde à vue.
00:41:46 Le lendemain, une journée
00:41:54 marathon latent. Perquisition
00:41:56 aux quatre coins de Paris.
00:41:58 Dans le sentier où son père dirige
00:42:00 plusieurs boutiques et un atelier
00:42:02 et à Saint-Mendez où Laurent
00:42:04 vit avec ses parents.
00:42:06 J'ai passé, je dirais,
00:42:08 presque la journée avec lui
00:42:10 de perquisition en perquisition
00:42:12 et là, dans sa chambre,
00:42:14 je me souviens qu'elle était une chambre
00:42:16 avec des lits jumeaux, dans un placard,
00:42:18 un de mes collègues a trouvé
00:42:20 une paire de baskets qui étaient pleines de sang.
00:42:22 Et donc là, on lui a mis ça
00:42:24 sous le nez et ça
00:42:26 n'a pas réagi particulièrement.
00:42:28 On sentait que dans son esprit,
00:42:30 il était en train d'analyser la situation
00:42:32 pour savoir comment il allait pouvoir
00:42:34 s'en sortir.
00:42:36 Dans sa voiture, déjà, on découvre
00:42:40 dans le vide-poche, un
00:42:42 pistolet 7.65 et
00:42:44 un poignard qui est saisi et dont
00:42:46 Laurent Attab revendique la propriété,
00:42:48 même s'il ne s'explique pas comment
00:42:50 il a pu se trouver à cet endroit.
00:42:52 Les policiers ont toutes les preuves
00:42:54 en main. Les armes,
00:42:56 la montre, les aveux de Valéry
00:42:58 et ceux de Jean Rémy.
00:43:02 Le lendemain,
00:43:04 Laurent Attab craque à son tour.
00:43:06 Je pense qu'il s'est rendu compte à ce moment-là
00:43:10 qu'on démontrait aisément
00:43:12 tous les mensonges qu'il avait pu faire
00:43:14 au cours de sa première audition et dans la nuit,
00:43:16 il a effectivement
00:43:18 relaté comment les choses s'étaient passées.
00:43:20 Après le meurtre de Maître Leliedier,
00:43:28 Laurent Attab raconte
00:43:30 donc celui de Laurent Zahrad
00:43:32 en détail. Un meurtre
00:43:34 qui commence là aussi par un rendez-vous
00:43:36 avec Valéry le 16 décembre
00:43:38 à 22h.
00:43:40 Attab raconte qu'avec Jean Rémy,
00:43:44 il devait entrer
00:43:46 dans l'appartement à 23h30.
00:43:48 Comme d'habitude, Valéry avait
00:43:54 demandé un verre de jus d'orange.
00:43:58 Comme d'habitude,
00:44:00 elle avait ouvert la porte.
00:44:02 Attab précise que cette fois,
00:44:04 il n'avait pas pris la peine
00:44:06 de mettre des cagoules.
00:44:08 Lorsque le duo
00:44:12 rentre dans l'appartement de M. Zahrad,
00:44:14 il n'est pas masqué.
00:44:16 Ils ont des armes de poing, l'un le revolver,
00:44:18 l'autre le pistolet. Après chacun se partage
00:44:20 ses responsabilités,
00:44:22 mais ils savent très bien qu'ils vont le tuer.
00:44:24 Ils trouvent Valéry et Laurent Zahrad
00:44:26 dans la chambre à coucher.
00:44:28 - Laurent Attab était rentré dans les lieux
00:44:30 en se faisant passer pour
00:44:32 l'amant de Valéry Subra.
00:44:34 Et Valéry Subra, d'ailleurs,
00:44:36 lorsqu'il rentre, lui dit
00:44:38 "Mais Laurent, qu'est-ce que tu fais là ? On n'a rien fait de mal !"
00:44:40 Donc il joue la comédie
00:44:42 du copain jaloux.
00:44:44 - Cette mise en scène, on peut l'interpréter
00:44:48 de différentes manières. Ça peut être aussi
00:44:50 une manière d'endormir
00:44:52 la méfiance de la victime, de lui faire croire
00:44:54 jusqu'au bout qu'elle pourra s'en sortir
00:44:56 pour éviter qu'elle se révolte,
00:44:58 qu'elle se rebiffe et qu'elle complique
00:45:00 les choses.
00:45:02 - Car Laurent Zahrad a essayé de sauver
00:45:04 sa peau. Ce soir-là, son téléphone
00:45:06 a sonné quatre fois.
00:45:08 Et chaque fois, il a saisi
00:45:10 l'occasion pour tenter de s'en sortir.
00:45:12 - Laurent Zahrad,
00:45:14 dont le téléphone sonne à plusieurs
00:45:16 reprises et dont la sonnerie est
00:45:18 interrompue parce que la répondeur leur fait croire
00:45:20 qu'à la suite d'un coup
00:45:22 d'ennui, de justice
00:45:24 éprouvée
00:45:26 par certains membres de sa famille,
00:45:28 il est lui-même sous surveillance et que la police
00:45:30 vérifie.
00:45:32 - Mon frère essaye
00:45:34 dans la situation, c'est-à-dire un calibre
00:45:36 sur la tête, les mains
00:45:38 et les pieds attachés,
00:45:40 soumis devant
00:45:42 deux personnes
00:45:44 équipées de...
00:45:46 de revolvers.
00:45:48 Il a joué sa carte
00:45:50 pour essayer de s'en sortir
00:45:52 en cherchant
00:45:54 n'importe quel prétexte
00:45:56 sur... pour pouvoir
00:45:58 essayer de les dissuader, mais sur des gens
00:46:00 qui a...
00:46:02 qui n'ont pas de sentiments.
00:46:04 - Jean-Rémi Sarrot et Laurent Attab
00:46:06 trouvent 3 000 francs dans un livre
00:46:08 et 1 300 dans la veste de Zahrad.
00:46:10 Ils prennent aussi des stylos, des montres,
00:46:12 des briquets de marque, des cadeaux
00:46:14 que Laurent Zahrad destinait à sa famille
00:46:16 pour Noël. A leur grande déception,
00:46:18 lui non plus n'a pas de coffre
00:46:20 et pas de lingot d'or.
00:46:22 Laurent Attab poursuit.
00:46:28 Vers 3 h du matin, avec Jean-Rémi Sarrot,
00:46:30 il décide qu'il est temps
00:46:32 d'éliminer Laurent Zahrad.
00:46:34 Zahrad qui
00:46:36 tente une dernière négociation.
00:46:38 - Les deux sont juifs,
00:46:42 je veux dire, Attab et Zahrad,
00:46:44 que Zahrad
00:46:46 intelligemment a essayé
00:46:48 de nouer un dialogue. Il y est parvenu
00:46:50 d'ailleurs avec ses bourreaux.
00:46:52 Et il a même
00:46:54 appelé Attab à la raison
00:46:56 en lui disant "on est du même creuset,
00:46:58 on a la même religion".
00:47:00 Sous-entendu, tu vas pas...
00:47:02 tu vas pas
00:47:04 tuer un frère.
00:47:06 - Mais Laurent Attab n'est pas sensible
00:47:08 à l'argument. Cette fois,
00:47:10 il le sait, c'est à lui
00:47:12 de tuer.
00:47:14 - Ce qui me sang, c'est à
00:47:16 Laurent Attab, qui est le
00:47:18 maître de l'entreprise, de s'exécuter
00:47:20 pour Laurent Zahrad.
00:47:22 Et finalement, il l'accepte,
00:47:24 mais une condition, il peut pas admettre que
00:47:26 Laurent Zahrad le regarde.
00:47:28 - Attab demande
00:47:30 à Jean-Rémi de cacher le regard
00:47:32 de Laurent Zahrad.
00:47:34 Sarrot lui met un peignoir sur la tête.
00:47:36 Attab hésite.
00:47:38 Il n'arrive pas à tuer
00:47:40 avec son arme.
00:47:42 Soudain, il prend
00:47:44 un coup de papier et il frappe
00:47:46 au hasard dans la gorge.
00:47:48 Laurent Zahrad hurle.
00:47:50 Attab et
00:47:52 Sarrot tentent de l'étrangler
00:47:54 avec une écharpe, mais elle craque.
00:47:56 Ils ne savent plus quoi faire,
00:47:58 mais ils ne
00:48:00 peuvent plus reculer.
00:48:02 - Sous les coups qu'il avait reçus,
00:48:08 M. Zahrad serait tombé
00:48:10 sur le sol et
00:48:12 Laurent Attab l'aurait
00:48:14 à trois reprises planté
00:48:16 au niveau du thorax avec
00:48:18 le coup de papier en question.
00:48:20 - Laurent Zahrad s'effondre
00:48:22 sur la moquette.
00:48:24 C'est fini.
00:48:26 Valérie Subrat, elle, est restée
00:48:28 dans la pièce d'à côté, sur le canapé.
00:48:30 Elle regarde
00:48:32 des clips vidéo.
00:48:34 - Ça fait carrément froid dans le dos parce que
00:48:38 quand
00:48:40 les deux garçons
00:48:42 sont aux prises avec
00:48:44 Laurent Zahrad, elle finit
00:48:46 benoîtement sur le lit
00:48:48 de la pièce voisine. Le plateau
00:48:50 que le malheureux
00:48:52 Laurent Zahrad avait préparé à son
00:48:54 attention, elle mange des petits toasts.
00:48:56 Et d'ailleurs,
00:48:58 quand les policiers de la moquette criminelle
00:49:00 débarqueront sur les lieux, ils trouvent
00:49:02 deux plateaux. Un qui est consommé,
00:49:04 c'est celui de Valérie. Un qui est intact,
00:49:06 c'est celui de la victime qu'on a
00:49:08 prise en main,
00:49:10 avant même qu'elle ait pu y toucher.
00:49:12 - Laurent Attabe
00:49:20 a tout dit. Mais
00:49:22 trois semaines plus tard,
00:49:24 voilà qu'il revient intégralement
00:49:26 sur ses aveux.
00:49:28 Laurent Attabe accuse les policiers
00:49:32 de l'avoir maltraité
00:49:34 pendant la gare d'Avue. Il prétend
00:49:36 qu'il a parlé sous la pression
00:49:38 et les coups.
00:49:40 Donc, dit son avocat,
00:49:42 ses aveux ne valent rien.
00:49:44 - Je crois qu'Attabe
00:49:50 a été impressionné et a répondu
00:49:52 un peu à toutes les questions
00:49:54 qu'on lui posait, presque...
00:49:56 J'avais employé une expression qui va
00:49:58 vous faire peut-être sauter
00:50:00 sur votre chaise.
00:50:02 Je crois que
00:50:04 Attabe a répondu pour faire
00:50:06 plaisir à ceux qui l'ont interrogé.
00:50:08 Mais je crois qu'il n'a
00:50:10 jamais commis lui-même le meurtre.
00:50:12 - Et maintenant, Laurent Attabe balance.
00:50:16 Le chef, l'organisateur,
00:50:18 celui qui l'a poussé à tuer
00:50:20 sous la menace,
00:50:22 c'est Jean-Rémi Sarraud.
00:50:24 - Jean-Rémi, comment est-ce que vous réagissez
00:50:26 lorsque
00:50:28 vous apprenez que Laurent Attabe
00:50:30 est revenu sur ses aveux
00:50:32 et que maintenant, il vous charge ?
00:50:34 Vous êtes le salon intégral.
00:50:36 - Pour moi, ça ne va pas changer grand-chose,
00:50:38 concrètement,
00:50:40 parce que j'ai toujours gardé...
00:50:42 De toute façon, j'ai dit ce qui s'était passé
00:50:44 et voilà. Et je sais que devant le juge,
00:50:46 pour moi, ça ne va pas tenir.
00:50:48 Il va falloir qu'il change de...
00:50:50 On ne peut pas dire "Je suis arrivé dans la maison,
00:50:52 je me suis assis et je n'ai rien fait."
00:50:54 - Donc ça vous étonne ou ça ne vous étonne pas
00:50:56 de la part du personnage,
00:50:58 de l'histoire de Laurent Attabe,
00:51:00 de l'histoire de son avenir ?
00:51:02 - Non, ça ne m'étonne pas.
00:51:04 - Vous n'êtes pas sûr que ça vous étonne
00:51:06 de l'histoire de Laurent Attabe
00:51:08 et de l'histoire de son avenir ?
00:51:10 - Non, ça ne m'étonne pas.
00:51:12 - Vous n'êtes pas sûr que ça vous étonne
00:51:14 de l'histoire de Laurent Attabe
00:51:16 et de l'histoire de son avenir ?
00:51:18 - Non, ça ne m'étonne pas.
00:51:20 - Vous n'êtes pas sûr que ça vous étonne
00:51:22 de l'histoire de Laurent Attabe
00:51:24 et de l'histoire de son avenir ?
00:51:26 - Pas vraiment.
00:51:28 Que trois semaines plus tard,
00:51:30 ils reviennent là-dessus,
00:51:32 ça faisait un peu partie de ce personnage
00:51:34 qui refusait, en plus, d'après ce que j'ai compris,
00:51:36 dire que c'était Jean-Rémi Sarrault
00:51:38 qui l'incitait à commettre tout ça,
00:51:40 c'était quand même complètement irréaliste.
00:51:42 Il suffit de voir peu de temps
00:51:44 pour bien comprendre que le vrai étable-meneur
00:51:46 c'était Attabe.
00:51:48 - Sa rétractation change quoi pour votre dossier ?
00:51:50 À partir du moment où il s'est rétracté,
00:51:52 vous pouvez continuer à le poursuivre
00:51:54 pour assassiner un ?
00:51:56 - Ça c'est le rôle du juge d'instruction.
00:51:58 Pour le juge d'instruction, il y a d'abord
00:52:00 les aveux des deux autres qui sont corroborants,
00:52:02 il y a ses propres aveux,
00:52:04 les premiers, les initiaux,
00:52:06 qui sont tout à fait conformes aux constatations
00:52:08 et médico-légales et aux constatations sur place.
00:52:10 - Mais ce qu'il a dit se retrouve
00:52:12 dans les expertises du médecin légiste.
00:52:14 - Bien sûr.
00:52:16 Pour nous, c'était assez clair.
00:52:18 Le fait qu'il revienne sur ses déclarations
00:52:20 nous montre tout simplement
00:52:22 que c'est pas du tout intéressant.
00:52:24 - Le juge doit désormais déterminer
00:52:30 le rôle et la part de responsabilité
00:52:32 de chacun.
00:52:34 Pas facile. Valérie Subrat dit
00:52:36 n'avoir servi que d'appât
00:52:38 et Laurent Attabe se décharge
00:52:40 sur Jean-Rémi Sarrot.
00:52:42 Les confrontations mènent à l'impasse
00:52:44 et c'est l'apparition d'un témoin
00:52:46 qui fait basculer l'instruction.
00:52:50 Jessica a 19 ans.
00:52:52 Elle est aussi vendeuse dans le sentier.
00:52:54 Elle dit au policier qu'au départ,
00:52:56 elle faisait partie de la bande
00:52:58 et l'a assistée aux réunions préparatoires
00:53:00 dans l'atelier du père de Laurent Attabe.
00:53:02 - Ils me soumettent l'idée en me disant
00:53:10 "Voilà, on aimerait bien que tu sois avec Valérie
00:53:12 et que vous soyez deux appâts."
00:53:18 Et s'ils en avaient parlé ensemble,
00:53:20 c'est Laurent qui me soumet ça.
00:53:22 Donc oui, pour moi, à l'époque,
00:53:26 je pense que c'est lui
00:53:28 qui est à la base de ça.
00:53:30 - Elle révèle par exemple
00:53:34 qu'elle, au départ,
00:53:36 ne connaît que Laurent Attabe
00:53:38 qui n'a pas été son petit ami
00:53:40 mais avec lequel elle est liée
00:53:42 d'amitié ou de sympathie
00:53:44 parce qu'elle a travaillé pour son père
00:53:46 et pour lui.
00:53:48 Et donc, on a la démonstration, dès ce moment-là,
00:53:50 que ce que soutient par exemple
00:53:52 Attabe, qu'il ne serait qu'un exécutant,
00:53:54 un exécutant soumnace,
00:53:56 est complètement faux.
00:53:58 - Grâce à Jessica,
00:54:00 les policiers comprennent que Laurent Attabe
00:54:02 est bien le meneur.
00:54:04 Il vient d'une famille aisée.
00:54:06 Il vit dans un hôtel particulier
00:54:08 à Saint-Mendez.
00:54:10 Son père a eu une affaire de prête à porter
00:54:12 dans le sentier qui marche bien.
00:54:14 Il a placé son fils à la tête d'une fabrique
00:54:16 de sweatshirts. Laurent roule en Alfa Romeo.
00:54:18 Il a sa table
00:54:20 dans toutes les boîtes branchées de la capitale.
00:54:22 - Laurent était un flambeur.
00:54:26 Donc, il aimait avoir sa bouteille
00:54:28 en boîte, aller dans des grands restaurants,
00:54:30 se montrer,
00:54:32 signer que c'est un hors de richesse,
00:54:34 c'est-à-dire les voitures.
00:54:36 Un vestimentairement parlant,
00:54:38 il était toujours
00:54:40 très, très bien habillé,
00:54:42 à la pointe de la mode.
00:54:44 Laurent aimait montrer
00:54:46 qu'il avait de l'argent.
00:54:48 - C'est le roi de Saint-Mendez,
00:54:50 l'endroit où il demeurait.
00:54:52 Il fait table ouverte
00:54:54 à la terrasse des cafés.
00:54:56 Il est très généreux, en plus.
00:54:58 Je veux dire, il invite, il paye ses tournées.
00:55:00 Et puis, il a pris en affection,
00:55:02 il n'y a pas d'autre mot,
00:55:04 à tel point que ça devient fusionnel,
00:55:06 une pauvre cloche.
00:55:08 Le mot n'est pas de moi, je me permettrais pas.
00:55:10 C'est le mot de l'avocat général.
00:55:12 Une pauvre cloche qui s'appelle Jean-Rémi Sarrault.
00:55:14 - Le parcours de Jean-Rémi Sarrault
00:55:16 n'a rien à voir.
00:55:18 C'est un enfant de la DAS,
00:55:20 abandonné par sa mère sur un parking de supermarché.
00:55:22 Quand il rencontre Laurent Attab,
00:55:24 il squatte dans un hangar désaffecté.
00:55:26 Attab décide de le prendre sous son aile
00:55:28 et de lui faire vivre
00:55:30 la belle vie.
00:55:32 - Jean-Rémi, c'était quelqu'un de très effacé,
00:55:34 qui parlait pratiquement jamais,
00:55:36 qui n'avait pas d'avis.
00:55:38 Qui suivait Laurent
00:55:40 à la trace.
00:55:42 On avait l'impression que c'était
00:55:44 un garçon sans âme.
00:55:46 On se posait même la question,
00:55:48 qu'est-ce qu'ils avaient en commun,
00:55:50 comment ils pouvaient être amis.
00:55:52 - Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés
00:56:04 dans ce quartier-là ?
00:56:06 Avec Jean-Rémi, Attab et vous.
00:56:08 - On habitait le même quartier,
00:56:10 lui et moi.
00:56:12 C'était le petit frimeur du quartier.
00:56:14 Et je lui ai volé sa moto.
00:56:16 Après, je lui ai rendu.
00:56:20 On était devenus...
00:56:22 copains.
00:56:24 - Ça veut dire que vous cherchiez un copain, à l'époque ?
00:56:26 - Bien sûr, quand on est seul,
00:56:28 on cherche toujours, évidemment.
00:56:30 - Vous étiez vraiment seul ?
00:56:32 - Vraiment, oui.
00:56:34 - Comment vous vous sentiez dans cette solitude ?
00:56:36 - Lui avait plein d'amis,
00:56:38 avait plein de relations.
00:56:40 Enfin, c'était...
00:56:42 un autre monde.
00:56:44 Un autre monde.
00:56:46 - Salutaire pour vous ?
00:56:48 - Je le pensais.
00:56:50 Oui.
00:56:52 C'est tout le temps la fête,
00:56:54 tout le temps des gens, tout le temps...
00:56:56 Un autre monde.
00:56:58 - Et tout le temps de l'argent ?
00:57:00 - Et tout le temps de l'argent.
00:57:02 - Hum.
00:57:04 - Laurent Attab
00:57:06 fascine aussi sa petite amie,
00:57:08 Valérie.
00:57:10 - Valérie Subra,
00:57:12 je crois qu'elle était sous l'influence
00:57:14 de Laurent Attab,
00:57:16 pour laquelle elle avait une grande admiration.
00:57:18 Elle était amoureuse de lui.
00:57:20 Elle s'est laissée entraîner, et puis bon, c'était une
00:57:22 personne également, dont sa mère nous avait dit
00:57:24 qu'elle aimait beaucoup l'argent.
00:57:26 - Ils se voyaient déjà starisés, on va dire,
00:57:30 quelque part, c'est-à-dire que, bon,
00:57:32 ils avaient les deux des envies
00:57:34 de grandeur, de beaucoup d'argent,
00:57:36 de reconnaissance, de... Bon.
00:57:38 Je pense qu'ils avaient pas envie
00:57:40 de vie médiocre.
00:57:42 C'est sûr que...
00:57:44 ils se sont trouvés.
00:57:46 - Mais un mois avant les crimes,
00:57:48 en novembre 84,
00:57:50 les affaires commencent à aller mal pour Laurent Attab.
00:57:52 Il dépose le bilan
00:57:54 de sa boîte. Son père est
00:57:56 poursuivi en justice pour infraction au Code du Travail.
00:57:58 Lui aussi doit mettre la clé
00:58:00 sous la porte. Attab gagne
00:58:02 maintenant à peine le SMIC.
00:58:04 Il ne peut plus mener son train de vie habituel.
00:58:06 Il lui faut de l'argent.
00:58:08 Beaucoup d'argent. Et très vite.
00:58:10 - Son père a déposé le bilan.
00:58:12 Il flambe moins, il peut plus acheter
00:58:14 les voitures qu'il veut, il peut plus mettre
00:58:16 des bouteilles en boîte.
00:58:18 Donc il est un petit peu perdu, angoissé.
00:58:20 Donc il essaye, voilà, de trouver
00:58:22 quelque chose
00:58:24 qui lui ramène de l'argent.
00:58:26 Il cherche quelque chose, mais il ne sait pas quoi encore.
00:58:28 - C'est là que lui
00:58:30 vient l'idée de tenter sa chance
00:58:32 aux Etats-Unis. Laurent veut monter
00:58:34 là-bas sa propre boîte de prêt-à-porter
00:58:36 et rêve de la réussite des frères
00:58:38 Naf-Naf, deux jeunes du Sentier qui ont
00:58:40 réussi leur rêve américain.
00:58:42 - Je me rappelle que la fascination de ces trois
00:58:46 jeunes gens, c'était celle
00:58:48 de
00:58:50 confectionneurs célèbres
00:58:52 en France et ayant grand succès
00:58:54 auprès des jeunes filles, ils voulaient répéter
00:58:56 aux Etats-Unis l'aventure
00:58:58 de ces confectionnaires français.
00:59:00 Et pour ça, il fallait d'abord aller
00:59:02 aux Etats-Unis, il fallait avoir de l'argent
00:59:04 pour se lancer dans les affaires.
00:59:06 - Ah, bon, bah combien
00:59:08 il nous faudrait ? Bah carrément un milliard
00:59:10 de centimes. On fait pas dans le détail.
00:59:12 Et comment on va le trouver ?
00:59:14 Ah bah on va assassiner
00:59:16 des gens riches, on va leur piquer leurs
00:59:18 pognons.
00:59:20 - Et pour trouver des gens riches
00:59:22 facile, il y a Valérie,
00:59:24 elle qui se vante sans cesse de ses relations,
00:59:26 elle qui fréquente des gens de la haute
00:59:28 au Jardin de la Boétie.
00:59:30 - Ah oui, je lui aurais donné le bon Dieu
00:59:34 son confession, cette fille, vraiment.
00:59:36 Et puis petit à petit,
00:59:38 comme je l'ai dit, elle allait
00:59:40 de table en table, n'est-ce pas ?
00:59:42 Et puis évidemment, elle leur disait
00:59:44 "je sors du boulot".
00:59:46 Elle papillonnait, voilà, elle était
00:59:48 tantôt à droite, tantôt à gauche.
00:59:50 Elle faisait son relationnel.
00:59:52 Je vais vous dire qu'elle était très forte pour ça.
00:59:54 - Valérie Subrat
00:59:56 collectionne les cartes de visite.
00:59:58 Son carnet d'adresse est rempli d'hommes
01:00:00 riches, des hommes qui peuvent
01:00:02 lui ouvrir des portes,
01:00:04 accessoirement la l'heure, le soir,
01:00:06 vers 22h.
01:00:08 - C'est son agenda,
01:00:10 dont elle prenait grand soin. Pour elle, c'était vraiment
01:00:12 quelque chose d'extrêmement
01:00:14 important, qui supporte
01:00:16 tous les noms des personnages
01:00:18 rencontrés dans les boîtes de nuit
01:00:20 ou les restaurants qu'elle fréquentait.
01:00:22 Et que c'est dans cet agenda
01:00:24 qu'on va rechercher,
01:00:26 selon ses propres propos,
01:00:28 des hommes riches, vivants
01:00:30 seuls, qu'on pourra ensuite envisager
01:00:32 de
01:00:34 voler, et peut-être
01:00:36 de condamner.
01:00:38 - Jessica révèle qu'il y a eu
01:00:42 une première tentative.
01:00:44 Le 29 novembre, une semaine
01:00:46 avant le premier assassinat,
01:00:48 Atab était à la manœuvre.
01:00:50 - Il m'appelle en me disant
01:00:54 "Voilà, ce soir,
01:00:56 tu pars avec Valérie,
01:00:58 tu vas chez un tel monsieur
01:01:00 et vous allez
01:01:02 rentrer, et puis
01:01:04 au bout d'un certain temps, vous allez nous ouvrir
01:01:06 la porte et on va
01:01:08 venir
01:01:10 le braquer."
01:01:14 - Atab était un riche industriel
01:01:16 que Valérie avait rencontré au jardin
01:01:18 de la Boétie. Il roulait en jaguar,
01:01:20 habitait aux abords du parc Montceau,
01:01:22 portait une montre de marque
01:01:24 et des vêtements de haute couture.
01:01:26 La proie
01:01:28 idéale.
01:01:30 - Il était ravi de nous voir arriver
01:01:34 toutes les deux. Il s'est dit
01:01:36 "Je vais passer une bonne soirée."
01:01:38 Voilà.
01:01:40 Il a été, bien sûr,
01:01:42 très adorable avec nous,
01:01:44 à nous proposer
01:01:46 du champagne, etc.
01:01:48 Lui, il était, à mon avis, sur un petit nuage.
01:01:50 - Mais ce soir-là,
01:01:54 Jessica décide de faire marche arrière.
01:01:56 Elle repère très vite des caméras
01:01:58 de surveillance dans l'appartement.
01:02:00 - Arrivé dans l'appartement,
01:02:02 très peu de temps
01:02:04 après, je dis à Valérie
01:02:06 "Je ne peux pas rester."
01:02:08 Elle me dit "Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ?"
01:02:10 "Je ne peux pas rester."
01:02:12 J'ai très peur, je m'en vais, je vais trouver
01:02:14 n'importe quelle excuse,
01:02:16 mais je ne reste pas dans cet appartement.
01:02:18 Jessica rejoint Jean-Rémi Sarrot et Laurent Atabe.
01:02:22 Ils attendent dans la voiture.
01:02:24 Elle leur dit "Vous êtes fous !
01:02:26 Moi, je ne peux pas faire ça."
01:02:28 - Ils ont été très en colère.
01:02:32 Donc après, ils m'ont raccompagnée
01:02:34 chez moi, mais ils n'ont pas compris ma réaction.
01:02:36 Alors j'ai essayé d'expliquer que
01:02:38 j'avais peur.
01:02:40 Et ils ont été très très très
01:02:44 désagréables avec moi.
01:02:46 Pour moi, il est évident
01:02:50 qu'ils vont continuer,
01:02:52 mais à ce moment-là,
01:02:54 je ne suis plus avec eux
01:02:56 et je ne veux pas savoir,
01:02:58 je ne veux plus savoir ce qui se passe.
01:03:00 [Musique]
01:03:10 - Alors Dominique, le trio
01:03:12 ne va pas s'arrêter
01:03:14 après cette première tentative avortée.
01:03:16 Il y en aura d'autres.
01:03:18 - Une semaine après les deux tentatives ratées
01:03:20 contre le riche industriel
01:03:22 à la Jaguar, c'est la mort
01:03:24 de l'avocat Gérard Lelaydié.
01:03:26 On est le 7 décembre.
01:03:28 Trois jours après, le 10 décembre,
01:03:30 Valérie Subra prend contact
01:03:32 avec un homme qu'on va appeler Henri,
01:03:34 c'est son prénom, il est commerçant dans le Sentier.
01:03:36 C'est un homme qui gagne de l'argent.
01:03:38 Elle prend contact avec lui,
01:03:40 elle lui donne rendez-vous.
01:03:42 Il vient au rendez-vous, il est au volant de sa Porsche,
01:03:44 il lui a donné rendez-vous en bas de chez lui
01:03:46 et quand il arrive, il constate qu'elle est en présence
01:03:48 de deux hommes.
01:03:50 Atab et Saro.
01:03:52 Et là, prudemment,
01:03:54 Henri fait demi-tour et il s'en va.
01:03:56 Il sent qu'il y a quelque chose
01:03:58 de pas très clair. Deux jours après,
01:04:00 elle le rappelle, elle lui donne rendez-vous.
01:04:02 On est le 12 décembre.
01:04:04 Là, il la récupère dans Paris,
01:04:06 elle monte à bord de la Porsche
01:04:08 et quand ils arrivent dans l'immeuble d'Henri,
01:04:10 ça se passe pas comme elle l'avait prévu parce qu'il a
01:04:12 un parking souterrain. La voiture entre dans
01:04:14 le parking souterrain et elle ne peut pas,
01:04:16 elle, faire entrer ensuite ses complices
01:04:18 dans l'appartement puisqu'ils sont dans la rue, c'est un immeuble
01:04:20 sécurisé. Peu importe. Le 14 décembre,
01:04:22 elle remet ça.
01:04:24 Elle est dans l'appartement d'Henri.
01:04:26 Elle a entre-ouvert la porte, elle attend.
01:04:28 Simplement, c'est pas ses complices qui viennent.
01:04:30 On sonne et, à l'improviste,
01:04:32 un ami d'Henri lui rend visite.
01:04:34 Il va lui sauver la vie.
01:04:36 Donc, on oublie Henri, c'est décidément
01:04:38 trop compliqué et la nouvelle proie,
01:04:40 elle va s'appeler Laurent Zahrad.
01:04:42 - Et ensuite,
01:04:44 dernière tentative ? - Alors, dernière tentative,
01:04:46 c'est le 19 décembre.
01:04:48 Elle est en train, Valérie Subrat,
01:04:50 de danser dans une boîte de nuit et elle décide
01:04:52 de téléphoner à Paul Teclay.
01:04:54 Paul Teclay, c'est... - Le chargé de relations publiques
01:04:56 des Jardins de la Boétie. - Elle lui téléphone,
01:04:58 elle lui propose un rendez-vous, puis finalement, elle n'y va pas
01:05:00 parce qu'il n'est pas seul chez lui. Évidemment, ça ne peut pas
01:05:02 marcher. Elle lui dit "demain soir".
01:05:04 Et le lendemain soir, 20 décembre,
01:05:06 elle devrait venir le voir,
01:05:08 sauf qu'elle est arrêtée dans la journée.
01:05:10 Alors, si on se résume, Christophe,
01:05:12 ça fait 9 tentatives en 3 semaines,
01:05:14 5 objectifs, dont
01:05:16 2 morts.
01:05:18 Quand Paul Teclay,
01:05:20 l'un des rescapés,
01:05:22 tombe sur la photo de Valérie Subrat
01:05:24 à la une de la presse,
01:05:26 quelques jours après leur rendez-vous avorté,
01:05:28 il n'en revient pas.
01:05:30 - J'arrivais pas à dormir.
01:05:34 Je n'arrivais pas
01:05:36 à pouvoir me dire
01:05:38 que ça aurait peut-être pu m'arriver
01:05:40 à moi, à des copains à moi et tout ça.
01:05:42 D'ailleurs, il y en a quelques-uns qui l'ont échappé belle.
01:05:44 Ça m'a terriblement choqué.
01:05:48 - 9 tentatives en 3 semaines.
01:05:50 Une entreprise surréaliste
01:05:54 menée par un trio d'amateurs.
01:05:56 - C'est lourd, en plus.
01:05:58 C'est bourré d'erreurs, si vous voulez.
01:06:00 Il y a pas mal d'erreurs, de leur part.
01:06:02 Je comprends pas. Enfin, nous, on ne comprenait pas.
01:06:04 Les enquêteurs n'ont pas compris.
01:06:06 On avait l'impression qu'on avait affaire à des pieds nickelés,
01:06:08 si vous voulez, dangereux.
01:06:10 - La seule à avoir compris
01:06:12 la folie du projet,
01:06:14 c'est Jessica.
01:06:16 Elle était dans leur délire,
01:06:18 déconnectée de la réalité.
01:06:20 - J'évoque
01:06:24 le fait qu'on risque d'être reconnue.
01:06:26 Valérie et moi,
01:06:28 évidemment. C'est là que la peur
01:06:30 commence à me monter.
01:06:32 Parce que je me dis,
01:06:34 on va me voir une fois, on va me voir deux fois,
01:06:36 on va me voir trois fois,
01:06:38 il va y avoir un problème.
01:06:40 Et à ce moment-là, Laurent dit,
01:06:44 on trouvera une solution
01:06:46 à ce problème.
01:06:48 - Insouciant, immature,
01:06:52 le trio a fondé ses plans
01:06:54 sur des stéréotypes.
01:06:56 - Il faut être idiot pour croire qu'un avocat
01:07:00 planque son pognon sous son argent,
01:07:02 sous son matelas. Faut pas exagérer, il faut vraiment être abruti.
01:07:04 À l'époque des cartes bleues,
01:07:06 ils cherchent le milliard de centimes
01:07:08 sous les matelas, derrière les tableaux.
01:07:10 C'est anachronique.
01:07:12 C'est complètement anachronique.
01:07:14 - Ils se trompent d'époque et ils se trompent
01:07:16 de cible. Ca n'est sûrement pas
01:07:18 au Jardin de la Boétie qu'ils croiseront
01:07:20 les grandes fortunes de France.
01:07:22 - Le Jardin de la Boétie, on est tout à fait symbolique.
01:07:24 Moi, je suis arrivé là une nuit d'hiver,
01:07:26 de décembre, avec une amie, on est allé là,
01:07:28 il neigeait dehors, on est entré,
01:07:30 il y avait ce vieux crooneur
01:07:32 qui balbutiait son Hasnavour,
01:07:34 "Ma bohème, ma bohème",
01:07:36 avec... La bouffe était dégueulasse,
01:07:38 le foie gras
01:07:40 était trop chaud,
01:07:42 il y avait des fleurs en plastique,
01:07:44 et c'est ce que ces pauvres jeunes filles
01:07:46 imaginaient comme le top du luxe,
01:07:48 vous voyez ?
01:07:50 - Naïfs et immatures,
01:07:52 pour l'appât du gain,
01:07:54 le trio était prêt
01:07:56 à tout.
01:07:58 (musique)
01:08:00 (musique)
01:08:02 (musique)
01:08:04 (musique)
01:08:06 - Dominique Rizet, évidemment,
01:08:08 Laurent Attab, Jean-Rémi Sarraud
01:08:10 et Valérie Subrat vont être vus
01:08:12 par des experts, psychiatres et psychologues,
01:08:14 quelles sont leurs conclusions ?
01:08:16 - Des conclusions qui sont un vrai dossier, Christophe.
01:08:18 Elles sont ici.
01:08:20 Alors, ils ont, tous les trois,
01:08:22 Attab, Sarraud, Subrat,
01:08:24 un point commun,
01:08:26 et c'est peut-être ce qui les a emmenés dans cette espèce
01:08:28 d'escalade, d'ascension
01:08:30 vers la violence, le crime.
01:08:32 Tous les trois font preuve
01:08:34 d'une grande immaturité et d'un égocentrisme
01:08:36 démesuré.
01:08:38 C'est ce qu'écrivent les experts.
01:08:40 À tel point, pour Attab et Subrat, surtout,
01:08:42 qu'ils s'apitoient plus sur eux-mêmes
01:08:44 que sur leurs propres victimes.
01:08:46 Tous les trois, également, font preuve
01:08:48 d'une extrême froideur. Ils n'ont aucun regret.
01:08:50 Aucune conscience,
01:08:52 disent les experts, du bien,
01:08:54 du mal ou du respect de la loi.
01:08:56 - Est-ce qu'il y a des choses particulières
01:08:58 concernant Valérie Subrat ?
01:09:00 Parce qu'on se pose des questions sur son rôle,
01:09:02 sa responsabilité.
01:09:04 - Les experts disent qu'elle a joué son rôle
01:09:06 comme si elle avait été
01:09:08 la vedette d'un film policier.
01:09:10 C'est décrit dans l'expertise.
01:09:12 Elle se considère comme en marge des faits.
01:09:14 C'est ce qu'elle dit. Elle dit
01:09:16 "Moi, j'ai seulement ouvert la porte.
01:09:18 "Je n'ai assisté à rien, je n'ai rien fait."
01:09:20 Elle est en dehors
01:09:22 de la réalité des faits,
01:09:24 indifférente à autrui.
01:09:26 Ça explique qu'après,
01:09:28 quand les hommes qu'elle a emmenés dans ces pièges
01:09:30 se font massacrer dans la pièce d'un côté,
01:09:32 elle n'agit pas du tout.
01:09:34 Elle se déculpabilise.
01:09:36 Elle a suivi Laurent Attab et elle l'a suivi par amour.
01:09:38 Lui, les experts disent
01:09:40 que c'est un enfant gâté,
01:09:42 choyé, qui a grandi dans
01:09:44 une espèce de cocon
01:09:46 dans lequel l'ont protégé ses parents.
01:09:48 Il n'a aucun sens des responsabilités.
01:09:50 D'ailleurs, ces responsabilités dans l'affaire,
01:09:52 il ne va pas les assumer, puisque lui
01:09:54 charge Jean-Rémi Sarraud.
01:09:56 Le Jean-Rémi Sarraud,
01:09:58 qui lui est décrit comme instable, impulsif,
01:10:00 coléreux, d'une grande froideur,
01:10:02 n'empêche que c'est le seul qui
01:10:04 assume ses actes et qui reconnaît ce qu'il a fait.
01:10:06 Dernier élément, et c'est important,
01:10:08 tous les trois sont accessibles
01:10:10 à une sanction pénale.
01:10:12 Ils ne sont pas atteints par une maladie mentale.
01:10:14 [Musique]
01:10:18 Le 8 janvier 1988,
01:10:20 trois ans après les faits,
01:10:22 c'est un procès à guichets fermés
01:10:24 qui se tient aux assises de Paris,
01:10:26 à foule, pour assister à l'épilogue
01:10:28 de l'un des faits divers les plus marquants
01:10:30 des années 80.
01:10:32 [Musique]
01:10:40 On a l'impression que c'est le premier jour des soldes,
01:10:42 les gens se précipitent,
01:10:44 dans les couloirs, il y a une file ininterrompue
01:10:46 de curieux qui veulent
01:10:48 absolument rentrer dans la cour d'assises.
01:10:50 C'est une ambiance de foire agricole,
01:10:52 littéralement.
01:10:54 Si ce procès a autant de retentissement,
01:10:56 c'est que tout le monde veut voir
01:10:58 la meurtrière top-modèle.
01:11:00 Ses complices sont éclipsés.
01:11:02 C'est le procès
01:11:04 de Valérie Subrat.
01:11:06 [Musique]
01:11:08 - Tout le monde veut voir
01:11:10 la beauté du diable,
01:11:12 tout le monde veut voir Valérie Subrat,
01:11:14 savoir à quoi elle ressemble
01:11:16 et si, en fin de compte,
01:11:18 elle va être à la hauteur
01:11:20 de la réputation qu'on lui a faite.
01:11:22 - Et ce mythe,
01:11:24 c'est Paris Match qui en est à l'origine.
01:11:26 Une semaine avant le procès,
01:11:28 Match publie en une
01:11:30 les photos de vacances de Valérie Subrat
01:11:32 sortant de l'eau.
01:11:34 [Musique]
01:11:38 - Le problème, c'est qu'il n'y a pas
01:11:40 que les cheveux qui sont mouillés, il y a aussi son T-shirt.
01:11:42 Et son T-shirt, il est très fin.
01:11:44 Et comme elle est dans la fleur de la jeunesse,
01:11:46 qu'elle est quand même
01:11:48 absolument ravissante,
01:11:50 c'est une image
01:11:52 totalement saisissante.
01:11:54 Et ce T-shirt qui cache
01:11:56 en ne cachant rien,
01:11:58 c'est pire que si elle avait été dénudée.
01:12:00 [Musique]
01:12:02 - Valérie Subrat est la première
01:12:04 à faire son entrée dans la cour d'assises.
01:12:06 Celle qui a toujours rêvé d'être mannequin
01:12:08 est assaillie par les flashes.
01:12:10 On attend une vamp,
01:12:12 c'est une fille rangée
01:12:14 qui se dissimule derrière la barre.
01:12:16 [Musique]
01:12:20 Laurent Attab, lui,
01:12:22 n'a rien perdu de sa superbe en prison.
01:12:24 Autun,
01:12:26 il bombe le torse.
01:12:28 [Musique]
01:12:30 - Il veut tenir tête.
01:12:32 Mais comment
01:12:34 un garçon de 20 ans
01:12:36 peut-il tenir tête
01:12:38 à des brêteurs,
01:12:40 à des professionnels confirmés
01:12:42 comme le président Vercigny
01:12:44 et l'avocat général Guillou ?
01:12:46 C'est mission impossible. Et ça, il ne le comprend pas.
01:12:48 - L'enfant gâté
01:12:50 n'est même pas déstabilisé
01:12:52 par une cour d'assises.
01:12:54 - On a le sentiment
01:12:56 qu'il n'y a qu'un juge
01:12:58 qui compte à ses yeux,
01:13:00 c'est ses parents.
01:13:02 Et que donc,
01:13:04 il ne se défend pas par rapport au président,
01:13:06 par rapport à l'avocat général,
01:13:08 il essaie de se défendre
01:13:10 par rapport à ses parents
01:13:12 et de leur dire "je ne suis pas un assassin".
01:13:14 Et on sent que les parents,
01:13:16 évidemment, ne demandent qu'à le croire
01:13:18 et que finalement, le procès
01:13:20 passe au second rang.
01:13:22 - Jean-Rémy Sarrault est seul.
01:13:26 Personne pour lui dans la salle.
01:13:28 D'une voix douce,
01:13:30 il fait preuve d'une sincérité déconcertante.
01:13:32 - Alors lui, il est en fin de piste.
01:13:40 Il est là, bon, il est là.
01:13:42 Et pourquoi évanier ?
01:13:44 De toute façon, ils sont ficelés, il le sait.
01:13:46 Donc, il va se défendre.
01:13:48 Très maladroitement, bien sûr.
01:13:50 L'avocat général Guillaume,
01:13:56 lui tend un piège en lui parlant
01:13:58 de la façon dont il a tué.
01:14:00 Il reste abasourdi
01:14:02 et tout ce qu'il trouve à dire,
01:14:04 vous savez, c'est pas difficile
01:14:06 de tuer.
01:14:08 Sous-entendu, tout le monde peut le faire.
01:14:10 Ça, c'est catastrophique.
01:14:12 Le public a en face de lui
01:14:14 un monstre.
01:14:16 - Valérie Subra peut-elle s'en sortir
01:14:20 mieux que ses deux complices ?
01:14:22 Éviter la perpétuité,
01:14:24 c'est l'espoir de son avocat
01:14:26 et la crainte des partis civils.
01:14:28 - Pour Jean-Rémy Sarrault
01:14:32 et Laurent Attab,
01:14:34 comme on dit, les dés sont jetés
01:14:36 et le résultat est plus que probable.
01:14:38 En revanche, pour Valérie Subra,
01:14:40 il reste une petite leur d'espoir.
01:14:42 - Elle est la seule sur laquelle
01:14:46 peut peser une incertitude
01:14:48 puisqu'elle n'a pas tué,
01:14:50 elle n'a pas participé physiquement
01:14:52 directement au crime.
01:14:54 - Ce que les familles des victimes
01:14:56 veulent éviter, c'est que la course
01:14:58 soit plus tendre avec celle qui a servi d'appât
01:15:00 qu'avec ceux qui ont tué.
01:15:02 Alors maître Spiner charge Valérie Subra.
01:15:04 - Je dirais même que humainement,
01:15:08 pour moi, Valérie Subra est plus coupable
01:15:10 parce qu'elle a eu cet échange
01:15:12 avec les victimes.
01:15:14 Sarrault, il arrive,
01:15:16 il vient pour tuer, c'est le bourreau.
01:15:18 - C'est aussi l'opinion de Thierry Zahrad,
01:15:22 le frère de Laurent.
01:15:24 Son témoignage à la barre
01:15:26 fait basculer l'audience dans l'émotion.
01:15:28 - Quand je suis allé à la barre
01:15:32 et que j'ai relaté les dégâts collatéraux
01:15:34 sur ma famille,
01:15:36 mon frère, ma mère, elle m'a dit
01:15:38 "bon, c'est pas grave" et depuis, elle n'a jamais reparlé.
01:15:40 Instantanément,
01:15:42 elle a perdu la tête.
01:15:44 Mon père, deux jours après,
01:15:46 il a eu une épilégie.
01:15:48 Toute la famille est partie un peu
01:15:50 dans des souffrances personnelles.
01:15:52 Et c'est vrai que peut-être
01:15:54 j'ai un peu ému les jurés,
01:15:56 mais c'est mon cœur
01:15:58 qui a parlé.
01:16:00 - L'avocat général profite de cette vague d'émotions
01:16:04 pour enfoncer le trio.
01:16:06 Atab, le dévoyé.
01:16:08 Sarrow, le dégénéré.
01:16:10 Et surtout, Subra, la cocotte,
01:16:12 la poule perverse.
01:16:14 Le réquisitoire
01:16:16 est sanglant.
01:16:18 Il réclame la perpétuité pour les trois accusés.
01:16:20 A sortie de la peine de sûreté
01:16:22 maximale,
01:16:24 18 ans.
01:16:26 [Musique]
01:16:28 [Musique]
01:16:30 [Musique]
01:16:32 [Musique]
01:16:34 - Maître Pelletier,
01:16:36 pour votre cliente,
01:16:38 Valérie Subra, l'avocat général,
01:16:40 vient de demander perpétuité
01:16:42 avec une peine de sûreté de 18 ans de prison.
01:16:44 Qu'est-ce que vous plaidez ?
01:16:46 - Et dans des conditions,
01:16:48 il faut le dire quand même, dans des conditions effrayantes.
01:16:50 Ce magistrat qui était un magistrat
01:16:52 de talent et connu pour sa férocité,
01:16:54 là je peux dire qu'il s'est déchaîné.
01:16:56 Puis s'est déchaîné d'une façon,
01:16:58 j'allais dire, à la fin désagréable.
01:17:00 Il a terminé en disant, en réclamant
01:17:02 perpétuité. Et dans 20 ans,
01:17:04 si dans 20 ans on vous laisse sortir par rapport à ce que vous avez fait,
01:17:06 c'est plus dans les beaux quartiers
01:17:08 qu'on vous retrouvera. C'est à barbès
01:17:10 avec celles qui sont comme vous.
01:17:12 Vous voyez ce que vous ferez
01:17:14 là où vous traînerez.
01:17:16 Bon.
01:17:18 Je plaide. Je plaide ce que je peux plaider.
01:17:20 C'est-à-dire essayer de démontrer
01:17:22 que finalement, ils sont à parité
01:17:24 dans les responsabilités. Même
01:17:26 si chacun a joué son rôle.
01:17:28 Qu'elle a peut-être eu un rôle indispensable,
01:17:30 mais qu'elle ne s'en est pas rendu compte.
01:17:32 Enfin, vous savez, j'ai plaidé tout ce que j'ai pu.
01:17:34 - Est-ce que vous plaidez ce qui pourrait être
01:17:36 l'argument majeur ? Qu'elle n'a pas
01:17:38 de sang sur les mains ? Elle n'a pas
01:17:40 tué, malgré tout. - Oui, je l'ai plaidé
01:17:42 nécessairement. Mais je vous dis, on a quand même
01:17:44 une certaine solidarité au banc de la Défense.
01:17:46 On essaie de tirer,
01:17:48 enfin, normalement,
01:17:50 on essaie de tirer le sien ou la sienne,
01:17:52 mais là, nos intérêts divergent.
01:17:54 - Avant que les jurés ne se retirent,
01:17:56 quel
01:18:00 espoir avez-vous ?
01:18:02 - D'arriver, peut-être,
01:18:04 à l'époque, ça a été ou perpétuité ou 20 ans,
01:18:06 d'arriver à 20 ans.
01:18:08 - 20 ans pour elle. - 20 ans pour elle.
01:18:10 Voilà. - Elle, dans quel esprit
01:18:12 elle est ? - Elle a un petit espoir.
01:18:14 Elle pense que peut-être
01:18:16 20 ans, c'est possible.
01:18:18 - L'avocat de Jean-Rémy Sarrault
01:18:20 plaide les circonstances atténuantes
01:18:22 pour son client, l'enfant abandonné,
01:18:24 fasciné par les deux autres.
01:18:26 Pour défendre
01:18:28 Laurent Attab, maître Lombard choisit
01:18:30 de faire le procès de la société.
01:18:32 - J'avais regardé
01:18:34 tout le week-end le maximum
01:18:36 de chaînes de télévision.
01:18:38 Il me semble me souvenir,
01:18:40 il me souvient, que j'avais
01:18:42 compté 140 meurtres
01:18:44 télévisés pendant le week-end.
01:18:46 Alors c'est très facile de dire
01:18:48 c'est la faute aux médias, c'est la faute aux journaux,
01:18:50 c'est la faute à la télévision, c'est pas mon style.
01:18:52 Je dis simplement qu'on a
01:18:54 banalisé la violence
01:18:56 et qu'il ne faut pas banaliser la violence.
01:18:58 Lorsque l'on banalise la violence,
01:19:00 la violence se venge
01:19:02 de façon particulièrement sauvage.
01:19:04 La dernière parole revient
01:19:08 aux accusés. Laurent Attab
01:19:10 s'adresse à la mère de Valérie pour lui dire
01:19:12 qu'il est seul responsable
01:19:14 de la dérive de sa fille.
01:19:16 Jean-Rémi Sarraud déclare faire confiance
01:19:20 à la justice de son pays.
01:19:22 Et la tête toujours baissée,
01:19:26 Valérie Subra murmure trois fois pardon.
01:19:28 Le 15 janvier 88 à 18h40,
01:19:32 le verdict tombe.
01:19:34 Le trio est condamné à la prison
01:19:36 à perpétuité. Jean-Rémi Sarraud
01:19:38 et Laurent Attab écopent de 18 ans
01:19:40 de sûreté.
01:19:42 Valérie Subra de 16 ans.
01:19:44 Une silhouette s'avance alors vers le box
01:19:48 des accusés. C'est la mère
01:19:50 de l'avocat Gérard Leledier.
01:19:52 Elle s'est approchée du box où il y avait les trois jeunes
01:19:56 en s'appuyant sur mon bras
01:20:00 et elle disait "les pauvres petits,
01:20:02 les pauvres petits".
01:20:04 C'est-à-dire que
01:20:06 la mère d'un de ceux qui avait été
01:20:08 assassiné, torturé
01:20:10 par ces trois jeunes
01:20:12 disait "les pauvres petits, les pauvres petits".
01:20:14 Je vous plains mes jeunes, mes petits jeunes, je vous plains.
01:20:18 Et je vous pardonne.
01:20:20 Et moi à ce moment-là je les ai regardés, là ils ont pris conscience
01:20:22 de la gravité des peines
01:20:24 qu'ils avaient commis et les trois
01:20:26 en même temps ils ont dit "on vous demande pardon".
01:20:38 Maître Pelletier, lorsque tombe
01:20:40 le verdict, perpétuité avec
01:20:42 16 années de sûreté
01:20:44 pour Valérie Subrat,
01:20:46 quelle est votre réaction ? Et puis
01:20:48 quelle est la sienne ?
01:20:50 Elle, elle ne comprend pas.
01:20:52 Elle ne comprend pas. Le ciel lui est tombé
01:20:54 sur la tête, là, elle est abasourdie.
01:20:56 Elle est abasourdie
01:20:58 et moi je suis sonné.
01:21:00 C'est un échec cuisant.
01:21:02 En 2001,
01:21:04 elle sort de prison, est-ce que
01:21:06 cette femme a beaucoup changé ?
01:21:08 Ah oui, c'est plus la même. C'est extraordinaire.
01:21:10 Elle a changé physiquement,
01:21:12 bien sûr, elle a changé en maturité,
01:21:14 elle a beaucoup de recul,
01:21:16 elle a de l'humour,
01:21:18 elle est intelligente, elle est instruite,
01:21:20 elle a travaillé en prison, donc elle a
01:21:22 terriblement changé, c'est plus du tout la même.
01:21:24 Est-ce qu'elle fait mentir l'avocat général
01:21:26 qui avait dit "je sais où vous finirez, vous finirez
01:21:28 grosso modo comme prostituée à Barbès" ?
01:21:30 D'abord elle n'a pas fini, ensuite elle a rencontré
01:21:32 un gentil garçon qu'elle a épousé,
01:21:34 elle a des enfants,
01:21:36 elle vit une vie normale
01:21:38 à l'étranger.
01:21:40 Elle est une femme qui n'a
01:21:42 plus rien à voir avec l'espèce de
01:21:44 petite gourde que j'avais vue au départ
01:21:46 et qui avait quand même joué
01:21:48 un rôle important dans cette tragédie.
01:21:50 Jean-Rémi Sarrou, quand le verdict tombe,
01:21:58 perpétuité avec 18 années
01:22:00 de sûreté,
01:22:02 le maximum à l'époque, c'est pas une surprise pour vous ?
01:22:04 Non, c'est pas une surprise
01:22:06 parce que je savais que ça allait être perpétuité
01:22:08 et mon avocat
01:22:10 n'a jamais cherché à me dire
01:22:12 "on va essayer de...
01:22:14 on pouvait jouer peut-être sur la peine de sûreté"
01:22:16 mais perpétuité
01:22:18 avec peine de sûreté, oui.
01:22:20 En prison, pendant ces 20
01:22:22 années, vous vous êtes retrouvé certes entouré
01:22:24 de détenus, mais finalement seul, vous avez eu des visites ?
01:22:26 Oui, quelques
01:22:28 personnes sont venues me voir.
01:22:30 Heureusement,
01:22:32 c'est ce qui m'a permis
01:22:34 d'en sortir,
01:22:36 de me redonner de l'espoir,
01:22:38 c'est dur tout seul,
01:22:42 je pense pas que
01:22:44 j'aurais continué d'ailleurs.
01:22:46 De vivre ? Ouais.
01:22:48 Faut avoir une lumière, faut avoir un espoir,
01:22:50 faut avoir...
01:22:52 Il y a eu un prêtre,
01:22:54 un aumônier ? Ouais.
01:22:56 Il a beaucoup compté ? Énormément.
01:22:58 Il a toujours été là.
01:23:00 Jusqu'à me présenter
01:23:02 la femme qui partage
01:23:06 aujourd'hui ma vie, avec qui j'ai un enfant.
01:23:08 Donc c'est évidemment quelqu'un qui a compté énormément.
01:23:12 Vous qui dans cette
01:23:14 affaire avez tué, je voudrais savoir
01:23:16 pourquoi est-ce que vous acceptez de témoigner
01:23:18 aujourd'hui
01:23:20 à visage découvert ?
01:23:22 Pour
01:23:24 payer complètement ma dette,
01:23:26 c'est aussi pour tourner une page
01:23:28 de l'histoire.
01:23:30 J'ai été condamné, j'ai fait cette condamnation.
01:23:36 Voilà.
01:23:42 Vous avez changé ? Heureusement,
01:23:44 je pense pas que je serais sorti sinon.
01:23:46 C'est aussi pour dire "j'ai changé"
01:23:48 que vous êtes là aujourd'hui ?
01:23:50 Aussi pour dire ça, aussi pour dire
01:23:52 que bah, on peut avoir
01:23:54 dans sa jeunesse commis
01:23:56 une énorme connerie
01:23:58 et puis
01:24:00 après totalement changer de vie, reconstruire quelque chose,
01:24:02 refaire quelque chose.
01:24:04 Est-ce que vous êtes aujourd'hui apaisé ?
01:24:06 J'espère que
01:24:10 ce témoignage m'y aidera.
01:24:16 Mais apaisé, non, pas encore.
01:24:18 Pas encore, c'est long.
01:24:20 C'est long.
01:24:22 Je vis quotidiennement des tas de choses
01:24:24 parce que...
01:24:26 apaisé, pas encore.
01:24:28 Laurent Attab est, lui aussi,
01:24:36 sorti de prison en 2003.
01:24:38 Cette affaire a tellement marqué
01:24:40 l'opinion qu'elle a inspiré un livre,
01:24:42 "L'Apa" de Morgan Sportès,
01:24:44 publié en 1990.
01:24:46 Livre dont le réalisateur Bertrand Tavernier
01:24:48 a tiré un film, sorti lui en
01:24:50 1995, avec
01:24:52 Marie Gilin, Olivier Citruc et Bruno Poudsul.
01:24:54 Merci, Bruno Poudsul.
01:24:56 [Musique]
01:24:58 [Musique]

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