Camarade

  • l’année dernière
Une balade bucolique, un jour de printemps pluvieux, heureux, longeant le bord de l’étang une odeur émane de l’eau saumâtre.
Le renouveau égaie cette marre XXL, le croassement répéter a l’unisson dialogue de fête, le banquet est ouvert attabler aux nénuphars l’on attend la promise et ses presque têtards.
Transcription
00:00 Premier mai, pluvieux, des gens en bas de chez moi brandissent des pancartes, demandent, supplient, enragent,
00:06 bagarrent, le moraudant hurle "tempête".
00:09 Visage tendu, ils n'en peuvent plus, cacophonie.
00:13 Ils marchent droit devant pour aller en pays merveilleux, là où l'herbe est plus verte.
00:20 Le manifestant tourne en rond, en carré, ne trouve pas, soulève les pierres, regarde dessous.
00:26 Où est-il ? Qui ? Quoi ? L'espoir !
00:30 Les mains abîmées, dure labeur, il faut trimer, pas le choix,
00:34 taboite aux lettres, vomis, les factures, les avis du sier, rancœur.
00:40 Le petit dernier, dans son innocence, ne comprend pas, la misère des parents est trépigne, il veut blessure.
00:49 En ce jour de revendication, papa, maman, pour un court instant, se prennent pour des communards, rêve du grand chambardement.
00:59 Mais demain sera toujours comme avant, huit heures devant la pointeuse, déclencher la machine, les pièces défilent sans fin, tonneau des Danaïdes.
01:09 Douze heures, cantine, vite avalée, il faut y retourner jusqu'au soir, à l'amertume prononcée.
01:17 Dix-huit heures, chercher les gosses, rentrer et puis, vous le savez, bon Dieu,
01:23 attendre les prochaines vacances, ne pas pouvoir partir, finance en berne, le regard fatigué des parents oppressés,
01:31 souffrance évidente, douleur de dos, de jambes, de l'âme.
01:35 À la télé, le rêve publicitaire, acheter pour un peu plus de misère, prenez un crédit, c'est gratuit.
01:43 Cofidis, le nouveau nom de l'enfer, les dettes accumulées, il te faut davantage travailler, les pancartes du grand soir au placard.
01:53 L'augmentation ne sera pas pour demain, le patron, tout sourire, t'explique.
01:58 La guerre en Ukraine, l'augmentation des matières premières, le cours du Brent, accroché à ta vie, ton boulet, tu rêves d'un jour meilleur.
02:08 Tu repenses au beau défilé pluvieux du mois de mai, tu marchais avec entrain, tu avais ri aux éclats d'une joie intense, puérile, tu étais en enfance.
02:20 La machine hurle, elle a faim de tes illusions, tu dois produire, tu as de la chance, le gouvernement fera durer deux ans de plus, ton calvaire.
02:31 Il paraît que tu es fainéant, un petit peu vaut rien, la nation a besoin de tes dernières forces vives, tu dois renflouer les caisses.
02:42 Le ministre du désespoir, la main sur le cœur, dit sa vérité, il te faudra crever camarade.