Plusieurs militants sont en garde à vue dans le cadre de la lutte contre l'autoroute A69 pour des faits de menace à l'arme blanche contre les forces de l'ordre. Cela fait plusieurs mois que l'autoroute fait l'objet d'une forte opposition de la part de militants écologistes. Nous revenons sur ces évènements avec Thomas Brail, activiste et fondateur du groupe national de surveillance des arbres.
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00:00 - Rotroma Brail, vous êtes devenu le visage de la contestation de l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse.
00:04 On l'a appris ce matin, plusieurs militants sont en garde à vue après avoir menacé à l'arme blanche des gendarmes qui étaient venus les déloger.
00:11 Le combat devient de plus en plus violent. Jusqu'où ça va aller ?
00:15 - Alors déjà, je tiens à rappeler qu'il n'y a pas eu de menace à l'arme blanche.
00:19 Chaque grimpeur est équipé d'un couteau pour couper sa corde.
00:21 C'est des mesures de sécurité qui sont obligatoires.
00:24 Et c'est aussi pareil du côté des forces de l'ordre.
00:26 Ils ont des couteaux à leur baudrier pour pouvoir couper leur corde s'il y a des problèmes de sécurité.
00:32 Il n'y a aucune menace à l'arme blanche, je tiens à le dire.
00:34 - Donc il n'y a pas eu de confrontation entre les deux qui est devenue violente ?
00:38 - Alors, il y a un grimpeur qui a voulu couper sa corde parce qu'il voulait grimper dans l'arbre,
00:41 mais ça ne remet pas en question le fait qu'on a attaqué des forces de l'ordre à l'arme blanche.
00:45 Loin de là, quoi.
00:46 - Donc d'accord.
00:47 OK.
00:47 Une opération controversée qui va aller jusqu'à son terme, c'est ce qu'a annoncé le gouvernement hier.
00:53 Est-ce que vous acceptez cette décision ?
00:55 - Non, je ne suis pas le seul à l'accepter.
00:57 Le collectif La Voix Libre aussi ne l'accepte pas.
01:00 On ne l'accepte pas parce qu'il y a 90% des personnes du territoire
01:03 qui ont rendu sur 6200 vies déposées sur l'enquête publique environnementale
01:07 qui ont dit non à ce projet.
01:08 Le Comité national de la protection de la nature a dit non à ce projet.
01:12 L'autorité environnementale a dit non.
01:13 Et le commissariat général à l'investissement a dit que ce projet allait être déficitaire.
01:18 - Alors, pourquoi vous rejetez ce projet ?
01:19 Est-ce que vous pouvez nous expliquer rapidement ?
01:21 - Parce que tout simplement, il y a 400 hectares de terres agricoles qui sont menacées.
01:24 Il y a des espaces boisés qui sont menacés.
01:26 Aujourd'hui, on connaît la problématique avec la guerre en Ukraine,
01:29 avec les problématiques pour se nourrir.
01:31 On a perdu l'autonomie alimentaire en France depuis 10 ans.
01:34 Qu'est-ce qu'on fait en fait aujourd'hui en 2023 ?
01:37 Alors qu'on a battu des records de canicule il y a 3 jours.
01:41 On a eu 30 degrés à Toulouse.
01:43 À un moment donné, il faut se réveiller, quoi.
01:45 - Vous avez rencontré Clément Bohn il y a un mois.
01:48 Il a dit ensuite qu'il vous trouvait un homme honnête et qu'il respectait votre combat.
01:52 Alors il respecte votre combat, mais il n'écoute pas votre demande, en fait.
01:55 - Non, on est en point de divergence sur l'autoroute.
01:57 Après, c'est sûr qu'ils sont rentrés dans ce projet-là.
02:01 Ils ne veulent pas en démordre.
02:03 Et ça, c'est complètement regrettable, quoi.
02:06 - Thomas Braille, vous avez entamé une grève de la faim le 31 août dernier.
02:09 Ça a duré plus de 40 jours.
02:10 Vous avez cessé de boire juste avant d'être hospitalisé il y a quelques jours.
02:14 Est-ce que vous avez le sentiment que ça n'a servi à rien ?
02:17 - On a surtout le sentiment qu'on a essayé de montrer,
02:21 finalement, on a devancé les choses,
02:23 que ce que nous, on est en train de montrer avec cette grève de la faim,
02:27 cette grève de la soif, c'est ce qui va nous arriver dans quelques années si on ne fait rien.
02:30 C'est aussi une façon de créer un électrochoc chez nos politiques.
02:33 Visiblement, ça ne touche personne, quoi.
02:36 - Est-ce qu'il reste des écureuils ?
02:37 Les écureuils, c'est le nom que vous avez dans les arbres aujourd'hui.
02:40 - Oui, il en reste deux ce matin, qui continuent à se battre vaillamment
02:45 pour sauver ces arbres qui feront respirer nos enfants demain.
02:49 Je suis très attentif à ce qui va se passer pour les autres,
02:51 parce que ce sont mes amis, ce sont des grimpeurs,
02:52 ce sont des personnes qui ont arrêté de travailler,
02:55 qui mettent leur vie professionnelle en stand-by et leur vie familiale.
02:58 Voilà, ça, j'aimerais bien le rappeler aussi.
03:01 - Et pourquoi vous avez choisi cette méthode-là de contestation ?
03:04 - Parce qu'elle est juste, elle est pacifiste,
03:08 et on ne peut pas nous traiter d'éco-terroristes, quoi.
03:11 Voilà, c'est notre profession, en fait, tout simplement.
03:13 - Vous n'avez pas peur que ça prenne de l'ampleur et que ça devienne violent, justement ?
03:16 - Alors, je n'ai pas peur que ça prenne de l'ampleur, dans le bon sens du terme.
03:20 J'espère qu'il y aura de plus en plus d'écureuils qui vont grimper les arbres aujourd'hui,
03:23 et que ce mouvement, il va s'accélérer, s'amplifier
03:26 pour dénoncer des projets qui sont complètement écocides aujourd'hui.
03:28 Voilà, on a des enfants, je pense, tous ici sur le plateau,
03:31 et je pense qu'aujourd'hui, les médias, ils se tournent vers nous,
03:34 parce que c'est un petit peu criminel de donner les commandes d'un bateau
03:38 qui va droit sur un iceberg, à des personnes, des politiques
03:42 qui n'ont aucun sens de ce qui va nous arriver demain.
03:44 - Vous n'avez aucun soutien du côté politique ?
03:47 - Si, si, bien sûr, on a énormément de soutien.
03:49 - Qui sont vos soutiens, alors, justement ?
03:51 - Il y a plusieurs bords politiques.
03:53 Après, comme je l'ai dit, le GNSA, il est apolitique,
03:55 mais il y a plein de...
03:56 On reçoit quand même 1 500 scientifiques qui nous soutiennent,
04:01 il faut quand même le savoir.
04:02 Il y a l'opinion publique qui est avec nous,
04:04 il y a une grande majorité de la classe politique qui est avec nous.
04:07 Enfin, si avec ça, on ne marque pas des points, j'ai rien compris.
04:10 - Ça vous encourage, ça, justement, que l'opinion politique soit de votre côté ?
04:14 - Mais ça prouve bien que ce qu'on fait, c'est juste, quoi.
04:16 Je veux dire, on est en 2023.
04:17 Enfin, il y a un sérieux problème.
04:19 J'espère que tout le monde s'en aperçoit,
04:21 ne serait-ce qu'avec les températures au mois d'octobre, quoi.
04:24 - Vous ne vous dites pas parfois "à quoi bon ?
04:27 "Fichu pour fichu, j'abandonne."
04:29 Qu'est-ce qui vous donne encore le courage de vous battre comme ça ?
04:32 - Ce qui me donne le courage de me battre,
04:33 c'est que j'ai un petit garçon à la maison qui se lève tous les matins
04:35 avec des gros yeux ouverts sur le monde.
04:37 Et je ne peux pas me dire que mon gamin,
04:38 il ne va pas pouvoir continuer à vivre sur cette planète.
04:40 Ça, ça me touche et ça m'affecte.
04:42 Et je me demande quel est le...
04:45 Quel raisonnement ont nos politiques face à leurs enfants, quoi,
04:47 tous les matins, quoi, voilà.
04:48 - Il vous encourage, votre fils ?
04:50 - Mon fils, je ne lui dis pas ce que je fais.
04:52 - Pourquoi vous ne le dites pas ?
04:54 - Je lui dis que papa va travailler,
04:55 parce que ce n'est pas encore des choses que j'ai envie de lui dire.
04:58 Il les apprendra bien assez tôt.
05:01 - Les associations appellent à une mobilisation
05:02 les 21 et 22 octobre, ce week-end.
05:05 Qu'est-ce que vous attendez de ces journées ?
05:08 - Qu'est-ce que j'attends ?
05:09 En tout cas, je ne sais pas ce que j'attends.
05:10 Mais ce qui est sûr, c'est que nous, on est alerté dans la pédagogie,
05:13 dans le calme, dans la bienveillance.
05:15 Et que je peux vous assurer que derrière,
05:17 dans les coulisses, c'est ça, gronde,
05:18 et la colère est en train de monter.
05:19 Parce que la jeunesse, elle ne sait plus quoi faire aujourd'hui.
05:21 La jeunesse, elle n'est pas écoutée.
05:23 La jeunesse, elle ne voit pas d'avenir.
05:24 Elle ne sait pas ce qui va se passer pour elle demain.
05:26 Et je peux vous assurer que quand la jeunesse, elle est triste,
05:28 elle est capable de tout.
05:29 Et je ne peux pas arriver à la comprendre.
05:30 Les jeunes qui se battent sur le terrain,
05:32 ça pourrait être mes enfants.
05:33 - Vous êtes en colère ?
05:34 - Non, je ne suis pas en colère.
05:37 J'ai des choses à faire, je les fais et je dois les faire.
05:39 Je suis de passage sur cette planète.
05:42 J'ai juste envie de faire des choses utiles.
05:45 - Jusqu'où vous êtes capable d'aller aujourd'hui ?
05:47 - Je n'ai pas de limite en fait.
05:49 Pour mon fils, je n'ai pas de limite.
05:51 - Ça veut dire quoi, "je n'ai pas de limite" ?
05:53 - On l'a déjà prouvé avec la grève de la soif.
05:55 Mais ce n'est pas exclu qu'on n'en refasse pas une dans quelques temps.
05:58 - Vous envisagez d'aller jusque...
06:00 - Ce n'est pas impossible, je le dis clairement.
06:02 Pour recréer un électrochoc et faire en sorte qu'il y ait des choses qui se passent.
06:05 - La violence, elle est exclue ?
06:07 - Mais ce n'est pas un mode violent.
06:09 Cette violence, je la fais juste à mon corps.
06:10 Je ne fais de violence envers personne.
06:13 - Oui, c'est ça que vous dites, c'est que la violence, elle est sur vous,
06:15 pas sur les autres.
06:16 - Bien sûr.
06:17 - Merci Thomas Brahel.
06:18 Je rappelle que vous êtes fondateur du groupe national de surveillance des arbres Génessa.
06:22 Merci beaucoup d'avoir été avec nous.