Les 4 vérités - Marylise Léon

  • l’année dernière
Chroniqueur : Thomas Sotto


Thomas Sotto reçoit aujourd'hui dans les 4 vérités Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT. 

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Transcript
00:00 Bonjour et bienvenue dans les KV, Marlise Léon.
00:04 Bonjour.
00:05 Vous savez que depuis quelques jours, il n'est plus question d'entamer une conversation
00:08 ou une interview sans poser une question sur les punaises de lit.
00:10 Alors allons-y.
00:11 Est-ce qu'elles sont aussi un problème en entreprise ces punaises ?
00:13 Ça peut l'être, effectivement oui.
00:15 Il y a des salariés qui peuvent en avoir chez eux et en amener en entreprise.
00:20 Le mieux c'est de pouvoir en parler avec les délégués.
00:22 Et s'il y a une problématique au-delà d'une personne, voir comment collectivement
00:26 ça peut être traité.
00:27 Dans les transports en commun, est-ce que vous croyez la SNCF, la RATP quand ils disent
00:31 non, il n'y a pas de problème ?
00:32 Alors là, moi, je ne suis pas une spécialiste des punaises de lit.
00:35 Donc je pense qu'on peut leur faire confiance.
00:38 Après, il faut être prudent et faire en sorte que s'il y a des foyers au domicile,
00:45 ça puisse être traité directement à la source.
00:48 Alors Marlise Léon, vous sortez d'une longue nuit de négociations entre partenaires sociaux
00:52 sur les retraites complémentaires.
00:53 Très concrètement, de combien et quand vont être revalorisées les retraites complémentaires
00:58 des ex-salariés du privé ?
00:59 Alors, dans le cadre des...
01:01 À la fin de la négociation, il y a une proposition qui est à 4,9% de revalorisation de ces retraites
01:06 complémentaires.
01:07 À partir de quand ?
01:08 À partir du 1er novembre.
01:10 Et ça concerne 13 millions de salariés.
01:13 Donc l'accord est ouvert à signature.
01:15 En ce qui concerne la CFDT, on se prononcera après un débat avec notre bureau national
01:19 lundi.
01:20 Mais vous, vous êtes favorables.
01:21 Vous trouvez que c'est un bon accord ?
01:22 Absolument.
01:23 La délégation a beaucoup porté, poussé pour qu'il y ait une revalorisation maximum
01:27 à 4,9%.
01:28 Aujourd'hui, on a une inflation de 4,8%, donc c'est une bonne avancée.
01:33 Pour bien comprendre, tous ceux qui ont négocié cet accord vont aller chacun dans leur chapelle
01:36 pour dire qu'on est OK.
01:37 Absolument.
01:38 A priori, tout le monde va être d'accord.
01:39 Ça, ça dépend de chaque organisation, puisqu'on est tous venus avec un mandat.
01:42 Le mandat de la CFDT, c'était revaloriser les pensions complémentaires pour ces 13
01:47 millions de retraités.
01:48 Et puis, la question de la fin d'un malus qui existait temporairement, qui est également
01:55 supprimé, donc ça, c'est aussi une avancée.
01:56 Pour la CFDT, ça devrait être oui.
01:57 Pour le moment, on est confiant.
01:59 En tout cas, la délégation a fait du bon boulot et va proposer la signature.
02:03 Et le malus, autrement dit, cette décote intemporaire de 10% qui touchait des salariés
02:07 qui avaient fait une carrière pleine, mais qui, voilà, depuis 2019, étaient amputés
02:10 de 10% pendant un temps, est-ce qu'il va persister ou est-ce qu'il va être supprimé ?
02:13 Alors, il va être supprimé pour tous les nouveaux entrants dans le régime de retraite.
02:17 Ça, c'est aussi ce qu'on a demandé, ce qu'on a obtenu.
02:19 Et puis, ça, ça va être dès maintenant, à partir du 1er novembre également, pour
02:25 les nouveaux, ceux qui rentrent dans le régime, pour ceux qui arrivent.
02:28 Et ceux qui l'ont aujourd'hui, c'est aussi une bagarre qu'a menée la CFDT.
02:32 Il va être supprimé progressivement et il disparaîtra définitivement pour tous ceux
02:36 qui, aujourd'hui, ont un malus à partir du mois d'avril 2024.
02:40 Donc ça, c'est dans le même accord qu'il faudrait être ratifié par tout le monde.
02:43 Absolument.
02:44 Donc ça fait partie du package global.
02:45 Vous savez que la réforme des retraites que vous avez tellement combattue a quand même
02:47 fait un heureux.
02:48 Alors, il va falloir que vous me le présentiez.
02:51 C'est l'Agir Carco, justement, ce régime de retraite complémentaire qui est bien géré
02:55 par les partenaires sociaux, avec le patronat et les syndicats, et qui devrait engranger
02:59 22 milliards d'euros supplémentaires sur 15 ans.
03:02 Du coup, le gouvernement, il dit, puisqu'il y a une cagnotte par là, qui est un peu grâce
03:05 à nous, on va en prendre une partie pour financer la revalorisation des petites retraites
03:09 du régime général.
03:10 En quoi ça vous pose problème ?
03:11 C'est l'argent des salariés du secteur privé.
03:15 C'est l'argent qui est dédié à leur retraite complémentaire.
03:18 C'est de l'argent qui est géré paritairement par l'organisation syndicale et patronale.
03:22 Donc l'État n'a pas son mot à dire sur cette partie.
03:26 Donc là, on a un enjeu de respect de principes et respect des prérogatives des uns et des
03:32 autres.
03:33 Vous disiez qu'effectivement, le bénéfice de la retraite à 64 ans est reversé dans
03:39 le cadre des retraites complémentaires.
03:41 On le dit depuis des mois et des mois, voire presque une année déjà au gouvernement,
03:45 qui fait comme si ce sujet n'existait pas.
03:47 Pour vous, c'est non ? Le gouvernement ne doit pas prendre dans la caisse de l'Agir
03:51 Carco ?
03:52 Non, parce que ce n'est pas l'argent des organisations syndicales et patronales.
03:54 C'est l'argent des salariés qui ont cotisé et qui, grâce à la gestion qui a été rigoureuse,
04:00 aujourd'hui a cette cagnotte.
04:03 Ce n'est pas l'argent du gouvernement.
04:04 La CGT parle d'un "hold up" pour votre emploi ?
04:08 Pas forcément.
04:09 Ce n'est pas forcément notre vocabulaire.
04:10 Il y a d'autres termes qui ont été utilisés.
04:14 C'est juste que chacun dans son périmètre.
04:19 Si le périmètre de décision est à la main des organisations syndicales et patronales,
04:23 le gouvernement n'a pas à venir piocher.
04:25 Ce n'est pas ce qu'on appelle la solidarité, Marelise Léon ?
04:29 Non, ça veut dire que le gouvernement estime que lorsqu'il y a de l'argent quelque part,
04:32 il peut aller se servir.
04:33 C'est surtout ça qui pose problème.
04:35 Et ce qui, moi, m'interroge sur le fait qu'il soit en capacité de gérer correctement les
04:40 affaires.
04:41 Donc ce n'est pas une question d'argent ou de somme, c'est une question de principe ?
04:43 C'est une question de principe, absolument.
04:44 Donc vous n'êtes pas prêt à faire un geste ?
04:46 Non, on a eu des discussions dans le cadre de la négociation.
04:49 Il y avait des organisations qui ont rendu publiques leur décision, ont dit qu'on peut
04:54 flécher un petit peu d'argent.
05:00 Le gouvernement, de toute façon, nous a dit qu'ils étaient déterminés à venir piocher.
05:04 C'est un casus belli ou pas ?
05:06 Un casus belli, on va voir après quel va être le comportement du gouvernement.
05:10 Il mettra dans le projet de loi PLFSS la sécurité sociale ?
05:13 C'est ça, ça peut être une option.
05:14 Mais dans ce cas-là, je pense qu'il faudra qu'on reprenne les discussions sur leur vision
05:19 du dialogue social et l'ensemble des discussions qu'on a pu avoir, par exemple, au mois de
05:23 juillet avec la première ministre, qui disent qu'une nouvelle ère s'ouvre.
05:26 Après, la question des retraites, on veut co-construire.
05:28 Ça pourrait briser ce nouveau climat de confiance ?
05:29 Je pense que ça rebat les cartes.
05:31 Donc on va voir jusqu'où ils sont prêts à aller et quelles seront les suites.
05:35 Et vous, vous pourriez aller jusqu'à des mobilisations ?
05:37 Non, pas fort.
05:38 Alors là, on n'en est pas à ce stade.
05:40 La priorité du moment, c'est le pouvoir d'achat.
05:42 Il y a la conférence sociale le 16 octobre et c'est là qu'on a bien l'intention d'être
05:47 autour de la table pour dire combien le monde du travail a besoin de valorisation, de reconnaissance,
05:53 d'augmentation de salaire, d'égalité hommes-femmes.
05:55 Notamment pour ceux qui sont en dessous du SMIC, toutes les branches, 75 branches, je
05:58 crois qu'ils sont en dessous.
05:59 Il y a 75 branches qui ont des coefficients sous le SMIC.
06:01 Techniquement, tout le monde est payé au SMIC.
06:04 Personne n'est payé en dessous du SMIC quand on est à temps plein.
06:07 Néanmoins, vous avez des branches avec par exemple 5, 8 coefficients sous le SMIC.
06:13 Vous pouvez donc avoir 5 ou 8 évolutions de carrière, mais vous êtes toujours payé
06:18 la même chose, ce qui est inacceptable puisqu'il n'y a pas de reconnaissance du travail.
06:22 Vous préparez cette conférence sociale, vous allez voir Elisabeth Ban, je crois que
06:24 c'est la semaine prochaine, le 9 octobre.
06:25 Absolument.
06:26 Moi, j'ai une question quand même qui m'intrigue au programme de cette conférence sociale.
06:29 Il n'y a pas la question de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
06:32 Elle sera traitée, dit-on, indépendamment de ce rendez-vous-là.
06:35 Comprendre, on verra plus tard.
06:37 Il ne serait pas temps de se réveiller là-dessus parce qu'à force de renvoyer tout ça au
06:39 calende, on s'en fout de l'égalité entre les femmes ?
06:42 On aura l'égalité, je suis tout à fait d'accord si on continue…
06:44 Et pourquoi vous ne l'imposez pas ?
06:45 Alors, si on continue en l'état, la volonté et les actes qui sont posés dans les entreprises
06:52 et les administrations, on aura l'égalité salariale dans 150 ans.
06:55 Donc, on est tous d'accord pour se dire que ça ne va pas suffisamment vite.
06:58 Il y a trois thématiques qui ont été arrêtées par le gouvernement.
07:01 La CFDT a déjà fait savoir au service de la Première Ministre que nous voulions une
07:06 thématique en propre sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
07:10 Donc, nous avons demandé absolument que le 16 octobre, ce soit un sujet en tant que tel.
07:15 On a coutume de dire que quand c'est transverse, c'est traité un petit peu partout.
07:19 En gros, c'est traité nulle part.
07:20 Donc, nous, on a fait cette demande que ce soit explicitement un des sujets de discussion.
07:24 C'est une condition de votre participation ? Si ils vous disent non, vous dites quoi ?
07:25 On verra comment…
07:26 Si ils nous disent non, on verra comment, du coup, ils nous disent que c'est traité
07:31 partout.
07:32 On va voir selon quelle modalité.
07:33 On est au moment…
07:35 Voilà, chaque chose dans son temps.
07:36 On fait la demande que ce soit un sujet en propre et qu'il y ait des vrais débouchés
07:40 et des vraies décisions qui soient prises.
07:42 Ce ne sera vraiment pas l'heure du jour de cette convention sociale du 16.
07:45 Les allocataires du RSA devront pour la plupart 15 heures d'activité hebdomadaire en échange
07:49 de cette prestation de 608 euros par mois.
07:51 Est-ce que c'est logique ? Est-ce que c'est une logique que vous comprenez, que vous soutenez
07:54 ça ?
07:55 Je pense que c'est une logique que je comprends et que je soutiens encore moins puisqu'on
07:59 est en rupture avec le principe de solidarité nationale.
08:04 Le RSA, c'est un revenu pour les personnes qui n'ont aucune autre source de revenu.
08:12 Et conditionner cette solidarité nationale à de l'activité, ça veut dire que les
08:17 personnes qui n'ont pas d'activité, ils ne font pas ces 15 heures, on leur supprime
08:21 ces 608 euros.
08:25 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on est dans une société dans laquelle on est
08:32 prêt à dire « vous aurez zéro euro ». Et donc, il n'y a plus de cette solidarité.
08:36 Donc, moi, j'y suis totalement opposée.
08:39 Vous n'êtes pas d'accord sur grand-chose avec le gouvernement quand même.
08:42 Je vois tous les sujets qu'on aborde, il y a un problème.
08:44 Oui, c'est vous qui avez fait la liste des sujets.
08:46 Il y a des sujets sur lesquels on peut avoir…
08:47 Je n'invente rien.
08:48 Non, non, vous n'inventez rien.
08:49 Il y a vraiment le climat de confiance post-réforme des retraites ?
08:52 Le climat…
08:53 Parce que sur l'égalité homme-femme, ça ne va pas, sur le RSA, ça ne va pas, sur
08:57 la gestion d'Agir Carco et la ponction que faire, ça ne va pas.
09:01 Qu'est-ce qui va en fait ?
09:02 On n'est pas forcément obligé d'être d'accord.
09:06 Surtout, après, là, on est à un moment où on reprend le dialogue.
09:10 Après avoir eu un épisode retraite et six mois de mobilisation majeure, je pense que
09:16 si le dialogue se renoue, c'est grâce aussi au fait qu'on se soit largement mobilisé.
09:21 On a eu des manifestations historiques.
09:24 Et donc, c'est aussi le moment de poser l'ensemble des sujets, le creusement des
09:29 inégalités, le fait que beaucoup de travailleurs ne vivent pas dignement de leur travail.
09:34 Moi, je pense qu'un des enjeux de cette conférence sociale, c'est qu'on puisse
09:37 avoir des avancées extrêmement concrètes et que le gouvernement reconnaisse une avancée
09:43 concrète que l'on demande, c'est que les branches qui ont des coefficients sous le
09:46 SMIC ne doivent plus pouvoir bénéficier, les entreprises concernées ne doivent plus
09:51 pouvoir bénéficier des exonérations de cotisations.
09:53 L'État conditionne les aides au fait qu'il y ait une véritable discussion et de véritables
10:01 négociations dans ces branches.
10:04 L'État ne peut pas tout, mais l'État n'est pas forcément impuissant dans le cadre
10:08 de ces salaires.
10:09 J'ai une dernière question.
10:10 On parlait des allocataires du RSA, beaucoup se retrouvent au Restos du Coeur.
10:13 Les Restos du Coeur qui ont prévenu que pour la première fois de toute leur histoire,
10:16 ils allaient devoir refuser du monde dès le mois prochain, alors que ça fait presque
10:20 40 ans que Coluche nous disait, nous chantait qu'on n'avait plus le droit ni d'avoir
10:23 faim ni d'avoir froid.
10:24 Que faut-il faire, Marie-Lise Léon ?
10:26 Il ne faut certainement pas faire cette réforme du RSA, puisque là, on voit bien qu'on
10:29 est à la fois sur une conditionnalité d'activité et un durcissement des sanctions.
10:36 C'est-à-dire qu'on considère que les personnes qui sont au RSA, qui sont en grande
10:39 difficulté, qui ont recours à des associations comme les Restos du Coeur, n'ont pas la
10:45 possibilité de vivre dignement, voire même de se nourrir chaque jour.
10:49 Donc, ce n'est certainement pas en faisant cette réforme du RSA que les solutions seront
10:54 apportées.
10:55 Merci beaucoup Marie-Lise Léon d'être venu au Mécadevay.
10:56 Merci beaucoup.