Le 3 août 2007, à Saint-Denis de La Réunion, Alexandre, est enlevé par cinq hommes cagoulés. Pour la première fois dans l'histoire de l'île, le plan Alerte enlèvement est déclenché. Rapidement, les enquêteurs s'intéressent au groupe «Coeur douloureux et immaculé de Marie» . L'affaire mobilise les habitants de La Réunion jusqu'à l'arrestation de Juliano Verbard, et la libération d'Alexandre.
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00:00L'enlèvement avait été lui-même violent, donc nous ne savions pas si l'enfant était blessé.
00:10On avait l'impression d'être dans un film d'horreur.
00:13Qu'est-ce qu'ils vont faire à mon enfant ? Ils vont le brûler ? Ils vont le violer ? Ils vont faire quoi ? Ils vont le tuer ?
00:19Il y a forcément une urgence quand il y a une alerte d'enlèvement.
00:22Christian Estrosi a demandé l'ouverture d'une cellule de crise regroupant tous les services de sécurité.
00:28Alexandre demeure introuvable à un important discours spécifique.
00:32À la réunion, tout le monde se sent concerné.
00:34Tout le monde pense que ça pourrait être son enfant et tout le monde veut participer.
00:38On a bouleversé les programmes. On est tout de suite passés en direct permanent avec les auditeurs.
00:43Les personnes qui ont enlevé Alexandre étaient obligées au fur et à mesure de se dissimuler parce qu'ils écoutaient eux-mêmes la radio.
00:50On aurait pu imaginer peut-être une cérémonie, une pratique, un viol, un rituel.
00:58C'est ce qu'il s'est passé.
01:28L'enlèvement d'Alexandre va devenir une affaire exceptionnelle et marquer une île entière au fer rouge.
01:44Il y aura un avant et un après à la réunion puisque cette disparition va mener à la mise en place pour la première fois en outre-mer du dispositif unique et colossal, alerte enlèvement.
01:58Plus de dix ans après, j'ai décidé de retourner sur les lieux pour rencontrer les protagonistes de cette affaire et vous raconter l'envers du décor.
02:08Tout commence à Saint-Denis de la Réunion. Il est 18h30 quand Catherine appelle la police en état de choc.
02:28Elle était chez elle avec sa mère quand tout à coup. C'était sur le canapé, elle regardait la télévision. Elle voit apparaître d'un seul coup dans l'appartement cinq individus cagoulés habillés en noir.
02:41Catherine et sa mère comprennent rapidement que les malfaiteurs ne veulent pas d'argent. Ce qui les intéresse, c'est son fils de 12 ans, Alexandre.
02:50Elle a beau leur expliquer qu'Alexandre n'est pas là, ils attendent et ils sont prêts à en découler, à apprendre à Alexandre quoi qu'il arrive, ils sont prêts à attendre.
02:58Alexandre est allé se promener avec son petit frère Corentin, leur oncle et leur tante. En attendant son retour, Catherine et sa mère sont baillonnées, ligotées et séquestrées dans la pièce à côté.
03:13Alexandre arrive, l'oncle ne se laisse pas faire, il y a des coups qui sont donnés, il y a même un couteau qui est sorti et ils arrivent quand même à enlever Alexandre, à partir avec lui.
03:23Il faut imaginer ce que peut représenter la vision de cinq hommes cagoulés qui surgissent de nulle part et qui enlèvent l'enfant après avoir du reste malmené tout l'entourage qui était là.
03:38En le ligotant, le baillonnant, ça a été vraiment d'une violence inouïe avec tout un appareil de peur.
03:49La famille d'Alexandre donne immédiatement l'alerte. Sitôt prévenu, policiers et gendarmes de l'île s'activent. En interrogeant le voisinage, ils recueillent de précieuses informations sur la voiture dans laquelle Alexandre a été emmené, notamment son immatriculation.
04:05Au moment de l'enlèvement, un des résidents de l'immeuble nous fait savoir l'immatriculation du véhicule. Là, nous remontons à une femme qui avait loué ce véhicule et qui avait servi à l'enlèvement.
04:22La femme qui a loué la voiture fait partie d'une secte qui sévit sur l'île. Coeur douloureux et immaculé de Marie. Les enquêteurs comprennent la gravité de la situation.
04:36Nous avons été tout de suite très inquiets parce que l'enlèvement avait été lui-même violent. Nous ne savions pas si l'enfant était blessé.
04:43Le gourou de cette secte a 20 ans. Il s'appelle Juliano Verbar, alias Petit Lys d'Amour, un surnom qui lui a été donné, selon lui, par la Vierge en personne.
04:56Il y a eu effectivement des cérémonies durant lesquelles Verbar, publiquement, avait rendez-vous avec la Vierge ?
05:02En fait, c'était une Vierge, une statue de Vierge. Il y avait de l'huile qui coulait de l'œil. En fin de compte, les gens étaient persuadés que c'était la Vierge qui envoyait des messages et qui passait par Petit Lys d'Amour.
05:16Donc, ils pouvaient les répéter à ses adeptes en disant « la Vierge m'a dit que… ». Donc, c'était parti là-dessus.
05:22Ce soir encore, je vous bénis.
05:29Tous les 8 du mois, ils voyaient la Vierge descendre d'un cocotier de Saint-Paul, à proximité de son lieu d'habitation. Et des gens sont venus, ont commencé à prier autour de cet individu.
05:42Sur l'île de la Réunion, où se côtoient toutes les religions et tous les cultes, les groupes de prière sont légions.
05:50Lors de ces cérémonies, Petit Lys d'Amour réunit plusieurs centaines de personnes.
05:57C'est l'image d'un prophète, c'est l'image voire même d'un nouveau Dieu. C'est lui qui, à la limite, va remplacer l'évêque local, voire même le pape.
06:12Ses adeptes semblent persuadés qu'Alexandre est un élu, une sorte de divinité. Le jeune garçon a d'ailleurs déjà été leur cible. C'était un mois plus tôt.
06:24Le 9 juillet dernier à Sainte-Suzanne, le petit Alexandre, 12 ans, avait été enlevé une première fois par un complice de Juliano Verbar.
06:32Relâché le lendemain au centre-ville, le petit garçon expliquait avoir passé une nuit terrifiante où trois hommes illuminés avaient tenté de l'exorciser.
06:41Depuis, les adeptes de cette secte ont jeté leur dévolu sur Alexandre.
06:47On comprend bien qu'il y a un sujet désormais qui se rattache à cette secte. Il y a un regard particulier sur ce jeune enfant qui pourrait apparaître comme, comment dirais-je, un petit Nouda ou un nouveau Dieu, en tout cas, il est ainsi présenté.
07:01Le but de cet enlèvement est complètement surréaliste. On a l'impression d'être dans un film à la recherche de l'enfant sacré qui va perpétuer je ne sais quelle dynastie martienne ou extraterrestre.
07:19L'enfant était censé être un élu. Il était enlevé pour que les dingots qui s'en sont pris à lui aient le produit génétique de la continuation d'une divinité. En quelque sorte, il était un peu l'enfant élu.
07:37Si la première fois, Alexandre avait été enlevé et relâché en douceur, cette fois-ci, les circonstances ne sont plus du tout les mêmes.
07:46Nous étions également très inquiets du fait des mœurs de Julien Auverbar. Il avait été jugé par compte humain, c'est-à-dire il était absent au moment du jugement par la cour d'assise de l'île de la Réunion à 15 ans de prison.
07:5915 ans de prison pour des actes de pédophilie. Depuis sa condamnation, Julien Auverbar est fiché comme dangereux. Depuis 9 mois, il est en cavale et depuis 9 mois, il est introuvable.
08:14Il était très prudent. Il avait même fait construire par ses adeptes des caches à l'intérieur des maisons, c'est-à-dire que même si on venait perquisitionner, les gendarmes ne pouvaient pas trouver ces caches.
08:25Il avait fait en sorte d'apporter tout ce qui était aliments, nourriture, etc. pour pouvoir y séjourner au cas où il était recherché activement.
08:33Dès les premières minutes donc, les enquêteurs savent qu'Alexandre est aux mains d'un gourou pédophile et à la merci d'adeptes aux croyances aussi délirantes qu'inquiétantes.
08:47L'intégrité physique et la vie du garçon sont en danger. Il n'y a pas une minute à perdre.
08:53Tout de suite, au moment de l'enlèvement, le procureur de la République se déplace. Nous sommes à ses côtés et il décide sur le champ de déclencher le plan d'alerte enlèvement.
09:08L'alerte enlèvement est une machine de guerre. Pour mettre en place le dispositif, le procureur doit en référer aux plus hautes autorités jusqu'au ministre de la justice.
09:20Une décision grave qu'il faut bien mesurer.
09:23J'étais là à chacun des déclenchements du plan d'alerte enlèvement. C'est à chaque fois une très forte tension. On a quelques dizaines de minutes pour prendre tous ensemble la décision.
09:34Elle n'était pas si évidente puisque le procédé lui-même, le processus n'était pas encore validé d'un point de vue départemental entre le procureur général et le préfet.
09:42Pour autant, ce procureur a pris ses responsabilités.
09:46Décision est prise. On déclenche. Aussitôt, la machine se met en branle.
10:06Ce ne sont pas des enquêtes menées comme les autres. Il y a forcément une urgence quand il y a une alerte d'enlèvement.
10:10À partir du moment où le procureur décide du déclenchement, c'est qu'il considère qu'il y a une dangerosité immédiate sur la vie du mineur.
10:17Ça veut dire qu'il ne faut pas perdre de temps. Donc le stress, il est présent. C'est incontestable.
10:2320h40. Alexandre a été enlevé il y a trois heures. Le plan alerte d'enlèvement est déclenché. Une première dans un territoire d'outre-mer.
10:33C'est un peu particulier parce qu'évidemment, on est sur une île. À La Réunion, il y a des calages horaires.
10:39Donc en fait, la plupart des partenaires qui avaient signé la convention n'étaient pas forcément les interlocuteurs les plus évidents pour diffuser le message.
10:49Donc en fait, ce qui s'est passé, c'est que ça a été une adaptation du plan alerte d'enlèvement.
10:54C'était le travail des autorités judiciaires administratives sur place sur l'île de La Réunion de sensibiliser les médias locaux sur la nécessité de relayer le message.
11:02Ils n'avaient pas signé la convention, mais ils ont relayé le message.
11:07Il est évident que c'est moins utile que France 2 interrompe ses programmes en pleine nuit, alors qu'il valait mieux que ce soit diffusé effectivement par les médias locaux.
11:18Télévision et radio sont immédiatement mobilisés sur l'île, et notamment Radio Freedom, un média très populaire et très puissant à La Réunion.
11:29Et pour retrouver son fils, Catherine, la mère d'Alexandre, témoigne en direct sur l'antenne.
11:37On avait l'impression que c'était vraiment dans un film d'horreur.
11:40Faire agresser, que les gens rentrent chez vous, cagouler, des hommes grands qui ne peuvent rien faire.
11:45Et puis quand vous entendez vos enfants hurler, crier, que vous ne pouvez pas y aller, c'est une horreur.
11:49Je veux dire, je ne souhaite à personne. Bien sûr, je suis inquiète. Attendez, qu'est-ce qu'ils vont faire à mon enfant ?
11:53Ils vont le brûler ? Ils vont le violer ? Ils vont faire quoi ? Ils vont le tuer ? C'est quoi ? Ils veulent en faire quoi ?
11:59Tout le monde entend ça pour la première fois sur les ondes.
12:02C'est vrai qu'à La Réunion, tout le monde se sent concerné.
12:04Tout le monde pense que ça pourrait être son enfant et tout le monde veut participer.
12:08Ça suscite beaucoup d'émotions et la population est très intéressée à chaque appel par ce qui se passe.
12:16Les gens essaient de voir autour de chez eux s'ils peuvent avoir un indice à communiquer à la radio et ou aux enquêteurs.
12:23La population était très intéressée par cette affaire.
12:28Je l'ai vu en prison. J'ai été attaché de plus loin. Et je peux vous dire que c'est bien un gros manipulateur.
12:34Nous, à la radio, on l'a vécu. On était en direct avec les autorités au quotidien.
12:39Et au fur et à mesure qu'on avait des informations, elles étaient remontées, évidemment.
12:45Les témoignages affluent. À la radio, mais aussi, bien sûr, au Nouveau-Brunswick.
12:50Nous ne devons négliger aucun appel car le moindre petit élément permet parfois d'accrocher le fil
12:57qui va nous permettre tout d'un coup d'avancer beaucoup plus vite et d'arriver à un dénouement heureux.
13:02Des centaines d'appels qu'il faut trier et vérifier.
13:06Il y a surtout eu la population qui a donné le nom, qui a donné le nom, qui a donné le nom,
13:10qui a donné le nom, qui a donné le nom, qui a donné le nom, qui a donné le nom,
13:14qui a donné le nom, qui a donné le nom, qui a donné le nom.
13:17Il y a surtout eu la population qui a donné les informations. Je sais ça, j'ai vu cela.
13:22Je crois que... Alors, on le voyait partout, rassurez-vous.
13:25Julien Nevers-Barre, à un moment donné, il était vu partout.
13:28Eh bien, on a fermé les portes, voilà, comme on dit dans le jargon policier.
13:32On a tout vérifié.
13:36Autre fait exceptionnel, l'enlèvement d'Alexandre mobilise toutes les forces de l'île, policiers et gendarmes confondus.
13:44Tout le monde était vraiment motivé, aussi bien la police que Jean-Henri,
13:47mais le seul petit souci qu'on avait, chacun avait ses informations de son côté, quoi.
13:52Essayez de les garder un petit peu pour lui, parce que c'est vrai que le summum, c'était d'arrêter M. Verbard.
13:58On est bien d'accord, il ne faut pas se cacher la vérité.
14:01Ce n'est pas la guerre des polices, mais on est tous pareils. On voulait l'avoir.
14:05Une rivalité de toujours, certes.
14:07Mais cette fois-ci, gendarmes et policiers sont conscients de l'enjeu, la vie d'Alexandre.
14:12Et tous ont en mémoire la folle brutalité des ravisseurs qui ont déjà maltraité d'autres enfants de la secte.
14:20Sachant ce qui s'était passé avec Mathias, on se dit, ils l'ont fait quand même des actes de barbarie.
14:26Je ne sais pas si on se rend bien compte de ça.
14:28Je veux dire, brûler les pieds d'un enfant sur une gazinière pour lui faire avouer qu'il avait une petite copine,
14:33je voyais un petit peu le niveau où ça peut aller.
14:36Ce qui nous a surtout impressionnés, c'est la force et la brutalité qu'ils ont employées pour l'enlever.
14:44Cagouler, vous voyez, c'est vraiment, on rentre presque dans le grand banditisme là.
14:48Ils ont une arme blanche, donc on se dit, mais est-ce qu'il n'y a pas un sacrifice de privé ?
14:52On ne sait pas jusqu'où ça peut aller.
14:54Puisque, voilà, c'était des gens, quoi qu'il arrive, étaient prêts à tout pour aider Verba et pour lui donner satisfaction.
15:05La réaction des policiers, c'est qu'il y a eu une réaction très forte.
15:10La réunion est en alerte.
15:12La priorité pour les autorités, c'est de boucler l'île.
15:15Les ports, les aéroports, tout est inspecté, filtré.
15:20En parallèle, les autorités doivent composer avec les médias.
15:24Ils ont joué le jeu pour faire partager le message avec la population,
15:29mais en même temps, ils avaient besoin d'informations.
15:32Trouver le point d'équilibre et utiliser les médias à bon escient.
15:38Sans nouvelles d'Alexandre depuis plusieurs heures, le commissaire Lebon prend une décision risquée.
15:43Diffuser la plaque d'immatriculation des ravisseurs, et pas n'importe où, sur Radio Freedom.
15:51Les médias, c'est leur travail.
15:54Diffuser la plaque d'immatriculation des ravisseurs, et pas n'importe où, sur Radio Freedom.
16:02Quand le commissaire dit on donne la plaque, on a bien sûr bouleversé les programmes.
16:07L'émission prévue à 7h a été annulée.
16:11Et on est tout de suite passé en direct permanent avec les auditeurs.
16:24Je ne peux pas vous confirmer le numéro, mais en tout cas c'était BVC, ça j'en suis sûr.
16:29Des auditeurs ont appelé la radio en disant, mais je vois la voiture, elle est à tel endroit.
16:34Nous le message qu'on passait c'était bien sûr, ne prenez pas de risque.
16:37Il n'est pas question de suivre un véhicule, mais de nous signaler son positionnement
16:41et son cheminement d'auditeur en auditeur.
16:43Donc ce qui nous a permis de suivre le déplacement de ce véhicule.
16:47Directement, c'est avant l'hôpital. Il roule en direction du côté de la discothèque.
16:52A un moment donné, il y a eu un automobiliste qui s'est retrouvé à l'arrière du véhicule.
16:57Il l'a appelé en direct en disant, voilà, qu'est-ce que je fais ?
17:00Est-ce que je percute la voiture ? Est-ce que je fais quelque chose ?
17:05Il est très heureux que l'animateur de la dite radio, à ce moment-là, ait eu le sagesse de lui dire,
17:10Monsieur, écartez-vous.
17:12Les personnes qui ont enlevé Alexandre étaient obligées, au fur et à mesure,
17:16de se dissimuler, de laisser les voitures, parce qu'ils écoutaient eux-mêmes la radio
17:20et qu'ils voyaient bien qu'on était en train de les suivre à la trace.
17:23C'était ça aussi un petit peu surréaliste, ce qui était en train de se dérouler.
17:30Ils auraient pu paniquer, ils auraient pu tuer l'enfant. On ne sait rien, on ne sait pas.
17:35Acculés, les ravisseurs changent de voiture, toujours en direct.
17:57Les enquêteurs foncent sur place, mais arrivent trop tard.
18:00Tout ce qu'ils trouvent, c'est la première voiture qu'elles signaient.
18:04Mais grâce aux témoignages des auditeurs de Radio Freedom,
18:07les enquêteurs disposent maintenant d'informations cruciales
18:10au sujet de la nouvelle voiture des ravisseurs, la voiture noire.
18:14Grâce à la mise en place d'alerte enlèvement, on a pu repérer le numéro d'immatriculation,
18:20savoir d'où il venait, c'est-à-dire très précisément d'une agence de location de véhicules.
18:24On a pu identifier la personne, c'était une vieille dame.
18:27Cette femme avait loué la voiture, elle nous dit rapidement,
18:30oui, je l'ai fait, on m'a demandé de le faire, on va commencer par mieux un peu.
18:36Mais au bout de plusieurs heures d'interrogatoire, la dame finit par parler.
18:41On va commencer à nous dire les choses, et nous savons qu'elle est la conjointe
18:44d'une personne clé dans cette affaire, un des frères Dalton,
18:48et ce sera la personne qui va nous intéresser tout de suite.
18:52Jean-Charles Dalton est en effet l'un des membres identifiés de la secte.
18:5620h45, la police fonce chez lui, il est placé en garde à vue.
19:02Muet au départ, petit à petit, Jean-Charles Dalton se met à table.
19:08Elle dit que le fait que les gens aient pris une voiture après avoir incendié la première,
19:13ce n'était pas neutre, il y avait un lieu prévu où lui-même devait se rendre après l'enlèvement.
19:18Poussé dans ses retranchements, Jean-Charles Dalton reconnaît même avoir fait partie du commando
19:23qui a kidnappé Alexandre.
19:25Il avait un travail à faire, c'était l'enlèvement, il devait ensuite se séparer et se retrouver.
19:29Donc là on avait une première information, ils étaient dans les Hauts-de-Saint-Paul.
19:33Saint-Paul, une ville dans le nord de l'île.
19:3724h après l'enlèvement d'Alexandre, les policiers ont enfin une piste.
19:42Bien que n'ayant aucun lieu à se rendre, les policiers sont en train d'envoyer
19:47Bien que n'ayant aucun lieu précis, le commissaire Lebon décide de s'y rendre.
19:52Je monte une équipe d'enquêteurs, et là on monte dans les Hauts-de-Saint-Paul,
19:55on va sauter le mur, fouiller le cimetière la nuit, aller dans les forêts,
20:00jusqu'à ce qu'on arrive progressivement vers une cabane,
20:03et là nous savons que quelques instants plus tôt,
20:06certainement une partie des ravisseurs et l'enfant s'y trouvaient, de façon certaine.
20:12Comment vous avez la certitude que l'enfant et les ravisseurs étaient là ?
20:16Alors il y avait des objets, et puis en même temps, nous avions le contact avec les enquêteurs,
20:22qui continuaient d'entendre Charles Dalton,
20:25progressivement ils disaient oui précisément, c'était à tel endroit,
20:28donc ça correspondait à ces déclarations, et où nous étions.
20:32Donc là nous savons qu'il est vivant, ça nous donne de l'espoir, ça nous encourage,
20:36mais nous ne le trouvons pas.
20:39Le lendemain matin, toujours aucune trace d'Alexandre,
20:43et l'inquiétude grandit du côté des enquêteurs.
20:46La famille se tourne alors vers un nouvel interlocuteur.
20:52Les parents sont désemparés, et ils me demandent mon aide,
20:57et dès le premier instant je leur ai dit oui,
21:00et qu'on va s'impliquer dans cette histoire.
21:04L'évêque de la Réunion accepte d'intervenir au nom de l'église.
21:08Dans la lignée du dispositif alerte enlèvement, il se tourne vers les médias.
21:15J'ai lancé un appel dans la presse, radio, télévision,
21:19en demandant aux personnes de ne pas accueillir, de ne pas cacher Juliano Werber,
21:26parce qu'entre guillemets il était hors la loi.
21:29En même temps j'ai lancé un appel à Juliano Werber,
21:32Juliano, rends-toi à la justice.
21:36Cet homme est dangereux pour les familles et pour la société,
21:40vous ne pouvez pas le cacher.
21:43Et toi Juliano, maintenant ça suffit,
21:47cesse de faire le mal, rends-toi à la justice,
21:50pour pouvoir reprendre un bon chemin ensuite.
21:55Pendant ce temps, sur le terrain, la chasse à l'homme continue.
22:00Plus une voiture ne passe sans être contrôlée,
22:02les coffres sont ouverts, toutes les pièces d'identité sont contrôlées,
22:05tous les noms sont donnés de la secte, surtout du noyau dur,
22:10et tout le monde passe dans les filets sans pouvoir passer, sans être contrôlé.
22:19Il va y avoir ensuite des surveillances aériennes, des hélicos, des barrages.
22:24En parallèle avec les moyens aériens, tout à fait.
22:28Bien sûr les aéroports, il ne faut pas qu'ils se sauvent avec l'enfant.
22:31Les ports également, navires, bateaux, etc.
22:36Parce qu'on se dit, ils vont partir, c'est pas possible qu'ils restent sur l'île.
22:39Donc vraiment tous les moyens sont mis en place, tout le monde est prévenu.
22:44On espère, avec tous ces moyens mis en place, pouvoir avoir une piste.
22:50De son côté, Freedom, la radio la plus écoutée de l'île, continue à mobiliser.
22:56Régulièrement, nous lancions des appels.
22:58Si vous constatez une clôture qu'on a rehaussée, des gens qui vivent cachés,
23:06appelez-nous, appelez les autorités.
23:09A mon avis, ils ont changé de véhicule, ils sont montés par le haut.
23:12Soit par le plat, soit par Python 5, le par là-bas.
23:15Donc à mon avis, ils sont passés par le haut.
23:17Il faut que sur le haut, ils regardent bien de partout.
23:20Toutes les opérations passent en direct à la radio.
23:23Et l'île suit chaque agissement des enquêteurs.
23:28Ça devenait une télé-réalité.
23:31Ça devenait, je dirais, un film en direct.
23:39Ça dramatisait encore plus.
23:43Et le sujet traité, c'est-à-dire Juliano Verban,
23:49pouvait apparaître à certains comme un héros de western.
23:55Mais ce batage médiatique intense est tout, sauf le fruit du hasard.
24:01La pression monte parce que rapidement, lorsqu'on regarde le calendrier,
24:04nous avons une date qui nous inquiète.
24:06C'est la date du 9 août.
24:08C'est le Saint-Amour.
24:10Et on se dit, si jamais nous ne retrouvions pas Alexandre *** avant le 9,
24:15que pourrait-il se passer ?
24:16On aurait pu imaginer peut-être une cérémonie, une pratique, un viol, un rituel.
24:23Donc il fallait absolument qu'on règle cette question avant cette date.
24:30Après l'échec de la nuit de recherche à Saint-Paul,
24:32les policiers n'ont pas le temps de se reposer.
24:36Nous sommes déjà sur le pont à 7 heures du matin.
24:39Nous faisons quelques réunions.
24:40La synthèse nous amène à identifier trois points.
24:43Trois points de chute possibles vers Saint-Leu, vers Saint-Paul et vers le tampon.
24:48Plus précisément, le lieu dit le petit tampon.
24:51Trois points de chute qui sont le fruit du recoupement de plusieurs éléments.
24:56Les relevés téléphoniques des ravisseurs,
24:58les déclarations sibyllines de Jean-Charles Dalton et le flair des policiers.
25:04Et là, nous déciderons de faire un choix.
25:06On commencerait donc par le petit tampon, puis les deux autres.
25:09Le petit tampon.
25:11Une ville à l'autre bout de l'île, dans le sud.
25:15Jean-Charles Dalton a évoqué subrepticement une maison
25:18où Alexandre et les membres de la secte pourraient se cacher.
25:23Voilà 40 heures que le jeune garçon a été enlevé.
25:26Les policiers doivent trouver cette maison au plus vite.
25:29On récupère un bon chauffeur, donc un policier pilote de rallye.
25:33Nous sommes quatre enquêteurs, ainsi que moi-même,
25:37Jean-Charles Dalton dans la voiture, qui est censé nous indiquer,
25:40mais qui ne parlera pas beaucoup,
25:42et puis une voiture du GIPN qui nous accompagne.
25:45Pieds au plancher, les policiers foncent vers le petit tampon.
25:49Quand nous arrivons, nous nous équipons de gilets pare-balles,
25:53nous nous armons, et on se prépare donc à, comme on dit,
25:56investiguer, à faire des recherches dans un village,
26:01parce qu'on ne sait pas précisément où pourraient se trouver
26:03la dite maison et les personnes que nous cherchons.
26:08Nous progressons. Nous savons par des informations
26:12que Julien Nauvéabard avait quelques petites préférences.
26:17Il aimait les maisons surélevées, il aimait certains types de chiens.
26:21Il avait des petites pratiques, des petites manies.
26:24Donc on a donc été attentifs à certaines maisons.
26:28On a fait aussi attention au comportement de Jean-Charles Dalton
26:31qui était dans la voiture, parce qu'il parlait peu,
26:34mais il respirait. Et on avait noté que, par moments,
26:38il avait le souffle contrarié, saccadé, inquiet.
26:47Puis à un moment donné, on s'est retirés.
26:49Il fallait bien échanger, faire le point, le ressenti.
26:52Est-ce qu'il faut abandonner mes recherches ?
26:57Les policiers doutent, hésitent.
26:59Mais leur intuition les persuade de continuer.
27:04En se fiant au souffle inquiet de Jean-Charles Dalton,
27:07ils relèvent plusieurs plaques d'immatriculation
27:10qu'ils font vérifier à distance, sans résultat.
27:13Quand tout à coup...
27:15Donc on passe plusieurs plaques.
27:17Et l'une d'elles, on nous répond,
27:19ah, ça c'est intéressant, cette plaque correspond à une voiture
27:23qui avait été engagée pour tenter d'enlever Alexandre.
27:27Une voiture qui a servi un mois plus tôt
27:29lors du premier enlèvement d'Alexandre.
27:32Les policiers brûlent.
27:3419h40, l'opération se prépare.
27:45Nous voyons que la voiture est stationnée.
27:47Ce n'est pas la seule. Le coffre est ouvert.
27:50Nous le comprenons ainsi.
27:52A l'évidence, il s'apprêtait à partir.
27:54Au moment où nous nous rapprochons,
27:56nos regards vont croiser la personne
27:59qui est en train de mettre des valises ou des objets dans le coffre.
28:03Les regards se croisent.
28:05Ça, c'est une demi-seconde.
28:07Instantanément, nous descendons des voitures
28:09et nous investissons.
28:13Nous franchissons les clôtures,
28:15nous investissons la maison.
28:17Ça court de partout.
28:19Et nous commençons à interpeller des personnes.
28:22Et puis l'une d'elles,
28:24allongée sous une voiture,
28:26nous la récupérons.
28:28Et cette personne s'adresse à moi.
28:30Je suis Petit Lys d'Amour.
28:34Petit Lys d'Amour,
28:36autrement dit Julien Auverbar.
28:39Les policiers viennent de mettre la main sur le gourou de la secte.
28:43Il est aussitôt interpellé, placé dans le véhicule.
28:46Et bien entendu, nous n'avons pas encore tout réglé.
28:49Où est l'enfant ?
28:51Plusieurs membres de la secte sont arrêtés.
28:54Mais aucune trace d'Alexandre.
28:56Les policiers craignent ni le pire,
28:58quand soudain...
29:00Je reçois un appel téléphonique d'un des enquêteurs
29:02sur une maison voisine
29:04qui me dit j'ai l'enfant.
29:06Un policier et membre du GIPN
29:08se dirigent aussitôt vers le pavillon mitoyen.
29:11Il est là, dans la maison voisine.
29:13Je me rapproche et il me met l'enfant dans les bras.
29:16Donc là, c'est le petit Alexandre.
29:18Enfin retrouvé, sain et sauf.
29:23...
29:31Lorsqu'on vous remet Alexandre dans les bras...
29:34C'est une grande émotion.
29:36On ne peut pas savoir à quel point
29:38on a le sentiment d'avoir sauvé une vie.
29:41Parce que c'est ça. On ne sait pas vraiment les choses.
29:44Mais il est là.
29:46Il a été enlevé par un homme
29:48qui a été condamné à 15 ans de prison pour viol.
29:51Qu'il avait enlevé, on ne sait pas vraiment pourquoi.
29:54La maman était désemparée.
29:56Et l'île de La Réunion était bouleversée.
29:59Donc à un instant T, tout cela était apaisé.
30:02C'était donc fabuleux.
30:04...
30:08Dans quel état il est, Alexandre ?
30:11Il est désemparé, mais il va bien.
30:14La 1re chose que je fais,
30:16une fois qu'on nous assure qu'il va bien,
30:18j'appelle sa mère.
30:20On la prépare doucement, mais rapidement.
30:23Il faut annoncer la bonne nouvelle
30:25qu'il est avec nous.
30:27Elle est absolument heureuse.
30:29J'entends des exclamations dans la maison.
30:32C'est la famille qui est heureuse.
30:34D'un point de vue personnel, c'est un moment très fort.
30:37De joie, de satisfaction.
30:39Je l'ai rencontré qu'une seule fois dans ma carrière.
30:42...
30:46Un moment intense pour les policiers
30:48qui se déroule en direct.
30:50Il y a eu des fuites.
30:52Nous avions su qu'il se passait quelque chose.
30:55Beaucoup de nos auditeurs du Tampon
30:57et de la région Sud se sont déplacés.
31:00Il y a eu une foule incroyable.
31:02...
31:05Il y a moins de 500 à 600 personnes devant la maison.
31:08Les gens réclament le fait qu'ils disent à moi
31:11qu'il faut les lâcher.
31:13Nous avons un afflux de personnes sur la maison.
31:16Il y aurait une gestion particulière à envisager.
31:19A chaque fois que nous nous déplacerons,
31:21nous serons applaudis, félicités par la population,
31:24par la foule.
31:26Mais à chaque fois que cette foule apercevra
31:29un petit fils d'amour ou un complice,
31:31il y aura des huées.
31:33Nous craignons une velléité de lynchage.
31:38...
31:40Grâce à un important dispositif de sécurité,
31:43les policiers parviennent à extraire
31:45la quinzaine de membres de la secte
31:47des griffes de la population.
31:49Alexandre a été retrouvé.
31:51L'information se répand sur l'île
31:53comme une traînée de poudre.
31:55C'est dans cette maison, dans le sud de la Réunion,
31:58que policiers et gendarmes ont mis fin dimanche soir
32:01à la cavale du gourou Juliano Verbar.
32:04Alexandre, 12 ans, a été libéré.
32:06...
32:09Pendant ce temps, Alexandre est conduit à l'hôpital
32:12où il va pouvoir être examiné et retrouver sa famille.
32:17Je suis hyper soulagée.
32:19J'ai eu Alexandre au téléphone.
32:21Apparemment, il va bien.
32:23Je ne sais pas si physiquement il va bien,
32:25mais il a envie et tout va bien.
32:27...
32:29Par chance, Alexandre n'a pas subi de violences sexuelles.
32:33Sa mère téléphone à Radio Freedom
32:36pour les remercier d'avoir activement participé
32:39à l'enquête du jamais vu.
32:42C'est une libération pour toute l'équipe.
32:45Les jours qui viennent de passer n'ont pas été faciles.
32:48C'est effectivement un grand moment de soulagement
32:51de voir que cette affaire se termine bien.
32:54Et bien sûr, l'animateur à l'antenne en profite.
32:57Il demande à la mère d'Alexandre
32:59les détails de la séquestration.
33:02Alexandre a été mis dans le coffre de la voiture.
33:05La première nuit, il a été dehors.
33:07Il a dormi dans une forêt sur 10 épis.
33:09Donc il a très peu mangé.
33:11Ensuite, ils l'ont changé.
33:13Ils lui ont piqué ses baskets.
33:15La voiture qui a été brûlée, c'était celle dans laquelle il était.
33:18Ensuite, ils ont pris une autre voiture.
33:20Ils ont marché beaucoup, peut-être 15 km.
33:22Ils étaient épuisés.
33:23Ils regardaient la télévision.
33:25Ils changeaient de chaîne pour pas qu'Alexandre voit trop les infos.
33:28Ils avaient, je pense, peur qu'Alexandre veuille s'enfuir.
33:31Ça me fait chaud au cœur.
33:33Je me suis dit, voilà, on n'est pas tout seul.
33:35Et voilà, je remercie tout le monde.
33:41De leur côté, Julien Auverbar et ses adeptes
33:44sont conduits au commissariat de Saint-Denis
33:46où ils sont placés en garde à vue
33:48et bénéficient d'un avocat.
33:52Je rencontre Julien Auverbar, Fabrice Michel, Corinne Michel
33:55et plusieurs autres membres de la secte
33:57qui sont là, j'allais dire, très énervés.
34:02Certains apeurés.
34:04Ils se demandent ce qui va se passer.
34:06On les sent vraiment toujours dans l'adrénaline
34:09qu'ils devaient avoir depuis quelques jours
34:11comme des fugitifs.
34:13L'avocat est tout de suite frappé
34:15par l'attitude de ce gourou si jeune,
34:17Julien Auverbar.
34:19Il était le plus calme.
34:21Le plus calme, inquiet, un peu angoissé.
34:25Il avait conscience que c'était grave, tout ça.
34:28Il avait conscience qu'il était en cava.
34:31Il avait été condamné à 15 ans de prison quand même,
34:33même si c'était par défaut.
34:35Et que ça y est, c'était l'heure de l'addition.
34:38L'heure de l'addition était arrivée.
34:40Il était arrêté et il n'allait pas s'en sortir comme ça.
34:43Parce que tout allait, évidemment, lui tomber dessus.
34:46Les histoires de viol qu'on lui reprochait,
34:48un nouveau procès.
34:50Et puis cet enlèvement.
34:52Sans compter que c'est un double enlèvement
34:54puisqu'il y a eu un enlèvement où ils avaient relâché Alexandre
34:57un mois plus tôt.
34:59Face aux policiers, Julien Auverbar est au départ
35:01moins diser qu'avec son avocat.
35:04En fait, il ne dit les choses que si on le reconnaît
35:06comme chef de sa secte et comme étant une personnalité.
35:09Donc on comprend ce profil psychologique.
35:11Et donc on va jouer là-dessus.
35:13Et c'est là qu'il va parler, qu'il va tout expliquer.
35:19Il était dans ses certitudes en tant que chef de secte.
35:22Il se percevait comme un chef religieux.
35:25Pour lui, il n'y avait pas le mal.
35:27L'enfant, c'est le futur.
35:29Tant qu'il le préparait.
35:32Et puis c'était donc lui l'incompris.
35:35Un positionnement que les adeptes de la secte
35:38défendent en bloc.
35:40Tout ça, c'est une grande injustice.
35:42Ils ne sont pas dans la culpabilité.
35:44Pour eux, s'ils ont fait un enlèvement, c'était légitime.
35:47C'était parce que Julien Au était un gourou,
35:50mais parce qu'il était un voyant,
35:52qu'il était proche de certaines choses,
35:54que tout ce qu'on dit sur lui, sur les Violetta,
35:56tout ça, c'est de la connerie.
35:58De toute façon, c'est lui qu'on protège.
36:00Quoi qu'il arrive, c'est lui qu'on protège.
36:02Il préfère faire de la prison.
36:04Il préfère être privé de tout.
36:06Ça allait très loin.
36:08C'était impressionnant tout ce qu'il était capable de faire.
36:11Aucun des adeptes ne veut croire
36:13que Julien Auverbare a commis des viols,
36:15encore moins qu'il est homosexuel.
36:19Pourtant, son amant est toujours à ses côtés.
36:22Il s'appelle Fabrice Michel.
36:29Pour Fabrice Michel,
36:31Julien Auverbare, c'était à la fois
36:33son idole,
36:35le représentant de Dieu,
36:37ou en tout cas de Marie sur Terre,
36:39son amant.
36:41Il aurait tout fait pour Julien Auverbare.
36:47Je leur posais la question,
36:49mais si Julien Auverbare vous avait dit
36:51d'aller tuer quelqu'un, vous l'auriez fait ?
36:54Il ne me répondait pas.
36:56Mais à plusieurs d'entre eux,
36:58lorsque je leur ai posé cette question,
37:00j'ai lu dans leurs yeux que bien sûr,
37:02il l'aurait fait,
37:04y compris un acte terroriste.
37:10L'instruction débute
37:12pour déterminer les responsabilités de chacun.
37:14En attendant,
37:16tout ce petit monde est incarcéré
37:18dans la toute nouvelle prison de Lille,
37:20à Domingo.
37:22Mais le 27 avril,
37:24coup de théâtre.
37:26Bonjour, et d'abord cette évasion spectaculaire
37:28de la toute nouvelle prison de Lille de la Réunion.
37:32Nous avons une prison,
37:34neuve, et voilà que
37:36l'hélicoptère,
37:38avec un pilote menacé d'une arme,
37:40se dirige vers Domingo
37:42à la demande des personnes
37:44dans l'hélicoptère qui le menacent.
37:48Cette espèce
37:50d'Arsène Lupin, de la liturgie
37:52démentielle,
37:54il va réussir à s'évader
37:56au nez à la barbe des gardiens.
37:58C'est complètement incroyable.
38:00Si on essayait d'écrire le roman
38:02de cette histoire,
38:04on aurait des rebondissements
38:06et peut-être même que le scénariste
38:08dirait « mais vous en faites trop ».
38:10Non, il a réussi bel et bien à s'évader.
38:16Manifestement, le coup était préparé
38:18puisque Petit Lys d'Amour,
38:20son compagnon,
38:22et le père de celui-ci
38:24s'emparent de l'hélicoptère,
38:26parviennent à monter dans l'hélicoptère
38:28qui lui-même repart
38:30et va se poser un peu brutalement
38:32mais sans dégâts.
38:34Alors que tout le monde pensait
38:36être débarrassé de lui sur l'île,
38:38Juliano Verbar fait de nouveau la une
38:40de l'actualité.
38:42Tout le monde en parlait,
38:44il y avait même des chansons comiques
38:46à la radio, des détournements
38:48« Oh, vous l'a pris l'hélico,
38:50c'était l'heure de l'évasion ».
38:52Un rebondissement qui est loin
38:54de faire rire tout le monde.
38:56Encore une fois, on va se retrouver
38:58dans la même posture que la fois précédente,
39:00c'est comment recueillir les éléments,
39:02comment recueillir la parole,
39:04comment obtenir des éléments clés
39:06pour élucider l'affaire à nouveau.
39:10Le plan Papang est déclenché,
39:12l'équivalent du plan Épervient en métropole.
39:14Toutes les sorties de l'île
39:16sont surveillées.
39:18Les enquêteurs perquisitionnent un à un
39:20les domiciles des adeptes et les placent
39:22en garde à vue, surveillent leurs téléphones,
39:24leurs cartes bancaires.
39:26Des efforts qui finissent par payer.
39:32Deux semaines après sa spectaculaire évasion,
39:34Juliano Verbar et ses deux complices
39:36sont enfin logés.
39:38Grâce aux écoutes téléphoniques,
39:40les policiers les interpellent
39:42dans cette résidence de Sainte-Marie,
39:44dans la cour d'assises de Saint-Denis.
39:46Retour à la casse-prison.
39:58Cour d'assises de Saint-Denis.
40:00Le procès s'ouvre en présence d'Alexandre,
40:02alors âgé de 17 ans,
40:04et de sa famille.
40:08Ça a été douloureux, oui.
40:10Ça fait ressurgir beaucoup de souvenirs ?
40:12Beaucoup de souvenirs, de peurs et d'appréhensions.
40:14Votre fils, comment il se situe par rapport à ça ?
40:18Il est anxieux aussi,
40:20mais nous sommes quand même sereins
40:22du déroulement du procès.
40:26On essaye d'être un peu plus calmes
40:28et on a de bons avocats.
40:34De son côté, Juliano Verbar arrive
40:36sous haute surveillance,
40:38escorté par une quinzaine d'officiers de police.
40:40C'était un procès avec une salle
40:42qui était trop petite pour contenir
40:44tous ceux qui voulaient venir.
40:46Aux côtés de Petit-Lys d'Amour,
40:48son amant Fabrice Michel
40:50et 17 autres adeptes de la secte,
40:52dont la plupart comparaient libres.
40:54Tous sont jugés pour l'enlèvement
40:56et la séquestration en borne organisée
40:58d'Alexandre.
41:00Le plus frappant, c'était quand même
41:02de voir Juliano Verbar à qui,
41:04en le voyant comme ça,
41:06on ne pouvait pas prêter l'emprise
41:08à des personnes qui se sont laissées
41:10embrigader dans cette secte
41:12par un personnage dont le charisme
41:14n'était pas du tout évident.
41:16Il a très peu parlé à l'audience.
41:18Il s'est enfermé dans une espèce
41:20de mutisme. Les psychiatres ont dit
41:22qu'il n'était pas fou.
41:24Donc, on a affaire à un type
41:26de paranoïaque,
41:28mais responsable,
41:30organisé, capable
41:32de dissimulation, capable de manipulation,
41:34capable d'organisation mentale
41:36efficace, mais en même temps
41:40titubant dans un délire
41:42pseudo-spirituel,
41:44pseudo-liturgique,
41:46mais avec des adeptes.
41:48Comme quoi, ça marche.
41:52Face à la cour,
41:54Juliano Verbar tente de se distancier
41:56de ses adeptes.
41:58Le but pour lui, pendant le procès,
42:00c'était vraiment de se présenter comme quelqu'un
42:02qui voulait dire, finalement,
42:04c'est plutôt les adeptes qui ont fait de moi un gourou
42:06que moi qui ai décidé d'avoir des adeptes.
42:10Ce n'est pas Juliano qui a organisé tout ça.
42:12Pas du tout. C'est les gens de la secte.
42:14Parce qu'il n'avait plus personne
42:16pour prêcher,
42:18pour avoir des adeptes, pour reprendre
42:2010, 20 euros aux gens qui viennent
42:22pour les messes. Et vous faites comment
42:24quand vous n'avez plus de prêche, quand vous n'avez plus d'élu ?
42:26Que l'élu, il ne peut plus parler à la vierge
42:28puisqu'il est en cavale. Eh bien, il faut en trouver
42:30un autre. C'était
42:32Alexandre. C'est tout simplement quelqu'un
42:34dont on a besoin. C'est tout.
42:36C'est juste une tête de gondole.
42:38Sauf que la première tête de gondole
42:40qu'on avait fait roi, elle ne pouvait plus
42:42servir. Il fallait un autre.
42:54C'est extraordinaire, ces individus
42:56qui vivent dans un autre monde
42:58et qui sont dans notre monde.
43:00C'est paradoxal. On a l'impression qu'ils habitent
43:02une autre dimension et puis la quittent
43:04et reviennent dans une soucoupe de
43:06démence sur notre terre.
43:08La question qui s'est posée, c'est de savoir
43:10s'il était
43:12le seul manipulateur
43:14ou s'il avait été
43:16en quelque sorte instrumentalisé
43:18par ses fidèles
43:20qui, l'ayant investi d'un rôle,
43:22l'auraient amené finalement
43:24à jouer ce rôle par
43:26processus d'identification.
43:28Je crois qu'il y a les deux.
43:30Lui
43:32et son public
43:34faisaient cause commune,
43:36délire commun.
43:38Ils allumaient son délire,
43:40mais en même temps, comme ils jouaient
43:42complètement le jeu, en réponse,
43:44ils allumaient leur délire.
43:46Donc on est dans une espèce de réciprocité permanente.
43:48L'image qui m'a le plus marqué,
43:50c'est le co-accusé qui embrasse
43:52la main de Giuliano Verba,
43:54alors que les uns et les autres
43:56étaient en train de dire que non,
43:58finalement, il n'avait pas tant d'influence,
44:00c'était pas lui qui avait décidé, etc.
44:02Et de le voir comme ça,
44:04comme on embrasse la bague d'un évêque,
44:06d'embrasser
44:08la main de Giuliano Verba,
44:10devant la cour, devant les jurés,
44:12devant la presse, devant les avocats,
44:14c'est incroyable.
44:16Face à cette pluie de croyances
44:18abracadabantesques,
44:20il y a Alexandre,
44:22le jeune garçon,
44:24devenu adolescent et bien réel,
44:26sa souffrance aussi.
44:28Il a un témoignage assez dur,
44:30tous les regards sont braqués sur lui,
44:32la presse,
44:34c'est un adolescent
44:36qui a évolué aussi,
44:38qui garde des traces de tout ça.
44:40C'est un peu ce qu'il y a
44:42de plus en plus,
44:44donc ça n'a pas été facile
44:46pour lui d'expliquer
44:48ce qui s'était passé.
44:50Il a voulu l'affronter
44:52pour exorciser sa propre histoire.
44:54À partir du moment
44:56où il a pu l'affronter,
44:58le regarder,
45:00lui parler,
45:02le maîtriser,
45:04il a fait un acte au sens
45:06presque théologique du terme,
45:08il a fait un acte d'exorcisme.
45:10Il a chassé de lui-même
45:12tout ce qui aurait pu être
45:14les limbes de pouvoir
45:16que cet homme aurait pu garder sur lui.
45:18Et ça, ça a été assez fascinant
45:20de voir un adolescent
45:22reprendre possession
45:24totalement de lui-même
45:26et en quelque sorte
45:28être plus fort
45:30que l'homme qui l'avait enlevé.
45:32Si Alexandre fait face
45:34avec courage,
45:36les experts qui l'ont examiné
45:38sont unanimes.
45:40Le garçon porte encore
45:42les stigmates de ce qu'il a subi.
45:46J'ai utilisé le terme
45:48de stress post-traumatique
45:50parce qu'il présentait
45:52tous les symptômes
45:54d'une affection psychologique
45:56vraiment très sérieuse.
45:58Il présentait vraiment
46:00des phénomènes d'angoisse.
46:02À la suite de cela,
46:04il a eu des cauchemars.
46:06Il ne savait pas du tout
46:08ce qui se passait à l'extérieur.
46:10Il avait peur de mourir étouffé.
46:12Il a eu peur aussi pour sa vie
46:14quand il y a eu
46:16l'arrivée des forces de police.
46:18Il ne savait pas trop
46:20ce qui se passait à l'extérieur.
46:22Il ne contrôlait pas
46:24mais il y avait des bruits
46:26qu'il entendait,
46:28le bruit de la foule.
46:30Les gens criaient,
46:32les gens appelaient à l'assaut.
46:34Ils étaient très violents
46:36vis-à-vis du groupe.
46:38Ils demandaient carrément
46:40la mort du gourou.
46:44Cela renforçait encore davantage
46:46l'impression d'être pris au piège.
46:48C'est très dur.
46:50Le kidnapping d'Alexandre
46:52sous les yeux des membres de sa famille
46:54a été un choc pour eux aussi.
46:56Corentin, son petit frère
46:58qui avait 9 ans à l'époque
47:00et que tout le monde oublie,
47:02vient lui aussi faire part à la barre
47:04et il voit son grand frère
47:06emmené et tiré de force
47:08dans l'escalier.
47:10Ce petit garçon avait été très marqué.
47:12Il avait eu un témoignage
47:14très émouvant au moment de l'audience.
47:16C'était un enfant qui
47:18a été très traumatisé lui aussi.
47:20Il a fallu soigner.
47:22À un moment donné,
47:24peut-être même encore plus traumatisé
47:26que son frère aîné.
47:30Un témoignage
47:32qui bouleverse la cour.
47:34C'est alors que Juliano Verbar
47:36se lève.
47:38Je comprends mieux ce que j'ai fait.
47:40J'ai fait du mal à Alexandre, à Corentin et sa famille
47:42et je demande pardon à Corentin.
47:48Des excuses
47:50qui semblent avoir paru sincères.
47:52Après plusieurs heures de délibérés,
47:54les accusés écopent de peines plus faibles
47:56que celles qui ont été requises.
47:583 à 8 ans pour les complices,
48:009 ans pour Juliano Verbar
48:02et son amant.
48:049 ans de prison, c'est la peine prononcée
48:06contre Juliano Verbar, complice
48:08des deux enlèvements d'Alexandre en 2007.
48:10Une peine identique à celle de Fabrice Michel.
48:12Pas de sanctions plus sévères
48:14donc pour le jeune gourou.
48:16C'est une victoire pour la défense.
48:20C'est un verdict qui ne veut rien dire.
48:22C'est un verdict dans lequel
48:24entre
48:26toutes les limites de la justice.
48:28Est-il fou ?
48:30Oui.
48:32Est-il vraiment fou ?
48:34Non.
48:36Est-il responsable ?
48:38Oui.
48:40Totalement responsable ? Non.
48:42On ne peut pas croire qu'on habite Mars
48:44et être tout à fait responsable.
48:46Donc c'est cette espèce
48:48de
48:50contradiction interne au procès
48:52qui n'a pas été réglée.
48:54Ni par les psychiatres, ni par les psychologues
48:56qui fait que le verdict a été
48:58relativement clément.
49:00On ne peut pas ne pas se dire
49:02qu'on a affaire à des dingos.
49:04Mais en même temps on se dit qu'ils sont quand même très dangereux.
49:06Il faut leur montrer
49:08que la répression existe.
49:12C'était considéré comme être
49:14un verdict à échelle humaine.
49:16C'est ce qu'on avait titré dans les journaux.
49:18Juliano Verbar
49:20n'avait pas été condamné en gourou
49:22mais en Juliano Verbar.
49:27Les peines étaient relativement modérées
49:29mais on savait aussi que Verbar
49:31avait d'autres procès
49:33et derrière et devant lui.
49:35Et que de toute façon, quel que soit le quantum de la peine,
49:37il aurait quelques années de prison
49:39à purger dans tous les cas.
49:41Juliano Verbar a provoqué la justice,
49:43il a provoqué l'Église catholique,
49:45il a provoqué l'administration pétancière,
49:47il a provoqué la police.
49:49Et à un moment,
49:51ça tombe.
49:57Après plusieurs procès
49:59et après que son avocat ait obtenu
50:01la confusion de toutes les peines,
50:03Juliano Verbar a écopé au total
50:05de 31 années de prison.
50:07Une longue détention
50:09que Petit Lys d'Amour effectue
50:11en métropole,
50:13aux côtés de Fabrice Michel,
50:15son amant de toujours.
50:17Lorsqu'ils ont été incarcérés,
50:19ils ont été les premiers
50:21à se passer en prison.
50:23Aux dernières nouvelles,
50:25à la centrale de l'île de Ré,
50:27mais je suis quasiment certaine
50:29qu'ils ont dû être les deux
50:31premiers détenus à se marier en prison.
50:39Fin de l'histoire
50:41pour Juliano Verbar.
50:43Mais où en est la famille aujourd'hui ?
50:45Comment Alexandre et ses proches
50:47ont-ils pu se reconstruire
50:49après cette terrible affaire
50:51et ce douloureux procès ?
50:56La voie de la reconstruction
50:58a été compliquée pour Alexandre.
51:00Après le procès,
51:02il a dû reprendre le chemin
51:04de l'école,
51:06et les enfants ne sont pas
51:08toujours tendres entre eux.
51:10Il a tellement été médiatisé
51:12ici à La Réunion
51:14que quand il s'est retrouvé scolarisé,
51:16il a repris le chemin du collège
51:18à l'époque à Saint-Denis.
51:20Il a été perçu un peu
51:22comme quelqu'un qui finalement
51:25était un peu responsable quelque part.
51:27Il n'était même plus une victime
51:29aux yeux de ses camarades.
51:31Il a été rejeté, il s'est senti rejeté.
51:33Enfin ça, il l'avait verbalisé.
51:35Et il avait
51:37beaucoup de tristesse, d'amertume.
51:39Il était aussi très marqué par cela.
51:41Mais il était assimilé,
51:43un peu un gourou.
51:45Il était lui-même peut-être un peu gourou quelque part.
51:47Difficile pour Alexandre,
51:49malgré le soutien
51:51dont il a bénéficié.
51:54Le petit Alexandre lui a offert un ballon de football
51:56parce qu'il aime le football.
51:58Il y a eu des échanges, quelques mots, des lettres aussi,
52:00des remerciements, etc.
52:02Je pense que c'est normal qu'il y ait plus d'échanges
52:04parce qu'il faudrait à un moment donné couper,
52:06tourner les talons et aller de l'avant.
52:08C'était important pour eux.
52:10Pour aller de l'avant, les parents d'Alexandre
52:12vendent leur commerce, un bar tabac,
52:14à perte,
52:16avant de se réfugier en métropole.
52:18Il y a eu des dommages à intérêts
52:20qui ont été fixés par la cour.
52:22Ça n'était pas démesuré
52:24en rapport de ce qu'ils avaient subi
52:26et de ce qu'ils ont dû reconstruire
52:28en repartant en métropole,
52:30en perdant tout ce qu'ils avaient construit,
52:32tout ce qu'ils avaient investi à La Réunion.
52:34Ça a eu des conséquences sur leur vie
52:36très difficiles.
52:38La famille d'Alexandre a été ravagée
52:40par une onde de peur
52:42qui s'est complètement
52:44incrustée en eux
52:46et qui continue à vivre en eux.
52:48C'est ça qui est incroyable.
52:50Ces ondes de choc continuent
52:52à fonctionner, à bouger
52:54et ces malheureux,
52:56qui sont de braves gens,
52:58n'ont pas pu se débarrasser
53:00de l'empreinte de cette peur.
53:04Une peur
53:06que la famille d'Alexandre
53:08tente de dompter chaque jour.
53:12Toujours soulé à sa famille,
53:14Alexandre reste très proche
53:16de son frère Corentin
53:18et à 7000 kilomètres
53:20des fantômes réunionnais,
53:22Alexandre vient de devenir père.