Ester Manas - Nouvelles têtes

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Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
Transcript
00:00 - Et face aux nouvelles têtes avec vous Mathilde Serrel, ce matin la créatrice d'une mode sans aucun complexe
00:06 Esther Manas est dans le studio Portrait Sonore
00:09 - Si elle était un hymne, ce serait cette marche révolutionnaire de Beyoncé
00:23 haut de la puissance féminine et l'affirmation de soi indépendamment de la taille et du poids
00:28 - Si elle était un girl band, ce serait ces 5 anglaises qui bercent son enfance près de Toulouse
00:42 dans les années 90, elle se rêve déjà chanteuse, mais à laquelle des Spice Girls s'identifie-t-elle ?
00:47 C'est ça la vraie question !
00:49 Esther Manas, Ginger, c'est la rousse ? - C'est la rousse
00:52 - Je reprends votre Portrait Sonore
00:54 Si elle était une héroïne de film, ce serait plutôt Anna Tawai que Meryl Streep dans Le Diable s'habille en Prada
01:00 - Vous regardez dans votre placard et vous choisissez ce pauvre vieux pull vert par exemple
01:06 parce que vous voulez signifier aux autres que vous vous prenez trop au sérieux pour vous intéresser aux vêtements que vous devez mettre
01:12 mais ce que vous ignorez c'est que ce pull n'est pas simplement bleu, il n'est pas turquoise, il n'est pas lapis, en fait il est bleu céruléen
01:19 - Il est bleu céruléen ? Alors votre prise de conscience, à vous, votre déclencheur mode, c'est pas Meryl Streep
01:25 c'est ce qu'il fait et c'est ce qui fait que vous ne serez ni chanteuse, ni assistante maternelle, ni chef cuistot dont vous rêviez, c'est lui
01:32 C'est dans le dépôt de l'armée du salut que Martin Margiela a décidé cette année d'installer son défilé
01:38 Après le métro et un chantier, il fallait rester le plus original, le tout pari de la mode branchée a répondu présent
01:44 - Et oui, à l'époque on disait encore branché, au début des années 2010, le belge Martin Margiela entraîne la mode dans une autre dimension
01:51 comme elle aujourd'hui avec ses modèles taille unique, sexy en diable et bien sûr éco-responsable
01:56 A 31 ans, sa marque est en 2019 double ses commandes après chaque défilé, habille les stars, les nasituations, l'iso, isulte et célèbre tous les corps
02:05 Esther Manas, bonjour ! - Bonjour
02:07 - Alors d'abord je précise que vous êtes deux, Esther Manas, vous êtes deux personnes, est-ce que vous pourriez décrire votre moitié ?
02:13 - Il s'appelle Balthazar, pour le décrire je dirais que je suis un peu Britney Spears et lui il est un peu Ba'aos
02:22 donc entre guillemets les opposés sur la terre, il est immense et mince et je suis petite et grosse
02:29 donc quand je dis les opposés sur la terre c'est en tout point, il est sérieux, hyper intelligent, droit dans ses bottes
02:35 et moi peut-être pas autant que lui, donc du coup on se complète méga bien
02:41 et c'est pour ça qu'on a décidé de fonder Esther Manas sous mon nom ensemble
02:45 - Son votre nom à vous, c'est le nom de ce choix
02:47 - Oui et il est élégant parce qu'il m'a laissé l'honneur de filer mon nom à cette marque
02:55 et c'est vrai que je pense que pas beaucoup d'hommes dans l'industrie et même en général auraient eu cette grâce, donc bravo à lui
03:02 - Bravo Balthazar qui est juste à côté, mais vous, vous venez du sud-ouest de la France, vous êtes basé à Bruxelles, vous avez étudié le stylisme à la Cambre
03:09 c'est une célèbre école d'art et de mode, vous êtes passé et passionné par les maisons Balenciaga et Paco Rabanne
03:16 on écoutait un extrait du Diable s'habille en pralat, comment vous avez été accueillie dans le milieu de la mode ?
03:20 Est-ce que vous avez eu une Meryl Streep ? Est-ce que vous avez eu affaire à une Anna Wintour ?
03:24 - Alors oui, quand j'ai été stagiaire il y avait beaucoup de Meryl Streep dans ma vie
03:30 c'est pour ça qu'on a fait aussi cette maison, cette petite marque en tout cas
03:36 pour essayer d'enterrer un peu toutes ces idées Meryl Streepiennes
03:41 - Vous avez aussi financé votre marque, il a fallu aller convaincre les banquiers, c'est une maison auto-financée, il faut le dire, c'est important quand même, qu'est-ce que vous leur disiez ?
03:51 - Alors déjà j'ai eu beaucoup de chance parce que ma banque Assia Insulpis sur Tarn, Big up à elle, a été vraiment vraiment hyper généreuse et soutenante
03:59 ce qui est assez rare pour une petite banque de province, donc je suis hyper contente
04:02 Bref, en tout cas oui, il a fallu aller les convaincre mais elles me suivaient pour m'aider dans mes études depuis déjà des années
04:08 donc je dirais que la pilule est passée plus facilement quand je suis arrivée avec un petit succès
04:12 - Alors votre succès c'est cette idée révolutionnaire, faire des vêtements qui se portent indifféremment, qu'on fasse du 34 ou du 52, comment c'est venu cette idée-là ?
04:22 - Par une problématique méga égoïste, voilà, moi je fais un 46 et c'est vrai que j'avais beaucoup de difficultés à me projeter dans ce milieu
04:32 c'est pour ça que ça ne m'intéressait à un moment plus du tout, que je voulais arrêter mes études, etc.
04:35 parce que faire du chiffon pour du chiffon c'est pas un truc qui me plaisait, surtout quand on se projette pas dedans
04:40 et en fait cette idée hyper égoïste, je me suis rendu compte que pas mal de femmes partageaient ma préoccupation
04:45 et ces petites questions en cabine d'essayage qu'on peut se poser, du genre est-ce que je suis invitée par ici ou par là ?
04:51 et donc une chose en entraînant une autre, cette espèce d'obsession égoïste est devenue un truc vrai.
04:59 - Donc on peut porter, quelle que soit sa taille, une robe et sa manne, c'est-à-dire que c'est la même robe pour vous, pour elle, pour moi, la même robe, on se dit pas les tailles.
05:10 - Voilà, je la prends en 36, voilà, donc on supprime ça.
05:14 - On supprime la malédiction du portant, ou la malédiction du magasin grande taille.
05:19 - Exactement, on supprime aussi la malédiction de la pollution de la mode, il faut le rappeler c'est 80% de fibres recyclées et de chutes de stock que vous utilisez
05:27 et comme ce sont des modèles qu'on peut porter avant, après sa grossesse ou toute la vie, c'est pareil aussi, c'est extrêmement responsable.
05:32 Bref, on a envie de vivre dans votre futur de la mode et c'est un manas.
05:36 Vous avez Suger Libre, maintenant on va essayer de comprendre quel est ce vestiaire féminin, il y a toujours une robe iconique, quel est la vôtre ?
05:42 Vous la dessinez en direct.
05:43 - Très bien.
05:46 Donc, dans notre travail, comme vous l'avez dit, on a toujours mis l'accent sur la célébration des corps multiples et surtout évidemment des femmes.
05:53 Notre meilleure arme donc, c'est cette robe, une robe plutôt longue je dirais, qui est mi-mollée.
05:59 Elle est légèrement transparente, en tulle souple, c'est une sorte de résine recyclée provenant de déchets plastiques.
06:06 Elle est patronnée directement pour suivre les lignes du corps, sur le buste.
06:11 Elle accompagne la poitrine, elle souligne les épaules, puis elle se resserre délicatement sur la nuque, sur les flancs, les hanches et les bras.
06:19 Nous, on a choisi de dégager le tissu, de laisser la peau complètement à vue, complètement à nu.
06:24 Et sur la jupe de cette pièce, il y a une immense fente, une immense fente qui est vraiment grande, qui sépare le drapé d'égoulinant en deux.
06:32 Et ça me fait vraiment penser à un rideau italien, c'est hyper riche, gourmand, généreux.
06:37 Cette fente dessine vraiment un volume asymétrique sur le corps, elle laisse généreusement, vraiment généreusement entrevoir la peau.
06:45 C'est une jambe assumée pour moi, et une jambe qui ne se termine jamais.
06:49 Merci Esther Manas ! C'est la robe française signature.
06:53 Esther Manas, je rappelle que vous ne défilerez pas à la Fashion Week lundi, car vous voulez vous reposer pour créer ça aussi ! C'est le futur !
06:59 Merci Mathilde !