• l’année dernière
Avec Anne Rosencher, journaliste, écrivain et directrice déléguée de la rédaction de l’Express.

Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite

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Transcription
00:00 toute subjectivité aujourd'hui avec la directrice déléguée de la rédaction de l'Express,
00:05 Anne Rosancher, bonjour ! Bonjour Nicolas, bonjour à tous ! Heureux de vous retrouver,
00:08 c'est un des thèmes centraux de la rentrée, la reconquête des classes moyennes et populaires.
00:14 Oui, tout le monde s'y est lancé, y compris Emmanuel Macron, dont on a appris dans un
00:18 récent article du Monde qu'il voulait désormais tout savoir de ce que pense Jojo le Français,
00:24 l'expression est de lui.
00:26 Alors comment la classe politique se figure-t-elle les gens ordinaires ? Et plus généralement,
00:31 quel est le portrait robot qu'en dresse la conversation publique et la production culturelle
00:36 qui façonnent nos univers mentaux ? Prenons un exemple, le cinéma.
00:41 Un temps, les Gabins, les Ventura, les Arletti ou les Signoret ont incarné une iconographie
00:46 populaire riche et diverse.
00:48 L'essayiste Christophe Guilly, lui, cite souvent l'exemple de la bête humaine, le
00:52 film, adapté bien sûr du roman d'Ozola par Jean Renoir, fils du peintre Auguste Renoir.
00:57 Gabins y crève l'écran en cheminot tragique.
01:00 Et bien la bête humaine, c'est l'exemple d'un film réalisé par un grand bourgeois
01:04 qui met en scène un personnage du peuple hyper complexe.
01:08 Au reste, son statut social n'est pas l'essentiel, c'est juste un grand personnage.
01:13 Et selon vous, ce genre de représentation n'existe plus ?
01:16 Oh, il y a tout dans la production culturelle d'aujourd'hui.
01:18 Mais oui, je me creuse un peu la tête pour trouver l'équivalent contemporain aux casques
01:23 d'or, enfants du paradis et autres bêtes humaines.
01:26 Aujourd'hui, on tend de plus en plus à représenter le populo soit de façon beauf, façon groseille
01:31 ou des chiens, soit de manière misérabiliste, comme une victime qui ne parvient pas à joindre
01:37 les deux bouts et qui aurait une vie à se pendre.
01:40 Dans les deux cas, c'est un regard en surplomb.
01:42 Et ces représentations, qui dépassent bien sûr le cinéma que je ne prenais que comme
01:46 un exemple, sont lourdes de conséquences.
01:49 Lesquelles ?
01:50 D'abord, peut-on représenter politiquement ce que l'on peine à se représenter dans
01:55 sa tête ?
01:56 La caricature de la France périphérique en repère de beaufs un peu bêtes d'un côté
02:00 ou en agrégat de vie miséreuse de l'autre sont deux impasses politiques.
02:04 Dans le premier cas, cela conduit à vouloir faire de la pédagogie au peuple du soir au
02:09 matin.
02:10 Dans l'autre, à prétendre que ses aspirations se résument au guichet social.
02:15 Dans les deux cas, cela aggrave le contentieux et pousse nombre d'électeurs vers l'abstention
02:19 ou l'URN.
02:20 Autre conséquence, la diffusion progressive de ces représentations creuse d'autant plus
02:25 les fractures du pays que nos différentes sociologies s'y croisent de moins en moins.
02:29 Et que les caricatures de part et d'autre ne sont pas corrigées par une fréquentation
02:34 du quotidien.
02:35 Pour ces raisons et pour d'autres encore, il me semble que cette question des représentations
02:39 est fondamentale.
02:40 Prêtons-y attention, comme ça, cela paraît peut-être insaisissable.
02:44 Mais quand on y prête attention, c'est saisissant !
02:47 Nicolas Demorand : Anne Rosancher, merci.

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