Plana Radenovic a rencontré Redoine Faïd en prison. Elle est l'auteure de "Depuis l'enfer gris, Lettres de Redoine Faïd à Plana Radenovic" aux éditions Michalon (Polar Réels).
Regardez L'invité de RTL du 05 septembre 2023 avec Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL du 05 septembre 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez.
00:10 Amandine Bégaud, vous recevez ce matin notre consoeur journaliste Planar Adénovic.
00:13 Planar Adénovic, je le disais, vous êtes sans doute la spécialiste de Redouane Faïd.
00:18 Vous avez travaillé à La Voix du Nord puis au JDD et vous êtes l'une des rares journalistes à l'avoir rencontré.
00:22 Lui qu'on surnomme le roi de la belle, alors même qu'il était en détention, c'était quand cette rencontre ce face à face ?
00:28 Alors je l'ai rencontré en octobre 2019 au Parloir à Vendin-le-Vieil, qui est l'une des prisons les plus sécurisées de France.
00:35 Et en fait, donc je l'ai rencontré au Parloir, j'ai subi
00:39 les mêmes mesures que subissent ses proches, c'est à dire que je l'ai vu derrière une vitre de plexiglas.
00:45 À quoi il ressemble ? Qu'est ce qu'on ressent quand on se retrouve face à
00:49 un braqueur multirécidiviste ?
00:51 Alors il ressemble pas à un braqueur multirécidiviste, il ressemble pas non plus à la personne qu'il était en
00:57 2010 lorsqu'on l'a vu courir les plateaux télé.
01:00 Il ressemble à quelqu'un qui est à l'isolement depuis longtemps.
01:03 Il a le teint un petit peu gris, verdâtre même, de quelqu'un qui voit pas le soleil.
01:08 Il est amégris et il est clairement vieilli par rapport à l'image qu'on a un petit peu partout.
01:14 On va revenir sur ses conditions de détention, c'est le détenu le plus surveillé de France, plus que
01:20 Salah Abdeslam quand il était détenu ici en France.
01:25 Il faut rappeler qu'il s'est quand même évadé deux fois, à chaque fois de façon extrêmement
01:29 spectaculaire. La première fois c'était en 2013 de la prison Lille-Cequedin.
01:33 Oui c'était le 13 avril 2013 et il a pris en otage
01:36 quatre surveillants avec qui il a passé toutes les portes de la prison en faisant sauter ses portes à l'explosif.
01:43 Donc avec beaucoup de sang-froid de sa part et puis de terreur évidemment pour les surveillants.
01:48 Ça dure 20 minutes, il parvient à ouvrir toutes les portes. À l'époque il a déjà purgé
01:54 plusieurs peines et été condamné à plusieurs reprises pour une série de braquages.
01:57 Il est soupçonné d'avoir organisé celui qui a coûté la vie à une jeune policière municipale, Aurélie Fouquet, on s'en souvient c'était
02:03 à Villiers-sur-Marne, ça avait suscité une très très vive émotion. La deuxième évasion elle est encore plus spectaculaire
02:10 parce que ça se passe avec un hélicoptère.
02:12 Oui cette évasion elle est complètement folle, enfin quand on parle à des personnes de l'administration pénitentiaire encore aujourd'hui,
02:19 je pense à la directrice de Réau, Julie Latout, ils en reviennent toujours pas. En fait un hélicoptère
02:25 s'est pas posé, était en vol stationnaire au dessus de la cour d'honneur qui n'avait pas de filins de sécurité de ce centre pénitentiaire
02:32 qui est très sécurisé aussi, il y a des gros profils là-bas.
02:36 Donc évidemment que tout le monde a trouvé ça fou et puis ça faisait vraiment comme dans un film. Il y a d'ailleurs un détenu
02:42 qui a filmé et on le voit partir en faisant un salut militaire
02:46 aux autres détenus. Comme dans un film, il faut le savoir que Rédouane Faïd s'est souvent inspiré de films
02:52 pour commettre ces braquages. Oui oui en fait il est fan de films d'action, il est fan de Belmondo,
02:59 il aime bien aussi Michael Mann, notamment il s'est inspiré du film Hit pour un de ses braquages et
03:05 quand il y a eu sa rédemption en 2010,
03:08 il avait dit à la Cinémathèque française, à une rencontre à Michael Mann, que ce réalisateur l'avait inspiré.
03:14 Donc Michael Mann était un peu gêné. Avec un petit côté Mégalo
03:18 sans doute. Oui je pense qu'à cette époque là, alors moi c'est pas ce Rédouane Faïd là que je connais, mais celui de 2010,
03:25 oui j'imagine que pour penser
03:27 réussir ce genre d'opération, il faut avoir une haute confiance en soi-même c'est sûr.
03:33 Il vous a parlé de ses évasions ?
03:35 Alors pourquoi il avait fait ? Oui alors il n'a pas pu me parler des détails de Réau puisqu'il ne les a pas donnés à ses juges.
03:42 Donc évidemment voilà il n'allait pas me les donner à moi alors que toutes nos lettres sont lues par l'administration pénitentiaire.
03:48 Mais par contre il m'a parlé de la raison pour laquelle il s'évadait, il se ré-évadait.
03:53 Donc à part évidemment l'appel de la liberté qui est voilà un peu évident. Mais par contre il m'a expliqué que pour lui c'était comme
03:59 une drogue, comme
04:02 comme l'adrénaline en fait. Il me dit en fait, il parle de, il dit quand on a surfé à Nazaré donc
04:09 voilà ce spot en Israël, c'est dur de faire du pédalo sur les remous de la Seine. En fait c'est son image mais c'est pour dire
04:17 qu'en gros quand on a connu ce type d'adrénaline là, c'est très dur de revenir à une vie normale.
04:21 Mais ça veut dire que quand en 2010, et vous le disiez Planin, il court les plateaux télé pour faire la promotion de son autobiographie,
04:27 on le voit arriver
04:29 costume, chemise blanche,
04:31 il jure alors qu'il ne recommencerait pas, il joue les repentis, il dit même "mes démons ne sont pas endormis, ils sont morts".
04:39 Il n'y croyait pas, c'était faux tout ça ?
04:42 Alors justement, moi je pense qu'à l'instant T, il a voulu y croire, peut-être même s'auto-berner pour
04:48 pour essayer de se mettre dans sa vie parce qu'à ce moment là il a une compagne.
04:51 Lui il a toujours voulu être père de famille, il n'a pas été mais cette compagne là a un
04:56 petit enfant que lui il a plus ou moins adopté, pas administrativement mais il s'en occupe beaucoup.
05:01 Donc je pense qu'il a quand même envie d'avoir une vie normale, il est commercial, ça marche super bien
05:06 parce que c'est quelqu'un qui a du bas goût. Donc je pense qu'il a envie de l'être, il a envie d'y croire à ce moment là.
05:12 Mais ça c'est, on ne peut pas le savoir, c'est au fond de lui-même.
05:14 On le décrit effectivement comme quelqu'un qui a du bas goût, charmeur, séducteur ?
05:19 Alors moi je ne l'ai pas vu comme ça mais moi j'ai vu un homme d'une cinquantaine d'années qui était à terre et qui était
05:25 anéanti et qui n'était pas du tout ni dans le charme ni dans la séduction.
05:27 Mais en effet quand on le voit avant, oui.
05:29 Vous êtes beaucoup intéressé à ces conditions de détention.
05:33 Je le disais, c'est le seul détenu de France à avoir telle condition à l'isolement depuis 2013, depuis dix ans, c'est-à-dire sans aucun contact avec l'extérieur.
05:39 En même temps j'ai envie de vous dire, après tout ce qu'il a fait et après deux évasions, c'est normal.
05:44 Bien sûr, alors en fait,
05:46 il faut tout à fait comprendre la pénitentiaire qui
05:50 juste gère la sécurité de ses établissements et qui n'a pas envie qu'il s'évade une troisième fois.
05:55 Ça c'est vraiment complètement compréhensible.
05:57 Ce qui est peut-être, en tout cas, ce qui pose question,
05:59 c'est l'accumulation de mesures coercitives.
06:02 Donc c'est-à-dire, outre l'isolement, il y a ce parloir hygiophone,
06:05 donc le fait qu'il ne puisse pas toucher les membres de sa famille.
06:08 Il y a les fouillades nues à répétition.
06:10 Ces évasions, elles ont toujours lieu lors d'un parloir.
06:12 Voilà.
06:13 C'est aussi pour ça que ces parloirs sont sans doute très très sûrs.
06:15 Bien sûr, en fait, tout ce que vous décrivez est juste et compréhensible du point de vue de la pénitentiaire.
06:21 Après, si on se place du point de vue des droits humains,
06:23 ce régime en longue durée crée des séquelles psychologiques irréversibles.
06:29 Donc, qu'est-ce qu'on fait ?
06:31 Parce que là, il risque la perpétuité avec l'évasion de Réo.
06:34 Là, à date, il est libérable en 2046, donc à 74 ans.
06:40 Ouais, c'est ça.
06:41 Donc, en fait, qu'est-ce qu'on fait de cette personne-là ?
06:44 Est-ce qu'on le laisse dans un cercueil de béton ?
06:46 Bon, on ne peut pas parler de réinsertion,
06:48 mais normalement, l'une des prisons, l'une des missions de la prison, il y a la réinsertion.
06:51 Pour lui, on ne peut pas parler de réinsertion.
06:53 Mais on peut quand même imaginer qu'une personne, au bout d'un moment, en détention,
06:57 elle va peut-être un petit peu changer, que ça aura une utilité, tout ça.
07:02 Et c'est l'un des arguments que vont utiliser ces avocats au procès qui s'ouvre tout à l'heure.
07:06 Vous le disiez, Planaren et Dnovik, il n'a jamais rien dit pendant l'instruction au juge
07:11 sur l'évasion de cette prison de Réo.
07:13 À vous non plus, il ne vous a pas confié les détails, mais expliquez plutôt le pourquoi.
07:17 Est-ce qu'il faut s'attendre à le voir parler ?
07:19 Alors, moi, je ne pense pas.
07:21 Pourquoi ?
07:22 En fait, il faut voir que ses co-accusés dans le boxe, ce sont des très très proches.
07:28 Enfin, c'est sa famille, ses frères, ses neveux.
07:30 Bon, du coup, en parlant, il pourrait tout à fait mouiller ses proches.
07:34 Et c'est quelqu'un qui a un sens aigu de la famille.
07:36 Donc, ça m'étonnerait beaucoup qu'il fasse ça.
07:38 Et après, il y a le volet Corse.
07:40 Et c'est pareil, le grand banditisme Corse n'est pas connu pour être très bavard.
07:45 Donc, je ne suis pas sûre qu'on ait des révélations sur les détails de cette évasion.
07:51 Vous disiez, c'est comme un drogué, il a besoin de sa dose d'adrénaline au bout d'un certain temps.
07:57 Au fond de vous, est-ce que vous pensez qu'il se ré-évadera, si tant est que le mot existe, qu'il s'évadera à nouveau un jour ?
08:03 Franchement, je ne peux pas le savoir.
08:06 Moi, de la personne que j'ai vue, j'avais l'impression d'aller voir ma grand-mère à l'hôpital.
08:13 C'était vraiment une personne...
08:15 On vieillit prématurément.
08:17 Je ne lui vois pas cette même énergie, ce même bagout, cette même envie de vivre, clairement.
08:24 Donc, j'ai l'impression que non.
08:27 Mais on ne peut pas...
08:29 Après, c'est vrai qu'on vit avec l'espoir.
08:31 Et lui, sa seule perspective, c'est de sortir de prison une fois qu'il sera vieux, 80 ans ou 75 ans.
08:38 Donc, peut-être que ça peut lui traverser l'esprit, oui.
08:41 Là, il pourrait être condamné à la perpétuité libérable.
08:44 Un instant avant même ce procès, pas avant 2046.
08:47 Un grand merci, Plana Radenovic, d'être venu nous parler ce matin de celui qu'on surnomme le...
08:53 conclue.
08:54 [SILENCE]