Conférence de Jean-Luc Mélenchon à l'Université de Casablanca

  • l’année dernière
Jean-Luc Mélenchon s’exprimait à l’occasion d’une conférence étudiante à l’Université Hassan II à Casablanca le 5 octobre 2023.

Il commence en exprimant sa profonde admiration pour le peuple marocain et sa capacité à agir de manière disciplinée et solidaire, notamment en temps de crise. Il salue la coopération entre les citoyens et les services de l'État, l'armée, les médecins et tous ceux qui ont apporté leur aide après la catastrophe du séisme.

Jean-Luc Mélenchon aborde ensuite la question du capitalisme. Il affirme que le capitalisme, qui était immoral à ses débuts, est devenu suicidaire aujourd'hui avec la surpopulation mondiale. Il insiste sur la nécessité de rompre avec le capitalisme pour éviter la destruction de l'écosystème.

Il aborde également le rôle central des villes et des réseaux dans la société moderne, soulignant que nos vies dépendent des infrastructures urbaines et des réseaux collectifs tels que l'eau, l'électricité, le gaz et les routes. Il voit la migration comme une opportunité pour l'humanité, favorisant l'apprentissage et le partage de connaissances entre les cultures.

Jean-Luc Mélenchon souligne également le rôle crucial de la langue commune dans la création de liens entre les individus et l'importance de la solidarité collective pour faire face aux défis futurs. Il critique la croyance aveugle dans le marché, qui a conduit à la prolifération de déserts médicaux, éducatifs et alimentaires en France et dans le monde. Il plaide en faveur de solutions collectivistes basées sur la réflexion, la discussion et l'entraide.

Il évoque également les besoins fondamentaux de l'humanité tels que le sommeil, le silence, l'eau et l'alimentation, et insiste sur leur importance en tant que biens communs.

Jean-Luc Mélenchon termine par un appel à la jeunesse pour faire preuve de compassion et de solidarité envers les autres afin de construire un monde meilleur.
Transcript
00:00:00 Mesdames et messieurs les ministres, M. le doyen, M. Mélenchon, bonjour et bienvenue
00:00:06 à cet amphithéâtre, ce bel amphithéâtre plein qui montre le réchauffement climatique
00:00:11 parce qu'il y a 30 ans, j'y étais, comme je vous l'ai dit, il ne faisait pas aussi
00:00:14 chaud en octobre. C'est une preuve. Est-ce que vous entendez ? C'est pour ça que je
00:00:19 parle un peu pour voir. Est-ce que vous entendez ? Alors nous avons un problème de régie.
00:00:23 Alors peut-être avec un petit peu de calme, peut-être que vous entendrez mieux. Parfait.
00:00:30 Alors on va démarrer la conférence sans trop de paroles mais avant il y aura le mot de
00:00:44 bienvenue de M. le doyen Abdeltaif Komat, suivi par l'allocution de M. le professeur
00:00:50 et ancien ministre Mohamed Barada. Les applaudissements.
00:00:57 Merci. Merci C. Agis. En fait, c'est un plaisir tout d'abord de voir un amphi archi plein et
00:01:04 qui est en fait représentatif de notre société. M. Mélenchon a voulu que cette rencontre
00:01:19 soit celui-ci de l'humanisme. Et je crois qu'aujourd'hui nous avons un parterre qui
00:01:25 représente parfaitement notre société. Nous avons des jeunes, nous avons des moins
00:01:30 jeunes, bien que nous sommes tous jeunes. Nous avons des enseignants, nous avons des
00:01:34 partenaires du monde socio-économique. C'est pratiquement une représentation de la société
00:01:40 marocaine telle qu'on l'a sentie auprès de M. Mélenchon, caractérisée par de l'humanisme,
00:01:47 par des valeurs. Et nous sommes venus tous et toutes aujourd'hui pour partager avec vous
00:01:53 des réflexions autour de cette humanité, de cet humanisme que vous avez partagé avec
00:01:58 nous. Vous avez toujours partagé. Nous l'avons senti parce qu'on a suivi vos sorties ces
00:02:03 derniers temps. Vous avez été du cœur avec les Marocains au moment où on a eu des difficultés.
00:02:10 On a senti que vous faites partie de nous et que ces valeurs que nous partageons tous,
00:02:16 nous voulons les partager avec nous. Et donc nous sommes venus aujourd'hui tous pour justement
00:02:23 partager avec vous des réflexions, des idées autour de cet humanisme. Donc au nom de toutes
00:02:29 les composantes de notre université, je sais que pratiquement nous avons des enseignants
00:02:34 et des responsables de toutes les facultés de notre université. Je rappelle que l'université
00:02:38 Hassan II est la plus grande université au niveau national. Nous avons aujourd'hui plus
00:02:42 de 155 000 étudiants et notre faculté est la plus grande faculté de la région, mais
00:02:48 également parmi les deux ou trois plus grandes au niveau national avec à peu près aujourd'hui
00:02:52 presque 40 000 étudiants. Et donc nous sommes tous et toutes bien sûr heureux de ce plaisir,
00:02:58 de cet honneur que nous faites. Et bien sûr vous êtes chez vous et j'espère, incha'Allah,
00:03:03 que ce sera une conférence pleine d'idées, pleine de partage. Et merci également à
00:03:08 Stimohamed Balada, à notre président de la Fondation Links, Stimohamed Balada, qui
00:03:18 nous donne toujours l'occasion de rencontrer de grandes personnalités. La Fondation Links,
00:03:24 d'ailleurs, il va le dire, c'est un lieu de partage et aujourd'hui nous avons en fait
00:03:27 l'occasion de partager des idées avec une grande personnalité politique, mais également
00:03:32 sociale. Et je sais que M. Mélenchon donne beaucoup en fait d'importance aux réflexions
00:03:37 autour de la société de l'humanisme. Et bien sûr je remercie également toutes les
00:03:41 parties prenantes, Sinabil Benabdallah, mais également toute l'équipe avec Sizi Doh
00:03:45 également qui est parmi nous, toute l'équipe qui est derrière cette visite qui nous fait
00:03:50 honneur et plaisir. Voilà. Et merci.
00:03:52 Merci M. Le Doyen. Évidemment dans la présentation il aurait fallu dire aussi mesdames et messieurs
00:04:00 les secrétaires généraux, mesdames et messieurs les professeurs, mesdames et messieurs jeunes
00:04:03 gens, étudiants et étudiantes. Donc voilà, je le redis encore une fois et je donne la
00:04:07 parole au professeur Mohamed Barada en sa qualité de professeur et de président de la Fondation
00:04:12 Links. Fadel Sey Barada.
00:04:17 Non, ça va ? Mon cher Jean-Luc, mesdames, messieurs, mes chers amis, je vous souhaite
00:04:31 à toutes et à tous la bienvenue à la Fondation Links, à la faculté de sciences juridiques,
00:04:40 économiques et sociales de l'université Hassan II. Il y a 40 ans je faisais cours
00:04:45 dans cette salle et ça me fait vraiment plaisir de y revenir. Notre objectif à la Fondation
00:04:52 Links et au sein de la fac, c'est l'ouverture de l'université sur le monde politique, économique,
00:05:00 qu'il soit national ou international, pour stimuler la recherche, analyser les expériences
00:05:06 des uns et des autres, mais surtout, confronter les idées. Et devant les incertitudes qui
00:05:15 rêtent dans le monde d'aujourd'hui, d'ailleurs vous le savez, on doit s'attendre aujourd'hui,
00:05:20 on doit apprendre à s'attendre à l'inattendu, n'importe quoi peut arriver. Un monde où
00:05:28 le matérialisme ambiant, dominé par la finance, envahit les valeurs morales et les valeurs
00:05:36 de solidarité. Ou bien souvent, l'individualisme, qui a été d'ailleurs, comme vous le savez,
00:05:43 le ferment de la compétition et de l'essor du capitalisme. L'individualisme qui se transforme
00:05:51 peu à peu en égoïsme et de plus en plus en indifférence, portant ainsi atteinte au
00:05:57 lien social qui définit le concept de nation. Plus que jamais, vous le voyez, on a besoin
00:06:04 d'échanges, on a besoin de débats pour confronter les différences. Et nous ici, au centre de
00:06:12 recherche Links, on respecte les différences. On respecte et on doit respecter les différences.
00:06:19 C'est par les différences qu'on se nourrit et c'est par les différences qu'on s'enrichit.
00:06:26 Et dans ce contexte, nous avons le plaisir de recevoir notre ami Jean-Luc Mélenchon.
00:06:32 On le reçoit à un moment particulier, celui où notre pays affronte de manière ordonnée,
00:06:39 de manière courageuse, les conséquences du séisme qui nous a frappés, démontrant
00:06:45 ainsi au monde les valeurs traditionnelles de solidarité de notre population. Une sorte
00:06:52 d'élan spontané de la population en même temps et de l'action des pouvoirs publics.
00:06:58 Et surtout, un sens de solidarité entre les régions et les localités. Mais un moment
00:07:05 aussi, il faut le dire, où notre pays a été sélectionné, avec nos voisins l'Espagne
00:07:12 et le Portugal, pour organiser la Coupe du monde. Démontrant ainsi, qu'est-ce que cela
00:07:27 démontre ? Que le Maroc a toujours eu confiance dans ses capacités d'organisation, de rationalisation
00:07:35 et complice de la solidarité intérieure dont on a parlé. Il a aussi, et il cultive, le
00:07:41 sens de la solidarité entre les peuples.
00:07:43 Alors, mesdames, messieurs, vous le voyez, la vie est ainsi faite, l'histoire le montre.
00:08:01 Après chaque crise, il y a eu la reprise. Et chaque menace contient en elle-même les
00:08:08 germes d'une opportunité. Menaces, opportunités, ce sont les deux faces de la même pièce
00:08:15 de monnaie.
00:08:16 Et je voudrais en votre nom à toutes et à tous remercier mon ami Jean-Luc d'avoir accepté
00:08:24 d'animer cette conférence dans notre faculté. Une faculté qui compte aujourd'hui plus
00:08:30 de 40 000 étudiants. Quand j'ai commencé ici, il y avait 1500. Et sur un thème d'actualité,
00:08:41 pour un nouveau monde, pour une nouvelle humanité et pour un nouveau peuple. Je m'excuse Jean-Luc,
00:08:46 j'ai ajouté « pour ».
00:08:47 Permettez-moi de vous présenter le conférencier. Le conférencier, ce n'est qu'un Marocain
00:08:56 qui revient dans son pays. Jean-Luc Mélenchon est né à Tangers en 1951. Il a 72 ans. C'est
00:09:18 très jeune ça. Cela signifie qu'il a beaucoup d'autres combats à mener. Peut-être au
00:09:33 Maroc. Et c'est à Tangers où il a participé à l'âge de 5 ans. Il avait 5 ans. Il a
00:09:45 participé à sa première manifestation populaire dans la rue. Il ne savait même pas à l'époque
00:09:53 qu'il était en train de manifester. Mais c'était pour quoi ? Pour l'indépendance
00:10:00 du Maroc. Et pour le retour du roi Mohamed V. Et quand il rentrait à la maison, à table,
00:10:21 qu'est-ce qu'il disait ? Il ne cessait de répéter le slogan à l'époque, à savoir
00:10:24 « Ichiab Niussef » « Vive le roi, vive le Maroc indépendant ». Ça je l'ai ajouté.
00:10:31 Alors il disait souvent « Quand vous avez vécu cela à l'âge de 5 ans, ce ne sont
00:10:43 pas des péripéties médiatiques qui vous arrêtent ensuite dans vos convictions ». Et ces convictions,
00:10:52 elles se sont raffermies tout au long de l'histoire et tout au long des années. M. Mélenchon
00:10:59 a de ces faits toujours voué au Maroc, à notre pays, à ses institutions et aux Marocains.
00:11:06 Et quand je parle d'institutions, le régime monarchique et la monarchie marocaine, il
00:11:12 a toujours voué aux Marocains un profond respect, beaucoup d'affection et je dirais
00:11:17 même pas mal d'amour. Et il n'hésite pas à marquer sa solidarité avec les valeurs
00:11:26 d'intégrité territoriale qui fondent l'unité nationale, à savoir notre Sahara.
00:11:39 Alors il faut reconnaître que la majorité des Marocains le lui rendent bien. Les Marocains
00:11:48 aussi l'aiment bien. Ancien étudiant à Besançon, il est diplômé en philosophie,
00:12:01 lettres modernes, ce qui d'ailleurs un peu plus ou moins l'a forgé dans l'art de
00:12:06 l'écriture parce qu'il a écrit beaucoup de livres. Militant socialiste, il devient
00:12:13 en 2000 ministre délégué à l'enseignement professionnel dans le gouvernement de Lionel
00:12:19 Jospin. Et en 2008, il quitte le parti socialiste en opposition au tournant sociolibéral de
00:12:32 ce parti. D'ailleurs vous vous rappelez, je l'ai vécu aussi, il fut un temps d'ailleurs
00:12:37 où l'idéologie néolibérale a envahi tous les domaines de la pensée économique. Soudain
00:12:43 tout le monde est devenu néolibéral, même les marxistes. Et elle est devenue dominante
00:12:49 l'idéologie néolibérale. En conséquence en 2016, qu'est-ce qu'il a fait ? Il a fondé
00:12:56 France Insoumise, candidat trois fois à l'élection présidentielle. En 2017, il a réuni 19,6%
00:13:07 des voix et en 2022, l'année dernière, il est arrivé à 22%. Il est l'auteur de 23
00:13:21 livres, « L'ère du peuple », « Députés du peuple humain », « Faites mieux vers
00:13:28 la révolution citoyenne » et ce livre est le dernier qui nous présente aujourd'hui
00:13:34 d'ailleurs, dans lequel il développe la théorie de ce qu'il appelle la révolution
00:13:39 citoyenne. Faites mieux ! Faites mieux ! C'est une invitation à l'action et non pas un
00:13:46 appel à compétition. C'est l'expression optimiste d'un espoir qui est devant le
00:13:53 saccage de ce qu'il a appelé la beauté du monde. C'est l'idée d'une page à
00:13:59 tourner après le gâchis de l'intelligence humaine qui a été dévoyée par le règne
00:14:06 de l'argent, de la monnaie. C'est un appel à l'insoumission permanente contre un ordre
00:14:14 du monde qui est injuste, destructeur et il demande une mobilisation personnelle constante
00:14:20 et il propose, ce qui est important probablement qu'il va développer tout à l'heure,
00:14:25 une sorte de grille d'analyse globale où à la fois action et théorie sont profondément
00:14:33 reliées pour mieux interpréter les faits auxquels nous sommes confrontés. Cette théorie
00:14:42 donne le rôle central au mécanisme de la crise écologique et du changement climatique
00:14:49 qui sont des accélérateurs de l'histoire. Alors évidemment, vous comprenez bien où
00:14:54 je veux en venir, ce thème relatif à la crise écologique et au changement climatique
00:15:03 qui inclut évidemment le problème de l'eau et qui constitue un élément d'actualité
00:15:11 même au Maroc, nous interpelle Sa Majesté le Roi, que Dieu le protège, accorde à ce
00:15:18 problème d'écologie et du problème de l'eau une importance capitale dans ses orientations
00:15:25 pour alimenter nos réflexions et nos actions. Alors, Mesdames, Messieurs, je suis certain
00:15:32 que les développements qui vont être apportés par notre ami Jean-Luc Mélenchon seront de
00:15:38 nature à enrichir nos débats. Jean-Luc, la salle est devant toi. Je t'invite à te
00:15:50 parler et à répondre avec l'échange de la salle, à répondre à leurs questions.
00:15:54 Merci beaucoup. Merci, merci, Ustad Barada. Alors, avant de céder la parole à Jean-Luc
00:16:05 Mélenchon, il y aura, après son intervention, qui durera le temps qu'elle durera, des questions
00:16:13 seront ouvertes à la salle. Alors, les questions, pour des besoins d'organisation, on est à
00:16:19 peu près 600 dans cette salle, seront des questions écrites, des questions courtes
00:16:24 écrites, si on peut synthétiser, parce que je suppose qu'il va y en avoir beaucoup,
00:16:28 on va les synthétiser, sinon vous faites les questions, vous lèvez la main, quelqu'un
00:16:30 passera à les chercher dans la langue que vous préférez, bien entendu. Alors, donc,
00:16:35 voilà, on va arriver au clou de notre spectacle, qui est M. Jean-Luc Mélenchon. Alors, Jean-Luc
00:16:42 Mélenchon est un insoumis, donc il ne va pas se soumettre à notre protocole, à notre
00:16:46 discipline. Il ne s'agit pas de lui dire de rester assis ou de venir au pupitre, il
00:16:52 décidera. M. Mélenchon a vous la parole.
00:16:56 Effectivité marocaine. Monsieur le doyen, monsieur le président, mesdames, messieurs,
00:17:23 nos très chers professeurs, à qui toute cette jeunesse doit aujourd'hui ce que la
00:17:30 mienne a dû au sien, c'est-à-dire la transmission sacrée du savoir qui permet à chacun d'entre
00:17:39 nous d'être ensuite femme ou homme libre, c'est-à-dire disposant par lui-même de
00:17:44 lui-même. Sans ce savoir et sans cette transmission, nous ne serions rien. Je me faisais confiance
00:17:53 que vous faisiez une fête de vous voir, et chacun devine l'émotion qui m'étreint
00:18:00 lorsque je dois m'adresser à ceux que, d'une manière ou d'une autre, je considère
00:18:05 comme des compatriotes. Mais dans cette fête, pas un instant, je ne me dissocie du malheur
00:18:19 qui vous frappe, qui nous frappe, qui me frappe. En pensée et en empathie avec les
00:18:29 familles des 3000 morts que nous avons à déplorer après ce tremblement de terre,
00:18:36 je vous propose que par un usage universel, ensemble, nous marquions une forme de communion
00:18:43 avec la douleur des nôtres en observant ensemble une minute de silence.
00:18:50 (...)
00:18:58 (...)
00:19:08 (...)
00:19:30 (Applaudissements)
00:19:34 Pour que cet instant ait l'écho qu'il doit avoir parmi le peuple marocain, étant
00:19:41 entendu que nous venons de manifester notre appartenance à cette communauté humaine,
00:19:49 je vous propose de partager l'admiration que je ressens en ayant pu observer sur place
00:19:56 et connaissant de longue main les traditions de ce peuple pour l'avoir pu l'éprouver
00:20:01 une première fois au moment du tremblement de terre d'Agadir où les hommes de ma famille
00:20:07 se mobilisèrent la nuit même pour participer avec tous ceux qui coururent apporter leur
00:20:14 aide à la ville et à la population d'Agadir. Je voudrais dire mon admiration pour toutes
00:20:21 celles et tous ceux qui instantanément se sont mobilisés, prenant avec discipline la
00:20:27 file pour faire don de son sang. Les autres pourra courir sur place, chacun venant avec
00:20:33 son savoir, dans une parfaite discipline d'action, épaulés tout aussitôt par les services de
00:20:40 l'État, de l'armée et de tous ceux qui avaient à apporter leur aide sur l'ordre qui leur
00:20:45 en fut immédiatement donné dans une organisation qui force l'admiration. Je voudrais que tous,
00:20:53 pensant à ceux que j'ai vus hier, tels qui avaient rétabli l'eau, ceux qui l'avaient
00:20:59 amené jusque dans les campements, aux équipes de médecins que j'ai vues et avec qui j'ai
00:21:04 parlé, qui depuis 27 jours s'en posent, sont venus au secours de leurs compatriotes. Acclamons-les !
00:21:21 Mesdames, Messieurs, hier j'ai dit cette admiration devant des caméras de télévision. Et voici
00:21:29 que dans mon pays, par une tradition dorénavant bien installée, c'est-à-dire la pratique
00:21:35 de la lapidation médiatique, on a dit que je méprisais la France depuis le Maroc. Rien
00:21:42 ne dit mieux une certaine forme de racisme médiatique que cette phrase. Non, je ne méprise
00:21:48 pas la France, c'est ma patrie et je l'aime. J'admire le Maroc et il est tout à fait singulier
00:21:54 qu'on confonde cette admiration avec de l'imbépris pour sa patrie. Oui, j'admire la discipline
00:22:03 admirable de votre peuple. J'admire sa cohésion parce que je redoute que le mien n'en soit
00:22:08 pas capable dans de telles circonstances. Oui, j'admire ce peuple et les initiatives
00:22:14 innombrables qu'il prend, le développement que je lui vois assuré et sa capacité à
00:22:20 tant à rectifier certaines des erreurs qui continuent à empoisonner l'esprit du mien.
00:22:26 Je le dis sans arrière-pensée. Je le dis en me présentant devant vous, accompagné
00:22:32 de ma camarade et amie Farida Amrami, députée de l'Essonne, députée insoumise, qui avec
00:22:40 son époux me fait l'amitié de m'accompagner dans la rencontre que j'ai avec vous.
00:22:47 Bien, maintenant, nous sommes dans un haut lieu de l'esprit, que les professeurs ne m'enveillent
00:22:54 pas. Je ne peux pas entrer en compétition avec eux en sociologie, en anthropologie,
00:22:59 que sais-je encore. Ils sont mes maîtres, comme les vôtres. C'est à vous, la jeune
00:23:04 génération, que j'ai l'honneur et le bonheur de m'adresser. Vous serez celles et ceux, hommes
00:23:12 et femmes, qui aurez à relever le plus grand défi que l'humanité a jamais rencontré.
00:23:20 Le secrétaire général de l'ONU dit « l'effondrement est commencé ». La civilisation humaine
00:23:29 est mise au défi des conséquences de ses actes. Ce que l'on appelle maintenant, au
00:23:34 prix d'une banalisation qu'il ne faudrait pas exagérer, le changement climatique, est
00:23:41 en réalité une bifurcation de l'écosystème en direction de sa destruction. Et rien ne
00:23:49 sert d'arrondir les angles, d'euphémiser et de faire comme si nous ne le savions pas.
00:23:55 Nous sommes inscrits non plus dans des temporalités que j'ai eu le bonheur de connaître. Alors
00:24:02 de mon temps, on disputait sur les solutions. Ça s'appelle la démocratie. On votait,
00:24:08 d'après une loi que l'on considère comme la loi suprême, mais qui, nous autres intellectuels,
00:24:14 avons le droit de nous interroger. Comporte-t-elle aussi une certaine dose d'absurdité ? Pourquoi
00:24:19 51 aura raison qu'entre 49, surtout quand il est avéré que plus d'une fois, 51 se
00:24:25 trompèrent lourdement ? Mais qui est notre loi ? On pensait qu'on avait le temps. La
00:24:30 loi est un objet sacré. Il y a ici assez de juristes pour en témoigner. Pourquoi ? Parce
00:24:38 qu'elle est temporaire, elle ne prétend pas être un dogme. Elle est susceptible d'évolution
00:24:42 à mesure que nous réfléchissons et que nous enregistrons ce que la nouveauté nous
00:24:48 apprend. La loi et le vote de la loi, semble-t-il, étaient inscrits dans une temporalité où
00:24:55 au fond, sans délai. Mais maintenant, nous sommes dans le monde des délais. Nous affrontons
00:25:02 des délais. Et si nous ne sommes pas prêts, dans les délais, à apporter la réponse,
00:25:08 alors nous périrons. Ou plus exactement, la civilisation humaine, au point où nous
00:25:15 l'avons rendue, les uns les autres, chacun dans nos talents, nos mérites, les capacités
00:25:21 de nos peuples, s'effondrera. Et c'est ce que nous dit le secrétaire général de
00:25:26 l'ONU. Et si je viens vous en parler, ce n'est pas pour répandre je ne sais quel
00:25:31 catastrophisme qui vous couperait les jambes et vous dégoûterait de vivre. Je voudrais
00:25:37 d'ailleurs vous dire à cette occasion quelle envie vous me faites lorsque je vois un peuple
00:25:42 et un pays où 45% de la population a moins de 25 ans. Tant et si bien, vous ne le savez
00:25:50 pas, que moi qui viens d'un continent désormais de plus en plus âgé, désormais de moins
00:25:56 en moins jeune, et comme toujours si arrogant, je vous regarde avec envie et je sens quelque
00:26:04 chose qui n'a pas de mot, qui est dans l'air et qui est une forme de pulsation que bien
00:26:08 sûr on ressent plus fort dans une université que n'importe où ailleurs. J'ai dit la
00:26:15 nouveauté. Vous autres qui avez à peine plus de 20 ans, et nous autres qui en avons
00:26:23 un peu plus quand même, tout bien pesé, nous sommes séparés peut-être par le sentiment
00:26:32 de la nouveauté. Vous avez le nez sur les événements et nous, par la force des choses,
00:26:41 un certain recul nous est imposé. Je suis né dans un monde qui était ce qu'il était
00:26:49 et qui maintenant n'a strictement plus rien à voir. La nouveauté, voyez-vous, n'est
00:26:55 pas si neuve qu'on peut le croire. Au fond, il y a un vieil adage qui dit "Rien de neuf
00:27:01 sous le soleil", en latin "Ni il novis subsole". Alors on voulait dire que peut-être le temps
00:27:06 est en cyclique, on revoit tout le temps les mêmes événements. Non. Même si on a une
00:27:11 vision sagitale du temps, eh bien on sait qu'en définitive, le présent accomplit
00:27:18 toujours une nécessité inscrite dans le passé, parfois bien cachée. Et ce rapport
00:27:25 entre le fortuit, l'aléatoire et le déterminé, quand le vivons-nous mieux que lorsque nous
00:27:31 nous sommes confrontés par exemple à un tremblement de terre, dont toutes les causes
00:27:35 sont scientifiquement déterministes, mais dont l'occurrence se produit d'une manière
00:27:41 fortuite, c'est-à-dire inconnaissable. Il est donc important pour nous de savoir capter
00:27:49 la nouveauté quand elle se présente et de ne pas jeter sur elle l'œil blasé de ceux
00:27:54 qui ont déjà tout vu et tout connu. Il est important pour nous de comprendre ce qui,
00:28:01 dans ce qui est autour de nous, est radicalement neuf, et nous en sommes ici au moins deux
00:28:05 témoins. Je fais grâce aux autres de la comparaison. Au moins deux. Et c'est cette
00:28:12 nouveauté que je voudrais présenter d'abord en vous disant que ma foi, oui je suis l'homme
00:28:20 que je suis, un républicain et non des moindres, un collectiviste, je l'assume avec fierté.
00:28:28 J'appartiens à l'école du matérialisme philosophique. Dans une faculté comme celle-ci,
00:28:33 ce n'est pas la peine de dire que le matérialisme philosophique n'est pas le goût des biens
00:28:37 matériels. C'est une façon de regarder la réalité à partir des relations à l'intérieur
00:28:47 desquelles elle s'inscrit. C'est donc un point de vue qui part de ce qui est et tâche
00:28:53 de le comprendre. Nous avons impérativement besoin de comprendre. La racine du mot « comprendre
00:29:00 » en latin veut dire « compréhender », « prendre avec soi », « faire sien ». On
00:29:05 ne peut faire sien sans la théorie. C'est la théorie qui nous permet de comprendre
00:29:10 la réalité, de corriger la théorie. C'est pourquoi je ne professe pas un dogme, je propose
00:29:16 une théorie, la théorie de l'ère du peuple et de la révolution citoyenne. J'ai dit
00:29:22 que j'étais collectiviste, que j'étais républicain, ma foi, je sais où je me trouve.
00:29:26 Et par conséquent, j'abandonne à votre lecture le chapitre sur la révolution citoyenne
00:29:35 pour que vous en fassiez votre profit le cas échéant. Mais je m'en voudrais de vous
00:29:40 faire des recommandations qu'ensuite je n'aurais pas moi-même à appliquer. Tout
00:29:45 le monde me comprend à deux mille mots. J'ai décrit ce qu'est une révolution citoyenne.
00:29:51 Je ne suis pas plus partisan de la révolution citoyenne que je ne le suis de la gravitation
00:29:55 universelle. Mais la force des choses étant ce qu'elle est, je lève les pieds pour
00:30:00 monter les escaliers. Et mieux vaut que je le fasse. De même, mieux vaut comprendre
00:30:06 et connaître son époque si l'on veut connaître le bonheur de pouvoir y trouver sa place
00:30:11 en toute connaissance de cause. L'esprit nous libère des chaînes du présent et des
00:30:16 obscurités des apparences. L'esprit, du moment que nous l'appliquons et que nous
00:30:22 acceptons que nos conclusions doivent toujours rester ouvertes. Je ne prône pas un dogme,
00:30:28 je propose une théorie, c'est-à-dire une manière de mettre en lien les choses les
00:30:33 unes avec les autres selon un ordre qui permet de souscrire à l'une des exigences du
00:30:38 savoir objectif dont le sommet se trouve dans la science. Et dans la science, le critère
00:30:44 de la science, c'est d'établir de la prédicibilité. C'est-à-dire que vous devez sans cesse trouver
00:30:51 le lien qui unit une cause A à un effet B. Et si vous n'en avez pas, votre discours
00:30:56 est tout à fait charmant, mais il n'a aucune incidence pratique. Je me suis donc demandé
00:31:04 comment s'il se faisait qu'un socialiste comme je l'étais si avancé, un marxiste
00:31:10 si convaincu que je l'étais, pouvait, après avoir vécu l'expérience d'un grand changement
00:31:16 politique comme le fut dans mon pays le mois de mai 1981, comment se pouvait-il qu'après
00:31:22 avoir appliqué un tel programme, on ne voit pas le début du commencement du moindre socialisme.
00:31:27 Et il y en a que ça ne dérangeait pas et qui, en quelque sorte, ont trouvé leur confort
00:31:33 dans la permanence du monde, du moment qu'ils y trouvaient eux-mêmes leur place. Et moi,
00:31:38 je ne me suis pas satisfait de voir que je n'avais plus d'outils pour penser le monde
00:31:45 et donc sa transformation. Qu'est-ce qu'il y a de si nouveau, M. Mélenchon, qu'il
00:31:52 veuille que vous fassiez le déplacement pour aller en parler à des jeunes gens ? Je vais
00:31:57 évoquer d'abord ces nouveautés. Mon livre montre d'une manière plus étroite les
00:32:03 articulations et montre comment elles conduisent à l'émergence d'un nouveau sujet politique.
00:32:09 Malheureusement, comme le disait García Marqués, le monde est si neuf de nouveau
00:32:16 que pour parler des choses, comme on le dit dans le début de Cent ans de solitude, comme
00:32:23 on n'a pas les mots, il fallait les montrer du doigt, dit-il. Eh bien moi, je dois vous
00:32:28 parler d'un nouvel acteur, et je ne sais pas le nommer, si bien que j'utilise un mot
00:32:33 qui existe déjà, je l'appelle le peuple. Mais j'ai voulu le définir car le peuple
00:32:38 du XXIe siècle n'est pas le peuple du XXe siècle, n'est pas le peuple du XIXe siècle.
00:32:44 Et à plus forte raison, les Marocains doivent savoir, je l'espère, que le peuple marocain
00:32:49 du XXIe siècle, même s'il communie avec celui du XVIIIe et du XIXe par des valeurs
00:32:56 qui lui ont été transmises, est un tout autre sujet politique que celui que j'ai moi-même
00:33:02 connu dans mon enfance. Le premier fait nouveau, radicalement nouveau, c'est notre nombre.
00:33:11 Le nombre, la fluctuation du nombre, est la véritable dynamique de l'histoire. J'ai
00:33:19 dit à d'autres époques de ma vie, c'est la lutte de classe le moteur de l'histoire,
00:33:24 sans aucun doute. Mais pour qu'il y ait de lutte de classe, il faut qu'il y ait des
00:33:27 classes. Et pour qu'il y ait des classes, il faut qu'il y ait déjà une accumulation.
00:33:31 Donc il faut un certain nombre d'êtres humains pour accumuler. La véritable clé de compréhension
00:33:37 de l'évolution de l'histoire humaine, toujours et en toutes circonstances, on est déduit
00:33:42 dorénavant, c'est les fluctuations du nombre des êtres humains. Je suis, et j'espère
00:33:48 avec vous, chers amis, être les derniers témoins d'un événement que je ne vous souhaite
00:33:53 pas. Nous sommes la génération qui aura vu, pour la première fois, deux doublements
00:33:59 de la population humaine. Eh bien, je ne vous souhaite pas, maintenant que nous voici rendus
00:34:05 à 8 milliards, qu'à votre tour vous en observiez 16, puis 32. Car à 1 milliard,
00:34:12 le capitalisme était immoral, à 8 milliards c'est un suicide. Et même mon voisin, qui
00:34:18 est de tradition intellectuelle libérale, et en faisant quelque manière, finit par
00:34:23 admettre qu'il y a une limite à cette pensée. Si bien que, lui et moi, nous nous sommes
00:34:31 quasiment trouvés à égalité d'impasse, et obligés de penser le monde. Mais 390 000
00:34:43 ans ont été nécessaires pour atteindre le premier milliard d'êtres humains. Il n'aura
00:34:49 fallu que 100 ans pour atteindre le second. Puis, alors le second, j'y étais. Vous aussi.
00:34:55 C'était dans les années 50. Et à partir de ma date de naissance, les choses se sont
00:35:05 considérablement dégradées. Je pense que peut-être je suis le chat noir de cette histoire.
00:35:10 Mais en attendant, c'est à partir de 1950 qu'on voit toutes les courbes s'envoler.
00:35:17 Consommation d'énergie, consommation de matières premières, consommation d'eau,
00:35:22 tout s'envole. Et ensuite, c'est tous les 10 ou 12 ans qu'il y a un milliard d'humains
00:35:29 de plus. Alors j'ai dit sous la forme d'une boutade, à 8 milliards c'est un suicide,
00:35:35 mais tout le monde comprend qu'un système qui a pour dynamique interne, et je m'arrête
00:35:40 un instant sur ce système, une dynamique qui a prouvé sa capacité incroyable à surmonter
00:35:47 les obstacles que lui-même créait. Je veux dire que j'ai présent à l'esprit, et sans
00:35:52 doute un certain nombre d'intellectuels dans cette salle, les disputes du 19e et du 20e
00:35:57 siècle sur le fait que peut-être une catastrophe venant de l'intérieur même du capitalisme
00:36:03 l'abattrait. Et il y avait des écoles de pensée qui comptaient sur la catastrophe et
00:36:08 les autres sur le parti d'avant-garde pour y mettre un terme le plus vite possible. Des
00:36:13 catastrophes il y en a eu, et qu'est-ce que vous voulez faire de pire à part une guerre
00:36:18 mondiale ? Et bien elle avait la réponse, deux guerres mondiales. Et nous pourrions
00:36:24 continuer. Mais à chaque fois, il a montré une capacité de rebond. Et aujourd'hui nous
00:36:30 voyons apparaître pourquoi ? Parce que c'est le seul système productif qui se nourrit de
00:36:35 ses propres turpitudes. C'est-à-dire qu'il gagne des sous à détruire et qu'il en regagne
00:36:42 à construire, des fois pour reconstruire. C'est à peine une image. Dans le domaine
00:36:49 de la catastrophe écologique, on pouvait se dire « Ah bah, au moins ça, ça menace
00:36:54 leur base, ils vont se calmer, ils vont y mettre de l'ordre. Ce système est-il capable
00:36:59 de trouver en lui-même un régulateur ? » Non, il n'en a pas. Il n'a qu'un régulateur,
00:37:04 le marché. La confiance dans le marché est une superstition qui relève de la magie,
00:37:11 davantage que de l'examen des faits objectifs. De la magie parce que la dynamique interne
00:37:17 du capitalisme, tout le monde la connaît. C'est le capital produit de la marchandise
00:37:22 qui produit de l'argent qui reproduit du capital. Et tant et si bien que sa dynamique
00:37:27 interne, on en pense qu'on en veut, est d'aller toujours de l'avant. Comme le disait Lionel
00:37:34 Jospin, le capitalisme est une grande force qui va, mais qui ne sait pas où. Elle va,
00:37:42 il exploite ses turpitudes. Voyez-vous, il n'y a bientôt plus d'abeilles en Europe.
00:37:48 80% des oiseaux sont morts, il n'y en a plus. À Paris, il n'y a plus de moineaux. 80% des
00:37:56 abeilles n'y sont plus. Eh bien, que se passe-t-il ? Vous pourriez dire catastrophe. Les fruits
00:38:02 et légumes que nous mangeons doivent tous être pollinisés. Eh bien, il y a une réponse.
00:38:07 Le capitalisme vous répond. Nous avons inventé des drones pollinisateurs. Et aussitôt, ils
00:38:12 vous disent, c'est formidable, les drones travaillent la nuit, pas les abeilles. Et
00:38:18 puis, ils mettent le pollen si bien que la récolte est plus abondante. Vous ne pouvez
00:38:24 pas compter sur le système pour qu'il se corrige ni qu'il se modère. Tant et si bien
00:38:29 qu'aujourd'hui même, où tous les gouvernements du monde font des gargarismes avec la nécessité
00:38:35 de décarboner leur activité économique, et nous en sommes tous d'accord, et si l'on
00:38:41 faisait un référendum dans cette salle, on devrait être aux alentours de 100%, eh
00:38:46 bien, figurez-vous qu'au moment même où on dit tout ça, il n'y a jamais eu autant
00:38:50 de projets de pipelines et de gazoducs. 177 dans le monde entier, et les grandes entreprises
00:38:58 françaises ne sont pas les dernières calamités que connaît le monde. Je suis obligé de
00:39:04 le dire parce que nous voici humains dans cette contradiction. Je ne suis pas un lanceur
00:39:10 d'alerte, cette alerte a été faite par plus pertinent que moi avant, mais quelqu'un
00:39:15 qui dit, il serait temps de s'y mettre, en tout cas, je l'ai dit, faites mieux que ce
00:39:20 que ma génération a fait, croyant bien faire. Le nombre est le premier facteur explicatif
00:39:26 de l'accélération de l'histoire. Il se produit une accélération vertigineuse de
00:39:32 tous les cycles. Au cours du siècle qui vient de s'écouler, la production totale mondiale
00:39:41 a doublé, et rien n'indique qu'elle aille globalement à ralentir, ce qui signifie que
00:39:48 la prédation que nous exerçons sur l'écosystème ne ralentit pas un seul jour. Voilà pourquoi,
00:39:57 quand nous parlons de changement climatique, il ne faut pas seulement que les frileux y
00:40:00 voient leur bonheur, comme c'est mon cas. Certes, il fera plus chaud, mais jusqu'à
00:40:06 un point qui deviendra insupportable. Mesdames, messieurs, à 20 heures au journal télévisé
00:40:12 français, je vois un journaliste qui dit, en parlant des Etats-Unis d'Amérique, il
00:40:17 fait 48 degrés à Phénix, et il dit de la même voix tranquille qu'il annoncerait
00:40:23 je ne sais quoi d'autre, eh bien on se pose la question de savoir si la ville de Phénix
00:40:28 sera encore habitable dans 10 ans. Et moi je me posais aussitôt une autre question,
00:40:34 qui va être capable de déménager les 3 millions de personnes qui sont là et de les
00:40:39 emmener ailleurs pour les y loger ? Eh bien je vous réponds, personne. Et il aura suffi
00:40:45 de voir ce qui s'est passé en Louisiane au moment où est passé le cyclone. C'est
00:40:50 pourquoi il faut que je le dise maintenant, après ce que j'ai dit tout à l'heure.
00:40:55 La première vertu des peuples, s'ils affrontent les catastrophes qui vont se présenter à
00:41:03 eux, avec l'état d'esprit qui a été entretenu comme une culture qu'à l'instant,
00:41:08 cher Président, vous rappeliez, c'est-à-dire celle d'une forme de l'égoïsme le plus
00:41:14 obtue, c'est-à-dire celui qui est indifférent aux autres et qui ne comprend pas qu'on ne
00:41:20 sera jamais contenté soi-même autrement que dans la relation aux autres, qu'aucun
00:41:25 être humain ne peut exister autrement que dans la relation aux autres êtres humains.
00:41:29 Si vous en restez à ça, vos malheurs seront infiniment plus grands et plus terribles que
00:41:36 ceux qui adviendront aux populations capables de cette cohérence, de cette discipline,
00:41:42 de cet amour, risquons le mot, que nous avons pu constater ici à l'occasion de la récente
00:41:47 catastrophe.
00:41:48 Ce ne sont pas des mots.
00:41:49 La morale, la culture sont des biens communs qui participent directement de la capacité
00:41:56 des peuples et des êtres humains à vivre.
00:41:58 Ce ne sont pas des suppléments d'âme, c'est la matière première.
00:42:01 Et quand on est dans une université, on doit le savoir mieux qu'ailleurs, puisqu'ici
00:42:07 on partage, et plus on partage, plus il y en a, plus on partage le savoir et plus il
00:42:12 y a de savoir.
00:42:13 Que cette règle fondamentale qui est celle de l'esprit, qui règne ici comme dans toutes
00:42:18 les universités, je veux le souhaiter, nous inspire pour comprendre, un, le nombre.
00:42:24 Le nombre produit immédiatement quelque chose, c'est la culture cumulative.
00:42:29 Les êtres humains sont des nains à chaque génération, perché sur le géant des générations
00:42:34 précédentes.
00:42:35 Nous, êtres humains, nous partageons notre culture d'une génération à l'autre.
00:42:40 Elle se construit en s'accumulant.
00:42:42 Et nous sommes confrontés, dans la difficulté qui arrive, à un atout extraordinaire, c'est
00:42:49 que cette culture cumulative, nous sommes en train de la numériser.
00:42:52 Je n'idéalise pas ce qui se passe.
00:42:54 Je ne sous-estime pas le rôle néfaste et obscurantiste des lobbies qui essayent de
00:43:00 s'approprier le savoir pour en refuser l'accès, dans des conditions telles que nous avons
00:43:06 vues par exemple dans la dernière crise Covid.
00:43:09 Mon propre pays acceptait la règle absurde qui était de respecter la propriété des
00:43:15 brevets sur les vaccins.
00:43:16 Jusqu'en 1959, en France, il était interdit de déposer un brevet sur un vaccin.
00:43:23 La propriété de l'esprit doit rester la propriété collective de toute l'humanité.
00:43:28 Je le sais au moment où je vous parle de la mise en commun numérique.
00:43:32 Mais cette mise en commun numérique est un atout extraordinaire pour nous tous, pour
00:43:37 affronter ce qui arrive.
00:43:39 Car nous allons être, chacun d'entre nous, forts du savoir de toute l'humanité.
00:43:44 Ce qu'on appelle l'intelligence artificielle, ce qui dans l'énoncé même me paraît particulièrement
00:43:50 audacieux, parce que, voyez-vous, avant de parler d'intelligence artificielle, il faudrait
00:43:55 souvent être capable de dire en quoi consiste l'intelligence, et ce point n'est pas du
00:43:58 tout acquis, même sur le plan universitaire.
00:44:01 Ce savoir accumulé, ce savoir collectif, va nous permettre, mais ce savoir, non seulement
00:44:09 pour la première fois dans l'histoire, il intègre tout ce que le passé nous a donné,
00:44:14 mais il intègre tout ce qui est dans le présent.
00:44:15 Pour la première fois, le savoir cumulatif n'est pas seulement le savoir des êtres
00:44:20 humains, c'est aussi le savoir des objets.
00:44:22 Les objets qu'ils transmettent parce qu'ils sont connectés, et introduisent dans la noosphère,
00:44:28 parce qu'il faut l'appeler par son nom.
00:44:30 Noosphère, c'est la sphère de l'esprit.
00:44:32 Ainsi, les êtres humains n'entrent pas directement en relation avec le réel, ils y entrent par
00:44:39 l'intermédiation des idées qu'ils s'en font.
00:44:41 Cela me ramène au début de ce que je disais, et en fait la démonstration.
00:44:45 La noosphère numérique est notre chance.
00:44:48 Pourquoi ? Nous devons impérativement en acquérir la propriété collective pour que
00:44:54 chacun d'entre nous puisse, du point de vue de sa propre capacité créatrice, y accéder.
00:45:01 Le nombre produit un savoir comment plus grand.
00:45:05 Deuxième caractéristique.
00:45:06 Mais où vont tous ces gens ? Eh bien, voici le deuxième ou le troisième fait caractéristique,
00:45:12 la ville.
00:45:13 La ville est un fait nouveau.
00:45:16 Ce que nous nommons ville n'a rien à voir avec ce qu'était une ville au temps où j'ai
00:45:21 vécu en ville.
00:45:22 Autrefois, la ville, c'était jusqu'à ce que commence la campagne.
00:45:27 Eh bien, maintenant, c'est l'inverse.
00:45:30 C'est la campagne qui commence là où s'arrête la ville, et il y a moins de place.
00:45:35 Les villes sont devenues des ensembles humains qui brassent des millions de personnes.
00:45:40 Et dès lors qu'il y a une ville, c'est-à-dire une immense agglomération humaine, c'est un
00:45:46 fait radicalement nouveau.
00:45:47 Je vais vous donner les chiffres du Maroc pour que vous en soyez totalement convaincus.
00:45:51 Eh bien, il se crée une humanité nouvelle.
00:45:55 Vous n'êtes pas les mêmes êtres humains que vos arrière-grands-parents qui vivaient
00:46:00 dans une densité bien moins grande et qui n'étaient pas unis par le quatrième fait
00:46:04 de notre époque, les réseaux collectifs.
00:46:06 Aucun d'entre vous ne peut produire et reproduire son existence matérielle sans accéder au
00:46:14 réseau du collectif.
00:46:15 Et cette relation au réseau collectif, je ne parle pas des réseaux sociaux, des messageries,
00:46:22 je parle de l'eau, je parle de l'électricité, je parle du gaz, je parle de la route, je
00:46:27 parle du réseau d'alimentation qui fait que, depuis l'endroit où l'on plante jusqu'à
00:46:33 l'endroit où l'on achète, se mettent en chaîne des maillons indispensables l'un et
00:46:38 l'autre.
00:46:39 Plantez autant de patates que vous voulez, s'il n'y a personne pour les transporter,
00:46:42 ce ne sont pas ceux qui sont sur place qui vont les manger.
00:46:44 Et si les rayons sont vides, vous ne vous nourrirez pas.
00:46:48 Si bien que, quand on y regarde un peu plus attentivement, on s'aperçoit que la quasi-totalité
00:46:54 de notre vie dépend du fonctionnement des réseaux, alors que les générations précédentes,
00:46:59 la quasi-totalité de leur vie dépendait de leur propre autoproduction.
00:47:03 C'est un fait radicalement nouveau dans l'anthropologie, dans la relation que les êtres humains entretiennent
00:47:10 les uns avec les autres.
00:47:12 Donc, disais-je, le nombre, la culture cumulative et son interconnection, la ville, les réseaux.
00:47:20 Voici quatre faits sociaux, les quatre faits anthropologiques qui, suivant comment vous
00:47:29 les liez les uns aux autres, vous permettent de comprendre votre époque.
00:47:32 Et c'est cela qui produit un acteur social nouveau, que j'appelle le peuple, c'est-à-dire
00:47:38 l'ensemble de tous ceux qui sont interdépendants de ces réseaux et entre eux.
00:47:44 Et le grand nombre, l'interdépendance croissante a un résultat qui va contre l'intuition.
00:47:51 Plus nous sommes nombreux, plus nous sommes individués.
00:47:55 Pourquoi ? Parce que comme chacun d'entre nous, pour
00:47:58 des causes qui lui appartiennent, dépend de réseaux et d'interdépendances différents
00:48:04 qui vous est manifesté par exemple par vos mots de passe que vous oubliez, comme moi
00:48:10 j'espère, et les connexions innombrables, numéros de toutes sortes, de sécurité sociale,
00:48:17 d'identité, de ceci, de cela, qui fait que chacun d'entre vous, des fois, est le seul
00:48:21 à savoir pourquoi il a ce numéro-là et pourquoi il a ce mot de passe particulier.
00:48:27 Cette individuation dont je vous présente là une forme, j'en reviens un peu folklorique,
00:48:32 mais qui est tellement évocatrice, voici qui fait que vous êtes à la fois très nombreux,
00:48:38 à la fois très interdépendants et à la fois très individuels.
00:48:42 Et si vous ne le comprenez pas quand vous faites de la politique, et bien allez faire
00:48:47 autre chose.
00:48:48 Parce que telle est l'humanité.
00:48:50 Et si la politique consiste à convaincre les autres, et des solutions qu'on propose,
00:48:57 alors il faut prendre l'humanité comme elle est.
00:48:59 Et moi, j'ai renoncé, déjà depuis quelques temps, à penser qu'une avant-garde quelconque
00:49:05 pourrait remplacer ce que Jean Jaurès a si bien décrit avant moi, il y a si longtemps,
00:49:10 c'est-à-dire le fait qu'il n'y a pas de républicain sans république, il n'y a pas
00:49:14 de bonté sans personne bonne, il n'y a pas de concorde sans gens qui ont envie de s'entendre.
00:49:20 Autrement dit, tout est dans la pratique que les êtres humains ont les uns des autres.
00:49:25 Voilà pourquoi, toutes ces données étant là, je les soumets aux professeurs, aux étudiants,
00:49:32 qui pourraient, le moment venu, eux-mêmes faire des recherches.
00:49:35 Dans mon livre, ils trouveront beaucoup d'éléments à propos de ces questions, avec des aspects
00:49:41 qui ne sont pas centraux et que je ne ferai qu'évoquer, comme le fait que les êtres
00:49:45 humains sont tout le temps en expansion géographique.
00:49:48 Tout le temps, toute l'histoire humaine se confond avec celle des cafards et des rares,
00:49:54 c'est-à-dire que nous n'avons pas de biotope.
00:49:56 Et nous les occupons tous, les uns après les autres.
00:50:00 Mais la migration est une opportunité incroyable pour l'humanité, parce qu'à chaque fois
00:50:06 qu'elle migre, elle apprend de son nouvel environnement et elle transmet le savoir aux
00:50:10 autres.
00:50:11 Tant et si bien que, loin d'être la calamité que certains veulent voir dans le nouvel arrivant,
00:50:17 je vous recommande plutôt la bienveillance marseillaise qui fit que cette ville, 2600
00:50:23 ans avant l'ère commune, est née de la rencontre d'un marin grec, évidemment, avec la femme
00:50:30 d'un prince gaulois, et qu'au moment où il fallait s'épouser, celle-ci a choisi plutôt
00:50:35 le marin grec que les gaulois qui se trouvaient là.
00:50:37 Ce qui montre que ce n'est pas d'aujourd'hui que nos enfants n'en font qu'à leur tête
00:50:42 et ne vont pas voir dans le code de la nationalité ce qu'ils ont le droit d'éprouver les uns
00:50:45 pour les autres.
00:50:46 Renoncer à maîtriser le ressort fondamental humain le plus important, l'appétit que
00:50:53 nous avons les uns des autres, et la force que donne la rencontre, qui n'a jamais été
00:50:59 un affaiblissement.
00:51:00 J'en profite à cet instant de mon exposé pour arriver à une des conclusions auxquelles
00:51:05 je suis arrivé, d'abord comme Français.
00:51:08 C'est que l'humanité tout entière, étant dorénavant unie par ses réseaux, unies, disons
00:51:15 rapprochées, partageant tant de savoirs, est entrée dans un moment particulier où
00:51:23 des choses que l'on observait localement deviennent universelles.
00:51:26 Ce processus, nous l'avions idéologiquement identifié, en disant que les droits de l'être
00:51:34 humain sont universels, quel que soit l'être humain, quel que soit son genre, quelle que
00:51:40 soit sa religion, quelle que soit sa couleur de peau, il a des droits égaux à celui de
00:51:47 l'autre.
00:51:48 Nous sommes semblables, non pas identiques, semblables en humanité, et dès lors, puisque
00:51:54 nous sommes tous la même espèce et que personne n'a pu prouver le contraire, la preuve c'est
00:51:58 que nous avons des enfants ensemble, en toutes circonstances, et bien nous sommes en quelque
00:52:05 sorte une espèce universelle, et cela nous fonde des droits universels, inaliénables,
00:52:13 non négociables, quel que soit le régime, quelle que soit la situation.
00:52:16 Cette intuition a été contrebattue pendant des décennies, et on me disait "Monsieur
00:52:24 Mélenchon, mais qu'est-ce que vous racontez ? L'égalité, l'égalité, tout ça c'est
00:52:27 sympathique, mais ça n'existe pas dans la réalité, il y a des grands, des petits,
00:52:31 des imbéciles et des doués, des gros et des maigres, des hommes et des femmes, etc.
00:52:36 Donc ce dont vous nous parlez n'existe pas.
00:52:38 Si bien que si vous imaginez un régime politique fondé sur l'égalité, ce sera toujours
00:52:42 une violence contre la nature, et ça ne nous étonne pas, Monsieur Mélenchon, vous êtes
00:52:46 violent.
00:52:47 En définitive, ceux qui acceptaient la logique du conflit, comme le disait Démocrite, un
00:52:54 communiste bien connu du 5ème siècle avant notre ère, qui dit "Le conflit, ou le combat,
00:53:01 ou la lutte, émerge de toutes choses".
00:53:03 Mais oui, mais oui, la réalité est d'abord un processus fait de contradictions, et ces
00:53:09 contradictions produisent le mouvement de la réalité.
00:53:13 Alors voilà que certains ont régressé intellectuellement et pensent qu'on pourrait se passer de la
00:53:18 différence, ce que n'a pas fait, bien au contraire, tout à l'heure, le Président.
00:53:23 Et bien non, et d'ailleurs vous-même, autant que vous êtes, vous avez commencé par apprendre
00:53:30 à dire oui parce qu'il fallait vous nourrir au sein de votre mère ou à la bouillie qu'on
00:53:35 vous servait, et donc vous avez commencé par apprendre les usages qui vous permettaient
00:53:39 de vous socialiser.
00:53:40 Et puis très rapidement, chemin faisant, les émotions s'accumulant, vous avez appris
00:53:45 un mot extrêmement important qui met tous les autres en perspective, qui est en quelque
00:53:50 sorte le soleil qui les éclaire, y compris quand on dit oui, c'est dire non.
00:53:55 A partir du moment où vers l'âge de deux ans on apprend à dire non, ce qui est assez
00:54:00 saoulant pour les parents, je tiens à en informer les plus jeunes, et bien la conscience
00:54:07 est créée et doit choisir en permanent si elle consent ou si elle s'en soumet.
00:54:11 Mais je suis obligé de dire que c'est dans l'insoumission qu'elle va trouver sa racine
00:54:16 la plus féconde.
00:54:17 On dira que c'est un plaidoyer prodomo, et bien oui, pourquoi pas.
00:54:20 Donc dis-je, voici les faits que j'ai mis en lumière devant vous.
00:54:27 Vous les étudierez, peut-être me ferez-vous la grâce de me lire, pour que personne n'en
00:54:31 soit privé, je me fais un devoir d'offrir deux de mes livres à la bibliothèque de
00:54:35 cette université, de manière à ce que chacun puisse y accéder gratuitement.
00:54:38 Merci.
00:54:39 Je vous ai dit il y a un instant, réfléchissez à une humanité où il y avait deux milliards
00:54:47 et demi d'habitants.
00:54:48 Je vous ai fait grâce du milliard.
00:54:50 Et maintenant nous sommes huit.
00:54:53 En 1950, donc deux milliards et demi sur la planète.
00:54:58 Et chez vous ? Neuf millions.
00:55:03 Et aujourd'hui vous êtes trente-sept millions.
00:55:07 Autrement dit, vous aussi, vous avez doublé deux fois.
00:55:10 Et c'est pour ça que vous êtes comme ça.
00:55:14 Certainement parce que vous êtes chacun individuellement devenu plus cultivé et intelligent, mais
00:55:20 c'est surtout parce qu'il y a beaucoup de monde, que comme vous êtes nombreux, et
00:55:24 savants nombreux, éduqués nombreux, alors tout votre peuple a progressé jusqu'au
00:55:29 point où vous le voyez rendu aujourd'hui.
00:55:31 La population urbaine du Maroc, à l'époque dans le monde, en 1950, c'était 57%, mais
00:55:42 c'était 57% concentrés dans quelques pays.
00:55:45 Pour l'essentiel, 80% de la population vivait à la campagne et 20% en ville.
00:55:51 Mais à la moyenne, moi j'ai été à l'école où il y avait une page dans le bouquin où
00:55:55 on nous parlait des mégapoles.
00:55:57 "Ah qu'est-ce que c'est, c'est une ville très grande, ah bon, combien ?" Alors on
00:56:01 nous disait "10 millions", "ah 10 millions".
00:56:03 Et les grandes villes étaient dans le nord.
00:56:06 Aujourd'hui, toutes les grandes villes sont dans ce qu'on appelle autrefois le sud.
00:56:10 Eh bien, cette proportion au Maroc, c'était 30% de la population qui vivait en ville.
00:56:19 Vous êtes aujourd'hui 65%.
00:56:23 C'est donc une toute autre vie.
00:56:26 Aucun d'entre vous n'a la moindre idée de la façon de vivre tout seul en plantant
00:56:30 ses radis.
00:56:31 Et pourtant, vos pères et mères l'ont fait, ou vos grands-parents, pardon, ou arrière-grand-parents.
00:56:36 Aucun d'entre nous ne sait vivre autrement qu'en accédant au réseau du collectif.
00:56:41 C'est une mutation anthropologique fondamentale.
00:56:44 Et maintenant, voyons un autre paramètre humain.
00:56:49 Grâce au développement des sciences, pas du capitalisme, des sciences.
00:56:52 On me dit "Ah mais monsieur Mélenchon, regardez, le capitalisme a permis un essor formidable,
00:56:57 il y a moins de pauvres".
00:56:58 Pardon, vous aurez mal regardé.
00:57:00 En réalité, on vous donne les PIB des pays.
00:57:05 Mais alors on prend la richesse produite, vous savez, le PIB ça va vite, vous creusez
00:57:08 un trou, c'est dans le PIB, vous le rebouchez, c'est à nouveau dans le PIB.
00:57:11 C'est une mesure de l'activité économique.
00:57:14 Et on nous dit "Regardez, t'es le pays, une agriculture qui produit tant de milliards".
00:57:18 Ah, comme nous sommes heureux de tous ces milliards, mais nous n'en voyons pas la couleur.
00:57:22 Que se passe-t-il ?
00:57:23 Eh bien, les agricultures vivrières ont été expulsées, les terres ont été prises pour
00:57:28 un modèle agricole essentiellement fondé sur l'idée que plus le marché est grand,
00:57:33 plus il est efficace.
00:57:34 Donc le marché mondial.
00:57:35 Tant et si bien que la France, qui était un grand pays agricole, n'est plus autonome,
00:57:41 apporte 80% de ses fruits et légumes, mais exporte avec un enthousiasme non mesuré du
00:57:47 maïs qu'elle arrose abondamment, qui permet de nourrir des poules chinoises qui nous font
00:57:53 l'amitié de revenir sous la forme d'ailes et de cuisses que nous mangeons à un taux
00:57:57 inférieur de prix de celles qui courent devant chez nous.
00:58:01 J'imagine que les vôtres doivent être dans le même rapport.
00:58:05 Et maintenant, voici qu'on découvre qu'en réalité, ce n'est pas du maïs qu'on est
00:58:08 en train d'exporter, c'est de l'eau, car il faut des quantités d'eau fort précieuses
00:58:13 et dont nous nous privons pour aller nourrir ces animaux pour lesquels je tiens à exprimer
00:58:18 ma plus grande sympathie, mais disons qu'elles rencontrent les limites que je suis en train
00:58:23 d'évoquer devant vous.
00:58:25 Donc, disais-je, grâce à la science, les êtres humains ont été moins décimés qu'ils
00:58:31 ne l'étaient autrefois, grâce à la gratuité des vaccins.
00:58:34 Voyez-vous, en Europe, après la Grande Guerre mondiale, il est mort 50 millions de personnes
00:58:43 de la grippe espagnole.
00:58:44 Au XIIIe siècle, la moitié de la population est morte de la peste noire.
00:58:49 Et ceci nous permet de toucher du doigt un élément extrêmement important dans la vie
00:58:56 des communautés humaines, c'est l'espérance de vie.
00:59:01 Plus vous vivez et plus vous transmettez du savoir, plus vous accumulez de l'expérience.
00:59:09 L'espérance de vie est à la fois un bonheur quand on a la chance, comme quelques-uns à
00:59:15 cette tribune, d'avoir tiré le bon numéro du code génétique, l'autrille injuste s'il
00:59:19 en est une.
00:59:20 C'est donc une joie, c'est un bonheur qu'il nous est donné.
00:59:27 Mais surtout, c'est un facteur décisif de la constitution des sociétés.
00:59:32 L'espérance de vie en 1950, c'était 43 ans.
00:59:44 Et maintenant, 76 ans.
00:59:50 30 ans de vie.
00:59:55 C'est-à-dire l'équivalent de ce qu'était dans la période avant 1950, c'est-à-dire
01:00:02 jusqu'à la fin du 19e siècle, l'espérance de vie moyenne des hommes 30 ans.
01:00:09 En quelque sorte, chacun d'entre nous a l'opportunité par rapport à un contemporain des années
01:00:15 du 19e siècle de vivre deux vies, là où il en vivait une.
01:00:20 Qu'on ne me dise pas que c'est rien.
01:00:22 Évidemment, ça change tout, y compris sur la composition et les mentalités de nos
01:00:27 sociétés.
01:00:28 Vous qui avez le bonheur de vivre dans un peuple jeune, vous ne savez pas à quelles
01:00:35 aberrations la vie dans un peuple qui prend de l'âge et désespère ses enfants, au point
01:00:43 que ceux-ci renoncent à avoir des enfants, et que, par exemple, que ce soit en Allemagne,
01:00:49 mais maintenant aussi en France, le renouvellement générationnel ne s'opère plus.
01:00:54 Et vous avez une population aveuglée qui ne se demande pas pourquoi, ni comment elle
01:01:02 pourrait changer la matrice de cette situation.
01:01:05 Si vous voulez avoir des petits-enfants, traitez bien vos enfants.
01:01:10 Si vous voulez avoir des petits-enfants, tâchez qu'ils puissent être pris en charge, qui
01:01:18 partent des crèches, qui partent des écoles, ne les abandonnez pas en leur disant « croissez,
01:01:26 multipliez-vous, le marché s'occupe du reste », parce que le marché ne produira qu'une
01:01:31 seule chose, de la discrimination, de la ségrégation.
01:01:35 Le marché nécessite la rareté pour exister.
01:01:39 C'est la raison pour laquelle vous avez des déserts alimentaires, des déserts médicaux,
01:01:47 des déserts éducatifs dans nos sociétés.
01:01:50 Je ne parle pas du Maroc, je parle de la France.
01:01:53 On va dire que je méprise mon pays, parce que je dis la vérité, et que les déserts
01:02:00 alimentaires, les déserts médicaux, les déserts éducatifs vont s'étendant dans
01:02:06 les premières puissances du monde, chez tous ceux qui se sont abandonnés à la superstition
01:02:13 du marché dans tous les domaines.
01:02:14 Je ne dis pas que le marché n'est pas de réalité, qu'il n'est pas d'intérêt,
01:02:20 je dis que c'est un mot qui ne veut rien dire.
01:02:22 Une économie de troc est une économie de marché.
01:02:26 On n'a rien dit quand on a parlé du marché.
01:02:28 Il faut toujours parler des conditions dans lesquelles les choses se font, c'est-à-dire
01:02:33 des règles qui les organisent.
01:02:34 Et qui va produire des règles sinon l'esprit humain, la délibération collective, le
01:02:40 droit, la société ?
01:02:41 Voilà pourquoi, au fond, mon collectivisme ne fait que ramener à quelque chose d'élémentaire.
01:02:48 Ça s'appelle juste de dire "nous sommes des êtres humains, on discute, on se trompe
01:02:52 beaucoup, on trouve de temps à autre des règles, il y en a qui fonctionnent, d'autres
01:02:55 qui ne marchent pas, je vous l'ai dit au début".
01:02:58 Espérance de vie donc dorénavant pour vous, 76 ans.
01:03:01 Mais, plus important que tout le reste encore, l'alphabétisation.
01:03:05 Pourquoi l'alphabétisation ?
01:03:08 Parce qu'elle permet de passer à l'écrit.
01:03:14 Et l'écrit est la première conservation de la mémoire.
01:03:19 Il doit y avoir des étudiants en philosophie ici, j'imagine.
01:03:23 Alors je vous renvoie à Platon et au phèdre de Platon.
01:03:27 Vous trouverez le chapitre où Platon discute qu'il y ait de l'intérêt à écrire les
01:03:33 choses.
01:03:34 Il dit "vous faites confiance à la mémoire au lieu d'apprendre vous-même, et en définitive
01:03:37 vous n'apprendrez rien du tout, parce que vous le savez déjà, sinon vous ne comprendrez
01:03:40 pas ce que vous lisez".
01:03:41 Vous voyez que la polémique sur la manière de conserver le savoir ne date pas d'aujourd'hui.
01:03:46 Ça, on parle de quelque chose qui s'est passé au 4ème ou 5ème siècle avant notre
01:03:50 ère.
01:03:51 L'alphabétisation a libéré l'humanité du récit et de la dépendance à la personne
01:03:59 qui récite, à la tradition orale, qui a été la condition de base des êtres humains,
01:04:05 qui était si bien que quand on perdait le savant de la bande, on perdait le savoir
01:04:09 en même temps, si on n'avait pas appris à temps.
01:04:11 Et ça n'est pas d'aujourd'hui qu'on met des marques pour se rappeler d'où on vient.
01:04:16 C'est comme ça qu'on a trouvé un cadavre, figurez-vous, entre la Suisse, non pardon,
01:04:21 entre l'Autriche et l'Italie, et on s'est dit "tiens, on a retrouvé un skieur dans
01:04:26 la neige".
01:04:27 Alors on sort le skieur, pas du tout, il n'avait pas de ski, il avait un arc.
01:04:32 Bref, je vous la fais bref, il se trouve que cet homme était là depuis 5000 ans avant
01:04:39 notre ère, dans la glace.
01:04:42 Il s'appelle Ottise.
01:04:44 Alors évidemment, comme toujours, quand on a une frontière commune, les gens ont commencé
01:04:48 par s'engueuler "à qui était Ottise ? Était-il autrichien ou était-il italien ?"
01:04:52 Tout ça était un peu vain, mais on a fini par conclure qu'il était italien.
01:04:57 Et donc les italiens s'en sont occupés, ont travaillé avec beaucoup de talent, et
01:05:02 qu'est-ce qu'ils repèrent parmi bien d'autres choses ? Je vous la fais bref, je vous l'ai
01:05:06 dit, à part qu'on l'avait tué d'une flèche dans le dos.
01:05:09 On trouve qu'il a sur le corps 93 marques.
01:05:11 Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Alors chacun doit regarder la marque à la loupe,
01:05:17 au microscope, qu'est-ce qu'il y avait ? Et finalement, quelqu'un dit "ah, mais ça
01:05:21 on connaît, c'est les points d'acupuncture".
01:05:23 Ah, les points d'acupuncture, enfin on avait la réponse.
01:05:26 Mais, ce n'est pas le plus intéressant.
01:05:29 Le plus intéressant, c'est pourquoi s'étaient-ils faits ces marques ? C'était bien la preuve
01:05:34 que dès l'origine, on se pose la question de conserver le savoir d'une manière qui
01:05:38 puisse être rappelée à la mémoire.
01:05:39 Cet homme était un livre, il était son propre livre, et sans doute est l'explication de
01:05:46 bien des dessins, bien des peintures, qu'on observe depuis quasiment l'aube de l'humanité.
01:05:50 L'alphabétisation nous permet de fixer, l'imprimerie nous a libéré de la tradition
01:05:58 orale.
01:05:59 Et vous savez que le monde, les terres d'islam qui battaient en science et en technique d'environ
01:06:06 un siècle, tout le monde chrétien, à qui il avait déjà appris la chimie, la physique,
01:06:13 je sais que ça ne fait pas plaisir à certains de se l'entendre dire, mais si les croisades
01:06:18 ont été une catastrophe pour ceux qui devaient les subir, pour ceux qui les ont menés, ça
01:06:22 a été surtout l'occasion de faire un bond en science qu'ils n'auraient jamais fait
01:06:26 tout seuls s'ils avaient continué à croire aux absurdités auxquelles ils adhéraient.
01:06:29 Si bien qu'il y a un livre d'un marocain très célèbre qui s'appelle "La lumière
01:06:35 d'Allah illume l'Occident" où il raconte comment les médecins, les médecins musulmans
01:06:41 disaient aux médecins chrétiens "qu'est-ce que vous faites là, c'est aberrant, vous
01:06:44 êtes en train de tuer votre patient".
01:06:45 Et les autres, évidemment, comme d'habitude, qui savaient tout, n'ont voulu rien entendre.
01:06:50 Bref, ce contact nous rappelle entre autres que cette zone de la civilisation humaine
01:06:56 était en avance considérable.
01:06:58 Et voici qu'apparaît l'imprimerie que les chinois ont inventée depuis bien plus longtemps
01:07:02 mais qui n'en avait pas le même usage que nous.
01:07:04 Tant et si bien que nous voilà aux alentours du 1500 et des choses avec une imprimerie
01:07:09 qui reproduit un modèle tout simple pour faire du papier peint.
01:07:12 Et on fait des textes.
01:07:14 Aussitôt, en même pas 40 ans, des millions de livres sont imprimés.
01:07:18 Mais il se trouve que l'alphabet latin permet l'impression de la Bible, qui trouve immédiatement
01:07:22 son public, avec des gens qui mettent un point d'honneur à en acquérir une imprimée parce
01:07:28 que c'était hors de prix, comme c'était recopié à la main et qu'on en produit par
01:07:33 l'imprimerie, 80 quand on en faisait un avant.
01:07:35 Mais il se trouve que le Coran et l'écriture cursive qui est la vôtre ne coïncident pas
01:07:40 au départ avec la manière de faire de l'imprimerie.
01:07:43 Tant et si bien qu'après une première période où il y a des imprimeries partout, il y en
01:07:47 a de plus ou de moins en moins, parce que la mode n'a pas pu embrayer sur la foi qui
01:07:51 était le principal vecteur de choix de ceux qui avaient les sous de s'offrir ça.
01:07:56 Voilà l'apologie que je fais de l'écrit, de l'alphabétisation.
01:08:01 Eh bien, ici au Maroc, en 1950, 10% de la population était alphabétisée.
01:08:08 10%.
01:08:09 Aujourd'hui, c'est 75%.
01:08:15 75%.
01:08:17 Et je pense que le chiffre est peut-être sous-estimé, peut-être parce qu'il fait
01:08:24 une moyenne entre villes et campagnes, bon.
01:08:26 Mais en tout cas, c'est une proportion considérable de la population.
01:08:31 Et la scolarisation, pardon, cela fait partie des critères de développement humain recensés
01:08:36 par le PNUD.
01:08:37 Des filles atteint les 90%.
01:08:39 Ce qui est le signal d'une société fortement intégrée, quand la différence des genres
01:08:47 ne conduit pas à une différence de l'accès à la culture, qui est le moyen commun de
01:08:53 l'émancipation.
01:08:54 Ces choses sont les nouveautés.
01:08:58 Et mises ensemble, elles permettent de comprendre l'émergence de cet acteur que j'ai nommé
01:09:03 le peuple, qui dépend des réseaux du collectif pour assurer son existence matérielle, et
01:09:09 qui donc, dans son rapport au réseau collectif, procède de relations sociales.
01:09:14 Mesdames et messieurs, dans l'ancien marxisme, on disait que l'accumulation capitaliste se
01:09:20 faisait à l'entreprise par le travail gratuit.
01:09:22 Et bien ça, ça continue, que le capital prélève sur le travail.
01:09:26 Et on pensait que là se trouvait résumé le concentré des relations sociales.
01:09:32 Non.
01:09:33 L'accès au réseau est un accès codifié qui procède de l'accumulation, et qui permet
01:09:38 l'accumulation, et qui donne lieu à une appropriation privée.
01:09:42 Vous tous qui vivez dorénavant dans un pays entièrement électrifié, essayez de vous
01:09:47 passer d'électricité, vous êtes dans un pays qui vise à peu près à 100% d'accès
01:09:54 à l'eau potable, dans un délai raisonnable et qui n'en est pas très éloigné.
01:09:58 Et bien prenons cet exemple de l'eau, puisqu'il est si universel.
01:10:02 Mesdames et messieurs, dans votre entreprise, si vous n'êtes pas content, vous pouvez
01:10:07 vous syndiquer, vous pouvez constituer un bloc, et vous pouvez déclencher des grèves
01:10:11 et des rapports de force.
01:10:12 Et bien ouvrez votre robinet, s'il n'y vient pas d'eau, avec qui allez-vous vous expliquer ?
01:10:17 Autrement dit, et pour prendre le vocabulaire de la sociologie, si le travailleur est aliéné
01:10:24 du produit de son travail par l'exploitation capitaliste, permettez-moi de dire que la
01:10:28 personne qui accède au réseau est autrement plus violemment aliénée quand sa soif lui
01:10:32 est niée par le fait qu'il n'y a pas d'eau au robinet.
01:10:35 Et s'il n'y a pas d'eau au robinet, ce n'est pas seulement parce qu'on a tout saccagé
01:10:39 et qu'il n'y a plus d'eau potable, mais c'est aussi parce que j'ai oublié de payer
01:10:42 la facture du bois.
01:10:43 Et la facture, c'est un rapport social de celui qui possède et qui est en état de vous
01:10:50 envoyer du papier vert pour vous obliger à payer, avec intérêt s'il vous plaît, et
01:10:54 qui peut même vous envoyer la force pour vous obliger à le faire.
01:10:58 Autrement dit, l'accès au réseau participe totalement et complètement et résume l'ensemble
01:11:05 des relations sociales et de leurs caractéristiques.
01:11:07 Je ne peux pas aller plus dans le détail, mais avec l'équipe qui m'entoure, nous avons
01:11:12 poussé la recherche en essayant de voir si ces réseaux, au fond, n'étaient pas seulement
01:11:18 ou quasiment une propriété spontanée de la réalité.
01:11:21 Savez-vous que vous trimballez avec vous un réseau ? Et pas un petit réseau.
01:11:26 Votre réseau sanguin, c'est 150 kilomètres.
01:11:30 Votre réseau nerveux, c'est 190.
01:11:34 Autrement dit, plus un organisme est complexe et plus il dépend des connexions qui s'empèrent
01:11:41 entre ses parties par le biais des réseaux.
01:11:43 Dès lors, le réseau n'est pas un supplément, pas plus que la ville n'est une nouveauté
01:11:49 qui est en quelque sorte un arrière-plan.
01:11:51 La ville, les réseaux s'organisent socialement.
01:11:55 La ville est une production du mode de production capitaliste après avoir été, une production
01:12:01 à l'intérieur du monde féodal, après avoir été, etc.
01:12:04 La ville, les réseaux, tout cela est à mettre en rapport avec une forme d'organisation
01:12:11 des réseaux de production.
01:12:12 Alors, que se passe-t-il ? Si on pouvait éviter, ça m'arrangerait.
01:12:18 Alors, voilà le tableau.
01:12:21 Je n'entre pas dans le résultat spontané qu'est la formation des révolutions citoyennes
01:12:29 qui, j'en ai analysé, 20, dont on s'est servi pour établir une typologie.
01:12:36 Que se passe-t-il ? Je ne me suis pas encombré à l'avance de théorie, je n'en avais pas.
01:12:41 J'ai regardé comment ça se passait et j'ai décrit des étapes, des formes parmi lesquelles
01:12:47 aujourd'hui, dans le monde dans lequel nous vivons, les signes avant-coureurs sont partout
01:12:51 les mêmes, c'est-à-dire des luttes écologiques, c'est-à-dire des signes avant-coureurs,
01:12:58 comme par exemple le suicide, qui n'est jamais considéré comme un phénomène politique,
01:13:03 mais qui, par exemple, a atteint profondément la structure de la société libanaise avant
01:13:08 qu'elle entre en action, et d'autres phénomènes.
01:13:11 Mais surtout, un d'entre eux, qui est la connexion.
01:13:15 Beaucoup d'hommes politiques et de femmes politiques croient que les réseaux sociaux
01:13:20 - cette fois-ci, je vous parle des messageries - sont une activité des jeunes gens, et que
01:13:26 ma foi, c'est une activité de jeunes.
01:13:29 Non, mesdames, messieurs.
01:13:31 L'agora moderne, la place centrale moderne, c'est le réseau.
01:13:36 C'est le réseau qui vous permet, entre autres, d'être non seulement un individu, mais d'être
01:13:41 polyprésent.
01:13:42 Vous êtes capable, avec votre téléphone, d'être en même temps dans la conversation
01:13:45 et avec quelqu'un d'autre.
01:13:46 Vous n'êtes plus les mêmes êtres humains, mais vous ne le savez pas.
01:13:49 En attendant, ces réseaux permettent, avec une rapidité de contamination sans égale
01:13:56 avec tout ce que nous avons fait dans le passé en matière de tracts, d'affiches, de mots
01:14:00 d'ordre, les gens se relaient entre eux des messages au mot près, parce qu'on n'a pas
01:14:05 le temps de réécrire, et puis c'est bien écrit.
01:14:06 Autrement dit, des slogans circulent à la vitesse de la lumière, là où autrefois
01:14:11 il fallait péniblement aller avec nos petits tracts et nos affiches.
01:14:14 Des millions d'impressions se font sur les écrans, tant et si bien que je peux me permettre
01:14:21 un certain détachement à l'égard de la sphère médiatique, qui n'atteint pas, et de très
01:14:25 loin, une quelconque des performances de ma communication par vidéo, puisque chaque semaine
01:14:31 elle se compte par millions, tandis que les articles qui disent du mal de moi sont à peine
01:14:35 lus par quelques dizaines de milliers de personnes, et encore quand ils ont du temps à perdre,
01:14:39 car les hommes approuvent et ne voient pas l'utilité de lire des articles aussi mal
01:14:43 intitulés avec des photos aussi horribles de moi, et ceux qui ne m'aiment pas se disent
01:14:47 "eh bien, il ne vous surprendra pas, il est toujours aussi bête".
01:14:50 Voilà.
01:14:51 Donc personne ne les lit.
01:14:52 Par contre, la diffusion des idées, vous en êtes les témoins, parce qu'ici même
01:14:56 au Maroc, j'ai entendu reprendre quelques-unes de mes bonnes formules, je sais qu'on m'a
01:15:01 connu, je sais qu'on m'a entendu, souvent vous me faites l'amitié de me rappeler quelques
01:15:06 réparties, je ne vous dis pas qu'à chaque fois j'en sois très fier, mais souvent,
01:15:09 si, il faut bien le dire, je ne finis pas de jubiler à l'idée que j'ai eu la présence
01:15:15 d'esprit de dire à Mme Le Pen qu'elle ne voulait pas parler avec moi, elle m'a dit
01:15:18 "vous m'avez traité de semi-démente" et je lui ai dit "Madame, ça vous en laisse
01:15:22 une bonne moitié".
01:15:23 Et voyez-vous, voyez-vous, dix ans après, je me demande comment j'ai fait pour trouver
01:15:31 une si belle répartie.
01:15:32 Voilà.
01:15:33 Alors, je vais achever mon propos, ayant enjambé la partie délicate de la révolution citoyenne
01:15:39 et ceux qui parmi vous font de la politique, j'espère apprécieront l'art avec lequel
01:15:44 je ne viens pas recommander au Maroc des choses que l'on pourrait me reprocher.
01:15:48 L'ordre du monde change et c'est là que vous intervenez.
01:15:52 Je vous ai parlé de créolisation tout à l'heure.
01:15:56 La créolisation, ça consiste à prendre les mœuvres des autres, mais c'est d'une
01:16:00 manière imprévisible.
01:16:01 Comment les Français se sont-ils débrouillés pour que le plat qu'ils apprécient le plus,
01:16:06 ce soit le couscous ? Enfin franchement, ça n'est pas en Savoie ni en Normandie.
01:16:12 Alors on me dit "oui, ça se discute, sinon c'est la pizza".
01:16:19 La pizza, c'est pas plus bourguignon que breton.
01:16:23 Je prends l'exemple de la cuisine parce que c'est le plus facile, mais le peuple
01:16:30 français qui se donne des airs et des postures ne veut pas savoir qu'il est un peuple créole.
01:16:35 Mais quel est le seul peuple de toute l'Europe qui s'est auto-intitulé gallo-romain ? Eh
01:16:41 bien, les Celtes et les Gaulois, c'était pas tout à fait pareil, les Celtes et les
01:16:45 Romains, c'était pas tout à fait pareil, mais c'est eux qui s'en vantent.
01:16:48 Quel autre peuple en Europe invente sa propre langue ?
01:16:52 Le français est une invention.
01:16:54 C'était le parler d'une bourgade dans la région parisienne, et le roi décide qu'on
01:17:00 parlerait comme ça, parce que ça lui permettait de repousser le latin et les emprises de l'Église,
01:17:05 qui n'a pas toujours été bienveillante à l'égard du pouvoir royal et même de
01:17:08 tout pouvoir laïc.
01:17:10 Alors les poètes de cour, ça existe.
01:17:14 On dit "ah c'est génial", forcément c'était leur métier de trouver tout génial.
01:17:18 "C'est génial, alors nous allons parler français, défense et illustration de la
01:17:23 langue française", Joachim du Bellet, XVIe siècle.
01:17:25 Et qu'est-ce qu'on lit ? Le gars il est honnête, il dit "ah c'est formidable, on
01:17:30 va parler français, il y a un problème, on manque de mots".
01:17:33 Ah, évidemment, pour parler une langue, si vous manquez des mots, c'est embêtant.
01:17:36 Alors il dit "ah ben c'est pas difficile, on prend tout ce qui traîne".
01:17:38 Bon, il le dit pas comme ça, il dit "tout ce qui se présente".
01:17:41 Il dit "d'ailleurs, les avocats parlent en latin, on pourrait leur prendre des mots,
01:17:45 sinon ils parlent en grec, on prend des mots, on prend des mots, on prend des mots".
01:17:48 Mais après il y a un domaine dans lequel, alors là, nous sommes dans l'inconnu absolu,
01:17:52 c'est le vocabulaire du travail.
01:17:54 Évidemment, ils ne bossaient pas beaucoup.
01:17:56 Vous savez qu'en français, le contraire de noble, c'est ignoble.
01:18:01 Ça vous positionne.
01:18:02 Qu'est-ce qu'un noble ? C'est celui qui ne bosse pas.
01:18:05 Hein ? Ah ben oui, sinon c'était la déchéance.
01:18:08 Donc, d'accord, il tombait.
01:18:11 Donc on ne peut pas dire que ce peuple est manifesté en respect considérable pour le
01:18:15 travail dès le départ, avec son vocabulaire.
01:18:17 Alors ils disent "puisqu'on ne sait pas comment parler des choses, il n'y a qu'à leur prendre
01:18:20 leur vocabulaire, ça doit être très utile parce qu'ils arrivent à faire toutes sortes
01:18:23 de choses".
01:18:24 Donc c'est la première fois qu'on reconnaissait une intelligence populaire à ceux qui travaillent.
01:18:28 La langue française est un résultat créole.
01:18:30 La langue française est remplie de mots d'arabe, de grec, de gaulois et même d'anglais.
01:18:37 Alors à cette manière, acceptons la vie comme elle est et nous comme nous sommes.
01:18:42 Cette créolisation nous donne un espace commun et donc un intérêt commun.
01:18:50 Nous avons en commun une langue, qu'on appellera comme on veut, le marossais, le français,
01:18:59 ce que vous voulez.
01:19:00 La langue en commun, cet espace qui nous permet d'être efficaces ensemble et d'échanger.
01:19:05 Car contrairement à ce que raconte M.
01:19:09 Huntington, qui nous a inventé cette théorie absurde du choc des civilisations, qui voulait
01:19:15 que, paraît-il, nous soyons voués à nous confronter entre un Occident mythique et peu
01:19:20 crédible, puisqu'on y intégrait les japonais, à l'islam, qui, paraît-il, serait l'adversaire
01:19:26 en quelque sorte inné, et qui ont construit à partir de là une mise en scène épouvantable
01:19:33 qui ont déchiré chacune de nos nations qui visaient à le faire.
01:19:36 Ce qu'il y a de plus commun entre les individus, ce n'est pas forcément la religion, mais
01:19:41 c'est le plus souvent la langue.
01:19:43 Parce que c'est par la langue qu'on échange, par l'art, par la culture, par la capacité
01:19:49 à désigner les choses avec les mêmes mots.
01:19:51 Mesdames, Messieurs, les lapons ont 25 noms pour décrire l'état de la neige.
01:19:57 Pour eux, c'est vital.
01:20:00 Moi, en me creusant profondément le cerveau, au bout de cinq, je n'en ai plus.
01:20:05 Mais j'ai avec vous des tas de mots pour décrire le sucré, le salé, le suave et
01:20:10 ce qui ne l'est pas.
01:20:11 Et cette capacité à aller appréhender les choses les plus subtiles crée le lien qui
01:20:18 nous permet de mettre en partage, et donc d'être dans la communauté humaine.
01:20:22 Cette langue nous donne, pour nous, Français, peuple vieillissant, un atout à la rencontre
01:20:29 avec le vôtre et à ce qu'il est possible de faire.
01:20:33 Mais à la condition, ce sont les dernières pages de mon livre, avant le chapitre sur
01:20:38 la morale, qu'on s'entende sur ce qu'on va faire.
01:20:41 Non seulement le monde a basculé, comme je vous l'ai décrit, mais son ordre géopolitique
01:20:48 est en train de basculer.
01:20:49 La prééminence des États-Unis d'Amérique qui s'était affirmée au sortir de la Deuxième
01:20:55 Guerre mondiale est dans la confrontation avec l'Union soviétique.
01:20:59 Cette période est en train de s'achever.
01:21:02 Et on voit émerger la puissance créative de la Chine.
01:21:08 Et une compétition s'établir entre ces deux blocs.
01:21:11 Mais en même temps, le monde connaît un processus de fractionnement qui fait que les
01:21:15 populations étant plus nombreuses, les peuples souvent aspirant au même niveau d'autonomie
01:21:20 et d'indépendance, on a une sorte de balkanisation universelle.
01:21:26 Et alors on entend des théories sur l'intérêt d'un monde multipolaire.
01:21:32 Permettez à un Français, c'est-à-dire à un membre d'un peuple envahi quatre fois
01:21:35 par son voisin en un siècle, de vous dire que le monde multipolaire n'est pas l'invention
01:21:40 la plus grande que nous ayons faite dans le passé.
01:21:42 Nous n'avons pas besoin d'un monde multipolaire.
01:21:45 Nous avons besoin d'un monde ordonné.
01:21:47 C'est-à-dire qui a en commun des lois acceptées par tous.
01:21:53 Si bien qu'au cœur de la pensée que je vous propose, quels que soient ses défauts,
01:21:59 quelles que soient les corrections qu'il faudra y apporter, il y a l'organisation
01:22:03 des Nations Unies, dont procède la seule légitimité dont tous nos peuples puissent
01:22:07 réclamer, et le respect des règles que nous acceptons à l'intérieur de cette enceinte.
01:22:13 Je plaide pour un monde ordonné et pour un non-alignement généralisé.
01:22:20 Non-aligné ne veut pas dire neutre, ni, comme l'a dit mon président de la République
01:22:26 de manière assez curieuse, que nous serions équidistants.
01:22:29 Alors il a particulièrement mal choisi son exemple, il a dit qu'on était équidistants
01:22:35 entre les Américains et les Chinois.
01:22:37 Quelle étrange idée, nous ne sommes pas du tout équidistants, nous sommes non-alignés,
01:22:42 c'est-à-dire que suivant les circonstances et les actes qui sont posés, on juge d'une
01:22:46 manière ou d'une autre.
01:22:47 Personnellement, j'ai été des années durant hostile au fait que l'on veuille enfermer
01:22:54 la Russie par une adhésion successive de tous les pays qui l'entouraient à l'OTAN.
01:22:59 Et j'avais dit, voyant monter les périls en Ukraine, il y a plus de dix ans de cela,
01:23:05 que ça finirait mal.
01:23:06 Et j'avais dit, il y a une règle, ni l'OTAN entre en Ukraine, ni les Russes n'entrent
01:23:13 en Ukraine.
01:23:14 Une nuit, dans des conditions d'une stupidité politique absolue, les Russes ont décidé
01:23:22 d'entrer en Ukraine, provoquant aussitôt l'adhésion de deux pays qui avaient été
01:23:26 neutres jusque-là à l'OTAN.
01:23:28 Et en ruinant toute stratégie d'intégration de la Russie à l'ensemble européen, tant
01:23:33 et si bien que nous l'avons stupidement poussée dans les bras des Chinois.
01:23:37 Moi, je ne suis pas ennemi des Chinois, ça ne me dérange pas, mais ceux qui en sont
01:23:40 ennemis devraient se poser des questions sur leur stratégie.
01:23:43 Bref, j'ai donc, à la faveur de la nuit, ça s'est passé à cinq heures et demie du
01:23:48 matin, à sept heures, j'étais réveillé.
01:23:52 Et j'ai donc condamné l'entrée de la Russie en Ukraine.
01:23:58 Et je pense que tout le monde ne peut être qu'en désaccord avec quoi ? La violation
01:24:03 des règles qui sont celles de l'ONU.
01:24:05 La force.
01:24:06 Le même cas se présente à propos de l'Arménie, où il était convenu, devant l'ONU, que
01:24:13 quoique l'on ait mis le haut carabarde dans les frontières de l'Azerbaïdjan, néanmoins,
01:24:18 il était convenu qu'on s'interdirait mutuellement de s'en emparer par la force, ce qui est en
01:24:23 train de se faire.
01:24:24 Ce qui fait que, non aligné que je suis, j'apporte mon soutien le plus complet, le
01:24:30 plus profond, à l'Arménie.
01:24:31 Surtout qu'entre temps, et comme on l'a si bien dit, quand ils vont jusqu'ici, en
01:24:36 général, c'est pour aller plus loin, que les voici entre eux-mêmes en Arménie.
01:24:40 Ces exemples me permettent de souligner l'importance de la constance des règles et de la liberté
01:24:46 de les apprécier.
01:24:47 La liberté de les apprécier, c'est le non-alignement, qui n'est pas la neutralité.
01:24:52 De la même manière, nous avons besoin d'une politique alter-mondialiste.
01:24:56 Je réprouve absolument le concept de la puissance basé sur le rapport de force.
01:25:03 J'adjure qu'on me comprenne.
01:25:05 Mon pays est un pays puissant militairement, équipé de l'arme nucléaire, c'est-à-dire
01:25:11 en état de détruire le reste du monde.
01:25:13 Tu parles d'un avantage.
01:25:14 Qui va aller utiliser une telle aptitude ? Il paraît qu'il y a 16 fois la capacité
01:25:21 de détruire le monde avec les stocks nucléaires.
01:25:23 Eh bien, ça en fait 15 de trop, me semble-t-il.
01:25:25 Par conséquent, la vieille logique des petites bandes humaines transformées en armées qui
01:25:31 s'envahissent les uns les autres, c'est-à-dire la volonté de puissance basée sur la force,
01:25:36 est condamnée non pas par la morale, mais par le simple bon sens du moment où nous
01:25:41 sommes.
01:25:42 Le moment où nous sommes doit nous pousser à une autre pratique de la relation internationale
01:25:48 où la puissance vient de l'esprit, du savoir-faire, de la technique qu'on maîtrise et qu'on
01:25:53 met en partage.
01:25:54 Je ne suis pas en train de développer devant vous un idéalisme angélique.
01:25:59 Je suis en train de dire comment nous pouvons avoir une chance que la civilisation humaine
01:26:04 survive.
01:26:05 Voilà la règle.
01:26:06 Alors, c'est une politique des causes communes.
01:26:09 Qu'est-ce que nous avons à faire ensemble, vous autres Marocains, nous autres Français,
01:26:14 à part des bonnes paroles ? Je ne suis même plus pour la politique de la solidarité.
01:26:20 Et la solidarité, comme m'a dit mon ami Kamel des quartiers nord de Marseille, il m'a dit
01:26:25 « Moi, la solidarité, je n'en parle plus.
01:26:26 Dans la solidarité, il y a tout le temps quelqu'un qui tend la main ».
01:26:29 Parlons de l'entraide.
01:26:30 Dans l'entraide, l'un a besoin de l'autre.
01:26:33 L'entraide est notre mot.
01:26:35 En tout cas, c'est le mot central de mon collectivisme.
01:26:37 Celui qui prône la vertu.
01:26:40 La vertu, ce n'est pas une affaire de mœurs.
01:26:42 La vertu, c'est un principe politique.
01:26:44 Est bon pour moi, ce qui est bon pour tous.
01:26:46 Et si ça n'est pas bon pour tous ? Alors, comme le disait le philosophe Kant, aucun principe
01:26:51 qui ne tend à l'universalité ne peut avoir une valeur universelle.
01:26:56 Et on ne vit, on ne meurt, on ne lutte que pour des principes universels qu'avons-nous
01:27:01 ensemble.
01:27:02 Vous autres, marocains, vous avez, vous parlez arabe, vous parlez amazigh, vous parlez la
01:27:10 langue commune.
01:27:11 Et cette langue commune, vous l'avez en commun avec une bonne partie des peuples de votre
01:27:16 continent.
01:27:17 C'est sur ce continent que va se jouer, si la civilisation humaine dure, l'étape
01:27:24 suivante de l'histoire.
01:27:26 En 1950, l'Afrique était le continent vide, on l'appelait comme ça.
01:27:31 C'est le premier continent pour l'expansion démographique.
01:27:34 Quelle chance à ce continent ! Est-ce qu'on se rend compte que le Nigeria va avoir un
01:27:39 million d'habitants, un milliard, pardon, à la fin du siècle ? Est-ce qu'ils ont tous
01:27:45 réalisé que c'est là que ça se passe ? Ils ne l'ont pas vu.
01:27:48 Chance pour vous.
01:27:49 Chance pour vous, parce que sur ce continent, vous êtes parmi les plus avancés scientifiquement,
01:27:56 techniquement et dans la maîtrise des grandes catastrophes qui arrivent sur l'humanité.
01:28:00 Vous n'êtes pas parfaits, n'allez pas le croire.
01:28:03 Vous commettez de lourdes erreurs, ça tombe bien les mêmes que dans mon pays.
01:28:10 Je me permettrai volontiers de critiquer votre modèle agricole, encore que vous ayez su
01:28:16 mettre moins de pesticides que nous, qui avons réussi à contaminer toute la population
01:28:20 de notre pays.
01:28:21 Mais la manière avec laquelle vous traitez la question de l'eau, alors je le redis pour
01:28:28 ceux qui se sont moqués de moi en France, vous feriez bien de venir au Maroc pour apprendre
01:28:33 comment on fait, parce que vous, vous êtes juste bons à rien, pour l'instant.
01:28:38 Ici, le droit à l'eau est dans la Constitution.
01:28:41 Les Insoumis, ça fait trois fois qu'ils le proposent, et vous ne l'avez toujours pas
01:28:46 mis, vous avez toujours des bonnes raisons, dont la principale est que vous ne voulez
01:28:49 pas nous donner raison.
01:28:50 Alors on ne mettra pas le droit à l'eau, c'est dire le degré de votre mesquinerie,
01:28:54 mes chers compatriotes français.
01:28:56 Et encore, quand je dis compatriotes français, je m'adresse plutôt à ceux qui nous gouvernent
01:29:00 et qui n'ont pas fait preuve de beaucoup de subtilité jusqu'à présent.
01:29:03 Mais il y a des domaines clés.
01:29:06 Le Maroc invente et fabrique des satellites.
01:29:13 Pour l'instant, il les fait fabriquer, mais il les conçoit, ce qui signifie qu'il fait
01:29:18 partie des rares peuples du continent africain, qui sont à l'endroit où il faut être pour
01:29:24 le XXIe siècle.
01:29:26 Pourquoi ? L'Afrique s'est fait voler le XIXe siècle par l'esclavage, l'Afrique s'est fait
01:29:32 voler le XXe siècle par la colonisation dont il lui a fallu, et à quel prix se remettre
01:29:37 ? Le XXIe siècle se joue dans les mers.
01:29:40 Vous êtes entre l'Atlantique et la Méditerranée.
01:29:43 Le XXIe siècle se joue dans l'espace.
01:29:46 Les règles du jeu ont changé.
01:29:48 Croyez-vous que les Américains, qu'en ce moment vous avez tendance à trop regarder
01:29:52 avec des yeux doux, croyez-vous que les Américains aient décidé de changer la loi pour dire
01:29:58 que dorénavant l'espace n'est plus un bien universel, mais qu'on peut se l'approprier,
01:30:02 et par une hypocrisie incroyable, on dira "oui, mais bien sûr, chacun le premier arrivé,
01:30:08 le premier servi, mais nous sécuriserons", disent-ils.
01:30:10 Il y a un traité qui s'appelle Artemis, que mon pays a signé, et qu'on a tellement honte
01:30:16 que c'est même pas un élu ni un ministre qui a été signé à un changement pareil
01:30:22 dans le droit international.
01:30:23 Dans l'usage qui voulait que l'espace soit le bien collectif et que personne ne puisse
01:30:29 se l'approprier.
01:30:30 Et que le Luxembourg, qui n'est jamais en retard d'un mauvais coup à jouer aux autres
01:30:34 en matière fiscale, a décidé que lui, il accueillait les sociétés qui exploitent
01:30:39 l'espace, même si personne ne le fait pour l'instant.
01:30:40 C'est vous dire le genre d'appétit qui a été libéré.
01:30:43 Eh bien, oui, l'avenir va jouer là.
01:30:46 L'espace était démilitarisé.
01:30:48 Il est militarisé aujourd'hui.
01:30:50 Il l'est.
01:30:52 Par conséquent, être capable de se déployer dans cette direction, comme dans la mer,
01:30:58 qui est le lieu prochain de l'expansion humaine, qui est déjà commencée avec des règles
01:31:05 approximatives.
01:31:06 Oui, oui, il y en aura.
01:31:09 Moi, je peux être là toute la nuit, s'il faut.
01:31:12 Mais je termine mon exposé.
01:31:17 Voilà ce que je voulais vous dire.
01:31:20 Oh, il y a bien d'autres choses.
01:31:22 Par exemple, j'ai appris que vous allez faire une réserve de ciel étoilé.
01:31:25 Vous le savez, ça seulement ? Eh bien, l'université de Marrakech a prévu ça.
01:31:30 Vous le savez que 25% de l'humanité ne sait pas ce qu'est la nuit ? Un quart de l'humanité
01:31:38 ne sait pas ce qu'est la nuit.
01:31:39 Et vous savez pourquoi ? Parce qu'il y a de la lumière tout le temps.
01:31:42 Autrement dit, la nuit a disparu.
01:31:45 Voilà l'espace-temps de notre époque.
01:31:49 Le silence a disparu.
01:31:51 C'est une des premières protestations des Marocains qui vivent en ville.
01:31:55 Le bruit.
01:31:56 Nous, comme espèce animale, nous avons besoin de la nuit.
01:32:01 Nous avons besoin de l'eau.
01:32:03 Nous avons besoin du silence.
01:32:05 Nous avons besoin de l'alimentation.
01:32:07 Et tous ces domaines sont des domaines du bien commun.
01:32:10 Donc de la loi, donc de la restriction du marché et de son droit illimité à profiter
01:32:17 de tout.
01:32:18 Bon, on m'a rappelé qu'il fallait m'arrêter.
01:32:23 Je vous offre une petite méditation sur le philosophe Gaston Bachelard.
01:32:29 Je l'utilise souvent parce que je n'ai encore pas trouvé mieux.
01:32:31 Jeunes gens, je ne suis pas venu vous couper les jambes en vous annonçant des catastrophes.
01:32:37 Je voudrais vous dire que nous comptons tous sur votre imagination, votre générosité,
01:32:45 votre capacité à faire reculer l'égoïsme et l'indifférence aux autres pour construire
01:32:50 le monde que nous n'avons pas été capables d'édifier.
01:32:54 Quoique chacun à notre manière, nous y ayons cru et nous avons agi pensant bien faire.
01:33:01 Depuis, il dérive différente souvent, mais avec la même espérance.
01:33:05 C'est votre tour.
01:33:07 Gaston Bachelard dit "Le futur, ce n'est pas ce qui va arriver.
01:33:14 Ce n'est pas l'épouvantable sécheresse qui s'avance.
01:33:17 Ce n'est pas la dislocation progressive des réseaux sous les coups de la chaleur, du
01:33:22 vent et des autres calamités qui s'abattent.
01:33:24 Le futur, ce n'est pas ce qui va arriver.
01:33:27 Le futur, dit le philosophe, c'est ce que nous allons faire.
01:33:33 Et tout dépend de nous, de chacun d'entre nous.
01:33:37 C'est pourquoi je vous dis, l'homme que je suis, à mon âge et après avoir vécu ce
01:33:45 que j'ai vécu, faites mieux, faites-le, nous attendons tout de vous.
01:33:50 Merci.
01:33:51 (Applaudissements)
01:33:52 (Applaudissements)
01:33:53 J'ai réussi à en désespérer une.
01:33:54 (Applaudissements)
01:33:55 Ça vous a plu.
01:33:56 J'ai été dit de faire des choses, mais je n'ai pas fait de choses.
01:33:57 Je ne suis pas un homme qui n'a pas fait de choses.
01:33:58 Je suis un homme qui n'a pas fait de choses.
01:33:59 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:00 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:01 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:02 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:03 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:04 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:05 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:06 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:07 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:08 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:09 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:30 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:34:57 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:25 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:27 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:28 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:29 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:30 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:31 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:32 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:33 Je suis un homme qui a fait de choses.
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01:35:35 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:36 Je suis un homme qui a fait de choses.
01:35:37 Je suis un homme qui a fait de choses.
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01:36:21 Je suis un homme qui a fait de choses.
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