Elle a réussi à faire le métier qui la faisait fantasmer dans les films ! La chercheuse et astrophysicienne Léa Griton-Noël est l’invitée de Mathilde Serrell.
Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
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00:00 Grâce aux nouvelles têtes, Mathilde, ce matin, une tête chercheuse qui s'est tournée
00:04 vers le ciel, l'astrophysicienne Léa Gritton-Noël est dans notre studio Portrait Sonore !
00:11 * Extrait de Portrait Sonore *
00:22 Elle est née dans un monde où Barbie, astronaute, existait déjà, mais où la place des femmes
00:27 dans l'exploration spatiale n'était pas encore acquise.
00:30 En ce moment à la Cité des Étoiles, sur 25 à 30 cosmonautes à l'entraînement,
00:35 nous sommes deux femmes à nous préparer.
00:36 Et donc je crois que nous avons soit des compétences particulières, soit des missions
00:40 propres à réaliser à bord qui ne sont pas celles d'une femme par rapport à un homme,
00:45 mais celles d'un métier par rapport à un autre.
00:47 Quand Claudie Aigneret, première femme spationaute française et première femme européenne dans
00:51 l'espace, décolle à bord de la mission Cassiopée en 1996, elle n'a que 4 ans.
00:56 Et déjà une passion pour les formules.
00:58 * Extrait de Supercalifragilisticexpialidocious *
01:14 Sa passion ! Après la VHS de Mary Poppins, ce sera Apollo 13, puis les adaptations ciné
01:21 de Star Trek et Un Jour, après une licence d'ingénierie mécanique et un doctorat en
01:25 astrophysique.
01:26 A l'Observatoire de Paris, la voilà comme dans les films.
01:29 * Extrait de Supercalifragilisticexpialidocious *
01:44 En 2030, elle et son équipe enverront une mission vers Uranus, 53 ans après le lancement
01:51 des vaisseaux Voyager 1 et 2.
01:53 Léa Gritton-Noël, bonjour !
01:54 * Bonjour, merci beaucoup ! *
01:56 2030 en temps astrophysique, pour vous c'est demain ?
01:58 * Oui, ça se prépare dès aujourd'hui, on a énormément de choses à faire et effectivement
02:04 c'est un métier où on se projette en permanence dans le futur.
02:07 * Vous avez 30 ans, vous êtes astrophysicienne, je l'ai dit, maîtresse de conférence à
02:11 la Sorbonne, chercheuse spécialisée en physique des plasmas dans le système solaire.
02:16 Dans votre livre "Enquête de Planète" qui est publié chez Quanto, vous racontez ce
02:19 parcours, ce métier et surtout ce moment où vous réalisez vos fantasmes de cinéma.
02:24 Vous vivez des scènes qu'on a tous vues dans les films ?
02:26 * Oui, ça fait partie de toute l'aura du métier d'astrophysicien.
02:33 Quand j'ai été voir mon premier lancement de fusée en Guyane par exemple, ou quand
02:38 j'ai travaillé pour la NASA avec des personnes, avec le Badginasa, qui nous expliquait les
02:45 règles pour les jurys de recherche, etc.
02:47 Ce sont des moments tellement uniques où effectivement il y a toujours une petite voix
02:52 en moi qui me dit "j'ai vu ça dans un film à un moment ou donné, et là je suis
02:56 en train de le vivre".
02:57 Et donc ça je trouve que c'est effectivement une grande joie que j'ai dans mon métier.
03:00 * Sans compter le lancement de votre propre mission, ça va être un achèvement ?
03:05 * BepiColombo déjà en 2018, c'était déjà un très très grand jour dans ma vie parce
03:11 que c'est une mission spatiale sur laquelle j'ai commencé à travailler quand j'étais
03:14 en Master 1, donc encore étudiante à l'époque, je ne savais même pas si j'allais avoir
03:17 une bourse de thèse.
03:18 Et donc quand j'ai pu voir le lancement de la mission que j'avais vue à l'Agence
03:22 Spatiale Européenne avant d'être lancée, franchement j'ai ressenti une émotion absolument
03:26 incroyable.
03:27 En plus c'était un lancement de nuit, toute la forêt amazonienne s'est éclairée
03:31 sous la fusée.
03:32 Donc ça c'était vraiment un sentiment absolument génial.
03:35 Et effectivement, alors la mission Uranus ne sera pas ma mission, c'est des missions
03:39 où il y a des centaines de scientifiques à travailler dessus, mais effectivement,
03:44 comme c'est une mission que j'aurais vue dès sa conception, ce sera effectivement
03:48 une émotion très très particulière.
03:50 Oui parce que là, vous êtes dessus depuis le début.
03:52 D'ailleurs vous racontez qu'il y a une communauté des géantes glacées, c'est
03:56 Uranus et Mercure, ce sont celles qu'on va aller voir dans cette mission.
04:00 Ça faisait très longtemps qu'on n'était pas allé les voir d'ailleurs.
04:02 Et puis on vous a demandé de lever la main, ceux qui étaient nés après 1990, parce
04:06 que c'est vous qui alliez analyser les données, donc c'est vous qui vous êtes
04:09 retrouvées embarquées sur ces missions.
04:11 Oui alors c'est Uranus et Neptune, pardon, je vais vous permettre de corriger.
04:14 Uranus et Neptune.
04:15 Mercure, elle est très difficile à explorer aussi, mais près du soleil, donc c'est
04:18 le problème.
04:19 Elle n'est pas glacée du tout.
04:20 Elle n'est pas glacée du tout.
04:21 Mais par contre Uranus et Neptune, c'est une catégorie à part de planètes.
04:24 On a les planètes telluriques, donc qui ressemblent à la Terre.
04:27 Mercure, Vénus, la Terre et Mars.
04:29 On a les géantes gazeuses, Jupiter et Saturne.
04:31 Toutes ces planètes-là ont bénéficié de au moins un orbiteur, donc c'est des
04:35 missions qui peuvent rester suffisamment longtemps pour voir les changements au cours
04:38 du temps.
04:39 Donc c'est très important pour les scientifiques.
04:41 Et Uranus et Neptune n'ont bénéficié que d'un seul survol de la sonde Voyager 2
04:45 en 1986 et 1989.
04:47 Et le son qu'on écoutait.
04:49 La métaphore que j'aime bien utiliser, c'est vraiment comme si vous passez au-dessus
04:52 d'une ville avec un appareil photo.
04:53 Vous n'aurez pas évidemment les mêmes informations que si vous allez vraiment visiter
04:58 la ville avec une caméra, des micros, tout ce que vous voulez pour enregistrer des informations.
05:03 Et donc là, c'est vraiment ça qu'on essaye de faire.
05:05 Et là où c'est vraiment très important, c'est que pour l'instant, on ne connaît
05:08 pas un quart des planètes du système solaire.
05:10 Et donc c'est quand même important d'y aller et de faire de la recherche là-bas.
05:14 Uranus et Neptune, vous vous définissez comme exploratrice spatiale.
05:18 Le mot est très important pour vous.
05:20 Exploratrice spatiale, pourquoi l'y avez-vous ?
05:23 Parce que je pense qu'on a une époque où c'est ambigu le message qu'on peut donner
05:27 nous les scientifiques.
05:28 Parce que d'un côté, plus on explore, j'insiste sur ce mot, les autres planètes,
05:33 plus on se rend compte qu'on a une chance incroyable sur Terre d'avoir toutes les conditions
05:37 qu'on a.
05:38 Ce n'est pas du tout l'état d'esprit qui occupait mes collègues astrophysiciens
05:41 dans les années 60, au début de l'exploration spatiale.
05:44 Quand on regarde les livres de planétologie des années 60, on parle de conquérir Vénus,
05:49 de conquérir Mars.
05:50 Or aujourd'hui, nous on sait qu'il n'y a pas de planète B sur laquelle on peut
05:53 aller habiter si les conditions sur vie deviennent intenables.
05:56 D'un mot, vous êtes femme astrophysicienne.
05:59 39% des docteurs en sciences naturelles et en maths sont des femmes.
06:03 Et puis après, il n'y a plus que 23% de chercheuses.
06:05 C'est votre combat premier aussi.
06:07 La Gréton, c'est pour ça que vous écrivez ce livre.
06:08 C'est d'essayer de donner des modèles aux femmes dans les carrières scientifiques.
06:13 Oui, j'ai voulu écrire un livre qui parle de science, qui parle d'astrophysique,
06:17 mais qui soit inclusif dans le sens que n'importe quelle femme, que n'importe qui,
06:22 mais en l'occurrence n'importe quelle femme, puisse se sentir à l'aise en le lisant.
06:26 Et donc ça effectivement, c'est un combat très important pour moi.
06:29 Surtout en ce moment, on sait qu'on essaye d'avoir plus de femmes qui se tournent vers
06:33 les sciences et notamment les lycéennes vers les mathématiques.
06:36 Donc voilà, c'est mon message principal.
06:37 Alors on va faire un peu comme on fait dans l'espace.
06:39 Pour conclure, vous allez envoyer une note à votre voûte de dans 10 ans, Léa Gréton.
06:43 Ma chère Léa de 2033, j'espère que tu es heureuse, que ta famille s'épanouit,
06:51 qu'il ne fait pas trop chaud et qu'une machine efficace a été inventée pour éradiquer
06:55 les moustiques.
06:56 Dans 10 ans, je t'imagine fière des découvertes réalisées par Bépi Colombo autour de Mercure.
07:00 Et si la mission a échoué, je sais que tu as su rebondir.
07:03 Où en est la sonde d'exploration d'Uranus ? Sur son pas de tir ? En route vers les
07:07 confins glacés de notre système solaire ? Ou bien dans les archives de la NASA ?
07:11 As-tu trouvé un moyen de faire de l'exploration durable de nos planètes ? Et que sont devenus
07:15 tes étudiants de 2023 ? Marie est ses recherches en chimie, Zoé sa prête-t-elle à monter
07:19 dans le cockpit de son avion ? Lorenzo a-t-il réussi à réduire notre impact sur le climat
07:23 ? Est-ce que Ahmed étudie toujours les plasmas
07:26 spatiaux ? Je te pose beaucoup de questions.
07:28 Sur ce plan, je n'ai pas changé.
07:30 Des formations professionnelles sans doute.
07:31 En 2033, tu n'auras pas toutes les réponses, mais tu auras de nouvelles questions et nos
07:35 aventures ne sont pas prêtes de s'arrêter.
07:37 J'aimerais terminer ce message par une citation d'Hélène Keller, dans le premier gros livre
07:43 qu'on a lu chez Mamie et Papo.
07:44 « La vie est une aventure audacieuse où elle n'est rien.
07:46 Continuons de suivre son conseil. »
07:49 Et voilà, les agritournois, elle s'est envoyée dans l'espace.
07:52 Enquête de Planète, c'est publié chez Canto.