Association Meuse nature environnement et autres [Stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs]
Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231066QPC.htm
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00:00 (...)
00:16 ...
00:36 -Nous prenons la seconde question,
00:44 qui est la question
00:47 2023-1066.
00:52 Elle porte sur l'article L542-10-1
00:57 du Code de l'environnement,
00:59 dans sa rédaction qui résulte de la loi du 25 juillet 2016,
01:06 qui précise les modalités de création
01:08 d'une installation de stockage réversible
01:10 en couches géologiques profondes
01:13 des déchets radioactifs de haute et moyenne activité
01:16 à vie longue.
01:19 Mme la greffière, dites-nous les étapes
01:21 de la procédure d'instruction, s'il vous plaît.
01:23 -Merci, M. le Président.
01:25 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 3 août 2023
01:28 par une décision du Conseil d'Etat
01:30 d'une question prioritaire de constitutionnalité
01:32 portant sur la conformité aux droits et libertés
01:35 que la Constitution garantit de l'article L542-10-1
01:39 du Code de l'environnement,
01:40 dans sa rédaction résultant de la loi numéro 2016-1015
01:44 du 25 juillet 2016,
01:46 précisant les modalités de création
01:47 d'une installation de stockage réversible
01:50 en couches géologiques profondes des déchets radioactifs
01:53 de haute et moyenne activité à vie longue
01:56 et posée par l'association Meuse Nature Environnement,
01:58 l'association Abolition des armes nucléaires,
02:01 Maison de Vigilance,
02:03 l'association Arrêt du nucléaire 34,
02:05 l'association pour la sensibilisation de l'opinion
02:08 sur les dangers de l'enfouissement des déchets radioactifs,
02:11 l'association L'Assos Tomates,
02:12 l'association Groupe Attaque Vosges,
02:15 l'association Attaque,
02:16 l'association Collectif Meusien
02:18 contre l'enfouissement des déchets radioactifs,
02:20 Bureau Stop 55,
02:22 l'association Bureau Zone Libre,
02:24 l'association Collectif d'Action
02:25 contre l'enfouissement des déchets radioactifs,
02:28 l'association Collectif
02:29 contre l'enfouissement des déchets radioactifs Haute-Marne,
02:32 le syndicat Confédération paysanne de Mortemeselle,
02:35 le syndicat Confédération paysanne de la Haute-Marne,
02:38 le syndicat Confédération paysanne de la Meuse,
02:40 le syndicat Confédération paysanne départementale des Vosges,
02:44 le syndicat Confédération paysanne régionale du Grand Est,
02:47 le syndicat Confédération paysanne,
02:49 l'association des élus de Lorraine et Champagne-Ardennes
02:52 opposée à l'enfouissement des déchets radioactifs
02:54 et favorable à un développement durable,
02:56 l'association France Nature Environnement,
02:58 l'association Champagne-Ardennes Nature Environnement,
03:01 l'association Nature Haute-Marne,
03:03 l'association Globale Chance, l'association Greenpeace France,
03:07 l'association Les Sommeuses,
03:08 l'association Réseau Sortir du nucléaire,
03:11 l'association Sortir du nucléaire 72,
03:13 l'association des habitants vigilants
03:15 du canton de Gondrecourt-le-Château,
03:18 l'association Stop Nucléaire Andro-Mardèche,
03:21 l'association Stop Transport Halte au nucléaire,
03:24 l'association Tchernobylay,
03:25 l'association Vosges Alternatives au nucléaire,
03:28 l'association Vosges Nature Environnement,
03:30 M. Antoine Claude, M. Laurent Barilhio,
03:33 Mme Catherine Biraud, M. Jean-François Bodenreider,
03:36 Mme Marie-Eve Bodenreider-Laitrail,
03:39 M. Eric Cholot, Mme Bénédicte Cholot-Godard,
03:42 M. Séraphin Cholot, Mme Alice Cholot, capitaine,
03:46 M. Jean-Jacques Durupt, Mme Marie Durupt-Lemaire,
03:50 Mme Chrissie Economides-Bam, M. Michel Fossi,
03:55 M. Michel Labatte, Mme Daniel Labatte, rat,
03:59 Mme Claudine Lafrangue-Labatte, M. David Lafrangue,
04:02 Mme Giseline Linto, malgrat, M. René Machinaud,
04:06 Mme Germaine Nikitine Campen, Mme Éliane Paquin-Kamlein,
04:12 M. Serge Paquin, M. Jean-Claude Perrin,
04:15 M. Alain Poirot, Mme Juliette Robert-Rimlinger,
04:19 M. Bernard Robert, Mme Françoise Robert-Grojean,
04:22 M. Jean-Pierre Simon et M. Adèle Tinselin.
04:25 Cette question relative au stockage en couche géologique profonde
04:28 des déchets radioactifs a été enregistrée
04:31 au secrétariat général du Conseil constitutionnel
04:33 sous le numéro 2023-1066 QPC.
04:37 La SCP Zibri et Texier a produit des observations
04:40 dans l'intérêt des parties requérantes
04:42 les 6 et 20 septembre 2023.
04:44 M. Jean-Nicolas Clément a produit des observations
04:46 dans l'intérêt de l'Agence nationale
04:48 pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA,
04:51 partie à l'instance les 6 et 20 septembre 2023.
04:54 La Première ministre a produit des observations
04:56 le 6 septembre 2023.
04:58 Seront entendues aujourd'hui l'avocat des parties requérantes,
05:01 l'avocat de la partie à l'instance
05:02 et le représentant de la Première ministre.
05:04 -Merci, madame.
05:06 Alors, nous allons d'abord écouter M. Texier,
05:11 qui est avocat au Conseil,
05:13 qui représente l'association Nature Meuse Environnement
05:17 et 60 autres parties requérantes.
05:19 Maître.
05:21 -M. le président, mesdames et messieurs,
05:26 les membres du Conseil constitutionnel,
05:28 la question qui vous est posée
05:30 vous amènera à vous prononcer pour la 1re fois
05:32 sur l'existence et la teneur de la protection
05:34 que notre Constitution accorde aux générations futures.
05:38 Et ce n'est pas un hasard
05:39 si elle porte sur le stockage des déchets radioactifs.
05:43 Déjà évoqué au niveau international,
05:44 c'est la loi Bataille du 30 décembre 1991
05:47 sur les déchets radioactifs, justement,
05:48 qui a introduit dans notre droit
05:50 cette notion de génération future
05:52 laquelle figure désormais à l'article L542-1
05:55 du Code de l'environnement.
05:58 Il y est prévu que la recherche et la mise en oeuvre
06:00 des moyens nécessaires à la mise en sécurité définitive
06:03 des déchets radioactifs sont entreprises
06:05 afin de prévenir ou de limiter les charges
06:08 qui seront supportées par les générations futures.
06:13 30 ans plus tard,
06:14 cette question de la protection des générations futures
06:16 dépasse et de loin le cadre du nucléaire.
06:19 L'ampleur et la gravité de la triple crise planétaire,
06:22 urgence climatique, effondrement de la biodiversité
06:24 et pollution généralisée
06:26 font peser une menace imminente et systémique
06:29 sur l'espèce humaine.
06:30 L'extraction et l'utilisation non durable
06:32 des ressources naturelles
06:34 associées à une contamination globale
06:35 par la pollution et les déchets
06:37 ont des répercussions profondes sur le milieu naturel,
06:40 ce qui favorise les changements climatiques,
06:42 aggrave la pollution toxique de l'eau,
06:44 de l'atmosphère et des sols,
06:46 et ravage la biodiversité et les écosystèmes,
06:49 ceux-là même qui soutiennent toute vie.
06:52 Ce constat alarmant, ce n'est pas le mien,
06:54 c'est celui qui est fait comme d'autres avant lui
06:56 par le Comité des droits de l'enfant,
06:57 dans son observation générale numéro 26/2023,
07:00 adoptée au printemps dernier,
07:02 qui préconise d'accorder une attention urgente
07:05 aux droits des enfants nés ou à naître
07:07 quant à la réalisation de leurs droits humains.
07:11 Et ce même constat a déjà conduit
07:13 plusieurs cours constitutionnels étrangères
07:15 à reconnaître un principe de protection
07:17 des générations futures.
07:18 La Cour suprême colombienne en 2018,
07:20 la Cour constitutionnelle fédérale allemande en 2021,
07:22 la Cour suprême brésilienne en 2022,
07:24 je m'arrêterai là.
07:26 La Cour européenne des droits de l'homme
07:27 a également été saisie de plusieurs requêtes
07:29 portant sur l'insuffisance des mesures prises
07:31 par les gouvernements concernés
07:33 dans la lutte contre le réchauffement climatique.
07:35 Elle rendra prochainement ces décisions
07:37 dans sa formation la plus solennelle.
07:40 C'est dire, si on assiste là à une prise de conscience collective
07:44 qui rend nécessaire une certaine fondamentalisation
07:47 de la notion de génération future.
07:50 La question de leur protection constitutionnelle
07:52 apparaît ainsi désormais comme incontournable
07:54 pour ne pas dire irrésistible.
07:56 Vous avez vous-même amorcé un tournant dans cette direction
08:00 avec votre décision du 12 août 2022,
08:03 j'y reviendrai dans un instant,
08:04 rendue dans le cadre de votre contrôle a priori.
08:08 Et vous ne pourrez que consacrer expressément
08:09 cette protection des générations futures
08:11 à l'occasion du contrôle que vous exercez
08:12 lorsque vous êtes saisi par la voie du mécanisme de la QPC.
08:16 Vous contournerez aisément les deux obstacles
08:20 que l'on tente de dresser devant vous sur ce chemin.
08:23 Le premier obstacle tiendrait à ce que les générations futures
08:25 qui ne viseraient que les personnes non encore nées
08:28 ne pourraient bénéficier d'aucun droit subjectif
08:30 que la Constitution aurait vocation à protéger.
08:34 L'argument est cependant inopérant et mal fondé.
08:37 Inopérant d'abord parce que vous n'avez pas besoin
08:39 de personnifier les générations futures,
08:41 pas besoin d'en faire des sujets de droit
08:43 pour reconnaître que leur protection
08:45 doit être garantie par la Constitution.
08:47 Vous l'admettez du reste pour l'environnement
08:49 sans qu'il n'y ait eu besoin de personnifier la nature.
08:55 Il est mal fondé ensuite car ce serait oublié
08:56 que les générations futures sont d'ores et déjà présentes.
09:00 C'est la continuité de l'espèce humaine
09:01 dont le flot ininterrompu des naissances et des morts
09:04 qui se succèdent.
09:06 En vérité, par génération future,
09:09 il faut entendre toute génération de personnes
09:10 qui n'est pas en mesure de décider par elle-même
09:13 de son propre sort.
09:15 Nos enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants,
09:18 qu'ils soient nés ou à naître.
09:20 Et à ce titre, les plus jeunes d'entre nous bénéficient,
09:22 au même titre que les moins jeunes,
09:23 de la protection de leurs droits fondamentaux.
09:27 Le second obstacle tiendrait à ce que les personnes
09:29 non encore nées ne disposeraient d'aucun représentant
09:31 parmi les générations actuelles,
09:33 ceux qui priveraient d'intérêt à agir,
09:35 tout requérant qui oserait s'aventurer sur ce terrain.
09:38 Cet obstacle est plus artificiel encore que le précédent
09:40 car il perd de vue que notre droit
09:42 a toujours su appréhender le futur,
09:45 dès lors qu'il a la certitude qu'il se réalisera.
09:48 Notre droit ouvre largement le prétoire aux associations
09:51 dont le rôle de défenseur de l'intérêt collectif
09:53 est admis depuis bien longtemps,
09:55 pourvu, bien évidemment, que leur action
09:57 entre dans leur objet statutaire et rien ne justifie
10:00 de vous écarter de cette ligne.
10:02 J'en veux pour preuve votre décision du 13 mai 2022,
10:05 au terme de laquelle vous avez regardé comme opérant
10:06 le moyen invoqué par une association de défense
10:09 de l'environnement tirée de la méconnaissance
10:11 de l'article 1er de la Charte, alors même que l'atteinte,
10:14 portée en l'occurrence à la biodiversité,
10:16 n'emportait que très indirectement
10:18 des conséquences néfastes pour l'homme.
10:20 C'est aussi en ce sens que s'est prononcé le Conseil d'Etat
10:22 dans sa décision du 20 septembre 2022
10:24 sur le référendum de liberté,
10:26 admettant que les associations puissent intervenir
10:29 en cas de destruction inévitable des espèces protégées.
10:33 Alors si les associations ont pu être regardées
10:35 comme disposant d'un intérêt à agir suffisamment légitime
10:39 pour protéger le vivant non humain,
10:42 peut-il raisonnablement en aller autrement
10:45 lorsqu'il s'agit de protéger le vivant humain,
10:47 certes non-né, mais dont l'existence future
10:50 est acquise ? Je ne le crois pas.
10:53 Ces obstacles franchis, sur quels fondements
10:56 assoient cette protection constitutionnelle
10:57 des générations futures ?
11:00 Il y a d'abord le principe de fraternité.
11:02 Vous avez déjà consacré ce principe puissant
11:04 qui ne connaît ni frontières ni temporalité.
11:07 Il gouverne naturellement les rapports entre les peuples
11:10 et entre les générations.
11:12 Car ne pas polluer l'espace des autres pays,
11:14 respecter la biosphère comme un bien commun des hommes
11:16 et laisser un environnement viable aux générations futures
11:19 est un devoir de fraternité.
11:21 C'est Guy Canivet qui le dit.
11:24 Et ce principe de fraternité, il soutient d'ailleurs
11:26 l'adoption de la charte de l'environnement.
11:28 Vous savez très bien que la rapporteure du projet de charte
11:30 l'avait clairement affirmée.
11:33 En ce qu'elle défend la garantie des droits des générations futures,
11:36 la charte est un texte de fraternité,
11:39 une fraternité qui se voudrait transgénérationnelle.
11:43 Cela est d'autant plus vrai que la protection de l'avenir
11:45 est une évidence de l'essence même
11:48 de la charte de l'environnement.
11:50 Son préambule est là pour nous le rappeler.
11:52 Son alinéa 2 évoque ainsi l'avenir et l'existence même
11:56 de l'humanité, là où son alinéa 7 fait référence directement
11:59 à la capacité des générations futures
12:01 à satisfaire leurs propres besoins.
12:05 Si vous avez jusque-là considéré que le préambule de la charte
12:08 ne pouvait être invoqué à lui seul au soutien d'une QPC,
12:11 vous ne vous êtes en revanche jamais interdit
12:14 d'en mobiliser les différents alinéas pour éclairer la portée
12:17 des dispositions de la charte.
12:19 C'est ce que vous avez fait dans votre décision du 12 août 2022
12:22 que j'évoquais tout à l'heure.
12:24 Pour donner à l'article 1er de la charte son plein effet
12:27 pour l'avenir en posant via une réserve d'interprétation
12:30 les premiers jalons d'un droit pour chaque génération
12:34 présente et future de vivre dans un environnement
12:37 équilibré et respectueux de la santé.
12:40 Et il vous appartient aujourd'hui de parachever
12:42 cette construction jurisprudentielle.
12:45 Mais au-delà même des termes de son préambule,
12:47 il ne fait aucun doute que la protection du futur
12:49 irrigue intrinsèquement et dans sa globalité la charte.
12:53 En ce sens, ces articles 2, 3 et 4 que vous combinez
12:56 au gré de vos décisions sont imprégnés de cette idée
12:58 qu'il faut préserver l'environnement pour assurer
13:01 la pérennité de l'espèce humaine.
13:04 En ce qu'ils imposent le respect du triptyque
13:06 d'amélioration, prévention et réparation,
13:08 ces textes sont dans leur substance même tournés vers l'avenir.
13:12 L'amélioration de l'environnement comme la prévention
13:15 de ses atteintes ou la compensation de celles-ci
13:17 ne peuvent se concevoir sans penser à un meilleur lendemain,
13:21 en tout cas à un lendemain qui ne soit pas pire qu'aujourd'hui.
13:25 De ces trois articles, éclairés par le préambule de la charte
13:27 et envisagés à travers le prisme de la fraternité,
13:31 découle un principe de solidarité intergénérationnel
13:34 qu'il vous appartiendra de reconnaître.
13:37 En vertu de ce principe, chaque génération aurait le droit,
13:40 naturellement, d'utiliser les ressources de la Terre
13:42 pour son propre bénéfice.
13:44 Mais cette utilisation serait limitée quantitativement
13:48 et qualitativement afin de ne pas contre-mettre la satisfaction
13:50 des besoins des générations suivantes.
13:53 Ce principe de solidarité reposerait ainsi sur une double composante,
13:57 à la fois négative et positive.
14:00 En positif, ce principe imposerait aux générations présentes
14:03 de mesurer l'impact de leurs actes sur les générations futures,
14:06 d'en prévenir les effets négatifs et, le cas échant, de les compenser
14:09 afin de ne pas en faire peser la charge, notamment financière,
14:13 sur ceux qui suivront.
14:15 En négatif, il impose de renoncer aux actes les plus risqués,
14:19 les plus attentatoires aux générations futures
14:20 afin d'opter pour ceux qui concilieront au mieux
14:23 les intérêts de chaque génération.
14:26 Vous l'avez compris, il ne s'agit pas ici,
14:28 contrairement à ce que laisseront entendre les contradicteurs,
14:30 de réclamer la reconnaissance théorique
14:32 de valeurs d'ordre moral ou éthique
14:34 dénuées de toute portée normative.
14:35 Bien au contraire, la décision qui vous est demandée de prendre
14:39 se traduira par un encadrement concret
14:41 de l'action du législateur,
14:43 quand on est ici, au domaine environnemental,
14:46 afin que ces interventions assurent la sauvegarde
14:48 des générations futures.
14:50 C'est une ardente obligation de résultat,
14:52 comme l'a dit mon confrère au soutien de la précédente QPC.
14:57 On vous dira certainement qu'en la matière,
14:58 il faut vous méfier du trop.
15:00 Ce sera alors, brandi, la menace d'un engorgement
15:02 de votre juridiction en cas d'ouverture trop importante
15:05 de votre contrôle.
15:07 Cette rengaine écoulée ne prendra pas.
15:09 Je ne crois pas que le renforcement de votre contrôle,
15:12 de votre contrôle sur le fondement de l'article 1er
15:14 de la charte que vous avez effectué au fur et à mesure
15:18 des années qui viennent de s'écouler
15:20 ait conduit à un afflux massif de QPC.
15:23 Et quand bien même tel serait le cas,
15:25 je crois que le filtre opéré par le Conseil d'Etat
15:28 et la Cour de cassation est suffisamment efficace
15:30 pour décourager tout plaideur qui s'avèrerait
15:33 par trop endacieux.
15:35 Je crois qu'il faut, à l'inverse, en la matière,
15:37 vous méfier du trop peu.
15:39 Soyez ambitieux pour éviter que votre décision se borne
15:43 à une simple pétition de principe.
15:45 Il ne s'agit pas de vous substituer au législateur.
15:48 Là encore, c'est votre office.
15:50 Il s'agit simplement de vérifier que la loi entoure
15:52 de garanties suffisantes la protection des générations
15:54 futures, quitte à lui demander de revoir sa copie.
15:58 Votre contrôle ne sera d'ailleurs pas différent
16:00 de celui que vous exercez déjà sur le fondement
16:01 des articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement.
16:05 Reste néanmoins peut-être à déterminer un seuil
16:09 de déclenchement de la prise en compte particulière
16:12 de l'intérêt des générations futures.
16:14 Alors il faudra bien sûr une atteinte à l'environnement
16:16 ou aux ressources naturelles, mais cette atteinte,
16:19 sans doute, pourrait-on l'imaginer grave et irréversible.
16:23 Ce serait alors à cette double condition que,
16:26 oserais-je dire, par précaution, vous imposerez au législateur
16:29 de mettre en balance les intérêts respectifs
16:31 de chaque génération.
16:33 C'est la voie qui a été empruntée par la Cour allemande
16:35 et je crois que vous pourrez vous en inspirer.
16:38 Il est grand temps, sans doute, à présent,
16:40 de confronter l'article L540-1 du Code de l'environnement
16:43 aux principes qui viennent d'être dégagés.
16:46 Ce texte prévoit qu'il sera recouru pour les déchets
16:48 à plus haute activité radioactive à un stockage
16:51 en couche géologique profonde.
16:53 Concrètement, on traverse la croûte terrestre
16:57 sur 500 m de profondeur pour y enfouir,
16:59 sur une surface de plusieurs kilomètres carrés,
17:02 nos déchets les plus dangereux.
17:05 L'atteinte à l'environnement est grave,
17:06 je ne crois pas qu'il soit utile de m'attarder sur ce point.
17:10 Qu'en est-il de son caractère irréversible ?
17:13 Le législateur a textuellement soumis le projet de stockage
17:17 à un principe de réversibilité qu'il définit ainsi.
17:21 La réversibilité est la capacité
17:22 pour les générations successives
17:24 soit de poursuivre la construction,
17:26 puis l'exploitation des tranches successives d'un stockage,
17:28 soit de réévaluer les choix définis antérieurement
17:31 et de faire évoluer les solutions de gestion.
17:34 Alors pourquoi suis-je là, devant vous, me direz-vous ?
17:37 Eh bien parce que cette définition de la réversibilité
17:39 n'apporte pas de garantie suffisante
17:42 pour assurer la protection des générations futures.
17:45 Et je vais m'en expliquer.
17:47 Cette réversibilité, telle qu'elle est envisagée,
17:50 n'est assurée que durant la période d'exploitation du site.
17:52 Prévue pour une centaine d'années.
17:54 Alors que la dissémination des radionucléides
17:57 persiste sur plusieurs milliers d'années,
17:59 dizaines de milliers d'années, voire centaines de milliers d'années.
18:03 Et si le législateur a pris soin de préciser
18:05 que cette réversibilité inclut la possibilité
18:08 de récupérer les colis de déchets déjà stockés,
18:11 cette récupérabilité qui seule assure, en vérité,
18:14 la réversibilité et le retour en arrière,
18:18 n'est prévue que selon les modalités
18:20 et pendant une durée cohérente
18:21 avec la stratégie d'exploitation et de fermeture du stockage.
18:24 Concrètement, qu'est-ce que cela signifie ?
18:26 Les colis sont stockés le long de tunnels
18:28 dans des alvéoles qui sont, au fur et à mesure qu'elles sont remplies,
18:33 rebouchées, et ce, de manière définitive.
18:36 Pire encore, une fois que le site est définitivement fermé,
18:40 plus aucune récupérabilité n'est permise,
18:42 plus aucune réversibilité n'est possible
18:45 pour les générations futures.
18:48 A cela s'ajoute que la construction d'un tel centre de stockage
18:51 en couche géologique profonde
18:53 porte par elle-même une atteinte irrémédiable
18:57 à la ressource en eau, à moyen et à long terme,
19:01 alors même que cette ressource est déjà lourdement impactée,
19:03 vous le savez, par les changements climatiques.
19:06 L'atteinte à l'environnement est grave.
19:09 Elle est encore, malgré l'intention,
19:12 et les bonnes intentions du législateur,
19:13 en vérité, irréversible.
19:16 Elle l'est d'autant plus que la loi ne se prononce pas non plus
19:18 sur la question du financement de la réversibilité
19:21 qu'elle prévoit, afin d'éviter que cette charge
19:23 ne pèse trop lourdement sur les générations futures,
19:26 à plus forte raison dans un contexte d'incertitude croissante,
19:29 notamment au plan économique et social.
19:32 La balance des intérêts penche clairement
19:34 en faveur de la protection des générations futures,
19:36 alors surtout qu'il existe d'autres techniques de stockage
19:38 envisageables, peut-être pas envisageables en 2006,
19:41 lorsque le projet a été imaginé,
19:45 mais il existe d'autres techniques de stockage envisageables
19:49 qui, elles, sont réellement réversibles.
19:51 Je pense, évidemment, à l'entreposage en couche subsurface
19:56 sur lesquelles je pourrais éventuellement développer,
19:57 si vous le souhaitez.
20:00 Gardez, en tout cas, à l'esprit, et j'en terminerai par là,
20:05 que si la France, qui sert d'exemple en matière nucléaire,
20:09 prétend avoir trouvé là la solution pour ses déchets,
20:13 alors d'autres pays suivront.
20:16 Dans 2 ou 3 siècles, on se retrouvera avec une pollution
20:20 totale, à grande échelle, de la croûte terrestre.
20:23 Après avoir pollué les eaux, puis l'air,
20:25 le risque est réel de léguer aux générations futures
20:28 un nouvel héritage empoisonné.
20:30 Alors, vous l'avez compris, la décision qui est attendue de vous
20:34 est une décision forte et courageuse.
20:37 Vous devrez abroger l'article L540-10-1
20:40 du Code de l'environnement.
20:43 -Merci, maître.
20:44 Nous allons maintenant écouter maître Clément,
20:48 qui est avocat au Barreau de Paris,
20:50 qui représente l'Agence nationale pour la gestion
20:54 des déchets radioactifs, Andra.
20:56 Parti à l'instant. Maître.
20:58 -Merci, M. le président.
20:59 M. le président, mesdames, messieurs les membres
21:02 du Conseil constitutionnel, j'interviens en effet
21:04 pour l'Andra, qui est l'établissement public
21:07 chargé de la gestion des déchets radioactifs,
21:12 notamment ceux qui étaient évoqués tout à l'heure,
21:14 qui sont les plus problématiques,
21:17 aujourd'hui et pour le futur.
21:19 La question qui s'est posée au législateur fut simple.
21:24 Que faire des déchets radioactifs
21:28 dont nul ne conteste qu'ils, s'ils ne sont pas gérés,
21:32 présentent des dangers pour la santé et l'environnement ?
21:37 C'est un fait incontournable.
21:39 Il nous plaît ou il ne plaît pas,
21:41 mais il faut trancher la question.
21:44 Et le législateur s'y est attaché par des lois
21:48 et des dispositions, dont notamment l'article 541.10.1
21:53 du Code de l'environnement, qui prévoit,
21:56 un petit clon, les modalités de ce stockage.
22:02 Vous êtes saisi aujourd'hui par la voix d'une QPC.
22:09 On vous demande de faire un pas supplémentaire
22:12 par rapport à la décision de 2022,
22:16 s'agissant notamment de la confrontation de cet article
22:21 avec les garanties qui s'attacheraient,
22:25 qui seraient détenues par les générations futures.
22:28 Alors, deux questions se posent à nous,
22:31 que je vais aborder bien évidemment rapidement.
22:34 La première est celle de cette reconnaissance de droit
22:38 aux générations futures invocables dans le cadre d'une QPC.
22:41 La deuxième porte sur l'examen de l'article 541.10.1.
22:50 Sur la première question,
22:52 il a été déjà beaucoup débattu, beaucoup écrit.
22:56 Et si l'on veut décanter ces débats,
23:00 mon frère l'a rappelé,
23:02 on vient buter sur des éléments un peu durs,
23:04 qui sont ceux de la qualité à agir
23:07 et ceux de l'intérêt à agir.
23:09 Ce sont des éléments techniques, des éléments procéduraux,
23:13 mais qui existent.
23:15 Pour contourner cette difficulté juridique,
23:17 deux arguments sont invoqués.
23:20 Le premier, si j'ose dire, est un argument finaliste,
23:24 qui consiste à dire que les difficultés juridiques,
23:26 les difficultés procédurales, les difficultés techniques
23:29 doivent être surmontées en raison de la valeur symbolique,
23:34 de la valeur même absolue, forte,
23:37 des droits qui devraient être reconnus aux générations futures.
23:42 Je ne me cache pas, il avait compris à mes éclosures,
23:44 je ne suis pas convaincu par l'argument.
23:48 Certes, si la référence aux générations futures
23:51 est une idée altruiste, une idée généreuse,
23:55 une idée humaine, qui ne souhaite le bonheur
23:58 de ses enfants, petits-enfants,
23:59 voire même un bonheur meilleur que le nôtre,
24:02 eh bien cela reste une idée qui n'est pas juridiquement opérante,
24:07 notamment au plan du contentieux.
24:12 Beaucoup de choses comme ça.
24:14 Le bon sens, la générosité, l'altruisme,
24:17 ils ne sont pas incompatibles avec le droit,
24:20 évidemment, on le dit même souvent ensemble,
24:24 mais ce ne sont pas forcément des outils qui sont opérants.
24:28 Le deuxième point que je voudrais apporter ici,
24:32 vient de la lecture du septième considérant
24:37 du préambule de la charte, qui, vous le savez,
24:40 raccroche le droit des générations futures
24:45 à la notion de développement durable,
24:47 qui, pour sa part, est défini dans l'article 6 de la charte,
24:52 et qui est défini comme quelque chose
24:54 qui inspire les politiques publiques
24:56 dans une volonté de conciliation.
24:59 Et j'ai un petit peu de mal à me dire,
25:01 les garanties pour les générations futures
25:05 doivent être reconnues parce qu'il s'agit d'une valeur absolue,
25:10 alors que la charte elle-même, dans son article 6,
25:13 lorsqu'elle aborde le développement durable,
25:16 nous dit que c'est quelque chose de relatif,
25:19 puisque les politiques publiques doivent concilier
25:22 à l'intérieur de ce développement durable.
25:24 Ça, c'est le premier point.
25:27 La deuxième chose que j'entends
25:30 pour contourner les difficultés techniques
25:33 que j'évoquais à la reconnaissance du droit des générations futures,
25:36 c'est que l'on nous dit, finalement,
25:38 les générations futures, c'est nous,
25:40 ce sont les générations présentes,
25:43 et la génération future ne serait que la projection de nous-mêmes
25:47 dans l'avenir, ce qui permettrait de contourner la question.
25:51 Je ne suis pas davantage convaincu pour deux raisons.
25:53 L'une, qui est très pratique, c'est que si les générations futures,
25:57 ce sont les générations présentes,
25:59 l'utilité de l'outil me paraît se déliter un peu.
26:04 La seconde raison est un peu plus théorique,
26:07 mon confrère y a fait référence,
26:09 c'est qu'il existe une différence fondamentale entre nous,
26:14 entre les générations présentes et les générations futures,
26:17 c'est celle de l'existence, nous sommes le vivant.
26:20 Ici et maintenant, nous sommes des éléments
26:22 qui sont en devenir, mais qui existent.
26:24 Les générations futures sont des éléments qui, peut-être, certes,
26:28 seront, mais qui, au jour de l'action, n'existent pas.
26:32 Et je rebondis un peu sur ce que disait mon confrère tout à l'heure,
26:37 lorsqu'il évoquait notamment la question
26:40 de la personnalité johadique de la nature.
26:42 Il y a un effet de contraste entre les questions
26:47 des générations futures et la question des droits reconnus
26:51 au peuple, visée également par le préambule,
26:55 ou même, si la question est un peu parallèle,
26:58 la question de la personnalité johadique de la nature.
27:00 Quelle qu'en soit l'idée, la définition qu'on peut donner
27:03 les peuples qui sont visés par le préambule,
27:06 au même titre que les générations futures,
27:08 les peuples, ils existent, ils préexistent.
27:11 De même, la nature et la personnalité johadique
27:14 qu'on peut reconnaître, ce n'est pas exactement la même chose,
27:17 parce que la génération future, encore une fois,
27:20 elle n'existe pas, alors que la nature, elle préexiste.
27:24 J'en passe maintenant très rapidement au fond,
27:28 on est donc à la confrontation de ces droits et garanties
27:33 pour les générations futures, et l'article 541-10-1
27:38 du Code de l'environnement.
27:40 Trois rappels très brefs.
27:43 Le premier, c'est que le législateur,
27:45 quand il a édicté, quand il a voté cette disposition,
27:51 il est intervenu dans un but qui est celui de la protection
27:56 de la santé et de l'environnement.
27:58 Et la chose me paraît intéressante,
28:00 parce que c'est une différence par rapport à d'autres cas
28:03 que vous aviez à traiter, où vous avez à gérer un équilibre
28:08 entre des intérêts fondamentaux de la nation,
28:13 c'est le cas, différents.
28:15 Là, on est au sein de la préservation de l'environnement,
28:18 donc d'un seul intérêt fondamental de la nation,
28:22 et le législateur ne se trouve pas donc dans la même position.
28:27 Le deuxième point, c'est que la solution qui est posée
28:33 par l'article 541-10-1,
28:36 aujourd'hui, la solution technique,
28:41 qui, au terme d'un consensus scientifique,
28:44 notamment exprimé au plan européen,
28:46 est retenue comme la solution optimale,
28:49 c'est-à-dire pour ces déchets les plus dangereux,
28:52 un stockage en couche profonde,
28:55 avec une période de réversibilité,
28:57 suivie d'une période dite de fermeture.
29:01 Et c'est le troisième point sur lequel
29:04 je voudrais apporter quelques précisions.
29:08 Qu'est-ce que cette fermeture ?
29:11 Mon confrère nous en donne, je crois, une vision erronée,
29:14 en faisant de cette fermeture,
29:16 telle qu'elle est visée par l'article 541-10-1,
29:20 qui serait à jamais irréversible,
29:23 et qui surtout se trouverait à jamais décidée,
29:26 sans possibilité pour les générations futures d'y revenir.
29:31 C'est, je crois, double erreur.
29:35 C'est une erreur factuelle, tout d'abord.
29:38 Il faut comprendre le pourquoi de cette fermeture,
29:42 c'est que notre législateur se montrait responsable,
29:44 et être responsable, c'est, hélas, prévoir le pire.
29:48 Et pour des déchets dont la durée de vie s'infecte est longue,
29:54 un peu au-delà de ce que l'on peut raisonnablement prévoir,
29:57 sauf si on est doté de capacités dans l'art divinatoire,
30:02 c'est d'imaginer la situation pour des raisons scientifiques,
30:07 la science, ça s'entretient, ça se finance,
30:10 des raisons économiques, gérées, c'est du personnel,
30:14 c'est des appareils, ça coûte de l'argent,
30:16 et des raisons politiques, sociales,
30:21 toutes ces raisons pour lesquelles on peut se dire,
30:23 est-ce que la gestion des déchets radioactifs
30:26 sera assurée dans les mêmes conditions que les nôtres ?
30:31 Or, ça, personne ne peut le prévoir,
30:33 et l'idée du stockage isolé est apparue,
30:38 là, le plus raisonnable à notre législateur.
30:42 Je dis que le droit n'est pas incompatible avec le bon sens,
30:45 je me dis que si la Meuse devait revenir à un monde de chaos,
30:49 je préférerais que les déchets radioactifs enfoués à burne
30:53 ne soient pas facilement accessibles,
30:55 plutôt que d'être laissés à la portée du premier venu.
30:58 Parce que c'est ça, très concrètement, le débat.
31:01 Il faut ensuite voir quelles sont les modalités de cette fermeture,
31:05 je vous dis, le terme est peut-être mal à voir,
31:08 c'est un isolement.
31:10 La fermeture définitive, c'est pas faire disparaître le site,
31:13 ce n'est pas le rendre à jamais accessible,
31:17 c'est, très concrètement, couper les accès, les issues,
31:22 et combler les vides, c'est-à-dire que,
31:25 ici, on mettait des parpaings à la porte et aux fenêtres.
31:30 Rien n'est techniquement irréversible,
31:32 et là, ce ne sera pas le cas, c'est isolé.
31:35 On n'a plus ce va-et-vient qui est possible aujourd'hui.
31:39 Ce sera mon dernier point,
31:43 je voudrais dire quelques mots sur le fond du droit.
31:46 Vous l'avez lu, l'article est quand même très fouillé,
31:50 les travaux parlementaires ont bien éclairé,
31:53 et on ne peut pas faire le grief,
31:56 peut-être n'a-t-il pas réussi,
31:58 mais on ne peut pas faire le grief au législateur
32:00 de n'avoir pas pris en compte le futur et les générations futures.
32:05 Il a mis en place un système qui est progressif, flexible,
32:08 adaptable, je ne cite là que le texte qui l'illustre.
32:14 Notre législateur a laissé aux générations futures
32:17 tous les moyens de faire évoluer les choix qui sont faits aujourd'hui
32:22 au gré de ses capacités, de son économie
32:25 et des connaissances scientifiques.
32:28 Et ce qui, pour moi, me paraît essentiel,
32:32 démontrer que rien n'a été définitivement choisi,
32:37 c'est que le législateur de 2016,
32:40 il a prévu deux autres rendez-vous législatifs
32:43 où seront décidés ceux que l'on fait,
32:47 la réversibilité, pardonnez-moi,
32:50 deux autres rendez-vous législatifs,
32:53 l'un pour faire le bilan de la phase pilote,
32:58 l'autre pour décider de cette fameuse fermeture,
33:01 et ce sont les générations futures,
33:04 ni moi, je crains, ni vous,
33:07 qui connaîtront de cette loi.
33:10 Elle ne sera pas adoptée, elle sera adoptée par les générations futures,
33:13 elle sera jugée par les générations futures.
33:16 Voilà, M. le Président, M. les membres du Conseil constitutionnel,
33:19 ce que je voulais ajouter à mes écritures.
33:22 Merci, Maître.
33:24 Alors, maintenant, on va écouter pour la Première ministre, M. le candidat.
33:27 Je remercie M. le Président, M. et M. les membres du Conseil constitutionnel.
33:32 Le souci des générations futures a conduit le législateur,
33:35 depuis plus de 30 ans maintenant,
33:37 à se préoccuper de la gestion à long terme des déchets radioactifs.
33:41 Et c'est parce qu'à l'heure actuelle, les ressources financières,
33:43 technologiques et l'environnement politique et social le permettent
33:47 qu'il est impératif de traiter cette question
33:49 qui engage nécessairement les générations futures
33:52 sur un temps extraordinairement long.
33:55 Par la loi du 30 décembre 1991, et toi, bataille,
33:58 le législateur a ainsi engagé ce processus de recherche
34:01 sur le meilleur moyen d'assurer la gestion de ces déchets
34:05 qui, pour une grande partie d'entre eux, sont déjà produits,
34:07 qui existent et dont il faut donc assurer la gestion.
34:10 Donc ces déchets de moyenne activité à vie longue,
34:13 qui représenteront une finée 70 000 m3,
34:16 et les déchets de haute activité,
34:18 représentant une surface de 10 000 m3.
34:20 Après une phase de recherche et d'expérimentation,
34:22 le législateur, par la loi du 28 juin 2006,
34:24 a fait le choix du stockage en couches géologiques profondes.
34:29 Cette technique consiste en l'enfouissement
34:31 des déchets radioactifs à une profondeur d'au moins 200 m
34:35 pour être ensuite enfermés sous une couche géologique
34:39 qui contient la radioactivité de ces déchets.
34:43 Il s'agit donc, et c'est extrêmement important,
34:45 d'une solution passive de gestion des déchets radioactifs
34:49 qui fait l'objet d'un consensus scientifique mondial.
34:53 En ce qui concerne la France, cela est connu,
34:56 le site choisi est celui de Burg où sera un peu plus tard
34:59 implanté le centre industriel de stockage géologique CIGEO
35:02 dont la gestion a effectivement été confiée à Landra.
35:06 Site au sein duquel les déchets seront enfouis
35:10 à plus de 500 m de profondeur
35:13 et contenus par une roche argileuse
35:17 servant de barrière naturelle imperméable.
35:19 C'est bien là le principe du stockage.
35:22 Ce projet est réalisé en respectant un principe de réversibilité,
35:26 soit la possibilité offerte aux générations futures
35:30 de réévaluer les choix précédemment opérés.
35:33 Les modalités de cette réversibilité ont été définies
35:36 par les lois du 25 juillet 2016
35:39 introduisant l'article L542-10-1 du Code de l'environnement
35:43 aujourd'hui soumis à votre contrôle.
35:45 Cette disposition précise que la réversibilité
35:48 est d'une durée minimale de 100 ans
35:51 et suppose la progressivité de la construction,
35:54 la adaptabilité de la conception
35:56 et la flexibilité d'exploitation du stockage.
35:59 Il a été également ajouté par cette disposition
36:02 une phase industrielle pilote
36:05 au cours de laquelle les colis de déchets
36:08 resteront récupérables.
36:10 C'est la période dans laquelle les principes de réversibilité
36:13 et de récupérabilité coexistent.
36:15 Il s'agit donc d'une démarche extrêmement progressive
36:18 qui s'achève par la fermeture définitive du site
36:22 qui, au terme des dispositions contestées,
36:25 ne peut être autorisée que par la loi.
36:28 Il est soutenu que la réalisation de ce centre de stockage
36:32 en coûts géologiques profonds
36:34 porterait une atteinte irrémédiable à l'environnement.
36:37 Cet argumentaire est développé au moyen de trois griefs
36:41 dont aucun n'est opérant.
36:45 Les requérants invoquent la méconnaissance
36:48 du droit de chacun de vivre dans un environnement
36:51 qui est un objectif de la société.
36:53 Le droit de chacun de vivre dans un environnement
36:56 est un objectif de la société.
36:58 Il est aussi un objectif de la société
37:01 de la société qui est un objectif de la société.
37:04 Il est aussi un objectif de la société
37:07 de la société qui est un objectif de la société.
37:10 Il est aussi un objectif de la société
37:13 de la société qui est un objectif de la société.
37:16 Il est aussi un objectif de la société
37:19 de la société qui est un objectif de la société.
37:22 Il est aussi un objectif de la société
37:25 de la société qui est un objectif de la société.
37:28 Il est aussi un objectif de la société
37:31 de la société qui est un objectif de la société.
37:34 Il est aussi un objectif de la société
37:37 de la société qui est un objectif de la société.
37:40 Il est aussi un objectif de la société
37:43 de la société qui est un objectif de la société.
37:46 Il est donc inopérant.
37:49 En tout état de cause, il est infondé,
37:52 ce principe n'étant pas méconnu
37:55 par les dispositions contestées.
37:58 En effet, le stockage en couches géologiques profondes
38:01 a pour objet, a pour finalité,
38:04 de protéger de façon passive les personnes
38:07 et l'environnement contre les risques
38:10 liés à la dissémination des substances radioactives.
38:13 Le principe même du stockage est que l'argile
38:16 ne peut pas être utilisée pour protéger les gens
38:19 des déchets. Le stockage géologique profond
38:22 est donc le moyen qui a été choisi par le législateur
38:25 pour éviter aux générations futures
38:28 de subir les conséquences des déchets radioactifs
38:31 produits par les combustibles usés de l'industrie électronucléaire.
38:35 C'était en réalité ce choix essentiel du stockage en couches
38:39 géologiques profondes qui a été fait par le législateur en 2006,
38:43 qui est contesté ici par les requérants.
38:46 Sur les moyens par lesquels il a entendu mettre en oeuvre
38:48 le droit de chacun de vivre dans un environnement sain
38:51 et respectueux de la santé, vous voyez les considérants 7 et 8
38:54 de votre décision de 282 QPC. Le grillette pourra donc
38:57 en tout état de cause être écarté.
39:00 Les requérants invoquent également la méconnaissance
39:03 du principe de solidarité intergénérationnelle,
39:06 principe qui résulterait d'une lecture combinée
39:09 des articles 2, 3 et 4 de la charte.
39:12 Mais vous n'avez jamais consacré, ni sur le fondement
39:15 de principe de solidarité générationnelle,
39:18 qui relève d'ailleurs bien davantage de l'impératif
39:21 catégorique que de l'exigence constitutionnelle.
39:25 En tout état de cause, le choix du stockage en couches
39:29 géologiques profondes est justement motivé par la volonté
39:32 de ne pas abandonner cette charge aux générations futures
39:36 qui, une fois le site refermé, le principe étant celui
39:40 d'une gestion passive, une fois le site refermé,
39:42 ces générations futures n'auront pas à assurer
39:45 une surveillance active et potentiellement dangereuse
39:48 de ces déchets.
39:50 Et le principe de réversibilité est également une manifestation
39:54 de la prise en compte des générations futures
39:57 qui ne sont pas prisonnières des choix antérieurement effectués
40:00 et seront libres d'y revenir.
40:03 Enfin, développant toujours l'idée d'inatteinte aux droits
40:06 des générations futures, les requérants se prévalent
40:09 d'un principe de fraternité transgénérationnelle
40:12 des articles 2 et 72-3 de la Constitution.
40:16 Certes, la fraternité est un principe de valeur constitutionnelle
40:20 mais votre décision 717-718 QPC qui a reconnu ce principe
40:24 n'implique en aucun cas la reconnaissance d'un principe,
40:28 la déclinaison d'un principe de fraternité transgénérationnelle.
40:32 De plus, le principe invoqué par les requérants,
40:35 de par sa généralité et par l'absence de précision
40:38 quant à son contenu, ne peut constituer un droit
40:41 de liberté susceptible d'être invoqué à l'occasion
40:44 d'une question prioritaire de constitutionnalité.
40:47 Ce troisième et dernier grief est donc tout aussi inopérant
40:50 que les précédents, aucune exigence constitutionnelle
40:53 n'ayant été méconnue. Je vous invite ainsi à déclarer
40:56 les dispositions de l'article L542-10-1 du Code de l'Environnement
40:59 conformes à la Constitution. -Merci.
41:01 Alors, membres du Conseil, avez-vous des questions à soulever ?
41:06 M. le conseiller Pidon.
41:09 -Oui, ma question s'adresse au Conseil des associations
41:13 et personnes physiques requérantes.
41:16 Bon, tel que nous l'a transmise le Conseil d'Etat,
41:21 la question est de savoir si le texte qui est là
41:25 est conforme ou non à des principes qui résultent
41:31 de la combinaison de l'article 1er de la charte
41:34 et du considérant 7. C'est bien ça ?
41:38 -Alors, M. le maire, si vous reprenez...
41:41 -Vous pouvez aller à la barre, s'il vous plaît.
41:43 -Quand on reprend la question telle qu'elle a été posée,
41:46 il n'est pas forcément question de combinaison
41:49 du considérant 7 et de l'article 1er,
41:52 mais d'un éclairage, d'une interprétation
41:55 de l'article 1er et des articles d'ailleurs 2, 3 et 4
41:58 à la lumière du préambule, ce qui est somme toute
42:00 un peu différent, me semble-t-il.
42:03 -Merci.
42:05 -Autre question ? Il n'y en a pas.
42:09 Très bien. Nous allons bien sûr examiner tout cela.
42:13 Et là aussi, nous rendrons notre décision
42:17 dans 9 jours, le 26 octobre prochain.
42:21 Bonne journée à tous. Audience est levée.
42:24 ...