Avec Anne Rosencher, journaliste, écrivain et directrice déléguée de la rédaction de l’Express.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
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00:00 de toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction de l'Express,
00:04 Anne Rosan, chère, bonjour ! Bonjour Nicolas, bonjour à tous ! Ce matin, Anne, vous nous
00:08 parlez de l'obsession de beaucoup de politiques pour les médias. Oui, un livre paraît aujourd'hui
00:13 chez Gallimard qui raconte de l'intérieur six années au service de l'État, dont deux
00:17 en cabine à ministériel entre 2019 et 2021. À travers cet ouvrage, Emmanuel Constantin,
00:23 c'est l'auteur, tire les leçons de son expérience dans « La machine de l'État », c'est le titre.
00:28 Il documente notamment un phénomène dont j'ai maintes fois pressenti l'existence,
00:33 mais qu'il confirme d'une phrase simple et lucide en page 80. « Au sein des équipes
00:37 ministérielles, nous sommes obsédés par les médias et leurs réactions. » L'obsession
00:44 qu'il décrit est paradoxale. Elle consiste d'abord à vouloir exister à tout prix. On
00:49 sait ce qu'il peut en coûter pour un ministre de ne pas avoir assez de « surface médiatique
00:54 » ou de ne pas « imprimer » comme on dit en bon jargon « techno ». Voilà qui conduit
00:59 beaucoup de ministres à chercher à parler le plus possible, avec à la clé d'être
01:04 aspiré dans un mirage de communication. En gros, ce qui est dit publiquement est considéré
01:09 comme déjà fait. Alors, dites-nous, quel est le deuxième volet de cette obsession
01:12 paradoxale ? Et bien, c'est la volonté effrénée de gommer ou de contrôler la réaction critique.
01:18 Emmanuel Constantin décrit des bureaux où BFM est allumée en continu, des chargées
01:23 de communication qui doivent s'efforcer de « scruter Twitter » en permanence pour
01:27 y traquer un mauvais buzz en gestation ou dégainer une réponse rapide. Paradoxale
01:33 obsession, en effet, que de vouloir d'un côté être omniprésent et de l'autre
01:36 échapper à la critique. Faut-il n'y voir que du narcissisme ? L'auteur se demande
01:41 tout de même s'il n'y a pas une sincérité démocratique dans le fait de se préoccuper
01:46 des réactions de la société à travers l'écho des médias.
01:49 Bon, et vous alors ? Vous en pensez quoi ?
01:52 Et bien, peut-être qu'il y a cette sincérité. Mais si les politiques se figurent que les
01:56 réactions des médias, leurs buzzs, positifs ou négatifs, sont totalement représentatifs
02:01 de l'ensemble des Français, là, ils se trompent. C'est d'ailleurs un des nombreux
02:05 aspects de la crise de la représentativité que la France traverse. Les médias, dont
02:10 je ne m'exclus nullement, continuent de conserver une influence importante auprès
02:14 du pouvoir par leur place d'acteur, privilégié de l'opinion publique. Oui, mais l'opinion
02:20 publique, est-ce la même chose que l'opinion générale ? La question se pose, surtout
02:24 que de plus en plus de Français se détournent des médias par fatigue ou par sentiment d'y
02:29 être mal représentés. Cette asymétrie entre le pouvoir d'influence et la représentativité
02:35 réduite des médias est un sujet démocratique. On dira que je joue contre mon camp, mais
02:40 oui, il faut que les médias se soucient de plus représenter, on en a parlé ici,
02:46 maintes fois, mais aussi que les politiques soient moins obsédés par ce que les médias
02:50 pensent.
02:51 Anne Rosancher, merci et à jeudi prochain.